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EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE
EN 1873.
FRANCE.
COMMISSARIAT GENERAL :
PARIS, HOTEL DE CLUNV, RLE Dü SOMMERARD:
VIENNE, IG, PARK RING.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE
EN 18 7 3.
F R A N C E.
COMMISSION SUPERIEURE.
RAPPORTS.
TOME II.
PARIS.
IMPRIMERIE NATIONALE.
m nccc lxxv.
INDEX
RAPPORTS DES ME MB RES FRAN$AIS DU JURY INTERNATIONAL.
Pages
I Arts chimiques. — M. Lamy 3
Produits chimiques. — M. Wurtz 27
Arts chimiques, parfumerie. — M. Ghiris 35
i Subslances alimentaires. — M. Arnaud-Jeanti 4 1
Substances alimentaires, conserves. — M. Boucherot 49
Vins et spiritueux. — M. Teissonniere 55
Fabrication de ia liiere. — M. Aime Girard 85
\ Pieces justificatives. — M. Arnaud-Jeanti 117
/ Laines. — M. Dauphinot i3g
Tissus de laine cardde. — M. Demar 153
Soies et tissus de soie. — M. Natalis Rondot i5g
1 Tissus.de coton unis, faconnes, mdlangds, et bis de coton.
1 — M. Adolphe Delhaye 2 45
I Tulles et dentelles ä la mdcanique. — M. Adolphe Delhaye.. 267
Groupe V / Dentelles. — M. F. Aubry. 277
Broderies a la inain et ä la mdcanique. — M. Basquin ... 291
Passeinenterie, fleurs, plumes, boutons. — M. Pariot-Lau-
rent 299
Habillements des deux sexes, habits, chapeaux, casquettes,
chaussures, gants, lingerie, confections.— M. .1. Carlhian. 307
1 Chaussures. — M. F. Pinet 313
Groupe VI Industrie du cuir et du caoutchouc. — M. Charles Soyer.. . 3a5
j Objets d’or et d’argent, joaillerie, orfdvrerie, bijouterie. —
l MM. Rouvenat et Fontenay 3j3
Groupe Vll. . . . { Bronzes. — M. Gustave Dreyfus 3g3
I Armes de toutes sortes, ä l’exception des armes de guerre.
\ — M. Gastinne-Benette 897
Groupe VIII.. . . Bois ouvres. — M. Charles Rossigneux 415
RAPPORTS
DES MEMBRES FRANCAIS
6
DU
JURY INTERNATIONAL.
GROUPE III.
F
T
AKTS CHIMIQUES.
RAPPORT DE M. LAMY,
MEMBRE DU JURY IPfTERNATIONAl,.
c 0 N S11) E R ATI ü N S GEN E R ALES.
Dans 1 ensemble des arts chimiqucs, la France a conservc la superio-
rite quelle avail a l’Exposition universelle de 1867. Le nombre (1 5i) de
ses exposants a Vienne etait pourtant fort restreint; mais celles de nos
grandes industries qui, malgre nos recents desaströs, avaient tenu ä hon-
neur de concourir, etaient rcpresentees par nos premiers fabricants, dont
les vitrines renfermaient les plus beaux specimens de leurs divers genres de
fabrication.
L’Alleiuagne et l’Autrichc-Hongrie avaient, au contraire, de nombreux
exposants, et lexposition de la premiere de ces puissances, de beaucoup
superieure a celle de la seconde, ötait aussi remarquable que complete.
L’Angleterre etait tres-imparfaitement representee : son exposilion ne
pouvait nullcment donnerune idee de Timmense Industrie chimique de ce
pays.
A la France ontele accordees i3a recompenses *, sur lesquelles 7 grands
diplömes d’bonneur, 27 miidailles de progres, A 9 medailles de merite
et mentions honorables 2 . LAllemagne, la seule nation qui a bitte se-
ileusement avec la France, mais avec un nombre presque tnple d’exposants,
a oblenu 6 grands diplömes d’bonneur, 44 medailles de progres, i5a
medailles de merite et 1 45 mentions honorables. L’Autriche-Hongrie, avec
1 Dans ce nombre ne sont pas comprises
20 medailles de merite, et 29 mentions hono -
rables accordees ä bAIgerie et a nos aulres
colonies.
2 Les questionnaires adresses a chaque oxpo-
sant devaient fournir au Jury lous leselemenls
Tiecessaires pour faoilitor son travail et asseoir
ses jugements. Malheureusemenl, la plupart
de nos compatriotes ont neglige de repondre
aux questions qui leur avaient ete posees, de
sorte que, s’il en est dont le merite n’a pas ete
suffisamment reconnu et recompense, ils ne
peuvent que s’en prendre ä eux-m^mes de ce
regrettable rosultat.
1 .
h
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
plus d’exposanls encore, n’a eu qu’un grand diplome d’honneur, ao me-
dailles de progres el 2 52 medailles de 3 e et ordre. Elle venait bien apres
des pays beaucoup moins populeux, comme la Belgique et la Suisse. 11
est a peine necessaire de faire remarquer que, pour apprecier le rang
d’une nation a l’Exposition, il ne suffit pas de considerer le nombre relatif,
mais encore la valeur des r6compenses qui lui ont 6(4 accord6es.
SEGTION I.
PRODU1TS DE LA GRANDE INDUSTRIE.
Des cinq seclions qui composent le groupe 111, la premi^re est de beau -
coup la plus importante par la masse enorme des produits qu’elle repre-
sente, et qui sont comme les matieres premiercs d’une foule d’autres indus-
tries, tenant de pres ou de loin a la chimie. Dans le court espace de cinq
annees, onnepouvait guere s’atlendre a ce que des perfectionnements bien
considerables eussent pu s’accomplir dans des proc6des industriels eludies
et pratiques depuis longtemps. L’Exposilion de 1873, en effet, n’a pas
revel6 de fabrications essentiellement nouvelles, mais eile a permis de cons-
tater que de notables ameliorations dans les details avaient ete realisees, et
qu’une grande impulsion avaitete donnee a la plupart des genres de fabri-
cation L
Nous ne signalerons ici que les progres les plus saillants accomplis de -
puis l’Exposition derniere. Comme l’6tat de la grande Industrie chimique,
ä cette epoque, a 6t6 expos6 avec beaucoup de developpements dans le
remarquable rapport de M. Balard, nous supposerons ce travail connu,
alin d’eviter des rep6titions et des longueurs.
I
ACIDE SULFURIQUE.
Les efforts des fabricants se sont surtout port6s vers l’am61ioration des
procedes de combustion des menus de pyrites, et de concentration des
acides obtenus.
Combustion des pyrites. — Relativement a la combustion des poussieres,
on a renonc6 de plus en plus a les agglomerer avec de l’argile en boules
ou briquettes, et on les brule tres-g6neralement aujourd’hui dans des fours
appropri6s des systemes Perret, Gerstenböffer ou Hasenclever.
1 Le progres chimique qui a 4te signale tion des matibres eolorantes, la fabricalion de
comme le plus remarquable, c’est dans la sec- l’alizarine arlificielle au moyen de ranthracene.
ARTS CHIMIQUES. 5
En France, c’est le Systeme Perret qui est le plus cmploye. Dans de
bonncs condjlions d un travail courant, 1 es residus de la combustion ne
contiennent pas plus de 4 ä 5 p. 0/0 de soufre. Si Ton pouvait arriver a
une desulfuration plus complete, jusqu’ä ne laisser, par exemple, que
quelques inilliernes de soufre, on accroitrait le chiffre du rendement, en
meme temps qu’on aurait, comme residu, un assez bon minerai de fer,
dont la valeur viendrait en deduction des frais de fabrication de l’acide
sulfurique. Un tel resultal a eie obtenu par MM. Perret et Olivier en 1870 1 ,
et, pour faire juger de son importance, la grande Compagnie de Saint-
Gobain, Chauny et Cirey, fondue aujourd’bui avec la societe de MM. Perret
freres, avait expose des echantillons de fer lamines et lordus,provenant de
residus de pyrites, dont la teneur en soufre aurait ete reduite k moins
dun demi-centieme. On ne saurait mettre en doute que, par plusieurs
grillages et refroidissements successifs, suffisamment prolonges, on ne
puisse chasser k peu pres tout le soufre de Ja pyrite; mais la difliculte,
c est doperer cette purificalion dune maniere economique, sans depense
de main-d’oeuvre depassant la valeur du produit final obtenu. A ce point
de vue, on ne peutencore considerer les resultats annonces de desnlfura-
lion des residus de pyrite, que comme des essais interessants dignes d’etre
poursuivis.
Lcs fours de Gerstenbölfer, construits d’abord en Allemagne, en i864,
puis en Angleterre et meme en France, paraissent tres-avantageux pour
le grillage des pyrites et autres minerais sulliires relativement pauvres en
soulre. Dans le cas des pyrites riches, les inconvenients inherents ä leur
emploi sont assez serieux pour que ccs fours ne se soient guere repandus
dans les fabriques dacide sulfurique proprement ditcs. Au contraire, dans
plusieurs usines metallurgiques, oü l’on grille des minerais sulfures de
ciiivre, de zinc, de plomb, on a adopte ces fours, afin d’utiliser le gaz
sulfureux a produire de lacide sulfurique, plus particulierement employiS
pour rendre solubles les phosphates mineraux.
Le four de MM. Hasenclever et Helbig est de construction poslerieure k
1 Exposition de 1867. 11 a d’abord ete experimcnte a Slolberg, pres d’Aix-
la-Ghapelle, pour le grillage de la blende, par la fabrique de produits
chimiques la Rhenania, et, depuis cette epoque, 46 fours semblables ont
ete construits dans diverses usines de l’Europe. Un petit modele en bois
figurait a l’Exposilion.
Ce four, comme celui de M. Perret, se compose essentiellement d’un
massif inferieur, 011 four proprement dit a cuve, avec grillcs, pour bruler
Brevet du a5 inai 1870 (MM. Perret freres et Olivier).
6 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
lesmorceaux de pyrites, et d’une partie superieure avec tableltes ou dalies
refraclaires pour les menus. Mais la partie inferieure comprend k cuves
voisines, et les tableltes, au nombre de sept, au lieu d’etre horizontales
et de former une Serie d etages paralleles au-dessus de la cuve, comme
dansle four Perret, sont renfermees dans une tour rectangulaire, situee
ä l’uue des extremites du four; elles sont inclin6es en sens contraire les
unes par rapport aux autres de 80 degres environ, de maniere que la pynte
cn poussiere, debitee par une trernie superieure, puisse descendre natu-
rellement par son propre poids, en formant une couche de 8 ä 10 centi-
metres d^paisseur. Cette poussiere est brulee par les gaz suflisamment
oxygenes qui viennent des quatre comparliments du four, et qui s’elevent
en zigzag, en parcourant la surface de toutes les tableltes. 11 est necessaue
de remuer plusieurs fois par jour, avec un ringard en fer, la poussiere, afin
d’assurer son mouvement de descente. A cause meine de ce renouvellement
des surfaces ct de la facilite de combustion qui cn resullc, lepaisseur de
la poudre de pyrite peut etre plus grande que sur les tableltes du four
Perret. Toutau bas de la tour est une roue en fer pour relirer de temps en
temps les l’esidus.
Nous savons que plusieurs fabricants, qui ont adopte 1c four Hasen -
clever et Hel big, en sont tres-satisfaits; cependant nous nc pensons pas
qu’il soit d’un emploi preferable au four Perret.
Four ä eluges saus cuve. — Le succes des dispositions adoplees dans les
fours Gerstenhöfler et Hasenclever pour assurer la combustion des menus
de pyrite, en renouvelant plus ou moins souvent les surfaces, devait nalu-
rellement conduire ä essayer, dans le four du Systeme Perret, un mode de
combustion analogue, en supprimant la cuve et ne conservant (|ue les
etages a tablottes horizontales. Cet essai a, en elfet, eu lieu, ct M. Maletra
parait etre le premier fabricant qui ait parfaitement reussi. Dans ses fours
a etages, composes seulement de lablettes horizontales, on peut bruler
aisement les poussieres de pyrite, sans le secours d’autre chaleur f|ue celle
qui resulte de leur propre combustion. Mais les poussieres ne reslcnt pas
en repos pendant tout le temps du grillage; a des epoques determinees,
plus ou moins rapprochees, on lait passer la poussiere d un etage a letage
infericur; celle de la tablette la plus inferieure tombe dans le cendrier,
tandis que la tablette la plus elevee re^oit une nouvellc coucbe de pyrite
crue. Par cet avancement graduel vers les bouches d’acces de 1 air, on
remue completement les poussieres, ct, avec un hon tirage, on obtient
une combustion des poudres au moins aussi satisfaisante que celle des
fragments dans les fours a cuve; car on arrivc a ne laisser que i/a a i p. o/o
AKTS CHIM1QUES.
7
de soufre dans les residus. Le seul inconvenient un peu grave da four en
question c’est Fenlrainement d’une notable quantite de poussiere ferrugi-
neuse dans l’acide des cbambres.
Utilisation des residus. — Si les residus de pyrites grillees ne peuvent etre
utilises encore d’une maniere generale comme minerais de fer, on peut en
lirer un partl assez avantageux, mais bien limite toutefois, dans Fepu-
ralion du gaz d’&dairage, ä la place du sesquioxyde de fer hydrate naturel
ou artificiel. 11 est, en effet, a notre connaissance que, dans une usine du
Nord, on a adopt£ l’emploi de ces residus, et que la regeneration de
l’oxyde peut se faire une douzaine de fois, bien qu’il soit gen^ralement
admis par les cbimistes que l’hydrate seul de peroxyde puisse se prtlter a
ce mode d’epuralion et de rcvivification successives.
Extraction du cuivrc des pyrites grilUes. — Un grand nombre d’usines,
particulierement en Angleterre, brulenl des pyrites originaires d’Espagne,
de Portugal et de Norwiige,qui renferment quelques centiemes decuivre.
L’emploi de ces jvyrites parait avantageux pour les fabricants d’acide sul-
furique, parce qu’ils en retirentdu cuivre, et meme de Fargent, en meme
temps qu’ils obtiennent un oxyde de fer non sulfur^L Le mode general de
trailement consiste a griller, ä basse temperaturc, les residus, avec une
proportion de sei marin a peu pres double de la quantite de soufre qu’ils
renferment, pour transformer les sull’ures en cblorures solubles, et faire
passer le soufre a l’etat de sulfate de soude, egalemcnt soluble. De la
masse grillee et ensuite lessiv^e on retire, d’un cöte, une dissolution cui-
vreuse, d’oii Fon precipite le cuivre par cdmentation, et, de Fautre, un rc-
sidu insoluble, en grandepartie forme d’oxyde de fer debarrasse de soufre,
dont on se scrt plus particulierement pour faire le revetemcnt des fours a
puddler.
Conccnlralion de l’acidesulfurique. Tour Glover. —Pour concentrer Facide
sulfurique des chambres de 5a degres Baume a 6o degres r un. Anglais,
1 Cos pyrites renferment nussi, comme on
Silit, de Tor et d’autres melaux en minime
quantite. M. Clauilet a fonde ä Widnes une
usine dans laquelle il exlrait les metanx pre-
cieux par un procede fonde sur ce fait, que
l’iodure d’argeut est presque completement
insoluble dans une solution de sei marin, a la
temperalure ordinaire. On n retire ä Widnes,
dans l’annee 1871, sur i6,3oo lonnes de mi-
minerai brüte, 333 kilogrammes d’argent et
3 l ,i99 d’or. La valeur seule de ce dernier a
suffi a couvrir les frais d’extraction spticiaux a
la Separation des deux metaux precieux. A cette
occasion, nous ferons remarquer que la grande
fabrique autrichienne d’Aussig avait expose, au
milieu de sa belle Collection de produits chi—
miques, un grand flacon d’une douzaine de
iitres tout rempli de tballium provenant des
pyrites qui lui servent a fabriquer l’acide sul -
furique.
8
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
M. Glover, a trouve le moyen d’economiser notablement de combustible, en
ulilisant une partie de l’exces de cbaleur que possedent les gaz qui sortent
des fours a pyrites. A cet effet, les gaz convenablement refroidis, pGne-
trent a la base d’une grande tour en ploinb, revetuc interieurement de
briques, et remplie de coke ou de silex arrose constamment par l’acide
sulfurique faible, que verse du baut de la tour un tourniquet hydrau-
lique. En s’elevant dans cette tour, les gaz ecbangent leur chaleur avec
l’acide qui tombe en sens contraire, et l’amenent a Go degres Baume, en
lui enlevant environ 12 a 23 p. 0/0 d’eau. Celle—ci est entrainee dans les
chambres, et diminue d’autant la quantite de vapeur a fournir ä ces
chambres par les generateurs.
II importe cependant de remarquer que tout n’est pas economie ou be-
nefice dans cette utilisation de la chaleur des gaz qui sortent des fours a
pyrites. L’acide faible des chambres doit etre elev6,au moyen d’un monte-
acide en fonle epaisse, au sommet de la tour de concentration. Or ce
monte-acide s’use assez rapidement, et cette usure, ajoutee aux frais de
marche et d’enlretien de la pompe foulante, compense une partie de l’eco-
nomie du combustible qu’aurait cxige la concentration opGree en bassin a
l’air libre.
Pour concentrer l’acide sulfurique de Goa 66 degres Baume, un fabri -
cantde Bruxelles, M. Hemptine, a repris l’idee, dejä ancienne, de M. Kuhl-
mann, de substituer aux couteux alambics en platine ou aux vases si
fragiles en verre, des appareils en plomb dans lesquels on peut faire le
vide. L’appareil avec lequel M. Hemptine est parvenu ä realiser dans le
vide, sur une grande echelle, la concenlration a 66 degres, est certainement
tres-ingenieusemenl construit; mais il est un peu complique; l’operation est
disconlinue, d’une conduite dGlicate, exigeant des fermetures hermetiques
bien dilficiles a obtenir en travail courant; enfin l’acide doit etre debar-
rasse, par fdtration ou par depot, dune notable quantite de sulfate de
plomb qu’il a dissous et entraine: operations accessoires aussi desagrGables
que couteuses,
MM. Faure et Kessler, fabricants de produits cbimiques, a Clermont-
Ferrand, sont aussi les inventeurs d’un autre Systeme d’appareil, Systeme
mixte en quelque Sorte, qu’ils recommandent sous le rapport de l’economie
du prix d’achat et du combustible. Cet appareil consiste essentiellement
en une simple cuvette plate en platine, chaulfee ä la flamme directe d’un
feu de houille, etrenfermee dans une petite chambre ou dorne en plomb
refroidi, qui remplace la pansc, le col, le chapiteau et l’allonge de l’a-
larnbic ancien. D’un cöte, la cuvette recoit, par des tubes en plomb,
l’acide a 58 degres Baume, sortant des cbaudieres de concentration prepara-
AKTS CHIMIQUES.
9
toire; de l’autre, eile le laisse echapper ä 66 degres, d’une maniere con-
tinue, par un trop-plein en platine, qui communique d’abord avec un
refrigerant special en plomb, puis avec une Serie de cruches en gres, ou il
acheve de se refroidir, et enfin avec les touries d’expedition qui se rein-
plissent d’elles-memes. Les vapeurs aqueuses, condensees contre les parois
refroidies de la chambre en plomb, en sortent sous la forme de petites
eaux ä 26 degres Baunni.
La disposition nouvellc n’est peut-etre pas a l’abri de tonte objection en
ce qui concerne la fermeture de la cuvette: mais les inventeurs ont deja
modifie tres-avantageusement, sous ce rapport, leur appareil, et l’economie
qu’il procure est assez grande pour avoir deckle plusieurs usines, tant ä
l’etranger qu’en France, ä l’adopter.
Toutefois, on peut dire qu’aujourd’hui, d’une maniere tres-generale,
la concentration a 66 degres continue ä se faire dans les m4mes appareils
de vevre ou de platine qu’en 1867. Un magni6que alambic en platine, ca-
pable de concentrer 10,000 kilogrammes d’acide en vingt-quatre heures,
et construit avec tous les perfectionnements connus, avait ete expose par
MM. Johnson et Mathey, de Londres. Le tube de refrigeration, en platine
et ä soudure autogene, conime tout l’appareil lui-meme, etait contourne
en spirale, ä la fa^on d’un Serpentin ordinaire, et n’avail pas moins de
10 metres de longueur 1 . MM. Desmoutis, Quenessen et C' e , de Paris,
avaient expose aussi de beaux appareils, avec une petite modificalion,
pour eviter le trop-plein de l’alambic.
Rdaction dans les chambres de plomb. — Quelques savants et industriels
ont cru pouvoir conclure de leurs observations que le bioxydc d’azole des
chambres etait decompose en protoxyde dans la premiere chambre, lors-
que l’acide de celle-ci avait une densite trop faible. Sans nier ce fait,
nous pouvons cependant aflirmer, d’apres des experiences r6centes de
M. Kuhlmann, que la perte principale en composes nitreux resulte de la
decomposition du bioxyde d’azoto en azote, sous rinflucnce de l’acide sul-
lureux et de la chaleur. La consequence pratique de cette observation,
confirmee d’ailleurs par l’cxperience, c’est l’obligalion de ne pas laisser
la temperature s’elever trop dans les chambres de plomb, et la condam-
nation du procede des fours dits nitrants.
Importance de la prodaetwn de l’acide suljiirique. — L’acide sulfurique
ayant trouve depuis quelques annees un debouebe considerable dans la
1 Cc bet alambic a ete achele, au prix de 100,000 francs, par M. Seybel, pour son usine de
Lieing (pres de Vienne).
10
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
fabrication des engrais pbosphates, sa production a suivi ua dtivelop-
pement correspondant, et va chaque jour en augmentant avec l’exploitation
des pbosphates mineraux. D’apres les renseignements les plus dignes de
foi que nous avons pu nous procurer, on peut evaluer la production
actuelle de l’Europe en acide concentr6 ä 66 degres au chiffre enorme
de 820,000 tonnes, repartios ainsi:
Angleterre
France
Ailemagne
Autriche - Hongrie
Relgique
Autres pays ....
Dans ce nombre, l’huile de vitriol proprement ditc, c’est-a-dire l’acide
extrait du vitriol vert dessechd, et produit exclusivement en Boheme
par M. D. Stark, entre pour 2,000 tonnes. Une autre partie d’acide, mais
egalement tres-petile, est obtenue par la combustion du soufre.
5oo,ooo tonnes '.
i5o,ooo
85,ooo
4o,ooo
00,000
15,ooo
SOLDE.
La grande industrie de la soude artificielle etait dignement representee,
dans la section francaise, par les societes de Saint-Gobain, de M. Merle
et C‘ e , et des manufactures de produits chimiques du Nord 2 .
Decomposition du sei. — La decomposition du sei se fait toujours tres-
generalemenl par Fächle sulfurique, soit dans les fours ancicns, soit
dans des fours a moulle, avec bombonnes et tours de condensation pour
Facide chlorhydrique.
ProcediHargreaves.— Cependant on pratique actuellement en Angleterre,
un autre mode de decomposition du sei, qui merite d’etre signale, parce
qu’il a Favantage de supprimerles chambres de plomb pour la fabrication
de Facide sulfurique; c’est la production du sulfate de soude par Faction
simultamie de Facide sulfureux et de Fair humide sur le sei marin. Le sei
gemme egruge est agglomere sous la forme de petites masses, au moyen
de sei rafFine humide, puis place dans de grands cylindres. de fonte, com-
1 Evaluees d’apres le chiffre officiel de py- 2 Celle derniere etait hors Concours, parce
riles importees ou exploilees, en 187t, dans la (jue son adminislraleur general, M. KiiliL
Grande-Brelagne. rnann, etait meinbre du Jury.
A11 TS CH1M1QUES.
11
muniquant les uns avec les autres et pouvant etre chauffes par des foyers
separes. Le gaz sulfureux, produit par la combustion des pyrites, penetre
avec de l’air plus ou moins humide a la partie inferieure de ces cylindres,
sous un faux fond perfore qui soutient les fragments de sei; absorbe pro-
gressivement en meine temps que Foxygene, iltransforme le sei marinen
sulfale, et deplace l’acide chlorhydrique, qui est recueilli dans un appareil
ordinaire de condensation. D’aprds Finventeur, M. Hargreaves, il n’y a
d’autre perle qu’un peu de gaz sulfureux. L’action de ce gaz est d’ailleurs
methodique, c’est-ä-dire que le courant gazeux est toujours dirige du
cylindre le plus sature, ou le plus cdmpletement fransforme, k celui qui
Fest le plus imparfaitement. Le sulfate produit peut etre remarquablement
pur. Nous en avons analyse qui ne contenait que 1 ä 2 milliemes de sei
marin. Si le travail dans les grands appareils, que montent en ce moment
deux usines anglaises, vient confirmer les resultats obtenus dans l’usine
de Finventeur, nul doulc que le procede nouveau n’ait un serieux avenir.
Fabricalion du carbonatc de soude. — Le procede Leblanc, pour la con-
version du sulfate de soude en soude artificielle, reste toujours, malgre
les nombreuses tenlatives failes pour Fameliorer ou le modifier, le seid ä
peu pres exclusivement suivi. Les fours tournants se sont multiplies en
Angleterre; mais aucun n’a ete construit jusqu’ä ce jour sur 1c continent,
malgre les grands avantages qu’ils presentent sur les autres fours, sous le
rapport de la facilite de main-d’ceuvre. Parmi tous les procedds proposes,
il y en a un toutefois qui merite une attention speciale, parce qu’il a fait
en quelque sorte son apparition officielle a FExposition de Vienne, et qu’il
parait seul aujourd’hui de nature, non pas a supplanter, mais a remplacer
partiellement la metbode de Leblanc: c’est le procede fonde sur Femploi
du bicarbonate d’ammoniaque, ou de Facide carbonique et de l’ammo-
niaque, pour decomposer une solution concentrde de sei marin.
En voici le principe, indique il y a plus de trente-cinq ans, et qui a ete
Fobjet, depuis cette cp0que, d’une douzaine de brevets ou patentes, la
premiere jirise en Angleterre en 1838, par MM. G. Dyar et Hemming.
Si Fon fait reagir, au sein de Feau, du bicarbonate d’ammoniaque sur
du sei marin, il se produit, par double behänge, du bicarbonate de soude
qui se precipite en poudre cristalline, et il reste, en dissolulion, une partie
du sei non decompose, du chlorhydrate d’ammoniaque et un exces de bi -
carbonate d’ammoniaque. Le precipite de bicarbonate de soude, filtr^ et
lave, passd ä la turbine, puis torrdfie ou calcine, donne du carbonate de
soude sec et de Facide carbonique. Celui-ci peut dtre utilise pour recons-
tituer du bicarbonate d’ammoniaque avec Fammoniaque que Fon retire des
12 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
liquides filtrtis, traites par la chaux; de fapon que le gaz carbonique en
partie, et l’ammoniaque eil totalit^, renfrent constamment dans le courant
de la fabrication. L’exces de gaz carbonique necessaire, celui qui est ex-
porte dans le carbonate de soude, est produit, en nieme temps que la
chaux deslinee ä revivifier l’ammoniaque, par la decomposition du cal-
caire dans un four ä chaux.
Ce procede a ^te realise en grand, cn 1855 et 1856, a Puteaux, par
MM. Schloesing et Rolland, ii l’aide de dispositionsfort bien raisonn^es et
tres-ingenieuses, que les auteurs ont fait connailre, en 1868 , dans les
Annales de cliimie et de physique (i* sdrie, tome XIV, p. 12).
L’usine de Puteaux, fondee en vue d’une experimentation, n’etait pas
placee dans les conditions de lieu et d’installation necessairespourproduire
ä des prix remuneraleurs, et la societe, formee par les inventeurs, devait
creer une usine importante sur une mine oii eile aurait puise de l’eau
salee. Mais eile fut arretee par une question de legislation interpretee ä
son desavantage. — Le procede par l’ammoniaque perd un tiers environ
du sei mis en oeuvre, et il en laut 180 kilogrammes pour i oo kilogrammes
de carbonate de soude. — N’etait-il pas equitable de payer l’impöt 1 sur le
carbonate de soude produit, plutöt que sur la totalite du sei puise, puis-
qu’un tiers de ce sei serait rejele avec les eaux chargees de chlorure de cal -
cium? L’administration exigea lo droit sur la totalite de l’eau salee admise
dans l’usine, de fagon que le carbonale de soude se trouva greve d’un impot
de i 8 francs par ioo kilogrammes. C’est cette exigence regrettable du lisc,
r<5duisant dans une trop forte proportion la marge des benefices, qui fut la
principale cause pour lacjuelle la societe de Puteaux dut renoncer ä son
projet d’etablissement.
L’avantage le plus seduisant de ce procede, ne fut-ce qu’au point de vue
de la salubrite, consiste dans la suppression des chambres de ploinb, des
foui's ä sulfate et des fours a soude, avec tout le cortege de leurs vapeurs
incommodes plus ou rnoins düliciles a condenser. Mais, etant donnee une
source d’eau salee abondantc, le procede parait etre, en outre, reellement
economique : ü reduit de plus de moititi la quantite de charbou employee
a la fabrication du sei de soude. Parmi les inconvenients qu’il presente,
inddpendamment de la perte d’un tiers du sei employe, il faut citer les
pertes toujours inevitables de sels ammoniacaux plus ou moins volatils ou
solubles, lesquels croissent rapidement avec l’eldvation de la temperature.
Quoi qu’il en soit, le procede a ete repris en Belgique par M. Ernest
Solvay, qui l’a plus ou moins modiße et perfeclionne, et a pu etre defini-
1 A cette eporjue e.xistait un impöt de 10 francs snr le sei. Cet impöt a ete alioli en )86i.
AR TS C IHM IQ LI ES.
13
livenient install^ d’une maniere industrielle ä Couillet, pres de Charlcroi.
L’annee derniere, la production de M. Solvay s’est Mevee a /i,ooo tonnes
de sei de soude; et aujourd’hui des usines se fondent en Angleterre,
pres de Liverpool, en France, pres de Nancy, et en Hongrie, a Nagy-
Bocsko, pour exploiter la methode au bicarbonate d’ammoniaque. De
grands diplomes d’honneur ont ete accordes par le Jury a MM. Schloesing
et Rolland et ä M. Solvay.
Hydrate de soude ou soude caustique. — L’exposition allemande et l’exposi-
tion anglaise offraient des soudes caustiques de toute beautc. On fabrique
cet. alcali, soit par l’ancien procede, au moyen de la cbaux, en utilisant le
preeipite de carbonate de chaux, lav6 ä trois reprises, niais renfermant en-
core de la soude, pour faire la composition du melange Lcblanc, soit plus
generalement par le procede Gossage, qui consiste a traiter les lessives ou
liqueurs rouges par le nitrate de soude. On avait rendu plus economique
ce dernier procede, en insufflant de Fair dans les lessives, pour les desul-
furer; mais Foxydation du soufre etait lente et difficilement complete.
En 1869, M. W. Helbig a fait des essais pour insuffler de Fair, non plus
dans les lessives, mais dans la masse concentree, rendue visqueuse par
Fevaporation et maintenue au rouge. Ces essais ont ete assez satisfaisants
pour faire adopterle procede dans la plupart des fabriques de soude caus -
tique.
Regeneration du soufre des marcs de soude et de potasse. — Des divers pro-
cedes decrits ä Foccasion de FExposition de 1867, le procede Mond, plus
ou moins modifie et perfectionne, est celui qui s’est le plus repandu. II
est aujourd’hui appliqu^ dans un grand nombre d’usines d’Angleterre et
du continent, et le soufre qu’il procure est obtenu dans de telles condi-
tions de purete, qu’il est vendu dans le commerce comme soufre pur, com-
parable au soufre raffin4 de Marseille. Dans l’usine de la Rbenania, a
Stolberg, sous la direction de M. Hasenclever, on obtient d’excellents
resultats en operant de la maniere suivante. On oxyde les marcs par in-
sufllation d’air, d’apres le procedd Mond; on preeipite les lessives avec
1 acide chlorhydrique, dans des cuves en bois, d’apres Gukelberger, et on
raffine le soufre, sous pression, ä 120 degres environ, dans Fappareil
en töle de Schaffner. Par ce procede on consomme, par 100 kilogrammes
de soufre pur, 23o kilogrammes d’aeide chlorhydrique, et Fon regenere
iS de soufre pur pour 100 de carbonate de soude fabrique'. La meme
1 Le haut prix de l’acide chlorhydrique, qui se soit oppose jusqu’ä ce jour ä Texlension
dans certaines localiles, est le principal obstacle plus grande de ce procede de revivificalion.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
14
methode de regeneration, appliquee par M. Schaffner a l’usine d’Aussig,
livre annuellement au commerce pres de 5oo,ooo kilogrammes de soufre
en canons.
Hyposulfite de soude. — La production de ce sei est intimement Lee a
la fabrication de la soude. Aujourd’hui la plus grande partie se tire des
residus de celte fabrication. Ainsi, on emploie les liquides provenant de
1’oxydation des charrees riches en hyposulfite de cbaux, que Ton melange
avec du sei de Glauber, et l’hyposulfite de soude forme cristallise, apres
Separation du depöt de sulfate de chaux et concentration convenable des
dissolutions.
Des causes de dtperdition du sodium dans la fabrication de la soude pnr le pro-
cede Leblanc. — D’apres les recherches de M. Scheurer-Kestner sur le mode
de formation de la soude brüte et sur la composilion des marcs de soude,
la majeure partie des pertes de sodium eprouvees pendant la fabrication
doit etre attribuee 5 lapresence de la cbaux, laquelle, en s’hydratant, re-
tient une partie de la soude a l’etat insoluble, ou, du moins, difficile a en-
lever par les lavages ordinaires. Des lors, plus on a employe de calcaire
en exces dans le melange Leblanc, plus les rdsidus renferment de so -
dium insoluble. Mais, d’autre part, on sait qu’un exc^s de calcaire est
n^cessaire pour fournir, a la fln de l’operation, les gaz qui doivent rendre
poreuse la soude brüte; d’ou resulte cette consequence pratique, que le
melange, qui peut donner le meilleur rendement en sels solubles, est
celui qui, ayant ete cbauffe au point de provoquer un fort degagement
d’oxyde de carbone au moment oü Ton retire la soude du four, renferme
le moindre exces de calcaire.
Importance de la production des sels de soude. — En prcnant la quanlile
de sei decompos^ comme la mesure la plus simple de l’importance de la
fabrication de la soude, et, on pourrait ajouter, comme la plus exncte du
progres chimique, on constate un accroissement considerable dans la pro -
duction en France, depuis 1867. A cette epoque, en effet, nos fabriques
ddcomposaient ä peine 100,000 tonnes de sei. En 1869, la decom-
position atteignait 111,000 tonnes, et aujourd’hui eile depasserait
125,000 tonnes, s’il ne fallait malheureusement defalquer de ce nombre
le chiffre de 10,000 a 12,000 tonnes environ employees par nos anciens
territoires d’Alsace-Lorraine. Le chiffre ree!, pour le dernier exercice de
1872, est 115,781 tonnes. En Angleterrc, la decomposition du sei
s’eleve a un nombre triple de celui de la France, et, dans le reste de
l’Europe, a i2Ö,ooo tonnes environ.
\IJTS CHIMIQUES.
15
III
INDUSTRIE DU CHLORE.
D’importnnts progres sont a signaler dans la fabrication du chlorure de
chaux. On est parvenu a rdgenerer avantageusement le bioxyde de manga-
nese converti en chlorure, et des essais serieux tendent meme ä supprimer
cette matiere premiere, relativement tres-couteuse, de la production du
chlore.
Regeneration du peroxyde de manganese par M. Weldon.— La pensee de
regenerer ou d’utiliser les residus est aussi vieille ([ue la fabrication du
chlore elle-meme. Mais, jusqu’ä present, ce but n’apas et4 completement
atteint. Toutefois, parmi tous les procedes propos^s et experimentes, il en
est un qui a pris une grande extension depuis l’Exposition derniere : c’est
celui qui est designe sous le nom de son auteur, M. W. Weldon. II est
fonde sur ce fait que le protoxyde de maganese, pr^cipite du chlorure par
la chaux, s’oxyde plus ou moins completement, ou se transforme partielle -
ment en peroxyde, sous la double influence d’un courant d’air chauffe ä
5o degres et d’un exces de chaux. La m4me quantite de mangan^se sert
pour ainsi dire indefiniment, sauf une perte que l’on peut evaluer a
i o p. o/o environ.
Les idees theoriques sur lesquelles est has^ le procede Weldon sont
peut-elre discutahles; mais ce qui est incontestable, c’est qu’en Angle-
terre surtout, ou l’acide chlorhydrique n’a presque pas de valeur commer-
ciale, le procede, adoptd aujourd’hui parungrand nombre d’usines, donne
des r&ultats tres-satisfaisants. Le prix de revient a ete sensiblement abaisse,
et les residus de la fabrication, consistant en dissolutionsneutres de chlo -
rure de calcium, ne peuvent plus donner Leu a des plaintes, lorsqu’on les
ecoule dans des cours d’eau.
Ajoutons que, l’ann^e derniere, M. Weldon a propose, commeperfec-
tionnement a son procede, la Substitution de la magnesie a la chaux, en
se fondant sur la proprio dont jouit le chlorure de magnesium, de pouvoir
etre decompos^, vers ioo degres, en neide chlorhydrique et en magnesie;
de sorte que, dans la nouvelle metbode, la magnesie 4tant constamment
regeneree cornme le bioxyde de mangan^se, on ne depense que de l’acide
chlorhydrique et de la chaleur. Seulement l’economie est peut-etre plus
apparente que reelle, si l’on tient compte des frais de main-d’ceuvre et
surtout du combustible necessaire pour la regeneration.
•16
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Procede Deacon. —Au Heu de cherclier a eigenerer le peroxyde de man-
gan&se, M. Deacon le supprime, el lui substitue un autre oxyde pouvant
se revivifier dans des conditions completement differentes. En principe,
dans ce procede, on fait reagir le gaz chlorhydrique, sortant des fours ä
decomposition du sei, et une quantite d’air convenable, sur du sulfate ou
de 1 oxyde de cuivre chauflea kko degres environ, par l’intermediaire de
larges surfaces rugueuses ou poreuses cn terre cuite L L’acide chlorhy -
drique est partiellement decompose, et on obtient un courant conlinu de
chlore, avec une quantite constante, tres-minime d’ailleurs, de sulfate
ou d’oxyde de cuivre, ce dernier paraissant se reg^nerer indefiniment
dans les appareils de production, sans manipulations secondaires ou
accessoires.
Pour surlaces d’action, RI. Deacon a adopte des houles ou des hilles
en terre cuite, qui ont ete impregnees prealablement de dissolulions satu-
rees de sulfate de cuivre. Elles sont placees dans des cylindres en fonte,
et maintenues autant que possible a une temperature de /t/to degres.
L’acide chlorhydrique des fours ä sulfate, avec une quantite d’air conve -
nable, est aspire par un vcnlilateur ä travers les chambres ii decomposi-
tion, les colonnes et les chambres de condensation.
Malheureusement, la constance de la temperature, necessairc au succes
comme a l’economie de l’operation, est difficile a maintenir dans la pra-
ti([ue. En outre, le chlore provenant des reactions operees dans les colonnes
a sulfate de cuivre est tres-impur; il est melange d’abord avec 3o p. o/o
d’acide chlorhydrique non decompose, puis avec de la vapeur d’eau, et
enfin avec de l’air ou l’azote predomine. Quoi qu’on fasse, on ne peut
separer l’azote du chlore. II en resulte que l’absorption de celui-ci par la
chaux est tres-difficile, et qu’on ne peut guere ohtenir de chlorure a titre
eleve. L’ahsorption serail plus facilc, partant le procede plus applicable,
sans doute, dans le cas ou l’on se proposerait de fabriquer du chlorure
de chaux liquide, ou du chlorate de potasse.
Quoi qu’il en soit, ce mode de fabrication du chlore est fonde sur des
phenomenes cxtremement curieux, non suffisamment encore expliques, et
il est actuellementa letat d’essai,sur une grandeechelle,chez MM. Gaskell
et Deacon, ä Widnes, et chez quelques autres fahricants.
Procede de M. Kuhlmanv. — J’aurai passe en revue les procedes les
1 Le sulfate de cuivre qui recouvre les pe-
lites billes eil lerre cuite se desliydrate d’abord
completement sous Paclion de ia ebateur, puis
se Iransforme parliellemcut el progressivement
en sous-sulfale, oxyde et cblorures de cuivre,
ainsi que je m’en suis assure par de nom-
breuses experiences, faites ä la temperature
constante de Pebullilion du soufre, tiho dejjres. /
AKTS CHIMIQUES.
M
plus nouveaux proposes pour la regeneration du manganese, en mention-
nant encore une m^thode essayee recemment par M. Kuhlmann. Dans
cette methode, on commence par eliminer lc fer du chlorure impur de
manganese, au moyen de la craie en poudre, et on decompose le chlorure
purifie par la chaux. Ensuite, sur le protoxyde precipit^ et lavd avec beau-
coup de soin, on fait agir un melange de bioxyde d’azole et d’air ou de
vapeurs nitreuses, pour transformer ce protoxyde en nitrate de manganese.
Enfin, ce dernier, chauffe a une temp&rature qui ne depasse pas aoo de-
gres, est decompose en bioxyde d’azote et acide hyponitrique, lesquels
peuvent servir a la regeneration d’une quantit^ pour ainsi dire illimitde
de peroxyde. Le produit final obtenu renferme jusqua 88 p. 100 de
bioxyde pur, c’est-ä-dire possede un degre de puretfi qu’atteignent bien ra-
rement les oxydes naturels. Mais je dois faire observer que le procede de
M. Kuhlmann, a l’abri de tout reproche au point de vue theorique, pre -
sente en pratique une difficult<5 serieuse, le lavage eflicace et economique
du protoxyde hydratc de manganese.
Utihsation des residus de manganese dans la melallurgie du fer. — Les pro-
cedes divers de regeneration du bioxyde de manganese peuvent perdre
une partie de leur importance par suite de l’utilisation possiblc des oxydes
artificiels de ce metal dans la production des (ontes manganesees pour
acier Bessemer. Dejä, en vue de cette application, M. Kuhlmann a installe
dans ses usines une methode de traitement des residus de la fabrication
du chlore. Apres avoir ete neutralises et depouilles de leur fer par de la
craie en poudre, ces residus sont decompos&s par la chaux. Le protoxyde
precipitti est soumis a un lavage melhodique, puis egoutte, sechd a l’air
libre, et finalement calcine dans un four a reverbere.
Dans ce travail, il importe de n’employer que de la craie et de la chaux
exemptes le plus possible de phosphates, parce cjue ceux-ci, s’ajoutant
aux phosphates contenus dans les oxydes de manganese naturels, ne
peuvent elre que dilficilement elimines, et par suite cleviennent nuisibles
ä la qualile de l’acier.
Du reste, s’il se confirme, comrne semblent le prouver les experiences
en grand, faites a Terre-Noire et au chemin de fer du Nord, que le phos-
pbore peut, alexclusion du charbon, jouer le meme röle que celui-ci et
donner de bons aciers, on aura beaucoup moins a se prdoccuper de la
presence des phosphates dans les oxydes de manganese artificiels.
ii.
18
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
IV
TINDUSTRIE DE LA POTASSE.
Sels de Stassfurt et de Kalusz. — Dans l’industrie de la potasse, le pro -
gres le plus important a signaler, c’est le ddveloppemcnt considerable qu a
pris l’exploitation des sels de Stassfurt, etendue dans ces dernieres annees
a la couclie de Kalusz, dans la Gallicie orientale. Les nombres suivants,
empruntes aux considerations generales du catalogue publie par les soins
de la Commission allemande, sont des plus signilicatifs.
En 186 i,la premiere fabrique, fondee par le docteur branck 1 , fournit
2,3Co tonnes de sels bruts de potasse (sels de deblai). En 1862, 4 fa-
briques preparerent ao,4oo tonnes. En 1867, 16 fabriques produisirent
167,500 tonnes; enfin, dans l’annee 1872, la production de 33 fabriques
a atteint le cbiffre de 514,200 tonnes. L’industrie de Stassfurt et de Ldo-
poldshall emploie actuellement, en defalquant 1,100 mineurs, 3,000 ou-
vriers et 1,500 cbevaux-vapeur pour la force motrice 011 pour le chauffage
des dissolutions. Les produits principaux sont: le cblorure de potassiurn
pour la preparation du sulfate de potasse, de la potasse artificielle, du
nilrate de potasse, de l’alun, etc., dont la production, en 1872, s’est
elevee a 5o,ooo tonnes; le sulfate de magnesie, le chlorure de magn£-
sium, le sulfate de soude obtenu par la reaction du sulfate de magnesie
sur le sei marin a une basse temperature (procede Balard); l’acide borique
extrait de la boracite, le brome et les engrais potassiques.
Le brome, qui, en 1865, etait un produitexclusivement scientifique, et
coutait environ 60 francs le kilogramme, est devenu un article presque
courant, a l’etat de bromure, et ne coute plus que 12 francs le kilo -
gramme; sa production annuelle s’eleve a 35,000 kilogrammes. De son
enorme production en sels de potasse, l’AHemagne ne consomme que
3o p. 0/0 environ, et exporle les 70 p. 0/0 restanls.
Tous les produits natureis ou elabores des mineset fabriques de Stass -
furt, de Lepoldshall et de Kalusz etaient representes a l’Exposition par
de nombreux et beaux echantillons, tous de nature a donner une haute
idee de la richesse de ces mines et des methodes de Separation ou d’ela-
boration appliqudes dans ces fabriques. Cependant il l’este encore des
progres a faire, parliculierement dans la conversion Cconomique du cblo -
rure de potassiurn en carbonate de potasse. Cetle transformation se fait
exclusivement par le procCde Leblanc; mais, en France comme ä l’etranger,
1 Le docteur Franck, auquel rindustrie des sels de Stassfurt doit de si grands progres, a refu
du Jury un grand diplöme d’honneur.
AKTS CII IM IQ LIES. ]<j
t‘llc ne donne pas des rendements aussi satisfaisants que la transformation
correspondanle du chlorure de sodium en carbonate de soude.
A cote de la colossale production des sels mineraux de potasse de Stass-
lui't, les autres sources de cetalcali,cendres de vegetaux, salins de belte-
raves, suint de la laine des moutons, n’offrent qu’un interet secondaire. II
en est unc pourtant, les salins, provenanl de levaporalion des vinasses
de belteraves, dont l’importance croft et ne peut que croitre avec le deve-
loppement de la production du Sucre. Depuis i 865, cetle production a
double en Europe, et la quaniite de sels de potasse, carbonate, sulfate et
chlorure qu’clle fournit aux arts depasse actuellement 20,000 tonnes. Elle
atteindra, dans un avenir peu eloignd, la production de la potasse par
les cendres de vegetaux, laquelle, du resfe, ne peut que dinnnuer avec la
cherte croissante des bois.
Sels de potasse des eaux meres de la Mediterranee. — Connne sourcc
minerale de potasse, et avant la decouverte des gisements allemands,
l’on exploitait dej'a, connne on sait, les eaux meres dessalines de la Medi -
terranee. Les belles recberches de M. Balard et les efforts perseverants de
M. Merle ctde ses collaborateurs avaient assure, sur le salinde Giraud, en
Camargue, le succes de l’industrie des eaux meres, lorsque ce succes so
trouva tout ä coup compromis par la decouverte des gisements de Stass-
fiut. La nature, en effet, avait realise a Stassfurt l’innnense travail de con-
centration des rnasses d eaux salees que l’on devait rnettre en mouvemenl
sur le salin de Giraud pour obtenir des depots semblables. Mais M. Merle
ne se laissa pas abattre, et redoubla d’efforts pour lütter contre unecon-
currence si inattendue et si ^rasante. Des proc<Mes nouveaux pour l’ex-
traclion du chlorure de potassium des eaux meres furent imagines; on
saffranchit des depenses de concentration et des inconvenients que cette
concenlration entraine; on parvint a supprimer presque completemenl la
main-d ccuvre par la Creation d’appareils mecaniques aussi ingenieux que
puissanfs; et aujourd’hui, apres dix annees detudes et d’efforts, l’industrie
des eaux meres, ä la Camargue, est retablie dans des condilions qui per-
mettent a M. Merle et C ,B de soutenir la concurrence avec les chlorures
prussiens.
La grande Industrie ebimique n’estpas seulement redevable ü M. Merle
de l’extraction des sels de potasse des eaux de la mer, eile lui doit encore
de notables ameliorations dans la production des sels de soude, du sulfate
d’alumine pur, des phosphates pr^cipitös pour 1’agriculture. On sait aussi
que cest dans la seule usine de Salyndres que Ton a pu maintenirla fabri-
catmn de 1’aluminium; c’esl enfin dans la meme usine que Ion fabrique
20
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
aujourd’hui de la cryolithe artificielle pure, pourremplacer comme fondant
la cryolithe naturelle, dont la rarete croissante a fait considdrablement
clever le prix. C’est en consideration des noinbreux et incessants efforls
de M. Merle et C ie pour cr^er des industries nouvelles, ameliorer et deve-
lopper loules les parties de sa fabricalion, que le Jury lui a decerne un
grand diplome d’honneur.
V
ENDUSTUIE DE L’IODE.
Depuis l’annee 1867, les fabricanls se sont particulierement pnioccupes
detrouver les inoyens d’accroltre la richesse des soudes, ou plus exactement
des potasses brutes, provenant de l’incineralion des varechs, et de rendre
plus economiques ou plus salubres les procedes d’extraction de l’iode et
du brome. Sous ce double rapport, on doit citer les efforts perseverants
de M. Cournerie, ä Cherbourg, et de M. Tissier, au Conquet.
Relativement ä l’incineration des soudes brutes de varecbs, cette Ope -
ration, teile quelle se pratique aujourd’hui, d’une maniere a peu pres
exclusive, prete beaucoup ä la falsification, et donne beu a une notable
deperdition d’iode. Aussi a-t-on essaye, en France comme en Angleterre,
de subslituer au mode d’incineralion pralique la distillation en vase clos,
a une temperature insulfisante pour volatiliser l’iode, avec production de
gaz combuslibles et de matieres goudronneuses susceptibles d’etre uti-
lises. Dans le Finistere et le Morbihan, en particulier, on a construit, en
1869 et en 1872, soit des fours clos et continus pour distiller les goe-
mons secs, soit des fours a calcination egalement continue, semblables ä
des fours coidants a chaux, pour traiter les goemons verts pendant toute
l’annee. Mais ces tenlatives ne peuvent etre encore considdrees que comme
un pas vers la solution du probleme de la production economique des
soudes de varecbs. Sur plusieurs points de nos cotes, en cffet, durant
l’biver, les tempetes apportent frequemment de la haute mer des masses
considerables de varecbs dits d’echouage, les plus riches en iode, et ces ri-
cbesses, faute de moyens faciles et economiques de les utiliser, ne peuvent
4tre recueillies avant que le flot les aient remportöes, ou qu’elles aient ^te
detruites par la putrefaction sur les greves.
Dans le traitement des soudes brutes de varechs, on s’est applique a
perfectionner les appareils d’extraction de l’iode, d’autant mieux que,
depuis l’abaissement considerable du prix des cblorures de potassium,
celui de l’iode, par une consequence naturelle, s’est tres-sensiblement
eleve. Dans quelques usines, on a essaye de nouveau, mais sans succes,
AR TS CHIM1QUES.
21
de supprimer l’emploi, toujours ddlicat, et non sans inconvenient au
point de vue de la salubritd, da chlore gazeux. Les autres oxydants, par
lesquels on a voulu remplacer ce gaz, ont donne des rendements inoins
satisfaisants, et en somme, aujourd’hui, le proc^de par le chlore gazeux,
tel qu’il a ete applique pour la premiere fois, en 1834, par M. Cournerie,
est encore celui auquel on donne la preference.
Les neuf usines composant actuellement l’Union franjaise des fabricants
d’iode et des autres produits extraits des varechs emploient annuellement
32,000 tonnes de soude brüte, repr^sentant environ 2o4,ooo tonnes de
varechs verts. Les produits principaux sont : 5o,ooo kilogrammes d’iode
pur, dont les 2/3 sont vendus a l’dtat d’iodure de potassium; 4,ooo kilo-
grammes de brome, presque totalenient transformiisen bromure 5720 tonnes
de sulfate de potasse, 2,000 tonnes de chlorure de potassium, 1,800 ton -
nes de chlorure de sodium, et 90,000 hectolitres environ de residus ou
inarcs pour l’agriculture.
En Angleterre,la production d’iode peut atteindre 60,000 kilogrammes.
Quant au Chili, il n’a fourni, jusqu’a prdsent, que des quantit^s insigni-
hantes, un millier de kilogrammes environ.
VI
Dans les autres industriesappartenant a la premiere section, sels amrno-
niacaux, prussiates, alun, chromates, ceruse, acides carbonique, oxalique
et tartrique, etc., tres-incompletement representees d’ailleurs dans la sec -
tion francaise, ils’est, sans doute, produit quelques am^liorations durant
ces cinq dernieres annees, mais aucune assez importante pour avoir fixd
l’attention du Jury. Nous avons remarqu6, pourtant, les beaux prussiates
et tartrates de l’Aulriche, les grands blocs d’alun de M. de Lamine (Bel—
gique), obtenus par la sulfatisation artificielle des schistes des anciennes
terrisses de Saint-Nicolas; un superbe dchantillon d’alun fabrique avec
de Talumine extraite d’un phosphate naturel, recemment decouvert aux
Indes occidentales, mais sur lequel nous n’avons pu obtenir de renseigne-
rnents sudisants pour juger de l’importance de son gisement ou de son
exploitation comme source nouvelle d’acide phosphorique et d’alumine.
Relativement a la fabrication des eaux gazeuzes, nous ne pouvons passer
sous silence, a cote des appareils ä fabrication continue et a compression
mecanique de MM. Hermann-Lachapelle et Cazaubon, les appareils de
M. J. Matheus, tres-grand fabricant de New-York, qui etaient exposes
pour la premiere fois en Europe. Ces appareils, qui ont ete l’objet des
rapports les plus favorables en Amerique, n’avaient, en realite, de rcmar-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
±1
quable que Ia grandeur de leur dimension et le luxe de leur constructioh.
lls sont ä pression chimique, avec deux cylindres saturateurs fixes, et ne
peuvent donner qu’une eau irregulierement saturee, suivant les epoques
du tiragc. Ils presentent, en outre, tous les dangers qu’on a justement
reproches aux producteurs dans lesquels se developpe une pression qui
n’est guere moindre, a chaque Operation, de 7 a 8 atmospheres. Enfin
ils rappellent compldtcnient ie modele d’appareils de m£me nature qui fut
expose a Londres, en 1869, par M. Berjot, pharmacien ä Caen.
\ous terminerons ce ra[>port en cilant le modele d’un appareil perfec-
tionne pour l’applieation du sulfure de carbone ä l’extraction des matieres
grasses des dechets de toute nature, et qui etait expose par M. Van Hcecht,
de Bruxelles.
Dans les anciens appareils, construils par M. Deiss en i856, les ou-
vriers operaient le cliargement et lc dechargement des dechets a la pelle,
et sc trouvaient ainsi expos^s ä respirer Irop longtemps les vapeurs cliaudes
et malsaines qui se degageaient des rtisidus traites. M. Van Hoeclit s’est atta-
che a perfectioner le mode d’extraction, au triple point de vue de l’econo-
mie, de la saluhrite et des dangers resultant de l’extreme inflammabilite
du sulfure de carbone. Avec le nouvel appareil, M. Van Hoecht a trait^,
dans son usine de Bruxelles, pendant les trois dernieres annees, environ
q millions de kilogrammes de dechets gras de toute espece, et en a retire
plus d’un million de kilogrammes de graisse. Un appareil du meine Sys -
teme, capable de travailler journellement 19,000 kilogrammes de ma -
tieres grasses, fonclionne dans le grand etablissement de peignage et de
lavage de laine dcM. Isaac Holden et fils ä Croix, pres de Boubaix.
SEGTION II.
I'I’.ODLITS CHI1UQLES, SCIENTIFIQUES ET l’HAKMACEUTIQUES.
Eu egard a la Variete et a l’importance des produits exposes, cettc sec-
tion etait surtout representee par l’Allcmagne et la France. Venaient en-
siute la Grande-Bretagne, l’Amerique-Nord, la Suisse, la Russie, 1’Italie,
I’Autriche, la Hongrie, etc.
L’Exposition temoignait, en general, de progres notables dans l’arl de
preparer les corps purs 011 rares de la cbirnie minerale et de la cbirnie or-
ganique. Pour les produits varies destines a l’enseignement, a la pbar-
macie et. aux arts, la France n’offrait aucune collcction aussi complete et
aussi belle que cellcs de quelques grandes maisons aliemandes. Pour les
jiroduits pbarmacculiques propremcnt dils, la disproportion etait beau-
All TS CHI M1QUES.
i.'l
cou|) nioins marquee entre les deux pays, et meine plusieurs des vitrines
de nos rares exposanls soutenaient avantageusement la concurrence, nos
pharmaciens se distinguant d’ailleurs par ce caractere que Fon retrouve
dans toutes nos productions, le gout, et, dans le cas qui nous occupe.
Felegance meine dans la forme sous laquelle sont presentes les medica-
nients.
Ce que Fon doit regretter, ainsi qu’on Fa dejä fait dans une Expo -
sition precedente, c’est que, dans un pays qui s’honore de la decouverto
de lanarcotine, de la quinine, de la strychnine et de tant d’autres alca -
loides, la plupart de ces principes ne soient pas l’objet d’une fabrication
courante. Le sulfate de quinine seul fait une heureuse exception. Le Jury
a pu constater que la maison Armet de Lisle, de Paris, est restee la pre-
miere et la plus importante de France et de Fiitranger, tant par la qualite
que par la quantitd de ses produits. Malgre les conditions desavantageuses
oü eile se trouve placee vis-ä-vis des Allemands, sous le rapport du prix
des alcools, de la main-d’ceuvre, des frais de douane, transports et impot,
eile a toujours accru sa production, laquelle attcindra, en 1873, un
chiffre de 1/1,000 kilogrammes de sulfate de quinine, rcpresenlant en-
viron 4oo,ooo kilogrammes de bois de quinquina.
En dehors de la France, pour la preparation des alcaloides, le Jury a
recompensd, comme rnaisons de premier ordre, entre autres, MM. Bcehlin-
ger et Söbne, de Hesse-Nassau, qui ont mis en ceuvre 250,000 kilogrammes
d’ecorces de quinquina, en 1871; M. E. Smith et C‘\ de la Grande-Bre -
tagne, dont les alcaloides del’opium sont des plus estim^s; M. Merck, de
Hesse-Darmstadt, qui avait expose des atropines et des strychnines d’une
grande beaute; enfin M. Jobst, de Stuttgard, qui a prepare, en 1871.
10,000 kilogrammes d’alcaloides divers, en grande partie pour Fex-
portation.
La vitrine de M. Jobst 1 etait des plus curieuses par la variöte des
opiums, des quinquinas et des produits nouveaux cxtraits de cessubstances,
dont la plupart n’avaient cncore figure a aucune exposition. Nous citerons
notarnment un quinquina blanc, contenant la paytine, base semblable a
la quinine; les quinquinas de Java, que M. Jobst a introduits dans le com -
merce; des opiums allemands, renfermant jusqua 20 p. 0/0 de morphine
pure; de la quinine pure cristallisee; du cilrate de quinoidine, proposd
comme febrifuge puissant, etc.; et, comme alcaloides de Fopium, la co-
damine, la lantliopine, lalaudanine, la meeonidine, la laudanosine, Fhy-
drocotarnine, et plusieurs de leurs sels.
1 Hors Concours, comme expert dans ia 3' soction du ercrupe Hl.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
24
A cöte de ces principes nouveaux, cristallis^s et purs, mais n’ayant
guere pour le moment qu’un int^ret seientifique, un aulre principe dga-
lement nouveau et pur, mais plus abonclant, et plus important pour la
therapeutique, la digitaline cristallisee, etait expose par un Francais,
M. Nativelle, de Paris. Jusqu’en 1868, et maigre d’importants travaux
parmi lesquels il laut placer au premier rang ceux de M. Homolle, on
n’etait pas parvenu ä isoler, ü l’etat de puret4, le principe actif de la di -
gitale.
Par des reclierclies aussi patientes qu’habiles, M. Nativelle a reussi a
le preparer sous forme d’aiguilles cristallines fines, blancbes et bril -
lantes. Invariable par sa nature, toujours identique ä lui-meme, ce prin -
cipe actif peut desormais etre dose avec exactitude, et pennet au medecin
de compter avec tonte securite sur son action.
Le Gouvernement hollandais avait exposd une tres-belle collection de
quinquinas, dont il s’efforce depuis plusieurs annees d’introduire la cul-
ture a Java. Dans ces trois dernieres anmies, il a deja importe en Europe
quelques milliers de quintaux d’ecorces des principales especes. D’apres
les analyses de M. Jobst, le cinchona ojjicinalis et le calisaya sont particu-
lierement riches en quinine et en quinidine. Aussi ces especes sont-elles
actuellement fort recherchees par les pharmaciens. Si leur culture conti-
nue ä prosperer a Java, on peut esperer voir le moment oii Ton retirera
avec avantage les alcaloldes du cinchona ojficinalis et du calisaya. Dans le
but de reconnaitre et d’encourager les efforts du Gouvernement hollan -
dais, le Jury lui a decerne un grand diplome d’honneur.
Enfin nous devons signaler, pour leur nouveaute, les produits et pre-
paralions de 1’Eucalyptus globulus, exposes par la France, l’Algerie, aussi
bien que par 1 Italie, l’Espagne, Monaco, la Turquie et l’Egypte. A en
juger seulement par le nombre des exposants, on pourrait croire que ces
produits de 1’Eucalyptus, en particulier l’essence et les extraits de feuilles,
sont fort reclierclies pour leurs proprietes stimulantes, antiseptiques,
antirhumatismales, etc., et pourtant leur ellicacite dans la therapeutique
ne parait pas encore completement mise hors de doute.
Mais, si l’utilite de YEucalyptus, comme source de medicaments, peut
etre contestee, il ne sauraitenetre de meme des avantages que sa culture,
comme bois, peut procurer. ]JEucalyptus globulus eroit, en elfet, avec
une rapidite extraordinaire. Sa puissance d’assimilation est teile, que, dans
une dizaine d annees, il peut devenir un arbre de 18 metres de hauteur et de
5o centimetres de diametre. Il fournitun bois d’cxcellente qualite, en meme
temps que d’autres produits en essence, resine et tannin. Originaire de
l’Australie, et connu sous le nom de gommier bleu de Tasmanie, il a ete
AKTS CHIMIQUES. 25
importe en France par M. Ramel en 1807, et peu d’anndes apräs en
Alg^rie.
Depuis cette ^poque, sa culture a si bien prosper^ dans notre colo-
nie, qu’il couvre dejä plusieurs centaines d’hectares de plantations. Ajou-
tons enfin, comme un fait qui parait bien acquis aujourd’hui ä l’hygiene
et a l’agriculture, que la fievre intermittente disparait lä oü prospere
1 'Eucalyptus.
LAMY.
II
PRODUITS CHIMIQUES.
HAPPORT DE M. WURTZ,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
PROGRES RECENTS INTRODUITS DANS L EXPLOITATION DES EAUX MERES
DES MARAIS SALANTS.
Les eaux de la mer sont une source inepuisable de sels dont l’indus-
trie tire parti depuis des siecles, et dont le sei marin ou chlorurede sodium
est debeaucoup le plus important. Cbacun sait que, dans certaines contrees
meridionales, de grandes surfaces de terrain sont disposees pour recevoir
l’eau de mer, qui s’y concentre par Fevaporation spontanee et laisse d^po-
ser le sei. Telssont les marais salants de l’Ouest et les salins du Midi de
la France. Lorsque la plus gründe partie du chlorure de sodium s’est
separee, sous forme de cristaux, dans les aires ou tables salnntes, oü l’eau
de mer a ete amenee, il reste une eau mere dans laquelle se concentrent
les sels rnoins abondants dans Feau de mer, et parmi lesquels il faut citer
le sulfate et le chlorure de magnesium et le chlorure de potassium. Ils sont
naturellement accompagnes de chlorure de sodium, dont Feau mere en
question est saluiAe. On sait que Fon est parvenu a tirer parti de ces eaux
meres, qui sont exploitöes pour la fabrication du sulfate de soude et du
chlorure de potassium. Cette brauche de Findustrie est due ä Finitiative
intelligente et aux efforts perseverants de M. Balard, qui n’a pas cesse de
soumcttre la question des eaux meres a une elude attentive, depuis Fepoque
deja rcculee (i 8 fj 6) oü il y a decouvert le brome. Aujourd’hui, Fexploita-
lion des eaux meres peut etre consideree comme defimUvement creee et
solidemeut etablie. Elle donne des resultats r&nunerateurs. Mais quelles
Iransformations eile a subies depuis les tatonnements des premiers jours
jusqu’aux deceptions recentes! On trouvc dans le rapport du Jury de FEx-
position de Londres, redige et publie en 1863 par M. A. VV. Hofmann,
et dans le rapport de AL Baland, Fhistorique des premiers essais et des
pretnieres melhodes appliquees en grand. Parmi ces procedes, les eminents
28
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
auteurs de ces rapports ont mentionnd celui qui est du ä M. Merle et qm
est connu sous le nom de methode des eaux d 28 degres. Nous le r^su-
merons en ces termes: Les eaux scjournent sur les tables salantes jusqu’ä
ce qu’elles aient acquis une concentration de 28 degres Baume. Elles sont
alors emmagasindes, pendant la saison saliniere, dans de vastes reservoirs.
De la on les fait passer dans des appareils Carre, ou eiles sont soumises ä
un froid de — 18 degres. A cette temperature, eiles laissent deposer du
sulfate de soude forme par double decomposition entre le sulfate de ma-
gn^sie et le cblorure de sodium. Des appareils Carre elles passent dans
des chaudieres ou on les concentre, au moyen du combustible, jusqu’ä ce
qu’elles marquent 36 degres Baume. Pendant cette concentration, elles
laissent deposer du sei marin d’une extreme legerete. Au sortir des chau -
dieres, on les laisse refroidir; elles deposent alors du cblorure double de
potassium et de magn6sium. Ce sei, soumis ä un lavage ä l’eau froide, se
dedouble en chlorure de magn^sium qui se dissout et en cblorure de po -
tassium qui reste a Fetat solide et que Fon debarrasse par le turbinage de
l’eau mere interposee.
Cette methode olfrait un double avantage. La matiere premiere, l’eau
a 28 degres, abonde dans tous les salins. En outre, gräcea l’emploi de la
macbine refrigerante Carre, le travail 6tait a la fois regulier et productif,
car, a la hasse temperature ou Fon operait, et gräce a la presence d’un exces
de sei marin, on parvenait a separer la presque totalite du sulfate de soude
qui pouvait se former. A la verite, la concentration en chaudiere consom-
mait une quantite considerable de combustible, mais ces frais 6taient plus
que compenses par la valeur des produits. II y a une dizaine d’annees, le
prix du chlorure de potassium atteignait 60 francs par 100 kilogrammes:
Findustrie des eaux meres s’exergnit alors dans des conditions avantageuses.
La decouverte des gisements de Stassfurta faillila ruiner a jarnais, en fai-
sant tomber brusquement le prix du cblorure de potassium a 25 francs.
Mais les createurs de cette industrie ne se sont pas decourages. Redoublant
d’efforts, ils sont parvenus a soutenir la concurrence en introduisant dans
les anciens procedes divers perfectionnements qu’il nous reste a faire con-
nailre.
Procedede Giraud. — Depuis quelques annees on emploie, dans le salin de
Girand, en Camargue, un procede nouveau, combinaison beureuse des
anciennes methodes de M. ßalard et du procede de M. H. Merle. A ce der-
nier il a emprunte le principe de la refrig6ration artiticielle; aux an -
ciennes pratiques, celui de Fevaporation spontanee jusqu’a une concentra-
lion de 35 degres. Voici donc comment M. Merle procede aujourd’hui a
PKODUITS CHIMIQUES. 29
Giruud pour extraire des eaux meres le sulfate de soude et le chlomre de
potassium.
Les eaux ne restent sur le sol naturel que jusqu’ä ce qu’elles marquent
27 degrds a Pareometre. Peur ^viter les pertes par Infiltration, on les fait
alors passer, d’abord sur des tables dont on a fait pietiner le fond, puis
sur des tables betonn^es. II y a 5o hectares de tables pietinees et i5 hec-
tares de lables betonnees.
De 3 2°, 5 a 35 degres, les eaux meres laissent deposer, pendant Pet£,
un melange de sulfate de magn^sie et de sei marin, melange qu’on appelie
sei mixte. Ce dernier est recolte a la fin de la Campagne et emmagasin^.
Les eaux meres qui marquent alors 35 degrds sont enferm^es dans plu-
sieurs grands reservoirs betonnds, ayant chacun 2 5,000 metres cubes de
capacite. Au für et a mesure des besoins de la fabrication, le sei mixte est
employe a la production du sulfate de soude, les eaux meres a celle du
chlorure de potassium.
n. Fabrication du sulfate de soude. — Le sei mixte est dissous dans Peau,
et la solution est refroidie a — 3 ou — k degres dans les appareils Carre.
A celte temperature, la precipitation du sulfate de soude est ä peu pres
complete. Deux machines Carr4 pouvant produire cbacune, en froid,
Pdquivalent de 5oo kilogrammes de glace par heure, suffisent pour pro -
duire, envingt-quatreheures, 2 5 a3o tonnes de sulfate de soude bydrate.
La marche de Pappareil est continue; la solution des sels mixtes entre
d’un cotd, est saisie par le froid au contact des tuyaux de la macbine
Carre, autour desquels eile circule mdthodiquement, sort enfin a l’extre-
mite de Pappareil, ddpouillee de sulfate de soude pour etre rejetee au
dehors apres avoir communiqud sa basse temperature aux nouvelles eaux
qui entrent dans Pappareil.
Le sulfate de soude precipite par le froid est enleve par une drague
au für et a mesure de sa precipitation, et verse dans de grands cuviers en
tole de 0 metres de hauteur. Li on le soumet a un lavage methodique, en
y faisant tomber, goutte a goutte, de Peau pure qui enleve Peau mere in-
lerposde. II en sort dans un grand etat de purete. Tout se fait mecani-
quement dans ces operalions, et la main-d’ceuvre est rdduite a peu de
chose.
b. Fabrication du chlorure de potassium. — Les eaux a 35 degres qui
ont eie emmagasinees dans les riiservoirs biitonnes y restent jusqu’a ce
que, sous 1 influence des premiers froids, eiles se soient depoudldes d’une
parlie du sullate de mngnesie. On se rappelle que, dans une des methodes
,‘50
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
imaginees par M. Balard, on effectuait de meme la Separation du Sul -
fate de magnesie, en repandant les eaux meres sur des lables, pendant
i’hiver. Le Sulfate de magnesie se separait en grande quantite et a 1 etat
depuretö; mais en meine temps une certaine quantite d’eau mere etait
perdue par infiltration, et, de plus, il y avait lä une main-d’oeuvre dispen-
dieuse. Ces inconvenients sont evitös dans lanouvelle methode, qui n’exige
pas une Separation aussi complete du sulfate de magnösie que l’ancienne.
On laisse donc le depöt de sulfate de magnesie s’elfectuer, pendant l’hiver,
dans les reservoirs meines; puis, lorsqu’eiles sont suffisamment appauvries,
on les concentre par evaporation dans des chaudieres, jusqu’ä ee que la
liqueur bouillanle marque 36 degres Baume. Pendant cette concentration,
il se manifeste un inconvenient. Ce qui reste de sulfate de magn&ie se
precipite ä Fetal de sei anhydre, en meme temps qu’une certaine quantitö
de chlorurede sodium. Ces depöts sont une gene pendant l’evaporation et
une cause de perte, car ils sont impregnes d’eau mere au moment ou on
les evacue. On s’en döbarrasse par un procede mecanique fort ingenieux.
La liqueur, prealablement concentree dans un four dit four Porion, cons-
truit de maniere a tirer du combustible tout l’effet qu’il peut produire,
est amenee dans des övaporateurs, oii les depöts doivent se produire. Ces
6vaporateurs sont de grandes bäches en töle, reclangulaires dans la partie
superieure, mais dont les parois laterales s’inflechissent Fune vers l’autre
a la partie inferieure, de maniere a former un fond retreci de forme para-
bolique. C’est lä que vont lomber les depöts pendant l’evaporation; c’est
de lä qu’on les extrait par un procede mecanique. Une bölice, dont le
pas s’applique au fond de cette rigole parabolique, les arnene, en tour-
nant, ä l’extremite de Fevaporateur, oü une drague les prend et les rejette
au dehors. L’evaporalion ne se fait pas ä feu nu, mais ä la vapeur sur-
chauffee. Celle-ci arrive dans un certain nombre de Serpentins qui sont
suspendus au milieu du liquide et le chauffcnt de maniere ä produire une
vive ebullition. Les Serpentins eux-memes se couvrent de scblots pendant
l’övaporation. On les retire de temps en temps et on les plonge dans un
bain d’eau pure qui les debarras.se du depöt. Ce dernier n’esl point perdu.
C’est un melange de sulfate de magnesie anhydre et de chlorure de sodium.
sorte de sei mixte qui rentre dans le travail, apres dissolution et addition
de chlorure de sodium, addition qui a pour butderamener sa composition
ä celle du melange d’oü Fon precipite le sulfate de soude par le froid.
Les eaux qui sortent des evaporateurs, et qui marquent 36 degres pen -
dant Febullition, sont dirigees dans des cristallisoirs oii eiles Iaissent deposer
par le refroidissement du chlorure double de potassium et de magnesium.
Elles circulent metbodiquement autourde Serpentins qui sont parcourus par
PRODUITS CHIMIQUES.
31
an courant d’eau froide. Un Systeme d’h^lice et de drague, analogue a celui
des ^vaporateurs, permet de conduire au dehors de l’atelier le chlorure
double de potassium et de magndsium, au für et a mesure qu’il se preci-
pite, et de le deposer dans de grands cuviers en töle de 5 metres de hau-
teur, analogues ä ceux qui servent ä recueillir et a laver le Sulfate de soude.
Quant ä l’eau mere derniere, eile est formee de chlorure de magnesium.
Ce serait une source abondante de magnesie, si l’emploi de cette base
devait se generaliser dans l’industrie. On pourrait en extraire de l’acide
cldorbydrique, dans le cas ou le prix de cet acido viendrait a s’^lever.
C’est dans cette eau mere que se concentre aussi le brome. Rien ne serait
plusfacile que d’en retirerdegrandes quantites de ce corps simple. Enlin on
va voir le parti que M. Merle a su tirer de cette derniere eau mere, qui
est aujourd’hui une non-valeur, pour apporter un dernier perfectionne-
ment a la fabrication du chlorure de potassium.
Une fois le chlorure double de potassium et de magnesium obtenu, il est
facile de le dedoubler par l’eau froide, comme il a ^te dit plus baut. Le
chlorure de potassium , qui forme le residu du traitement a l’eau froide, est
lave et seche dans une essoreuse. Il suflit pour les usages industriels, bien
qu’il renferme environ 15 p. o/o de chlorure de sodium et quelques traces
de sulfate. Dans son usine de Salindres, pres Alais, M. Merle l’emploie
pour la pr<$paration du cblorate de potasse. A cet effet, il l’ajoute au pro-
duit de l’action du chlore sur un lait de chaux, en portant le tout ä l’^bul-
lition.
c. Derniers perfectwnnemenls apportes d la fabrication du chlorure de polas-
sium. — Le procede quivient d’etre decrit, et qui est r^mun^rateur, m$me
aux prix actuels du chlorure de potassium, ne laisse pas que d’offrir cer-
tains inconvenients.
En premier lieu, il occasionne une perte de temps. On est oblige d’at-
tendre que le d^pöt de sulfate de magnesie puisse se faire dans la saison
froide.
En second lieu, il donne lieu a la formation de depdts ou Schlots qui
entrament une certaine quantitd d’eau mere, et par cons^quent de potasse.
Troisiemement, il exige la consommation d’une quantitd trop consid^-
rable de houille, vu le prix qu’a atteint ce combustible dans ces derniers
temps.
Un dernier perfeclionnement, que M. Merle a recemment introduit
dans la fabrication, permet de s’affranchir de ces inconvenients.
Il consiste a melanger, ä chaud, les eaux ä 35 degres, « quelque etat
(]u elles soient, aussi bien avant qu’apris le ddpot partiel du sulfate de magnhie,
32
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
avec une solution bouillante de chlorure de magn^sium. Ce nielange, fait
dans des vases speciaux, donne lieu a un depol inslantane de sulfate de
magnesie et de sei marin. L’eau mere chaude, separee de ce depot, est
amenee dans des cristallisoirs oii eile laisse deposer, parle refroidissement,
le chlorure double de potassium et de magnesium, lequel est dedouble
cornme d’babitude.
Telle est la modification apportee tout recemment au procede employe
ä Giraud depuis deux ans. Elle a permis de realiser une notable econo-
mie sur les frais de combustible et de main-d’ceuvre, de supprimer l’ennui
des depöts qui se formaient pendant Pevaporation et qui entrainaient une
partie de la potasse. Dans l’avenir, eile permettra, sans doute, de doubler
la production, qui a atteint, pour chacune des deux dernieres annees,
4,ooo tonnes de sulfate de soude et 1,000 de chlorure de potassium.
Les chiffres que nous venons de citer prouvent que les salins du Midi
pourraient devenir une source abondante de sulfate de soude et de chlo -
rure de potassium, si les procedes usit^s a Giraud etaient appliques ailleurs.
Toutefois il ne faudrait pas, a cet egard, concevoir des esperances exage-
rees. Sans doute la mer est un reservoir inepuisable de sels, et Ton pour-
rait en tirer des quantites prodigieuses de sulfate de soude et de chlorure
de potassium, malgre la faible proportion de ces sels, si leur extraction
en grand n’etait pas necessairement limitee par la production du sei marin
lui-meme, production qui ne sauraitse developper indefiniment. Cela dit,
il n’en est pas moins vrai que l’industrie de l’exploitation des eaux meres
des marais salants est une helle conquete de l’esprit scientifique moderne,
et un exemple rare de la puissance du genie inventif, lorsqu’il est guidd
par le savoir et soutenu par la pers^v^rance.
NOTE SLR LA FABRICATION DE L’ALUMINILM.
Tout l’aluminium qui est consomme aujourd’hui en France est fabri—
qu4 dans Tusine de Salindres, pres Alais, usine si habilement dirigee par
M. II. Merle. La maUAre premiere de cette fabrication est la bauxite, qui
se presente en morceaux compactes bruns, denses, et qui renferme 5o
p. 0/0 d’alumine, 2 5 p. 0/0 d’oxyde ferrique, de la silice, etc.
On pulverise la bauxite, on la mele avec du sei de soude et Ton cal-
cine le melange dans un four a reverbere; il se forme de l’aluminate de
soude. La masse qui sortdu four est reprise par l’eau, qui dissoul l’alumi -
nate de soude. La solution claire est d^composee par un courant de gaz
carbonique qu’on obtient en decomposant du calcaire par l’acide chlorhy-
drique, et qu’on dirige dans la solution d’aluminate contenue dans des
PRO!) UI TS CHIMIQUES.
3,3
baraltes. Pour faciliter l’action du gaz carbonique sur la solution d’alu-
minate, 011 a soin de remuer continuellement. L’alumine se precipite. La
reaction terminee, on jette le tout sur une toile; la liqueur, qui renferme
une grande partiede carbonate desoude, passe, et l’alumine,qui est phitöt
pulverulente que gi51atineu.se, reste sur la toile; on la lave,puis on la tur-
bme. On 1 obtienl amsi a 1 etat de purete sous forme d une poudre blanche.
Pour la convertir en chlorure double d’alurniniuni et de sodium, on la
inele avec du chlorure de sodium et du charbon. On faconne ce melange
en boulettes que Ton desseche fortement, et que Ton introduit ensuitedans
des cornues en terre refractaire qui sont placees verticalement dans un
four. Le chlore penetre dans ces cornues par la partie infdrieure. Le
chlorure double d’aluminium et de sodium distille par un tube qui est
pratique ä la partie superieure, et auquel est lute un recipient. Ce
dernier communique avec un tube qui conduit les gaz dans la chemi-
nee. On chauffe les cornues lentement et avec pr^caution, de maniere ä
pousser peu ä peu la temperaturc jusqu’au rouge blanc.
11 s agit maintenant de ddcomposer par le sodium le chlorure double
d’aluminium et de sodium. Pour cela, on le melange avec du sodium et
avec de la cryolithe qui sert de fondant. Pour ioo kilogramnies de chlo -
rure double, on prend 36 kilograrnmes de sodium et /io kilogrammes de
cryolithe. La d<5composition s’opere dans un four a cuve. L’aluminium
reduit gagne le fond. On le coule dans des moules en fer ou il prend la
forme de pains.
Quant au sodium, il estfabrique d’apres les indications de M. H. Sainte-
Claire Deville. Ce procikle de fabrication est connu. Les recipients ont la
lorme de ceux que M. Donny a recommandes pour la preparation du po-
tassmm. La vapeur de sodium se condense dans l’espace tres-retreci forme
par les grandes parois du recipient mdtallique, parois tri:s-rapp roch lies
une de 1 autre. La forme rdtrdcie de ce recipient est une condition avan-
tageuse, en ce sens quelle soustrait en grande partie le sodium condense
a laction du gaz oxyde de carbone forme simultanement. De temps en
temps, un ouvrier fait tomber, ä l’aide d’une tige de fer, le rndtal condensd
dans un vase en 1er. On n’en perd qu’une petite quantite par la co.n-
bustion 9 ',65 de sei de soude fournissent i kilogramme de sodium.
Quelques mots, en terminant, sur les prix de revient et sur les usages
de alumimum, dont la production, en 1879, a atteint 1.800 kilo-
granimes a l’usine de Salindres.
Les cbitlres indiquds ci-dessous donnent, en mdme temps, les propor-
hons et le cout des .näheres premieres employdes pour la production de
chaque kilogramme de sodium, de chlorure double et enlin d’aluminium.
II.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
34
Matlriaux employes
par kilogr. de sodium.
Sei de soude
Ghnrbon . . .
Salaire. .
Enlretien
FABIUCATION Bl SODIUM.
Coüt par kilog.
de sodium.
kil fr fr.
9,35 a 3a 00 les 100 kil. . . 3 09
74,3a a 1 00 1 o4
1 73
5 46
Total
11 32
Prix de revient du sodium, 11 fr. 32 cent. le kilogramme.
FABIUCATION BE CHLORERF. BOEBLE B’AIEMINIEM ET BF. SOBIEM.
Materiaux employ^s
par kilogr. de chlorure double.
Alumine anhydre
Mangan&se
Acide chlorhydrique.. . .
Gliarbon
Salaire. .
Entretien
Coüt par kilogr.
de chlorure double.
kil fr fr
8,5g ä 86 00 les 100 kil. . . o 507
3,74 ä i4 00 0 023
16,72 a 3 00 o 471
25,78 a 1 4o o 36i
o 238
o 38o
Totai 2 48o
Prix de revient du chlorure double, 2 fr. 48 cenl. le kilogramme.
FABRICATION BE L’ALEMINIEM.
Matieres emploj&s Coüt par kilogr.
par kilogr. d’aluminium. d’aluminium.
kil fr fr
Sodium 3,44 a 11 3a le kil 38 90
Cblorure double 10,o4 a 2 48 2 4 90
Cryolithe 3,87 ä 61 00 les 100 kil. . . 2 36
Cbarbon q9, 1 7 ä 1 4o o 4i
Salaire 1 80
Entretien o 88
Totai 60 a5
Prix de revient de l’aluminium 69 fr. 26 cent. le kilogramme.
Ce prix de revient doit dtre augmentd de 1 o p. 0/0 pour frais generaux,
ce qui fait ressorlir le prix de l’aluminium a 80 francs environ le kilo -
gramme. On le vend 100 francs.
Ce prix, encore sensiblement eleve, et qui ne parait pas pouvoir se
reduire beaucoup, est un obstacle serieux au ddbit de Taluminium et a
Textension des applications dont ce metal est susceptible. La fabrication du
bronze, a 90 p. 0/0 de cuivre et 10 p. 0/0 d’aluminium, a diminue dejmis
quelques annees. Aujourd’hui ce sont les opticiens qui font la plus gründe
consommation d’aluminium.
A. WURTZ.
111
A \\ T S C H IM 10 U E S.
PARFÜMERIE.
RAPPORT DE M. CHIRIS,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
G’est surlout dans la troisieme scction des arts chimiques que l’on a pu
constater l’abstention regrettable signalee dans la prcmiere partie de ce
rapport.
En elfel, la plupart de nos fabricants de savon et de bougie st^arique,
et parmi eux les plus importants, n’avaient pas expose; par conlre, l’in-
dustrie de la parfumerie francaise etait representee de facon a ne redouter
aucune comparaison.
Lindustrie de la steariquc et celle de la savonnerie cn general se sont
presentes dans de bonnes conditions de fabrication, en ce qui concerne
les produits exposds; inais les ecbantillons soumis ä l’examen du Jury ne
suffisent pas pour decider si la fabrication s’execute dans des condititions
de progres au double point de vue de la qualitd et du prix de revient.
II est mcontestable, sans doute, que les grands fabricants de savon, et
toutes les maisons qui se respectenl. s’appliquent a ne fabriquer que des
produits de composition loyale; mais, il faut bien le dire, pour un trop
grandnombre, aujourd’hui, le progres consiste surtoutdans l’introduction
d’eau ou de matieres inertes, en quantite aussi grande que possible, dans
la pate des savons.
Dans l’industrie de la stearinerie, tres-bien representee par l’Autriche
et la Hollande, d y a lieu de distinguer les fabricants qui produisent prin-
cipalement pour lexportation et ceux qui ne produisent que pour la con-
sommation de leur pays. Les fabricants exportateurs sont principalement
les Beiges, les Hollandais et les Anglais.
Les bougies d’exportation sont fabriquees par l’Association des suifs aux
huiles de paline tirees des meilleures provenances, lesquelles sont presque
exclusivement dans les mains des Anglais.
Ces huiles de palme se trouvent sur le marchii de Liverpool, oü dies
sonta la disposition des Anglais, des Beiges et des Hollandais, tandisque
3.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
36
les Franfais ne peuvent les en tirer qu’en payant a Pentr^e en France un
droit de surtaxe d’entrepot de 5 francs par 100 kilogrammes, disposition
fiscale qui a toujours mis la France dans l’impossibilile de lütter sur les
marches etrangers contre des concurrents plus favorises.
Les bougies d’exportation sont fabriquees par le procede appele la dis -
tillation. Les rendements de la matiere solide peuvent d^passer 60 p. o/o
de la matiere neutre employee, quand les suifs et surtout les huiles de
palme ont ete bien cboisies sous le rapport de la teneur en acides gras
solides.
Les bougies oblenues par ce procede ne sauraient rivaliser en qualit4
avec celles qui figurent dans les expositions publiques; mais, telles quelles
sont fabriquees, elles rendent de veritables Services dans l’dconomie do-
mestique; elles n’ont qu’un seid defaut, c’est un point de fusion sensible-
ment plus faible que celui des bougies de premiere qualite.
Pendant longtemps les malieres grasses destinees ä la distillation ont
ete prealablement saponifies par l’acide sulfurique. Ce moyen est encore
aujourd’hui celui qui est le plus generalement pratique; mais les fabricants
qui se sont empresses d’entrer dans la voie des progres y ont substitu^ la
saponification dans des autoclaves avec 1 p. o/o decbaux, sous une pres-
sion de huit atmospheres,
Ils y trouvent l’avantage d’opdrer plus rapidement, avec economie de
combustible, en meme temps qu’un moyen tres-pr4cieux d’obtenir iinme-
diatement 8 p. o/o de glycerine, qui, par une simple concenlration, de-
vient un produil commercial d’une grande valeur.
L’adoption de ce procede ne remonte qu’ä quelques annees; il est de
creation francaise, et du, comme on le sait, ä M. de Milly.
Les fabricants qui s’en tiennent a la vente de leurs produits sur place,
pour la consonimation interieure, pratiquent en general la saponification
calcaire, et r&ervent le proc^de par distillation pour des matieres grasses
dont la ddcoloration presente de la rdsistance, comme cela a Heu pour
l’huile de paline.
La plupart des fabriques d’Allemagne, d’Autriche et du nord de l’Eu-
rope ont adopte la saponification en autoclaves sous pression, et ce fait
peut 4tre considei’4 comme le plus important qui se soit produit dans
i’industrie stearique depuis quelques anndes. Un detail tres-significatif
relativement ä l’importance du procMe de Milly, c’est qu’un certain
nombre de fabriques allemandes ont adopte, sans l’autorisation de l’inven-
teur, la denomination de Milly Kerzen (bougies de Milly).
En Antriebe, et particulierement a Vienne, d’importantes fabriques
travaillent par le meme procede, et leurs produils sont des plus remar-
37
AKTS CHIMIQUES.
quables. C’est ainsi que les Appolo Kerzen et les Milly Kerzen ne laissent
rien a desirer sous le rapport de la blancheur, du point de Fusion eleve et
de la maniere de bruler.
Une d’entre elles, la Milly Kerzen fabrick, se distingue par la variete des
procedes qu’elle emploie, la distillation et le raffinage de la glycerine;
quant a la qualite de ses bougies, eile est inconteslable.
Lindustrie de la parfumerie se diviseen deux categories bien distinctes:
celle des fabricants de matieres premieres dont rexploitalion a Heu dans
le midi de la France, notamment a Grasse (Alpes-Maritimes), et celle des
parfumeurs proprement dits dont les maisons principales sont ii Paris et
dans certaines grandes capitales.
La premiere de ces industries etait bien repr^sentee par les exposants,
quoique peu nombreux.
Des progres reels ont ete acconiplis en ce qui regarde les procedes de
fabrication, lernploi de matieres nouvelles, la bonne qualite des produits
et leur introduction dans toutes les parties du monde.
C est une industrie essentiellement fran^aise, qui a rendu, ces dernieres
annees, des Services considcrables ä l’agriculture du midi de la France, par
1 extension quelle a clonnee aux cultures florales qui en sont la base.
Gelle des fabricants de parfumerie etait repr^sentee par un grand
nombre de maisons, parmi lesquelles figuraient celles qui occupent le pre-
mier rang.
Des progres notables ont ete accomplis dans cette industrie au point de
vue de la confection des articles de gout, et de leur introduction dans tous
les pays du monde.
Le chiffre d’aflaires augmenle chaque annee dans de grandes propor-
tions, pr^cisement a cause de 1 ^ltigance de la forme et des soins apporttis
ä la fabrication des produits qui sont essentiellement du domaine de l’in-
dustrie parisienne.
Aussi les fabricants etrangers se sont-ds appliqu^s jusqu’a ce jour ä
imiter sur ce point les articles de fabrication franjaise, sans pouvoir
jamais arriver a la perfection qui a ete remarquee a l’Exposition de Vienne.
L. CHIltlS.
I
S LJ BSTANCES
ALI MEN TA IR ES.
I{ APPORT DE M. L. ARNAUD-JEAMI,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
COUP D’OEIL SDR L’ENSEMßLE DES TRAVAUX DU IV° GROUPE, I re SECTION,
l re SURD1VISION, A (/EXPOSITION DE VIENNE.
Nous coniinencerons par un court resum^ des produits dont l’examen
a ete contie ä nos soins comme raembre du Jury international de l’Expo-
sition de Vienne en 1 8 7 3.
La i re section, i re subdivision, du iv c groupe comprend : ies farines de
froment et autres, les orges perlees et amidons, les riz, semoule, etc.
En ce qui concerne la France proprement ditc, l’interet de cette expo-
sition est seulement relalif; aucun de nos meuniers en renom, soit du
groupe si connu des huit marques, soit de fabrication analogue, n’y est re-
presentd; il n’y a en tout que 9 exposants, soit :
a Minoliers : MM. Mistral freres, de Saint-lieini de Provence.
Michaiid, de Uonnieres, farines de seigles.
6 Fabricants de senioutes, tapiocas, etc.
i Fabricant d’amidon : M. Leconte Dupont fils, ä Estaires.
Cette derniere maison figure parmi les plus importantes de son in-
dustrie.
Neanmoins, sur ces 9 exposants, 5 ont obtenu des recoinpenses.
Nos colonics, au contraire, n’ont pas cesse d’attirer l’attention et d’etre
l’objet d’un exanien approfondi; surtout aux yeux des meuniers autrichiens
et liongrois, nos bles d’Algerie, riches en gluten, ont trouve droit ä une
menlion speciale.
*2 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Pourde [>lus amples de'lails, on peut consulter avec interet les deux ca-
lalogues.je dirai presque les deux monographies dues,l’une,pour l’Algerie,
a M. Teston, la deuxieme, pour nos uutres colonies, a M. Aubry Lecomte.
(-es deux commissaires du Gouvernement ont du reste vu leurs efforts
recompenses par une medaille d’honneur accordee aux collections : 1 0 de
nolre province d’Algerie; 9° des autres colonies francaises.
Cette derniere collection, par son ensemble remarquable de Cannes
diverses et pates, a rnerite du Jury de notrc section le vote de deux me-
dailles de progres, trois de rnerite, deux mentions honorables, soil, sur
(reize colonies, sept recompenses; nous pouvons ajouter que ce vote a
ete ratifie dans son entier par l’assemblee generale du groupe.
L Algerie, pour ce qui nous concerne, comprend 28 exposants; lc Jury
de notre section a vote :
1 Medaille de progres. (M. Lavie, qui est une maison d une
importance exceptionnelle.)
8 Medaiiies de rnerite.
4 Mentions honorables.
Ensemble 1 •'» recompenses.
D autres meritaient aussi ä nos yeux une menlion, et leur exposition de
divers produits, egalement du domaine du iv c groupe, a permis u celui-ci,
par son vote, de porter a 18 le chiffre ci-dessus.
LAngleterre ne nous a presente qu’un exposant, c’est un fabricant d’a-
nndon; mais il faul mentionner en passant la curieuse exposition des
Indes anglaises.
) ^ uss ie a i3 exposants : farines de froment, de seigle, de sarrasin.
Lensemble des fabrications est ordinaire,plusieurs sonl defectueuses.
Les Etats-Unis d’Amerique n’ont que 1 1 exposants : farines et ami-
dons, riz.
Le Bresil attire 1 attention par ses farines de manioc, de sagou et d’ar-
row-root; a3 exposants.
Suede, 5 exposants.
Dänemark, t exposant.
Hollande, 9 exposants; 1 de Java, colonie hollandaise.
ßelgique, 1 exposant.
Grece, 1 exposant.
Boumanie, 3 exposants.
Italic, 06 exposants: riz et farines; les collections de riz merilenl une
menlion particuliere.
Portugal, 3o exposants.
SUBSTANCES ALIMENTAIHES.
A3
La collection du Gouvernement du Japon a ete beaucoup remarquee
par ses divers produits, dont quelques-uns sont similaires de ceux de notre
colonie de Gochinchine.
C’est avec intention que nous avons d’abord passe en revue les divers
pays autres que l’Allemagne, parce que hinterst a semble etre particuliere-
menl sollicite par trois expositions importantes; savoir :
i" Allemagne du Nord ;
2" Autriche proprement dite ;
3" Hongrie.
C’est ce qui nousoblige a consacrer un chapitrc special ä l’Exposition de
l’Allemagne du Nord et du Sud.
L’ernpire Allemand, l’empire d’Autriche, ont pour la prcmierc fois ras-
sernble au grand complet, dans une exposition, leurs divers types de l'a-
brication de farine; pendant l’examen general des produits, qui a duredu
• 7 ,l n * n au 4 juillet, sauf les dimanches, k peu pres sans interruption, on
peut dire que plus de la moitie de notre temps a ete employe ä l’expertise
et ;i la comparaison de leurs diverses fabrications.
Non-seulement degrands frais de decoration avaient ete faits pour leurs
vjtrines, mais la regularite de leur maniere de proceder, l’arrangement
des collections, ont fixe notre attention et seront ici l’objet de plusieurs
explications.
Un des defauts de quelques expositions etrangeres, sans meme en
cxccpterla notre, c’etait d’etre representdes par des agents independants de
radministration; ceux-ci, malgre leur zele pour les interets a cux conlies,
elaient cbarges de tantde produits dilferents, qu’ils ne pouvaient s’occuper
de tous en meme temps; aussi, lorsque les commissions d’expertises se
presentaienl pour visiter les diverses expositions, eiles ne trouvaient sou-
vent que des explications incompletes. ou meme, n’obtenant pas (out de
suite la clcf des vitrines des exposants, dies daient obligees de passer a
une exposition qui ne devait pas etre visitee ce jour-la.
I ne partie de ces inconvenients a etd, pour ce qui concernc notre
1 ' section, evilee par l’cxposition de l’Allemagne du Nord. Bien qu’etran-
gcrs comine nous, en aucune circonstance nos commissions d’expertises
nont pris leurs representants au depourvu pendant un long et minulieux
travail d’examen.
Premier point, les documenls uliles elaient aux mains du commissaire
M EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
prussien charge de delendre les interels allemands; chaque jure a pu con-
naitre par des notes bien etablies:
l ° Les fabrications et Fanalyse des fabrications diverses de chaque meu-
nier exposant;
3° Le chiffre de production de chaque usine dans ses iliverses branches
et ses debouches.
Second point, et qui est fort ä considerer pour les farines, qui ne peu-
vent resler impunement a l’air sans se döteriorer, il y avail invariablement
dcux echantillons distincts : Tun renferme dans un bocal de verre herme-
tiqucrnent ferme, mais pouvant etre examin^ librement; l’autre renferme
dans un bocal identique, mais cachete,que Fon ouvrait pour Fexpertise et
quel’onrecachetait ensuite, en conservant ainsi toute Ja qualite, de maniere
a affronter de nouvelles expertises.
Lnfin, troisieme et dernier point, les membres du Jury allemand
avaient en toul temps ä leur disposition les clefs des vitrines des exposants
de leur pays.
Voici peut-etre, objectera-t-on, de menus details d’organisation, mais je
crois n^anmoins de mon devoir d’insister sur eux d’une maniere speciale,
en les presentant comme une ameboration utile en ce qui concerne nos
expositions de farines a Fetranger.
Apresces observations speciales, je mentionnerai celles que nos travaux
ont suggerees au point de vue commercial.
Aous avons essaye de donner a Fappreciation des divers produils qui
nous etaienl soumis toutes les garanties desirables d’exactitude.
II a ete decide, comme base d’expertise (pour la mouture basse ou plale,
cest-a-dire faisant beaucoup de farines et peu de gruaux, i er jet, environ
3o a 60 p. o/o de farines; pour la mouture demi-ronde, c’est-ä-dire
mtermediaire comme fabrication de gruaux et de farines, t" jet, environ
fio a h5 p. o/o de farines), de choisir par voie du sort, dans un ensemble
de fabrications äquivalentes, les deux types servant de «Standard», et Fon
a obtenu ce qui suit:
i° Lomme type de la mouture basse ou plale, les n os o et i, farines de
Melosch, Altona;
3° Comme type de la mouture demi-ronde, les n 05 o et i (Aussrug),de
Gotscbalck, de Gotzerinuhlenkerke;
3° Comme type de la mouture ronde ou baute, c’est-a-dire peu de fa-
i nies et beaucoup de gruaux, t" jet, a5 a 3o p. o/o de farines, le type de
la Bourse de Vienne.
SUBSTANCES ALIMENTAIRES.
45
Les echantillons de ces types ont eie scelles et dEposEs; j’ai rapportE A
Paris les types de la Bourse de Vienne, et il sera facile d’avoir les deux
aulres types du President de l’Association des Meuniers de l’Allemagne du
Nord.
C’est,en effet, sur trois types allemands que les 392 exposants environ
de tous pays ont Ete expertises conformement ä l’Echelle suivante de pro-
portions de qualites :
N° 3 signifie type ou egal au type, c’est-a-dire bonne quaiilE.
IN 0 2 signifie au-dessus du type, , premi&re quaiitd.
N° 1 — qualitd superieure.
N° 0 — qualitd extra.
Les marchandises au-dessous du type sont classEes ainsi:
N“ h signifiant qualitd ordinaire.
N° 5 idem quatitE mddiocre.
IV 6 idem quaiitd infdrieure.
Ceci a ete observe non-seulement pour les farines de tonte espece,
mais pour les orges perlEes, les amidons, les fecules, les riz, tapiocas, etc.;
nous avons egalement choisi divers types et expertisd suivant la Classifica -
tion ci-dessus. Quand on rappelle qu’un fabricant exposait quelquefois
avec ses farines de froment des farines de mais, ou deseigle, ou de sar-
rasin, avec des orges perlees, des tapiocas, des sagous, avec des riz, des
fecules et des amidons, on peut se faire une idde des details nombreux de
ces diverses expertises et du temps qu’il a fallu pour les mener ä bien, les
numdros d’ordre ne se donnant jarnais (pi’a la majoritd des voix.
J’ai tenu un registre exact de ces minutieux travaux, et, s’i 1 etait utile,
je pourrais donner leur nomenclature exacte par chaque pays; mais, en
realite, ce relevd n’aurait pas une application immediate pour toutes les
contriies; il a, au contraire, sa raison d’ütre naturelle pour l’Allemagno
du Nord, celle du Sud et la Hongrie, et voicipourquoi:
Ces trois fabrications, par les progres qu’elles ont elfectues depuis dix
ans, appellent forcemenl l’examen du commerce francais; notre meunerie,
la premiere qui existe, fabrique des farines pour le monde entier; ses sys-
lemes, ses Etablissements, se retrouvent en Egypte, en Asie Mineure, en
Suede; neanmoins il faut quelle ne perde pas de vue 1’espril industrieux
et patient de l’Allemagne du Nord : celle-ci tend comme nous maintenant
a certains inarches; eile se fait gloire d’ecouler a cotE de nous ses farines
en Angleterre. Quant ä l’Autriche et a la Hongrie, elles nous objectent
avec vEritE que leurs farines trouvent sur le marcliE anglais placement a
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
60
faux bien plus eleve que ies nolres; que, dans FAmerique du Sud,leurs
farines, qui n’ont pas besoin d’elre etuvees, commencent ä accaparer une
portion notable des debouches.
Chacun sait ä quel prix elevd revient la fabrication des farines hon-
groises et autricbiennes, qui ressemblent ä nos farines de gruaux, et cela ne
tente guere la production courante de nos minots dont la place est assu-
nie partout; mais d ne serait peut-4tre pas sans interet pour nos meuniers
de connaitre :
i" La nomenclalure et le classement, par ordre de qualites, des mcu-
tures de FAllemagne du Nord, 1’analyse de la fabricalion de leurs farines,
le chiffre de leur production et fabrications diverses;
2° La nomenclature et le classement, par ordre de qualites, des niou-
tures de FAutriche et de la Hongrie, sur lesquelles je n’ai pu obtenir
des renseignements bien circonstanci^s; mais cette lacune pourra, sans
aucun doute, etre l’emplacee, par des documents compl^mentaires.
Enfin, comme derniers renseignements, notre meunerie ne doit pas
perdre de vue que, d’apres l’opinion des minotiers hongrois et autrichiens
experts en la matiere, comme gluten, comme nature de froment, apres les
bi es du Banat, nos bles tendres d’Algerie doivcnt etre consideres comme
les plus propres a faire des farines de gruau de qualite äquivalente a celles
de la Hongrie et de FAutriche, c’est-ä-dire a nous permettre de soutcnir
la concurrence qui nous est faite par ces qualites extra sur les marches an-
glais et dans l’Am^rique du Sud.
N. B. En suite des motifs enonces ci-dessus, nous avons cru devoir
publier aux |)ieces justificatives 1 :
]“ La nomenclature des usines (servant aux substances alimentaires)
dans FAllemagne du Nord, du Sud et la Hongrie, avec le classement de
chaque fabrication par le Jury d’expertise d’apres les types de comparaison
designes;
2° Le chiffre de production des(dites) usines de FAllemagne du Nord
et Fanalyse de leur fabrication fee dernier document est du a Fobligeance
de M. Vanden Wyngaert, president de l’association des meuniers de l’Alle-
magne du Nord).
Voir les Piece»justßcatives A ln (in des rapports du groupe Vf, pages 118 et snivantes.
S U BSTA N C ES A LIM EN TA I RES.
hl
§ III.
PR0CI3S-VERBAUX D’EXPERTISE DE LA T° SECTION, 1™ SDBDIVISION DU IV° GROUPE.
Seance du 17 juin.
Vote pour la nomination du bureau et liste des membres de la i re sec-
tion (i re et 2° subdivisions):
MM.
President Comte Henri Zichy (Hongrie).
Premier vice-president Van den Dyngaert (Allemagne du Nord).
Deuxieme vice-president L. Arnaijd-Jeanti (France).
Rapporteur 1)' Wresner (Autriche).
/ ScnMiDT (Autriche).
j Doswald (Hongrie).
I Cdvillier (France).
| Horsford (Etats-Unis).
Membres du Jury ' S. Hügden Evans (Angleterre).
1 Cav. Tarzioni Tozzette (Italie).
I Gius. Arosi (Italie).
f Roman Uiie (Autriche).
, Baron de Garapebus (Bresil).
L. ARNAUD-JEANTI.
S U BSTAi\CES ALi MENTA IRES,
CONSERVES.
RAPPORT DE M. BOUCHEROT,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
D’apres la Classification adoptee a l’Exposition de Vienne, en 1878, le
quatrieme groupe renferme les substances alimentaires et de consomma-
tion comme produits de l’industrie.
La quatrieme section de ce groupe elait specialement composee des
produits qui, soit dans ie regne animal, soit dans le regne vegetal, servent
a 1 ahmentation, et qui, conserves par divei’s procedes, pourronl entrer
dans la consommation ä une epoque indeterminee. Les substances expo-
s^es par chaque nation representent donc les produits du sol, les richesses
naturelles que le travail de l’homme mettra plus tard a profil; l’industrie
des conserves alimentaires n’aurait, cn effet, aucune raison detre, s’il
lui manquait les clements esscntiels du travail, si la matiere premiere lui
faisait defaut.
Cctte industrie, qui a des elements si divers et qui traite aussi bien la
viande et le poisson que les produits du sol, ne s’adresse pas, pour cette
seconde parlie, a ce qu’on appelle la grande cullure; mais, n’utilisant
que les legumes et les fruits, eile n’cn a pas moins une reelle importance,
et, pour n’en citer qu’un exemple, qui s’explique, du reste, par la popula-
tion de Paris, la culture maraichere de ses environs arrive, a force d’ac-
tivite et de soins industrieux, ä faire produire au sol cinq ou six recoltes
par an; mais tous les cultivateurs n’ont pas a leur portee un centre de po-
pulalion comme Paris, qui leur permette de trouver la remuneration de
leurs travaux couteux et intelligents, et c’est surtout de l’influence du
climat qu’ils attendent leurs recoltes.
Sous ce rapport, il faut le reconnaitre, la France a peu de chose a en-
vier aux contrees les plus favorisees. Placee dans une zone tempdr^e,
ayant a la fois, en Provence, le climat de l’ltalie, et, dans les Ardennes,
celui du Nord, arrosee par de nombreux cours d’eau, ayant dans son sein
50
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
ou sur la frontiere les plus liautes montagnes et les plus riantes valides,
eile possdde tous les dlements admirables de la nature, qui lui permettent
non-seulement lelevage des bestiaux, mais encore la culture de presque
tous les legumes et de presque tous les arbres fruitiers.
Certaines contrees mdridionales de FEurope sont aussi heureusement
douees qu’elles, mais, n’ayant pas le mdme gout au travail et ä l’esprit de
recherche, elles sont tres-arrierdes dans Findustrie qui nous occupe.
De notre examen attentif, il resulle que cette industrie est toute fran-
caise; dans tous les pays du monde, nous avons rencontrd, pour la Con -
servation des viandes et legumes, des procedds dus ä l’initiative de la
France, et nous avons constatd qu’elle peut se flatter de marcher en
avant; eile a des rivales, mais nulle part superieures quant ala perfection
du travail et a l’aspect satisfaisant de Fensemble.
Les varidtes de toutes sortes de produits conserves, soumis au Jury in -
ternational, nous onl engage ä formuler nos appreciations cn les divisant
en cinq chapitres.
CHAPITRE I".
CONSERVES DE VIANDES ET POISSONS.
11 n’y a pas bien longtemps encore que Fon ne connaissait d’autres
procedds, pour conserver les substances que 1’homme rdclame au regne
animal pour se nourrir, que le salage et le fumage. Le procede Appert,
qui consiste dans Felimination de Fair, a ete essayd avec succes pour la
viande, la volaille et meme le poisson, etil a compldtement transformd le
rdgime alimentaire des expeditions lointaines, en permettant de remplacer
par des substances plus salubres les viandes salees ou fumdes exclusive-
ment usitdes jusqu’alors.
La salaison sapphquant a la viande et au poisson n’en est pas moins
restde une industrie de grande importance; entre autres pays, le Däne -
mark nous a presentd de la viande de porc dont la fraicheur a attire Fat-
tention du Jury.
Une colonie franpaise, Saint-Pierre et Miquelon, a expose le produit
de ses peches sur les cötes et dans le golfe Saint-Laurent; cette morue
salee est tres-belle; son prix moyen est de 36 ä 38 francs les ioo kilo-
grammes, et Fimportance de chaque annee s’eleve ä pres de 9 millions
de kilogrammes.
C est en Italie et dans Fempire d’Allemagne que nous avons trouve les
principaux representants de Findustrie des viandes fumdes; le premier de
SUBSTANCES ALIMENTA1RES. 51
ces deux pays avait, en outre, un assortiment considerable de mortadelles
et saucissons de Bologne, Modene, etc.
Quant ä l’empire d’Allemagne, ses jambons n’avaient d’autre merite
rpi’un choix fait dans les plus beaux sujets, et, s’il n’avait pas eu ä s’altri-
buer les pätes de foies gras fabriques ä Strasbourg, malgre le nombre de
ses exposants, il serait passd compl^tement inapercu dans notre section.
Le verilable interdt se centralisait donc uniquement sur les produits
conserves par le procede Appert. Nous rencontrons partout cette invenlion
loulc frangaise: aux Etats—Lms, a Boston; au Bresd, ä Rio de Janeiro; au
Texas; en Australie, ä Sydney; dans la republique de TUruguay, a Mon -
tevideo. Ces dernieres contrees, surtout, exportent des conserves de boeuf
et de moulon dans les pays oii l’elevage des bestiaux n’est pas en rapport
avec la populalion. 11s approvisionnent egalement les navires dans les
voyages au long cours, et le prix de cet aliinent est abordable pour la
classe ouvriere et pour les equipages de marine.
Nous terminerons ce chapitre en mentionnant Textrait de viande expose
par la Belgique et obienu par le procede Liebig; nous devons etre tres-cir-
conspect dans l’appreciation de ce produit, qui porte le nom d’un savant,
nom dont on a un peu abuse dans les prospectus, pour accorder a ce pro-
duit plus de qualites nutritives et economiques qu’il n’en merite, suivant
les experiences faites a Paris pendant l’Exposition universelle de 18C7.
CHAPITRE II.
CONSERVES DE L13GBMES, DESSICCATION DES LEGDMES VERTS.
Les effets utiles des legumes verls sont manifestes dans le regime ali-
mentaire; non-seulement ils servent a varier la saveur et la consistance
des autres alimenls, mais ils permettent encore d’en modifier la compo-
sition, en y introduisant des substances riches en eau et en principes sa-
lms. Deux procedes, ayant chacun leur avantage, en permettent la con-
sommation ä toules les epoques de Bannte, sans s’inquieler de la saison
pendant laquelle s’en fait la recolle.
L’mvention du premier de ces procedes remonte a 1809; i] P orte Ie
nom de son inventeur, Appert, dont nous avons deja parle dans le cha -
pitre preeedent. II sapplique ä toutes les substances alimenlaires, sans
exception; il est devenu la base dune industrie de premier ordre, qui est
exploitde, sur une grande Schelle, dans tous les pays qui possedent une
marine de quelque importance.
Le second de ces procedes fut invente, en 1845, par M. Masson, alors .
jardinier du Champ d’exp&iences affccte, dans le Luxembourg, k la So-
52
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
cidte centrale d’horticulture de France. II consiste ä depouiiler les Idgumes
de l’humiditd qu’ils renferment, en les soumettant a une rapide dessicca-
tion ä l’aide d’un courant d’air chaud; mais leur volume dtant encore trop
encombrant pour les approvisionnements maritimes, l’inventeur fit dispa-
raitre cetle difficultd en rdduisant le volume des legumes au moyen de la
presse hydraulique, et en tirant, en outre, parti de cette Operation pour
les diviser en plaques et tablettes rectangulaires de dimensions fixes. Une
caisse de la capacitd d’un metre cube contient 50,000 rations, pesant
chacune 2 5 grammes, et ces 2 5 grammes de Idgumes secs representent
200 grammes de Idgumes frais. Le Portugal, l’Espagne et l’Italie ont
expose des legumes conserves par le procedd Appert. Cesproduits, dus au
climat et a la fertilite du sol, sontmagnifiques; mais la fagon dont ils sont
presentds est loin d’dtre seduisante : les uns ont perdu leur couleur primi -
tive, les autres ont etd soumis a une dbullition trop prolongde; aussi les
memes articles conserves a Paris, Bordeaux, Nantes et le Mans les laissent-
ils bien en andere au point de vue de la perfection.
En Algdrie, a Boufarick et k Alger mdme, nous avons examind des con -
serves de legumes qui ne laissent rien a desirer.
Enfin, aucun autre pays que la France ne nous a prdsentd des Idgumes
conserves par la dessiccation.
CHAPITRE III.
CONSERVES DE FRÜITS.
Bien que les fruits n’entrent qu’a titre de compldment dans le regime
alimentaire, ils plaisent et conviennent, en general, a tous les estomacs,
et, si l’art n’dtait venu au secours des palais delicats, et meine de la santd,
pour conserver des substances vdgetales si precieuses, on n’en jouirait
qu’un petit nombre de semaines.
Apres les conserves de viandes et de legumes, qui peuvent etre regar-
dees comme des articles de premiere ndcessitd, les fruits conservds par le
procedd Appert, malgre l’importance de leur commerce, ne peuvent etre
considerds que comme un aliment de luxe destine aux tables servies avec
rechercbe. C’est par la meme raison que nous placerons dans ce cbapitre
les Irufles conservees.
Ici encore nous retrouvons les produits de l’Espagne et du Portugal; on
reconnait la richesse de la nature primitive, que les fruits doivent ä la
temperature de la zone dans laquelle ils sont venus; mais le moment de
la maturite n’a pas dte choisi avec la meme experience qu’en France; le
SUBSTANGES AL1MENTAIRES.
53
liquide qui les contient est trouble, etc’estce manque de soins qui fait la
superioritö des produits francais et qui justifie la preference qu’on leur
accorde pour le Service de la table.
L’ile de la Reunion a expose des fruits conservös qui demontrcnt une
parfaite connaissance du procödö Appert; mais ce sont surtout les ananas
de la Guadeloupe qui ont frappe les membres du Jury par la fraicheur du
parfum, pleinement conservö a ce fruit exotique.
L’Italie a exposödes trulfes de Turin, tres-belles et bien preparees; leur
gout est plus fort et moins agreable que celui des truffes du Perigord. Les
produits des departements du Midi sont aussi remarquables, et donnent
lieu a des affaires considerables par leur exportation. Cignac, dans l’Hö-
rault, Vaison et Carpentras, dansle departement de Vaucluse, se partagent
cette industrie, et des renseignements officiels d’une maison de Carpentras
nous permettent d’affirmer que son chiffre d’affaires, dans cette spöcialite,
approcbe du demi-million, et que sa fabrique n’occupe pas moins de
i2Ö ouvriers.
CHAPJTRE IV.
FRUITS SECS.
La dessiccation est le mode de Conservation qui se pratique sur la plus
grande echelle; ce procede est peu couteux et permet la consommation
de ces produits dans les mönages les plus modestes; aussi le commerce
des fruits secs constitue, dans tout le midi de l’Europe et dans l’Orient,
une industrie dont le chiffre d’affaires est fort eleve.
L’empire Ottoman a expose une magnique Collection de raisins blonds
et figues de Smyrne, de Samos, du mont Liban; des dattes de Tripoli, de
Barbarie: tous ces fruits sont remarquables de beaute et donnent lieu a
une exportation d’une importance teile, que nous douterions de chiffres
annonces, s’il ne l’avaient ete par l’honorable reprösentant de ce pays.
La Grece avait des figues de Calamata, mais moins belles que celles de
la Turquie.
Les dattes de Tunis sont ä peu pres similaires de celles röcoltees a
Biskra, ville de l’Algerie, devenue le centre d’un grand marche. Nous
avons regretlö de ne pas voir figurer, dans cette section, nos produits du
Midi. Le departement des Bouches-du-Rhöne röcolte une qualite de raisin
qui, conserve ä l’etat sec, est un des plus estimes. La Vienne, lTndre-et-
Loire, le Maine-et-Loire, le Tarn, le Lot, recoltent et font un commerce
considerable de prunes sechöes (pruneaux), et le Lot-et-Garonne, sur -
tout, possede la qualite saus rivale appelee prune d’Ente.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
,)'i
CHAPITRE V.
CONDIMENTS. LAIT. BEDRRE. HUILE D’OUVE.
A dose tres-moderee et tres-etendue, les condimenls acides excitent les
glandes salivaires, reveillent l’appetit, temperent la soif et rendent plus
digestives certaines substances : c’est ce qui en explique la consommation
dans les pays cbauds.
C’est en Angleterre, probablement en raison des besoins de ses colo-
nies, que nous trouvons la plus importante fabrication de l^gumes et fruits
conserves au vinaigre. Ces produits sont prepanis avec le plus grand soin;
mais, rnalgre tous les effbrts intelligents des fabricants, leur vinaigre ne
peut rivaliser avec celui de la France. Le vinaigre de vin est le meilleur
et le plus anciennement connu; c’est lui qui a fait la reputation des indus-
triels d’Orleans. Dans la Charente, le Gard, i’H^rault et ä Bordeaux, nous
rencontrons encore la fabrication du vinaigre de vin; ä Oran, en Algerie,
nous trouvons aussi du vinaigre fabrique par les proc^des d’Orl^ans; mais,
presque partout ailleurs, ceproduit est obtenu avec les diverses substances
susceptibles d’une fermentation alcoolique, et aucun de ces vinaigres ne
peut rivaliser en qualite avec le vinaigre de vin.
Quatre grands etablissements s’occupent, en Suisse, de la Conservation
dulait; ce produit est excellent, et sa degustation nous a demonlre les Ser -
vices que peut rendre cet aliment de tous les äges dans les pays desherites
de päturages et dans les voyages au long cours.
Le Dänemark nous a presentd des beurres conserves en boltes de fer-
blanc. La boite qui a ete ouverte avait ete prealablement mise pendant
une demi-heure dans la glace : gräce a cette temperature, nous avons trouve
cet aliment dansson £tat naturel, gras et onctueux, sans aucun goütrance
et bien superieur au beurre fondu et au beurre demi-sel. La Normandie et
la Bretagne, dont ce commerce est si important, devraient y reflechir, et
augmenteraient bien certainement leur exportation dejä si considerable.
L’Espagne, l’ltalie, le Portugal et la prineipaute de Monaco ont expose
des huiles d’olives de differents genres de fabrication ; en gene'ral, ces
produits sont bons. Le gouverneur de l’ile de Crete et celui de Samos en
ont aussi presente ü l’examen du Jury; elles sont moins limpides. Le Gard,
les Pyrenees-Orientales et la Corse sont les seuls departements francais
qui representent cette industrie a l’Exposition de Vienne. La qualild de ces
huiles est iireprochable, soit avec ou sans gout de fruit, et la comparaison
est certainement a l’avanlage de la France.
BOUCIIEROT (Feux).
III
VINS ET SPIRITUEUX.
RAPPORT DK M. TEISSONNIERE,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
Les vins et spiritueux Etaient representes a l’Exposition de Vienne par
de nombreux Echantillons des prodmts du monde entier. II y a eu
1/1,700 Echantillons soumis ä l’appreciation du Jury, qui a employE qua-
rante-cinq jours ä en effectuer la degustation.
C’est du 16 juin a la fin de juillet, c’est-a-dire au nionient de la plus
forte chaleur qu’ont cu lieu les degustations.
Les soins les plus altentifs avaienl ete donnEs aux produits de ITtalie,
de l’Autriche, de la Hongrie, de l’Allemagne, de la Suisse, de la Rou-
nianie et de la Grece. Les vins exposEs par ces puissances avaient ete dE-
posEs dans de vastes caves dEpendant de la cour des comptes, et avant une
tempErature qui ne dEpassait pas 8 degrEs centigrades; au contraire, les
vins du Portugal, de l’Espagne, de la France et de la Turquie avaient EtE
placEs dans l’enceinte du palais de l’Exposition, et soumis a une tem -
pErature qui a variE depuis le froid intense de certains jours jusqu’a la
tempErature de 25 degrEs centigrades, tempErature a laquelle la de -
gustation s’est effectuEe; les echantillons destinEs ä la dEgustation, sur-
tout ceux de la France, ont EtE dEballes au moment meine de la dEgus-
tation. Pour leur Eviter, en partie, les inconvEnients d’une tempErature
aussi mobile que celle des salles d’exposilion, M. 1c Commissaire gE-
nEral avait affectE ä leur dep61 le seul local qui fut a sa disposition, lc
rez-de-chaussEe de son pavillon. En prEsence de conditions aussi inEgales,
les membres du Jury durent prEsenter des observations, pour le cas pro -
bable oü une partie des liquides contenus dans les Echantillons seraient
avariEs. 11 leur lut rEpondu (|ue les caves d’Anna Gasse Etaient süffisantes
pour contenir tous les Echantillons, et qu’elles avaient EtE mises a la dis-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
5fi
position de tous les exposants; mais les representants des nationalitEs sus-
indiquees avaient refuse de faire sortir leurs produits de l’enceinte du pa-
lais de l’Exposition : alors les membres du Jury Etaient tout disposes a
tenir compte dans leurs apprecialions des conditions inegales dans les-
quelles se prEsenteraient les liquides; du reste, pour Eviter les cbances de
deterioration qu’un sejour plus prolonge ä une temperature aussi ElevEe
ferait subir aux vins, il fut decide que les operations commenceraient par
les vins de France; voilä pourquoi, pour suivre l’ordre des operations du
Jury, nous commenjons notre travail par nos vins.
FRANCE.
L’etat dans lequel se trouvait la France au moment de la grande Ex -
position universelle de Vienne explique la part assez restreinte qu’un
pays aussi essentiellement vinicole que le notre y a prise. Loin d’avoir un
stock a Eeouler, notre pays pouvait a peine pourvoir aux besoins de sa
consommation; la recolte de 1879 etait inferieure de beaucoup ä une
annee moyenne; de plus, les conditions climateriques sous lesquelles se
trouvait placee la recolte alors pendante, faisaient prevoir qu’elle serait
encore inferieure; car les gelEes d’avril 1878 avaient dEtruit une grande
partie des bourgeons de tout l’interieur de la France, les departements
nieridionaux avaient ete seuls EpargnEs. 11 etait donc inutile pour la pro-
duction et le commerce de faire connaitre un produit dont l’Ecoulemenl
etait assure ä 1 ’interieur avec une grande facilil4. Aussi, sur 77 depar -
tements producteurs de vin, une vingtaine seulement envoyerent des
ecbantillons ä Vienne; qualre cent vingl-cinq exposants envoyerent
1,197 Ecbantillons, parmi lesquels les departements du Gard, del’Aude,
de 1 Herault et des PyrEnees-Orientales figuraient pour les deux tiers. Les
produits de ces departements qui peuvent se consommer en nature sont
sans rivaux; en eilet, les prix moyens auxquels les vins legers du Gard etde
l’Herault sont livres a la consommation, et la possibilite ou Ton est de les
consommer dans 1 annee de leur recolte, sont des conditions qui se ren-
contrent tres-rarement. Ces conditions permettent d’eviter ainsi, pour un
produit desline d l’alimentation de la classe ouvriere, les frais de garde,
qui, joints a I interet des fonds immobilises, arrivent ä faire d’un produit
peu couteux a sa naissance un objet de prix, quand sa consommation
doit etre differee plusieurs annees. Malgre les conditions defavorables
dans lesquelles avaient etE places nos vins communs, peu d’Echantillons
s Etaient älteres. Nous devons rendre justice aux commissions qui avaient
pieside au clioix de ces ecbantillons, et notamment aux Societes d’agri-
culture du Gard et de 1 Heraull. En dehors des dEpartements que nous
VIJNS ET Sl’IlUTUEUX.
57
venons de citer, il a ett$ expose tres-peu de vins ordinaires; mais, en re-
vanche, nos premiers crus du Bordelais ont ete dignement representes,
et nous avons pu nous convaincre de nouveau que, dans aucun pays, la
finesse du goüt ne s’alliait au meine degre a la richesse du parfum et a la
legerele qui caracterisent nos grands vins de la Gironde. 11 y a des pro-
duits plus riclies en toutes choses, mais i! n’y a nulle part l’harmonie par-
faite qui fait de ces produits les premiers dans leur genre.
Les vins de la haute Bourgogne n’elaient pas moins bien representes,
et nous devons dire que leurs qualites ont ete tres-appr^cides. S’ils n’ont
pas autant de l<%eret4 que les precddents, ils ont plus de söve et plus
de richesse, il faut apporter a leur consommation une plus grande cir-
conspection; leur sejour sous une temperature ^levee les avait plus eprouv&s
que leurs voisins.
Les vins blancs de haute et hasse Bourgogne ötaient tres-bien repre -
sentes; il y avait, depuis le vigoureux Meursault jusqu’au delicat Chablis,
une gamme de vins exquis.
Les vins de la cote du Rhone figuraient avec honneur, sinon par le
nombre, au moins parle choix des vins blancs et rouges.
La Champagne avait envoye ses produits. Ses grandes marques, qui
n’ont rien a gagner aux concours, puisqu’elles sont en possession de toul
le renom possible, laissent la place aux maisons secondaires, dont les pro -
duits ont ete remarques et recompenses. A cote d’eux viennent les vins
blancs mousseux de Vouvray, Chablis, Saumur et de la haute Bourgogne,
dont la fabrication va toujours en s’ameliorant et prend un rang de plus
en plus important dans le commerce gAneral. En somme, nous avons
constate un progres serieux depuis 1867; nos produits communs ont ac-
quis une nettete de gout et une faculle de Conservation qui prouvent que
les procedes de fabrication vont s’ameliorant. Esp^rons que les r&ultats
acquis encourageront les viticulteurs qui n’ont pas encore progressd ä
imiter ceux qui ont apporte des perfectionnements, et qui trouvent une
recompense toute naturelle dans la preference assuree dont jouissent leurs
produits et dans les prix plus eiev^s (ju’ils en obtiennent.
Nous ne quitterons pas la France sans dire un mot de ses vins d’imi-
tation, qui sont faits avec une rare perfeclion; c’est lecas aussi de dissiper
un prejuge qui est fort accredite dans beaucoup d’endroits, a savoir: (|ue ces
vins d’imitation sont faits sans vin; c’est, au contraire, avec nos pique-
poules et nos picardants de choix que sefontles fajons Madere, vins qui
ne sont acheves que par un long sejour au soleil et par des additions d’al-
cool ä doses minimes et frequentes; la base de toute fabrication est tou-
jours du bon vin.
58
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Nos vins de liqueur mainliennent leur vieille Imputation; nos Muscals,
Grenaches, Tokay de plants importes continuent a donner de tres-bons
produits, qui trouvent un ecoulement avantageux.
Les vins d’Algerie, plus que tous les autres, se sont trouves älteres par
leur sejoiir prolonge sous une temperature elevee : le haut degre alcoo-
lique qu’ils possedent, joint ä la legeretE de leur Constitution, a favorise
leur acetification complete; neanmoins quebpies bons echantillons ont
perinis d’apprecier les produits de notre colonie, dont la production ne
s’est pas sensiblement augmentee depuis 1867. Elle atteint actuellement
100,000 hectolitres de vin, dont environ i5 a 20,000 bectolitres sont
des vins de liqueur d’excellente qualite. Cette recolte est un precieux ap-
pointpour les colons, qui en tirent un excellent produit.
La France avait envoye a Vienne des echantillons de ses eaux-de-vie et
des liqueurs qui se fabriquent en grande quantitE dans tous ses grands
centres de populätion; cette exposilion comprenait 207 echantillons qui
figuraient dans le chiffre de 1,127 Pleite. Les Charentes y Etaient repre-
sentees pard’assez beaux specimens. Pour ce produit comrae pour nos vins
de Champagne, les grandes marques s’etaient abstenues, par les niemes
raisons; neanmoins nous avons goutE d’excellents echantillons, dont la
purete et la finesse de gout consacrent une fois de plus la superiorite in-
conteslee de nos cognacs sous leurs divers noms de grande Champagne,
fine Champagne, Borderies et Fins Bois. Nos eaux-de-vie d’Armagnac
etaient aussi representees par des echantillons de haut et bas Armagnac
et TEnareze; les eaux-de-vie de Marmande, les alcools du Midi, voire
meine les eaux-de-vie de marc, se trouvaient en prEsence de competiteurs
etrangers. Mais notre industrie si importante des alcools d’industrie n’etait
representee par aucun alcool venant de France; en revanche, l’Algerie et
nos colonies, Guyane et Martinique, avaient quelques Echantillons dont
la puretE et la neulralile de gout ne laissaient rien a desirer. Depuis la
derniere Exposition, les conditionsdes bouilleurs de crus ont ete modiliees:
la loi les a placEs sous l’obligation de l’exercice. Ce fait est encore trop re-
cent pour que ses resultats puissent etre observEs; il se produit d’aillcurs
dans des conditions telles, qu’il serait difficile d’en tirer des conclusions
precises. En eilet, la reduction de la recolte de vin 1872, les prix eleves
obtenus par ses produits, meine les plus infErieurs, ont fait entrer dans la
consommation des vins qui d’ordinaire sont livres aux Hammes, et qui, dans
lesannees tres-abondantes etdemauvaise qualitE, l'ont d’excellentes eaux-
de-vie; car ce dernicr produit a une superiorite d’autant plus grande que,
pour robtenir, il laut ernployer une plus grande quantitE de vin.
Apres les eaux-de-vie et les alcools, nous avons a dirc quelques mols
VINS ET SPIRITUEUX. 59
des liqueurs, qui figuraient en quanlitd considerable au concours universel
de Vienne. Beaucoup olaient de qualite excellente, mais un grand nom-
bre n’avaient rien de remarquable; ieur fabricalion n’a präsente aucun
fait nouveau; leur varietG s’est etendue et a ajoute a sa nomenclature
deja si variee des noms nouveaux. Leur aspect s’est presente sous les Cou -
leurs les plus variGes et les plus bizarres : nous avons vu des curagaos
verts, des anisettesroses, des marasquins detoutes nuances, des bitters dont
l’amertume du gout depasse toutes les originalites. II semble que l’in-
dustrie de la fabrication des liqueurs ait besoin, pour stimuler le con-
sommateur dont le palais est blase, de revetir les formes les plus variees
et les plus insolites; la variete des couleurs n’est pas moins grande que
celle du gout, qui s’etend depuis l’amertume la plus insupportable jus-
qu ä la douceur la plus ecceurante. Constatons que la consommation de
ces produits ne se ralentit pas, et que le nouveau regime, qui pennet de
ne percevoir le droit qu’en raison de l’alcool contenu dans chaque liqueur,
et de compter les bouteilles pour leur contenance au Heu de leur attribuer
une contenance d’un litre, n’a pas fait peser sur ces produits une aug-
mentation aussi importante que celle qui a ete appliquee aux alcools.
Enfin, nous ne terminerons pas cet article sans clire que la distillation
des inerises des quelques fabriques de l’Est qui nous sont restees a en-
voye a Vienne des produits bien apprecies et qui ont ete remarques.
En resume, sur 42 5 exposants la France a obtenu :
Diplomes d’honneurs a
Me'dailles de progrös 2 y
Medailles de merite 82
Mentions lionorables 4 53
Recompenses aß4
Depuis l’exposition de 1867, la production du vin en France a atteinl
une moyenne de 55 millions d’hectolitres. (Voir les tableaux, pages 60
et Ga.) Les exportations n ont pas suivi la marche ascensionnelle que
nous avions constatee apres les traites de 1860; mais les importations de
vins d’Espagne et d’Italie ontpris, dans ces derni^res annees, des propor-
tions considerables.
I
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNü.
VINS ET SPIKITUEUX.
61
PRODUCTION DU YIN EN FRANCE PAR DEPARTEMENT
DEPARTEMENTS.
1863.
Ain
Aisne
Allier
Alpes (Basses-).. . .
Alpes (Hautes-).. ..
Aipes-Maritimes.. .
Ardeche
Ardennes
Ariege
Aube
Aude
Aveyron
Bouches-du-Rhone.
Calvados
Cantal
Charente
Charenle-Inferieure.
Cher
Correze
Cöte-d’Or
C6tes-du-Nord
Creuse
Dordogne
Doubs
Dröme
Eure
Eure-et-Loir
Finistere
Gard
Garonne (Haute-) . .
Gers
Gironde
Herault
Ille—et-Vilaine
Indre
Indre-et-Loire
Isfere)
Jura
Landes
Loire
Loir et-Cher
Loire (Haute-)
Loire-lnferieure
Loiret
Lot
Lol-et-Garonne
Hectol.
556,48 9
259,364
302,27g
59,087
io5,i5i
50,178
181,093
68,788
66,602
727,171
1,641,671
288,980
379,053
11
4,i 2.3
3,055,987
4,458,5oo
35e,i44
225,964
i,oi5,o8i
710.300
262,435
3i 2,486
24,913
94,615
1
1,45o,ooo
616,661
1,887,818
2,213.671
6,718,329
1,000
357,43o
847,842
397,273
485,433
290,866
919,618
278,410
83.300
1,520,700
943,776
429,438
1,117,467
1864.
1865.
Ileclol.
474,540
178,133
299,695
5 7 ,4 9 8
io3,oig
5g,484
202,243
24,8g6
5l,329
290,256
i,5o8,5g6
332,876
4 ig,3oo
3
4,091
2,796,852
5,4i3,i7o
196,952
223,225
776,34 1
792,8o3
1 49,42 4
3 7 3,555
11,877
83,615
11
1,702,000
53e, 4 61
1,304,070
2,794,663
7,121,453
>.97°
232,748
839,809
412,217
452,547
'9°.9*9
801,e4o
356,4 77
69,323
2,454,i56
875,048
467,500
965,219
Heclol,
612,742
235,73g
271,915
85,36o
ig3,3i 6
68,2o5
254,6o3
5o,3i2
123,210
646,338
1,901,537
409,959
5g4,582
3
I o,36o
4,847,5io
8,o38,7g5
390,292
281,099
i,ot6,5o5
ii
II
1,195,876
175,646
400,875
18,017
112,3n
11
2,445,ooo
1,235,074
3,088,686
3,o68,ooo
9,022,945
1,670
416,522
1,208,144
543,713
532,594
373,247
1,013,574
35o,o24
9 4,4 g 3
2,358,096
1,199,143
58o,ioo
1,491,196
1866.
Hectol.
692,020
3i i,885
332,294
6g,o55
110,265
49,266
264,620
106,111
76,541
961,544
1,280,815
355,i 74
402,082
11
7,635
4,255,631
6,903,704
4o4,i35
307,4oo
1,001,745
i,i85,2i4
194,637
43o,og8
32,1 27
84,935
11
1,820,000
706,01 7
1,695,882
3,21 4,824
6,137,153
1,627
4 26,970
1,294,194
565,802
716,011
3i5,8o7
i,oi6,oi5
518,384
96,906
1,866,355
925,782
554,334
i,2o4,432
1867.
Heclol.
314,743
90,576
113,iüo
28,69)
29,7«
42,73)
187,56
3o,548
67,660
118,62)
1,498,301
237,88)
361,841
1,872,763
3,983,003
i9 8 ,
213,4 o)
525,
7 2 9- 4l 9
87, 0 79
254,766
11,290
38,176
1
1,761,680
525,135
1,433,59)!
1,869,028
6,771,115
i,9°°
209,615
695,379
3i6,4o3
388,o5i
3 4 0,0 4 5
216,791
4 56,4 a i
93,718
1,761,50)
475,819
496,98)
917,28;
1868.
Hectol.
5o5,o7 1
2o3,3ii
258,853
60,697
86,079
53,009
228,117
58,i 58
98,376
5g6,483
i,5o5,54i
365,5oi
4i6,n5
11
1.0,978
3,378,943
3,958,249
333,739
323,272
1,16a,5g5
i,o4a,6g5
i83,564
357,599
12,185
86,o42
11
1,732,685
530,988
1,383,443
3,71 i,34i
5,3g3,35o
1,960
289,347
872,827
588,477
38i,439
3i6,i2i
868,945
796,136
176,316
820,823
i,o33,24i
574,274
1 ,a84,4o4
1869.
Heclol.
676,143
121,641
220,084
72,726
100,869
56,4o5
185,171
19,112
142,498
696,705
2,197,903
423,113
468,700
«
g,3g5
5,286,768
7,117,049
328,855
4i3,o02
977>79 2
1,136,2 48
a3o,345
415,3g 1
i2,a5o
70,44i
11
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755,139
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410,728
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494,399
46i,63i
256,o36
943,347
167,004
1,644,877
716,808
568,595
1,5 6 5,561
1870.
Hectol.
400,557
163,821
189,9 41
66,o58
87,306
58,ooo
2.40,579
2 4,120
g8,4o5
297,000
1,933,965
296,367
379,734
II
9> o3 9
3,4i2,g84
4,600,466
i64,320
246,3i4
662,788
857,760
158,926
291,723
11,324
54,4o6
11
2,172,018
710,229
1,170,943
3,3gg,o34
i3,84g,o36
2,208
9a 9>7 3 9
747,942
558,go4
407,002
365,33g
24o,746
6o5,ooo
65,688
668,8i4
536,8o3
344,771
1,02.5,3oo
1871.
Hectol.
547,452
80,34g
99.9*1
76,772
102,828
53,i i3
218,879
ig,200
98,127
420,3a5
2,775,364
223,622
277,495
II
7>4io
3,796,362
6,865,422
296,138
3o5,54i
662,788
571,626
209,111
285,748
8,53o
3i,437
11
1.799. 158
627,935
1,3o4,g8i
a. 5 7 8 .979
12,692,895
2,745
a3i,5i4
1,253,255
686,245
3a8,o45
4i4,6oo
178,212
760,166
62,764
1,679,548
295,o4i
263,225
5gi,8oo
1872.
Hectol.
i85,3 7 3
12,184
63,507
11
82,073
5a, 210
i9i.9°9
21.777
83,788
286,100
2,255,827
336,736
28o,585
11
6,212
3,3)7,856
5,353,25i
18,808
1 7 6 ’7 6 9
4o6,3o6
751,266
139,829
203,806
i,638
4,i66
//
2,365,i63
619,916
i,738,3io
2,798,855
14,929,165
i,63o
71,419
458,298
332,960
248,g56
485,4 00
247,819
i3o,g58
70,146
838,838
123,073
221,808
833,700
OBSERVATIONS.
6-2
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Lozere
Maine-et-Loire
Manche
Marne
Marne (Haute-). . .
Mayenne
Meurthe
Meuse
Morbiban
Moselle
Nievre
Nord
Oise
Orne
Pas-de-Calais. . . .
Puy-de-Dome
Pyrenees (Basses-).
Pyrenees (Hautes-)
Pyrenees-Orientaies
Rhin (Bas-)
Rliin (Hau!-)
Rhone
Saöne (Haute-) . . .
Saone-et-Loire ....
Sarthe
Savoie
Savoie (Haute-). . .
Seine
Seine-Interieure. . .
Seine-et-Marne.. . .
Seine-et-Oise
Sevres(Deux-).. . .
Somme
Tarn
Tarn-et-Garonne.. .
Var .
Vaucluse
Vendee
Vienne
Vienne (Hau(e-). . .
Vosges
Yonne
Totaux.
563,028
626,028
2,070
1,0/11,162
402,000
13,620
199,690
332,089
11
i5,6oo
860,698
68,767
160,584
52/1,706
5eo,5oo
468,848
762,618
478,926
1,320,989
127,113
335,700
213,728
70,372
//
354,54g
478,544
365,i68
11
462,945
35i,853
738,993
438,171
648,i5g
5gg,4oo
28,43i
244,696
1,206,971
61,371,875
Heclol.
7,t 54
715,429
38g, o83
4o4,i 11
2,g02
705,714
367,800
24,073
175,900
223,997
11
13,685
641,274
65,791
103,827
439,87/1
469,800
494,297
859,729
320,20g
1,297,128
i3o,3gi
310/26
247,436
71/121
11
315,410
409/72
491,900
11
436,i45
320,918
886,85i
466,456
729,858
6i5,320
2/1,201
182,896
890,266
5o, 653/122
1865.
Heetol.
8,790
881,287
11
65o,66i
738,740
5,220
92.5,900
653,ooo
27,808
24g, 541
315,992
11
17,100
861,807
18o/g4
2 72,097
515,895
65g,4oo
44g,436
868,769
39/1,750
i,346,611
18i,314
297/102
2 4 9,6.3 8
81/97
11
448,i4i
496,335
710,257
11
848,625
57.5,889
1,111,808
556,2 14
979-> 8 4
9 i 6,788
3 7 ,883
222,545
1,200,821
68,g/i2,g3i
1866.
1867.
Heclol.
7,638
76/1,991
//
884,080
800,15o
3,069
1,338,207
65o/34
3i,2g3
3o2,23g
376,121
11
26,680
927,163
125,553
198,893
600,600
903,600
762,897
1/114,476
543,5 7 3
1,8/18,962
89.934
3o8,4 7 8
2 5g,973
1 1 0,102
11
656,2 84
601,i43
53g,4o2
11
751,835
440,009
811,097
5o2,g46
8oi,334
672/180
28,o46
322,680
1,5o8,646
63,83 7 ,633
Heclol.
2,3 7 3
^172,828
11
176,78
36,209
11
190,687
139,3-191
21,088
93,090
138, 7 35
II
8,645
628,556
84,i441
83,928
48 7 ,658!
357,900
446,6o51
776,986
148,884 J
36,6o31
97,57.41
173,29a
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61,76s
11
1 88,5651
304.1 111
288,3o3
11
379,880]
264,776
735,293
/120,06s
566.1 56
483,279
19/97
39,554
517,934
39,143,i5g
VINS ET SPIRITUEUX.
63
1868.
Heetol.
c-'99
5g8,ooo
ti
55g,85o
4 9 8,18 0
4,929
1,026,670
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2 5,3g6
211,807
2/14,777
11
25,4go
11
11
i,o4i,i64
179,858
204,449
46g,31 9
743,200
464.113
i,365,681
372,123
1,255,819
84,225
336,65o
227.113
66,4 7 3
11
5i 8/169
400,887
4o6,2 20
11
509,749
316,9/17
942,018
411,019
49/1,573
715/20
34,728
216,984
1,095,282
62,100,591
1869.
Heetol.
6,028
788,609
11
388,3i3
545,554
3,705
go5,652
356,6o4
31,714
128,301
268,736
II
22,924
645,4g5
179,072
273,687
63i ,275
350,700
2()4,o45
1,424,568
5o4,gi6
1,336,802
178,986
39/1,344
346,753
5i,oi5
ti
350,272
378,713
678,746
11
71/1,68/1
484,683
1,002,261
3 97-i97
85 7 ,583
869,864
31,0 5 4
254,613
71.3,011
71-177-968
1870.
Heclol.
4,5o3
429,260
11
325,455
471,333
2,414
377,160
345,343
d5,i 70
11
167,535
11
16,617
11
1/
453,245
235,852
285,800
84g, 8o4
859,78.3
6o4,t 28
1,237,358
122,283
203,022
i64,654
62,563
11
330,290
i5i,8oi
330,711
V
46i,5go
298,736
968,02g
245,4oi
383/74
690,881
28,696
176,696
477,078
53,536,g33
1871.
Heetol.
5,13a
820,772
11
248/23
074,607
4,190
742,172
II
24,63o
11
302,281
11
8/17 4
4/16/494
212/90
244,780
875,650
586,5o5
364,268
9/19,28/1
268,085
355,667
278,602
27,317
11
90,063
168,069
706,532
272,100
i,oo5,ogo
182,887
986,235
88o,544
19,247
161,4 8 4
i,o36,o5o
56/80,687
1872.
Heclol.
4,12/1
450,762
11
2o3,68o
423,433
3,588
46i,23i
11
11,157
11
61,678
11
85 7
618,9/ir.
190,811
205,357
75i, 77 3
OBSERVÄTIONS.
La Meurthe et la Moselle sout reunies pour
cos trois ann&s.
73 0,4 2 0
2^7,287
8o3,109
RÜSUME.
»863 51,371,875''
»864 5o,653,4q2
»865 ... 68,9/12,931
81,570 ‘jj® 6 63/3 7 ,633
R noü 1868 B./oolsfll
1 869 71,1 77.065
»870 53,536,g33
»871 56,580,68 7
*872 49,427,08l
151,023
1 oo,t 79
79
33,333
102,6 44
364,4o3
2/12,788
9/12,147
1 25,323
254,672
632,5o3
10,199
163,5(>7
2 .9^>979
Total.
556,772,277''
49/27,081
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
(Vs
PORTUGAL.
Les vins du Portugal etaient repr^sentes a Vienne par cent quatorze
exposants, dont quatre-vingt-douze ont envoye des echantillons de vin, et
vingt-deux des alcools, spiritueux et liqueurs. L’exposition de ce royaume,
si favorise par la nature et dont les produits trouvcnt ä letranger un nc-
cueil si empressd, semblait vouloir demonlrer qu’il pouvait produire
autre cliose que des vins alcooliques et liquoreux. En effet, nous avons de-
guste un norabre important d’echantillons qui n’avaient point le caractere
ordinaire des produits de cette latitude. Un certain nombre de ces vins
n’avaient pu resisler ä la temperature elevee qui les entourait, et etaient
devenus aigres; d’autres, bien conserves, legers de couleur, nets de gout,
ne nous ont pas paru devoir se conserver longtemps. Quant aux vins de
liqueur, ils ont conserve 4 juste titre leur vieille reputation; ils sont dignes
en tout point de la faveur dont ils jouissent. La production du Portugal
est ä peu pres celle de notre ddpartement de la Gironde; eile varie entre
2,5oo,ooo et 3,5oo,ooo hectolitres, sur lesquels 5oo,ooo ä 700,000
hectolitres sont exportes. Les principales qualit&s produites sont: le Porto
sec et doux, le Madere, le Muscatel de Siltubal, les vinsblancs de Bucceslas,
les vins ordinaires de Castaxo, de Torrcs, de Pedras, etc. La production
moyenne est de 2 1 hectolitres ä l’hectare; la fabrication des vins est l’ob-
jet de grands soins. Les additions d’alcool faites pour arrelter la Fermenta -
tion permettent la dissolution du Sucre reste en Suspension; eiles ont lieu
presque tous les trois mois, et ne sont genees par aucune mesure fiscale.
La circulation de ce produit du sol est libre, comme celle de tous les autres
produits; aussi lesprogres de toute sorte sont-ils le but cherche et souvenl
atteint par les viticulteurs de ce pays.
Nous avons eu ä apprecier un resultat fort curieux du procede de
M. Pasteur, applique a un vin blanc : ce vin, chaulFe, est demeure doux;
le meme vin, livre a lui-meme, a seche completement.
Les deux vins n’ont aucune ressemblance. Cette metamorphose, ou du
moins cet arret momentane de la Fermentation, produit par le chauffage sur
un vin pendant son evolution de Fermentation, est interessante ä observer,
et peut avoir, dans certains cas, des applications utiles. Les alcools de vin
exposes parle Portugal sont d’une finesse et d’une rectitude de gout peu
eommunes; ses eaux-de-vie sont sans caractere; ses liqueurs, peu nom-
breuses, mais bien soign^es, ont pour base ces alcools si fins qui, en
vieillissant, acquierent des qualites bien precieuses. Ces liqueurs sont en
grand nombre anisees et orang^es; beaucoup sont destinees a etre eten-
dues d’eau. Le vin d’orange du PoiTugalest tres-agreable et tres-bien Fait.
VINS ET SPIRITUEUX. 65
Le Portugal a obtenu :
Medailles de progres : j
Medailles de merite. a t
Mentions honorables 33
Recompe.nses 61
ESPAGNE.
Les conclitions politiques dans lesquelles se trouve l’Espagne rendaient
lort difficile 1 exposition de ses vins. 11 a fallu aux membres du Jury de
cette nation un courage peu ordinaire pour abandonner leur famille,
leurs interets personnels, et venir a l’etranger rcprdsenter les interets
de leur pays. Malgr<$ toutes ces difficultes, l’Espagne etait un des pays les
mieux representes a l’Exposition de Vienne. Les membres du Jury de cette
nation avaient pu collectionner et expedier 1,200 ecbantillons represen-
tant tous les produits de la viticulture de ce riebe et magnifique pays;
trois cent soixante exposants les leur avaient confies.
Depuis l’Exposition de 1867, l’Espagne a fait de grands progres. La
vinification avait ete trouvee alors si defectueuse, que i’appreciation des
ecbantillons exposds avait dte fort difficile, car ils avaient fermenle;a
Vienne, au contraire, quoiqu’ils fussent placds dans les meines conditions,
la fermenlation a ete une exception * et nous avons pu apprecier comple-
tement les produits de ce pays.
Aous avons constate que leurs vins communs colores avaient une ri-
cbesse de teinte et un corps qui, avec nos petits vins de France, rendraient.
leui emploi tres-fructueux pour les deux pays, les prix dtant extrememcnl
bas. Au moment ou le phylloxera aclieve son (euvre de destruction dans
le departement de Vaucluse en detruisant completement nos crus de la
cöte du Rhone, tels que Chäteauneuf-du-Pape, Roquemaure.Tavel, Saint-
Laurent, nous avons trouve en Espagne des vins de memo espece a des
prix lort moderes. Finesse, gout agreable et vinosite considerable, tels
sont les caracteres des vins iegers que nous avons goüffis et qui peuvent
se recolter dans toutes les provinces de l’Espagne.
Leurs tentatives d’imitation de nos vins de Bourgogne et de Bordeaux
ne presentent aucune analogie avec leurs modeles; eil es sont une preuve
de plus que la transplantation d un cepage ne lui conserve pas ses qualites
primitives, mais que le cep s’assimile les sels de la terre ou il vegete,
lesquels constituent seuls le bouquet cenanthique.
L Espagne est un des pays du monde oü la production du vin de liqueur
se fait en plus grande quanlite; sa position topographique lui pennet
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
()(>
(legaler et de ddpasser souvent en qualite los pays places dans des condi-
tions climateriques semblables. 11 suffit de citer ses Grenaches, ses Mos-
catels; ses Lacryma, Rosa, Malaga, Pasxarele, Pedro Ximenes, Tintillo
de Rota, Rancio, nectar Malvoisie, pour avoir tout de suite la pensde de ce
poete francais qui comparait les vins d’Espagne ä un rayon de soleil mis
en bouteille. Qu’imaginer, en effet, de plus suave que ces amontillades
inimitables! Au milieu de ces produits auxquels la mode a fait une repu-
tation si meritee , nous en avons trouvd qui, presque inconnus, sont livres
ä des prix derisoires.
Reaucoup d’exposants espagnols ont fait venir ä Vienne des collections,
et avec les vins ils ont exposd des alcools et des eaux-de-vie, voire meine
des liqueurs; comme la distillation est libre, et que l’emploi de l’alcool de
vin pour aviner des vins est necessaire pour obtenir les qualittSs que nous
avons constatees, il est necessaire d’avoir un produit qui ne nuise pas
par son gout empyreumatique ii la delicatesse des vins sur lesquels il doil
etre employd. C’est pour cela que tous les soins sont apportds ä la prepa-
ration des alcools qui ne sont pas employes ä la cuve, mais ä Tavinage
trimeslriel des vins. En dehors de l’alcool, on fait trds-peu d’eau-de-vie;
cependant nous avons deguste des imitations de Cognac, mais nous ne
nous en inquieterons pas.
Les liqueurs exposees etaient de bonne qualitd; presque toutes avaient
pour base le sucre et l’alcool anises et parfumds avec differentes es-
sences.
La production en est importante; dans l’etat de desordre oii etaient
les pouvoirs publics ä ce moment, aucun document officiel n’a pu etre
produit; cependant, d’apres un document &nane d’un grand proprietaire
viticulteur de le Catalogne, la production viticole alteindrait 20 millions
d’heetolitres, soit environ ig hectolitres par bectare de terre cultivee en
vigne.
L’exportation des produits espagnols est appelde a un grand developpe-
ment, si le phylloxera ne vient pas, comme en France, arreter la produc -
tion; en attendant qu’il en soit ainsi, notre deficit actuel trouve a se com-
bler au moyen de l’exportation active qui se fait en ce moment des vins
ordinaires.
Voici les recompenses obtenues par l’Espagno :
Diplome d’honneur 1
Me'dailles de progres 33
Medailles de mdrite 100
Mentions lionorables ii3
2/47
Recompenses
VINS KT SPIR1TURUX.
07
TUR QU IE.
Do tous les pays producteurs de vin, la Turquie eit sans contrcdit
celui qui a fait les progres les plus sensibles depuis l’Exposition de 1 867.
A cette epoque, en effet, aucun des produits exposes n’avait merite de
mention parliculiere. 11 n’en a pas ete de meine a Vienne en 1878;
soixante-quinze exposants avaient envoyd 123 ^chantillons de vin et spi-
ritueux, parini lesquels un nombre assez considerable ont attire l’attention
des membres du Jury. Nous avons trouve des vins excellents, d’un gout
parfait, bien qu’ils aient traverse une temperature fort elevde.
Un des caracteres particuliers des vins de Turquie est une astringence
tres-prononcee, qui accuse la presence d’une grande quantite de tannin,
et qui doit prendre son origine dans un sdjour trop prolong4 a la cuve;
il y a certaines lies de l’archipel lonien qui en ont une dose si grande,
qu’il est difficile de conserver le liquide dans la bouche. Dans d’autres
parties de l’empire, on trouve un gout de poix fort prononc^, qui provient
de l’enduit dont on revet les vaisseaux vinaires, lesquels recoivent le vin
encore en fermentation : le vin dissout cette matiere rfoineuse et en con-
serve le gout. Ces inconvenients disparaitront bien vite, quand l’observa-
tion en sera faite aux interesses, qui ont tout avantage ä remplacer un
outillage defectueux par des appareils en harmonie et sutfisants pour le
developpement que prend la production vinicole dans un pays qui, jus-
(|u’a present, avait des prdceptes religieux prohibant la consonnnation
du vin.
Les vins de liqueur laits avec des plants de Muscat et de Grenache et
les vieux cepages grecs donnent des produits d’excellente qualite.
Un tableau comparatif de la richesse alcoolique des produits de la Tur -
quie etait place sous les yeux des visiteurs de ces produits; il coinmen-
cait a 8 degres et finissait a 21 degres. Les alcools et spiritueux exposes
par la Turquie ne peuvent etre apprecies que relativernent au gout des
consommateurs; en effet, tous ces produits sont impregnes d’un gout
d anis lort prononc^, de sorte que, sous ce gout qui sature absolument
les papilies du palais, il est impossible d’apprecier convenablement ce
produit.
Les liqueurs, en petit nombre, ont toules l’anis pour parfum.
En rdsumd, la Turquie a obtenu ä l’Exposition de Vienne :
Mednilles de progres 7
Mddailles de mdrile ao
Menlions honornliles ng
l’lKCOMPETISES 50
08
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
1 TAL IE.
Les produits de l’Italie doiit nous allons parier 6laient emmagasines
dans les caves d’Anna Gasse; l’importance de leur exposition etait consi-
derable. Deux cent rinquante-neuf exposants avaient envoy6 /192 echan-
111 Ions de vin, et cenl trente-six exposants, uh nombre considerablc d’<$-
chantillons de Spiritueux et liqueurs.
Un progres important a < , ‘ti realise par lös viticulteurs Italiens. En
1867, toutes les persottnes qui avaient gout6 leurs produits avaient 4te
frappees de l’elrangete et de la variet^ des goüts que presentaient leurs vins
communs; apres en avoir etudi6 soigneusement la cause, nous avions cru
devoir l’attribuer au mode de culture de la vigne, qui, laiss6e ä toute hau-
teur, melait sa s6ve et sa v^giitation a celle des arbres qui 6taient dans
son voisinäge. Cette artnee, nous u’avons trouv6 rien de semblable, et les
divers <5cliantillons de vins communs qui nous ont soumis nous ont
paru avoir une grande netlet6 de gout. Nous avons remarque, toutefois,
que les efforts des viticulteurs italiens 6taient dirig^s Vers la possibilite de
conserver le produit assez longtemps pour lui faire acqmirir un prix assez
eleve pour les remunfrer de leurs peines et de leurs soins; ils pensent que
le bouquet et les qualites acquises pendant le temps de garde justifieront le
plus souvenl leurs pretentions. Je crois qu’en viticulture, en general, c’est
une erreur, et que les frais de Conservation, les soins considerables exigds,
surtout dans les deux premieres annees, sont plus importants que la valeur
<pi’on en obiient, surtout en tenant compte des risques enormes qui sont
inherents a cette Conservation; il ne peuty avoir en perspective que l’«/e«
d’une recolte compromise, qui, prodüisant une hausse importante, defraye
le propriAtaire de ses soins et debours.
Le climat de l’Italie lui pennet de faire des vins de toute qualite. Ceux
de la Savoie et du Piemont ont le caractere de nos vins de Test et du
centre; ceux de la Ligurie et de la Lombardie ont de l’analogie avec ceux
du nord de l’Espagne, et ceux de la partie m^ridionale ont la ricbesse de
couleur et d’alcool du sud de l’Espagne. Toutefois les vins d’Italie onl ge-
neralement plus de tannin que ceux d’Espagne; leur saveur est plus vive,
plus aceentuee: nous parlons toujours des vins communs.
Les vins fins sont representes par de nombreux et exeellents types de
vin de Malvoisie, d’Asti, de Guarnaccio, de Syracuse, de Montepulciano,
d’Aleatico, de muscat de Lipari, de vin de la cöte de l’Etna, Marsala, Ma -
dera de l’Etna, de Capri, etc.
Le commerce d’exportation prend une extension considerable : de
1,362,63a bouteilles qu’il etait en 1867. il s’est eleve a q,q3o,5oo en
VINS ET SPIRITUEUX.
(i'J
1873, et les exportations en futs se sont ölevees de 385,376 en 1867 a
586,094 en 1873. L’Amerique est le prlncipal dient de l’Italie pour ses
vins de liqueur; la France et l’Angleterre absorbenl presque en entier ies
exportations faites en futaiiles. 11 est vrai de dire qu’en regard de Fexpor-
talion il convient de placer Fimportation, qui, eni8Ö7, etait de 271,316
bouteilles, et qui, en 1872, atteignit 46o,5oo bouteilles, dont 3i 1,000
etaient fournies par la France.
Le total de Fexportation italienne est donc de 608,899 hectolitres; le
total de son importation est de 43,557 hectolitres; total, 565,342 hecto -
litres. Sa production, de 2 9 liiillions, est passee a 35 millions d’hectolitres.
Cette augmentation est due aux plantations faites en Piemont et en Tos-
cane. Reste pour la consommation interieure 34,4oo,ooo hectolitres.
Nous avons trouve en Italie une collection considerahle de liqueurs,
peu d’eaux-de-vie, quelques alcools d’industrie, le tout de qualites fort
diverses; cependant il y a quelques heaux types qui ont ete juges dignes
d’elre rdcompenses, notamment les vermouths de Turin, qui ne ressemhlent
en rien a ceux de France. Les liqueurs sucrees prdsentent la meine vari6te
et la meine bigarrure de couleurs que celles observees clans les autres
contrees; nous devons constater que cette production repond 4 un besoin,
puisque la consommation va toujours croissant. Remarquons en termi-
nant que ITtalie, qui n’a pas craint de rneltre un impot sur les moutures,
a laisse libre la circulation des vins et alcools et les proportions d’avinage.
L’Italie a obtenu ä Vienne :
Diplome d’honneur . 1
Medailles de progres 10
Medailles de merite 65
Mentions honorables 160
Recohpexses 3 36
AUTRICHE.
L’empire d Autricbe continue a developpersa production vinicole. Nous
allons nous occuper dans cet article des vins exposes ;i Vienne par cette
pmssance, en dehors de la Hongrie, a laquelle nous consacrerons un ar -
ticle special. Les produits de FAutriche etaient representes par cinq cent
quatre-vingts exposants ayant envoy6 2,210 echantillons. Nous devons
constater les soins attentifs donnes par tous les exposants a leurs produits,
le hon gout et Fimporlance des expositions individuelles, qui atliraicnl les
regards et Fadmiralion de tous les spectateurs. Dans cliaque conlree il
70
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
y avait, apres Texposition particuliere, une exposition generale de la pro-
vince, qui avait recueilli les meilleurs types et les avait places avec art au
cenlre du local afFecte aux exposilions agricoles. Les echantillons destines
a la deguslation etaient deposes dans les caves de la cour des comptes. Les
catalogues, dresses avec un soin et une precision extremes, ont permis
d’effectuer la degustation avec methode et fruit. La production de ccr-
taines contrees de l’Autriche a augmcnle assez sensiblement depuis 1867;
011 peut l’estimer, en deliors de la Hongrie, ä i8,5oo,ooo hectolitres.
La Transylvanie, le Tyrol, la Dalmatie et la Moravie sont les provinces oii
la production s’est le plus developpee; presque tous les vins soumis ä Fap-
preciation du Jury avaient ete recoltes entre 1865 et 1870; les procedes
ernployes pour la vinification portent la trace de soins prevoyants; car les
vins que nous avons degust^s avaient une grande nettete de gout. Si un
cerlain nombre d’echantillons etaient älteres, il fallait en accuser la fai-
blesse du produit, qui ne coinportait pas, pour certaines annees, une aussi
longue Conservation; les vins blancs surtout ont une tendance assez mar-
quee ii lourner au gras.
Nous avons trouve dans le Tyrol des vins rouges excellents, ayanl beau-
coup d’analogie avec les vins de Palus de la Gironde. En general, les prix
demandes ne sont pas en rapport avec les qualites, et cependant ils doivent
etre a peine remundrateurs. Ainsi, en Transylvanie, le prix moyen est de
76 ä 80 Centimes le litre pris sur place, pour le vin recolte de 1866a 186g;
l’hectare de vigne dans ce pays ne produit guere, en moyenne, que 19 hec-
tolilres; en d^duisant du prix pr6cite cinq ans d’int^ret et de coulage,
soit 1 0 p. 0/0 par an, vous arrivez a un r6sultat peu r<5mun6rateur. II est
vrai qu’en beaucoup de provinces, surtout aux environs des grands centres
de poptdation, les choses se passent autrement : il y a dans les centres
vinicoles des commercanls qui achetent le raisin, font le vin, le soignent
pendant le temps necessaire pour le rendre potable, le mettent en bouteillcs
et le livrent a la consommation; ils ontdesetablissements qui repr6sentent
une valeur consid6rable; leur materiel est des mieux organise. Nous avons
vu des magasins pouvant logeren foudres 20,000 hectolitres. De pareilles
installations ne sont possibles que dans un pays ou le vin est un objet de
luxe et ne parait que sur les tables des personnes aisees. Aussi le nombre
de ces etablissements est-il fort limite, et cette maniere de travailler ne
pennet pas de developper la consommation en röduisant le prix du vin
pour qu’il soit a la portee de tout le monde. La boisson usuelle est la biere;
eile est Ires-bonne; on sent peu le besoin de changer d’habitude. Les
vins blancs sont produits en grande abondance et leur consommation est
plus usuelle que celle des rouges; ils ont un gout de pierre a fusil et des
VINS ET SPIRITUELL.
71
qualites diuretiques qui les font generalement apprecier : dansia Lasse Au-
triche, nous avons remarque le Kirchner, le Vöslauer, le Klösterneubur -
ger; en Styrie, le Marburger, le Jerusaleer, le Venarier,qui ont conserve
leur reputalion. En sornme, l’Autriche produit tres-peu de vins fins; la
rnoyenne de sa production est de qualitö satisfaisante, et, grace aux soins
intelligents dont eile est entouree, cette production arrive a satisfaire les
exigences des consoramateurs.
L’öcole de Klosterneuburg, oü sont installes deslaboratoires importants
pour les analyses des cultures variecs de tous les plants de vigne connus,
n’est point ötrangere aux progres que fait l’Autriche en viticulture. Cet
etablissemcnt met ses collections et son enseignement a la disposition du
public avec le plus complet abandon; sa Situation aux portes de la capi-
tale pennet a un grand noinbre de personnes d’y puiser an precieux en-
seignement.
L’Autriche est un pays essentiellemcntagricole; aussi avons-nous trouve
dans son exposition de spiritueux quelques öohantillons de trois-sixde bet-
teraves et de pommes de terre bien distilles etd’un gout louta fait neutre.
Ces produits sont destines a la consommation intörieure, et surtout a la
fabrication desliqueurs, qui prend un grand developpement dans les centres
habites. Malheureusement, le choix de ces trois-six n’est pas toujours judi-
cieusement fait; aussi avons-nous trouve beaucoup de liqueurs laissant a
desirer sous ce rapport; mais, a cole de ces pi'oduits inferieurs, il y en a
eu d une qualite incontestable, et qui prouvent (jue les procedes les plus
perfectionnes et les matieres preinieres les inieux cboisies ont concouru a
leur fabrication. Aussi l’Autriche a-t-elle obtenu :
Diplome d’honneur 1
Merlailles de progres üh
Medailles de mdrite cj(i
Mentions honorables 185
Rboompenses 3 0 6
IIONGRIE.
L’imporlance de la culture de la vigne en Hongrie, la superioritö mar-
quee de certains de ses vins que le monde entier apprecie, l’importance
gdographique de ce pays, möritent certainernent (|u’il Iui soit consacre un
chapitre special. Les conditions topographiques et climateriques, qui ont
etö si bien decrites dans le livre public en quatre langues par les soins
de l’Associalion des proprietaires de Hongrie, sont connues de tout Je
monde; nous n’entrerons dans aucun detail a leur sujet. Nous constate-
7 2
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
rons, d’abord, que les produits de la Hongrie etaient representes par i ,51 h
echantillons envoy^s par trois cent vingt-neuf exposants. Ces echantillons
etaient deposes dans les caves d’Anna Gasse. Des catalogues im prim es ä
l’avance et en parfaite concordance avec les numeros mis sur les bouteilles
facilitaient la regularite des opera lions du Jury. La galerie consacrec a
l’exposition agricole de la Hongrie ^tait ornee de vitrines magnifiques
contenant les produits vinicoles des grands seigneurs de ce pays, qui
n’ont recule devant aucun sacrifice pour faire connaitre et r^pandre autant
qu’il etait en eux leurs vins et spiritueux. L’importance des terres consa-
crees ä la culturede la vigneest d’environ 3oo,ooo hectares, ayant produit
en rtioyenne, depuis dix ans, 7 millions d’hectolitres. Dans cetteproduction
le vin blanc entre pour les deux tiers, et le vin rouge pour un tiers. L’ex-
portation des produits de Hongrie est tres-variable; eile subit l’influence
de la recolte : en 1868, eile a &e de 1,800,000 hectolitres, representant
une valeur d’environ 3y millions de francs; en 1871, eile n’a ete que de
1 mdlion d’hectolitres. pour une valeur de 22 millions de francs.
Le prix des vins de Hongrie suit la progression soutenue versla hausse;
ainsi, les vins de Bude dits de table valaient :
En i85o de 4 ä 19 florins I’eimer.
(Soit de 9 fr. ao cent. a 27 fr. 60 cent. les 56 litres.)
1855.
1860,
1865.
1870.
1871.
1879.,
7 a 18
8 ä so
9 b 90
io a 4o
8 ;i 9o
10 ä 3o
Quant aux vins de Tokay, les variations sonl beaucoup plus importantes;
les prix qui vont etre indiques sont des moyennes obtenues en y compre-
hant les prix des vins de Tokay :
de 20 ä 75 florins.
i84o
i845
185o,
i855.
18G0.
4o ä 190
4o ;i i3o
4o a 100
80 a 200
80 ä 120
80 a s5o
1
I
i865-i868
1869
1870
1 871
1872
VINS ET SPIRIT UEUX,
73
Les vins dils moyens :
En 1835
i84o
18/45-185o. . .
1855-i 868...
1869
1870
de 3o ä 80 florins.
3o ä 80
•JO II 100
4o a 100
4o ä 80
4o a 90
Les vins les plus communs :
En 1835
184o
i845
t85o
1855
1860
i8G5
1866
18G7
18G8
1869
1870
1871
187a
de 1 fl. i/4 a 2 florins.
1 fl. i/4 a 4
2 a 3
3 fl. i/4 a 5
4 fl. i/4 ä G
4 äi 7
4 a 6
5 fl. 1/2 ä 6 fl. 1/9.
Ga 8
4 a 5
5 « 7
5 a 8
6 a 9
7 » 9
Les vins d’Erlau, qui jouissent d’une grande reputation a l’^tranger, v a-
laicnl :
En 1697 8 florins.
’ 7 1 •> 9
17G0 de 3 a 4
1781-1788 5 fi 5 11. 1/3.
1811 83 a 166
1812 1 a 3
1892 ... an a 25
1828 19 a 25
i83o 10 a 20
Ces details statistiques prouvent qu’on ne peut attribuer au vin aucuue
valeur inlrinsöque; que la reussile de la qualite jointe ä l’abondance 011 ;i
la diselle reglent seules les ]>ris.
Les vins blancs communs expos^s par les proprietaires de Hongrie lais-
saient beaucoup a desirer : un grand nombre filaient coinme de l’buile. A
röte de ces produits defectueux, qu’on avait trop longtcmps conserves, il y
avait des vins d’une reussite complete, presenlant tous les earacteres de
grands vins, et qui sont dansla Serie des vins de liqucur, dits Ausbruche et
Auslesen. Les especcs designdos sous le nom de Bakalor, Rüsling, Szouio-
74 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
rodner, Csonurer, Rüster, Somlauer, Vederburger Cabinet, prises dans les
expositions collectives de la Tokay Hegyalya, de Presbourg et Wersetzer,
ont presente de tres-beaux specimens. Nous ignorons completement quelle
est la proportion de ces excellents vins dans la production generale, nous
la croyons peu importante. Comme difficulte vaincue a force de soins, de
perseverance et d’efforts, il est diflicile de pouvoir d6passer ces essais. Au
point de vue pratique et comme resultat materiel, il doit etre negatif.
La production de l’alcool en Hongrie est repartie enlre un nombrc tres-
considerable d’usines agricoles; en i85i, on en comptait, en comprenant
les usines industrielles, io4,4q4; a cette epoque, une augmenlation de
droits sur les usines en fit rcduire considerablement le nombre; aujour-
d’hui, il y en a 35,068 agricoles et 2,324 industrielles. Hans ces usines,
on distille des pommes de terre, du seigle et surtout du ma'is. Cinq seu-
lement sont affect^es ä la distillation de la betterave, qui y a ete introduite
depuis peu de temps (1860); on produit beaucoup d’eau-de-vie de prunes,
appelee dans le pays Slivovitz ou Silvorium. Ce dernier produit, qui s’ob-
tient de la distillation du jus de prunes fermentees, s’eleve annuellement a
a2,500 hectolitres; il est obtenu a 56 degres; sa consommation est fort
populaire. Lastringence de ce liquide est teile, quc les palais qui n’y sont
j>as accoutumes se laissent entamer par lui. L’importance des autres fabri-
cations atteint le chiffre de 58 millions de degres esprit, soit 58o,ooo hec -
tolitres; la valeur moyenne de cet alcool est de 28 a 32 francs i’eimer de
56 litres a 100 degres; la valeur du Slivovitz est de 55 a 70 francs les
56 litres. Les alcools qui ont ^te sournis au Jury n’etaient point rectifnks,
aussi leur appreciation a-t-elle ete impossible, les huiles essentielles etant
Irop abondantes jiour laisser au gout une autre impression que la leur.
Lindustrie de la fabrication des liqueurs est une branche importante
du commerce et de la consommation en Hongrie; leur variete est tres-
grande; les liqueurs alcooliques sont en majorite; les amers a base de
kümmel sont nombreux et bien combines.
L’exportation des spiritueux hongrois est en ddcroissance; eile s’elevait,
en 1868, a 450,000 hectolitres, repiAsentant 1 4,800,000 francs;en 1872,
eile n’etait plus que de 2o5,ooo hectolitres pour 6,5oo,ooo francs.
La Hongrie a obtenu a l’Exposition de Vienne les recompenses sui-
vantes :
Diplome d’honneur ,
Me'dailles de progres 10
Me'dailles de nidrile 81
Mentions bonorables lt 5
307
Recompenses,
VINS ET SPIiUTUEUX.
75
ALLEMAGNE.
La Gonfederation allemande etait representee ä l’Exposition universelle
de Vienne par quatrecent trois exposants, ayant depose dans les caves d’Anna
Gasse 1,200 echanlillons environ. Les pays vinicoles de cet einpire sont des
royaumes tous situes dans la partie meridionale, tels que ceux de Baviere,
de Saxe, de la Hesse, du Palatinat, et enfin nos deux provinces d’Alsace-
Lorraine, qui ont plus que double la production viticole de l’Allemagne.
Cliaque fois qu’un observateur de la nature goute attentivement les pro-
duits des bords du Rhin qui se nomment Johannisberg, Rudesbeimer, Ei-
binger, Geisenheimer, Erbacher, Marcobrunner, Rauenthaler, Hochheimer,
et qu’il regarde la position geographique qu’occupent les pays qui donnent
ces magnifiques produits, son etonncment est bien grand, surtout si, fai-
sant un examen comparatif, il deguste ceux d’une zone beaucoup plus
temperee : la richesse des produils des bords du Rhin lui parait inexpli-
cable; les matieres saccharines qui y sont contenues, en si grande quan-
tite qu’elles en cmpechent la consommation dans les premi&res annees de
la recoltc, bouleversenl son esprit. 11 faut, pour qu’il puisse arriver a s’expli-
quer le fait d’une moniere plausible, consultcr la construction geologique
de ce sol de silex qui emmagasine, sans en laisser perdre un degrd, la cha-
leur que le soleil lui envoie, et la rend, en la multipliant de ses eflluves, a
la vigne qui v4gMe dans ce sol; il faut encore que sa pensee assiste aux
soins minutieux qui president a cette recolte; qu’il voie avec quel soin tout
grain souille de la moindre impurete est mis a part, avec quelle attention
le moment opportun pour la cueilleüe est surveille etsaisi; qu’il sache la
vigilance extreme avec laquelle se surveillent le pressurage et la fermenta-
tion de ce preeieux liquide qu’on appelle Auslesen et Ausbruche, pour avoir
l’explication du mystere que son gout lui r^vele et que sa raison se refuse
a croire. Les quantites ainsi r^coltees sont si peu importantes, qu’elles ob-
ticnnent des prix fantastiques, que peut justifier la difficult4 vaincue,
niais que ne justifie pas la valeur intrinseque du produit. Parmi les vins
qui ont etd sournis a notre examen, nous en avons trouve de tellement
Sucres, que leur consommation nous parait impossible en cet etat, et que
nous ne pouvons leur attribuer d’autre destination que celle de donner de
la qualitö ä ceux qui en manquent; car, a ce degre de douceur, le vin est
pateux et lourd, et, bu en cet ^tat, il serait «koeurant. En dehors des grands
vins du Rliin, les vins blancs de i’Allemagne sont bien faits, mais ont un
gout de pierre a fusil auquel il faut s’accoutumer pour les consommer: les
vins des bords de la Moselle sont plus legers et plus agreables.
Les echantillons exposes par l’Alsace-Lorraine etaient en quantile im-
76
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
portanle; nous y avons trouve des vins rouges de bonne qualile, et en plus
grande quantite des vins blancs; les prix qu’ils obtiennent de leurs pro-
duits sont extremement eleves. Le nouveau regiine sous lequel ils sont
plac^s ne permet pas l’exportation des produits viticoles de ces deux pro-
vinces; en effel, on pergoit un droit de douane qui est de 2 5 francs par
hectolitre.
Depuis l’Exposition de 1867, aucun fait saillant n’a ete signale en
Allemagne, en ce qui touche la vinification; la consonimation puise les
quantites qui ne sont pas recoltees sur son sol, en France, en Autriche et
en Espagne.
La production de l’alcool continue a se d^velopper dans 1’Allemagne du
Nord. Cent quarante-sept exposants avaient envoye a Vienne des produits
de leur Industrie, tant en alcool qu’en spiritueux et liqueurs diverses. Les
alcools sont distilles et rectifl^s avec une rare perfection; les trois-six de
pommes de terre, qui sont ceux dont la production est la plus considerable,
sont d’une neutralite parfaite. Les liqueurs sucrees ont moins de perfec -
tion que dans les pays qui ont a leur disposition pour les fabriquer des
alcools de vin : cette difference est surtout sensible pour celles qui sont
destinees a etre conservees longtemps.
En resume, 1’Allemagne a obtenu :
Diplome d’honneur 1
Mödailles de progr^s. 37
Medailles de merite,. qa
Mentions honorables iki
Recompenses s6i
«USSIE.
Nous avons trouve jusqu’ici des catalogues soigneusement faits, mais
aucun ne saurait egaler en renseignements precis ceux que M. le pro-
lesseur Salomon a places sous nos yeux pour l’appreciation de l’expo-
sition des vins de Ilussie a Vienne, a laquelle ont pris part soixante-neuf
exjjosanls, qui ont envoyd 1 oq echantillons de vin et un nombre conside-
i’able d’echantillons de spiritueux. En effet, nous trouvons dans ce docu-
ment l’analyse chimique des produits de differents vignobles russes et de
differentes annees; nous trouvons egalement un tableau des conditions at-
mospbenques des principaux centres de production vinicole. Enfin, bien
que les vins de Ilussie fussent deposes dans les caves d’Anna Gasse, <piel-
ques echantillons ont ete älteres par le transport; les autres ont ete appre-
cies par le Jury et recompenses. La culture de la vigne occupe en Ilussie
77
VINS ET SPIRITUEUX.
une grande surface : la Bessarabie, la peninsule de la Crimee, tonte la re-
gion du Caucase, les bords du Don et les embouchures du Volga, pres
Astrakan et Kislar; eile est cultivee aussi dans tout le Turkestan, mais
nous n’avons sur ce point aucune donnde precise. Voici, d’aprks les en-
quetes officielles, les rdsultats en nombres ronds :
En Crimee i ,200,000 vddras.
En Bessarabie . 38o,ooo
Aux bords du Don i5o,ooö
Caucase du Nord 3,3oo,ooo
Caucase du Sud 8,4oo,ooo
La temperature moyenne observee aux stations ci-apres ont donne les
resultats suivants :
Yalla
Nikita
Barabach . .
Sirri pberopol
Sdbastopol. .
La richesse alcoolique des vins de Russie varie entre 5,5g et 14,35. La
production varie suivant les terrains; ainsi, dans la peninsule de Crimee,
sur la cote du Sud, il y a des gisements de calcaires jurassiques favorables
a la production de la vigne et surtout a la qualite du vin; l'autre partic
de la peninsule est composee de terrains d’alluvion d’une grande fertilitd;
aussi, pendant qüe les premiers produisent i5o vedras a l’lrectare, les se-
conds en produisent 5öo; la valide de Saudack, par exemple, doit son ex -
treme fertility a l’immersion periodique de ses terres; si les vins produits
par ce proc^de sont infdrieurs en qualite, la quantitd compense cet incon-
venient, et permet de faire un produit potable qui est livre a des prix peu
eleves. En resumd, la Russie a sensiblement augmente sa qualite depuis
1867; ses nombreuses stations experimentales, ses cercles d’agriculture,
s’occupent d’une maniere spdciale de la culture de la vigne; les grands
proprietaires des rdgions meridionales ne reculent devant aucun sacrifice
pour developper cettd brancbe de l’agricultüre, en faisant tous les essais
que la Science leur conseille.
La distillation est une industrie considdrable dans le nord de la Russie.
La consommation desboissons alcooliques y est excitde par la temperature
tres-basse sous laquelle vit une population qui, une partie de l’annee, est
obligde de vivre immobile et de chercher des reactifs factices pour activer
la circulation du sang et le jeu de son organisme; aussi avons-nous Irouve
io“ 79 \
9^ *7 I du Sud
10 ® I Rdaumur.
7" 79 )
9° 3/4 /
78
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
de nombreux echantillons des produits de cette espece a Vienne. Les grains
et les pommes de terrc font la base des matieres premieres converties en
alcool; la rectification n’en est pas parfaite: les gouts empyreumatiques
subsistent dans beaucoup de produits et se retrouvent dans les liqueurs
fabriquees avec cet alcool; cependant nous avons trouve du kümmel tres-
bien prepare, des liqueurs ameres, des elixirs de toute saveur fort prises
dans ce pays, et appropries au cliinat par leur coinposition.
La Russie produit aussi, et de toute antiquite, une boisson fermentee,
composee d’eau et de rniel, appel^e hydromel et qui se conserve de nom-
breuses ann^es; nous en avons goül<$ de fort bien faite qui datait de plus
d’un siede.
Les recompenses obtenues par les produits russes exposes dans la troi-
sieme section du quatrieme groupe sont:
Diplöme d'honneur i
Mddailles de progräs 5
M^dailles de inerile 91
Mentions honorables 17
R ECOiM PENSES kh
SUISSE.
La Suisse, dans ses nombreuses valides abritees des vents violents, pro -
duit quelques vins blancs et rouges de qualit^ fort ordinaire, mais tres-
prises de ses habitants. Ces vins, presque toujours vendus ä trail de cuve,
atteignent ordinairement les prix de 75 a ijo francs l’hectolitre. La pro-
duction n’en est pas grande, mais eile augmente tous lesjours; il y en
avait 47 dchantillons ä l’Exposition de Vienne. Leur depot a Anna Gasse
les avait preserves de l’influence de la temperature du palais de l’Expo-
sition.
La fabrication des liqueurs et la distillation des grains, melasses et
pommes de terre, est importante relativement a la population de la Suisse;
les plantes aromatiques qui se trouvent en grand nombre sur ses monta-
gnes et dans ses vallees, lui permettent d’en faire d’excellentes. La distilla -
tion des merises donne le kirseb-wasser, qui est si apprecie partout, et qui
merite de l’etre. En resume, les trenfe-huit exposants de ce pays, qui ont
soumis au Jury 90 echantillons de leurs divers produits, ont obtenu :
Mednilles de progrts 9
Medailles de merite q
Mentions honorables 99
Recompexsf.s
VINS ET SPiniTUEUX.
79
GRECE.
Bien que depuis un demi-siecle la Grece ait developpd la culture de la
vigne Sur son sol, d’une maniere considerable, eile a pris une part fort res-
treinte <4 l’Exposition de Vienne. Trente-quatre exposants seuiement figurent
sur le catalogue de la troisieme section du quatrieme groupc. Les produits
qu’ils ont envoyes accusent de grands progres dans la vinification. Les vins
communs surtout, qui, en 1867, ne pouvaient etre apprecies a cause du
goüt de resine qui saisissait l’odorat et le palais, sont plus nets de goül;
quelques-uns conservent encore trace de ce vice tradilionnel, mais c’est
l’exception; neuf exposants avaient envoyd des liqueurs sucrees fabri-
quees avec une rare perfection. Tous ont etd jugds dignes de recompense.
En r&ume, les trente-quatre exposants de la .Grece ont obtenu ä Vienne:
Medailles de progres 3
Mddailles de mdrite 8
Mentions honorables 10
Recompenses 21
i\ous ne terminerons pas cet article sans indiquer l’dtat de production
du vin en Grece : 5o,ooo hectares de terre sont consacres ä cette culture,
qui produit 1,200,000 hectolitres. Les vins de liqueur de l’Archipel grec
sont ä la bauteur de leur vieille reputation.
ROUMANIE.
Cinquante exposants roumains ont envoyd ä Vienne 75 echantillons de
leurs produits, dont 46 de vin; malheureusement, ces derniers n’ont pu
elre degustes, la fermentation les ayant alterds.
La production de cette contree est moins importante que celle de la
Grece, bien que la culture de la vigne occupe un espace beaucoup plus
important; on estime a 100,000 hectares la superficie en vignes, et la pro -
duction n’atteint pas 1 million d’hectolitres. Une partie du vin est consommde
en moüt. Los moyens employds pour arrdter la fermentation n’ayant d’elfi-
cacite cjue pendant un certain temps, il arrive un moment oii cette fermen -
tation, comprimde longtemps, se developpe et compromet le plus souvent
l’existence du liquide. La principale production a lieu sur les collines qui
sont situees au pied de la chaine des Carpatbes et s’dlendent jusqu’au
Danube. Les crus les plus connus de ce pays sont Cotnari (districl de
Jassi), Dragacbani (district de Valcao), Odobechli (district de Putna),
Ddlaon (district de Prabova) et Mari (district de Buris).
80
EX POSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Les liqueurs exposdes par la Rouinanie sont au nombre de 29 dchantil-
lons fournis par vingl-deux exposants; leur qualitd n’offre aucun caractere
special, quelques-uns ont reuni la nettete du gout ä la puretd des aromes.
En rdsurne, la Roumanie a de grands progrds a accomplir pour etre au
niveau des pays producteurs de vins et spiritueux ; eile a oblenu :
Medailles de progres 2
Medailles de mdrite 6
Mentions lionorables ; 12
Rf.cosipenses 20
AMERIQUE DU NORD.
Depuis 1860, la culture de la vigne a pris un ddveloppeiüerit coriside-
rable dans l’Amdrique du Nord. Presque tous ses Etats en produisent, mais
c’est en Californie, dans la Virginie, la Caroline, les Massacbusets, l’Ohio,
que se produisent les plus grandes quantitds. Beaucoup de plants frangais,
espagnols et allemands y ont ete introduits, et la production, qui en i85o
etait de 10,000 hectolitres, peut etre evalude aujourd’bui ä i3o,ooo hec-
tolitres. Les produits exposes a Vienne etaient au nombre de 82 ecban-
tillons de vin et 16 de spiritueux, envoyds par 27 exposants. Nous avons
constate des progres reels sur ceux exposes en 1867 : le gout de pdtrole
qui caracterisait les vins goutes en 1867 avait disparu; le vin etait
agreable au gout, de bonne nuance; les vins blancs secs etaient aussi de
bonne qualite, les vins mousseux tres-bien faits.
Les spiritueux distillds dans l’Amdrique du Nord ont pour base les riz
et les grains; lespremiers se nomment uracks et sont produits en quantite
considerable; leur distillation est tres-bien faite; ils obtienncnt unc neulra-
litd complete.
Quelques liqueurs sucrees en petit nombre, sans caractere special.
En rdsume, progres incontestable en production efren fabrication.
Mddailles de progrds 2
Mddaillcs de mdrite 5
Mentions lionorables 8
Recompenses i5
Apres avoir passe succinctement en revue les principales contrdes du
monde qui produisent du vin, il nous i’esterait a parier de la production
des alcools et liqueurs des pays prives de vins; pour eux, nous n’aurions
qu’b rdpeter ce que nous avons deja dit des liqueurs et distillations alcoo-
VINS ET SEI Hl TUE U X.
81
liques quß cliaque pays approprie au besoin de son climat, au gout et aux
habitudes de ses habitants, et aussi aux chances d’ecoulement de ses debou-
ches commerciaux; nous citerions la Holiande, dont les liqueurs a base
d’orange out joui d’uue grande reputation, reputation aujourd’hui egalee
par les fabriques d’autres contr^es, qui ontetejugees superieures ä cette
derniere; la Belgique, qui a vu, en 1872 et 1873, son exportation d’alcool
prendre un essor considerable, grace ä son drawback, qui lui a permis de
realiser des b^nefices enormes, en introduisant en France des excedants
provenant desbonis legaux de sa fabrication: IaSuede et la Nonvege, qui,
avec des matieres premieres empruntdes a toute provenance, ont ete assez
industrieusespour fabriquer des liqueurs, et specialement despuncbs, que
nous n’avons rencontr^s nulle part aussi bien reussis et aussi propres ä
une longue Conservation.
Le Japon a expose un vin provenant de la fermentation du riz, qui a des
qualites extraordinaires, comrne bonne fabrication et recherche de gout;
sa liqueur a un gout fin et moelleux sans apparence d’alcool, ressemblant
a s’y meprendre a des infusions anodines, qui doivent difficilement troubler
le cerveau; son vinaigre de riz est d’excellente qualite. L’Etat de Monaco
lui-meme a expose une liqueur composee avec les simples aromatiques de
ses montagnes, qui est d’excellente qualite et rend de vrais Services ä sa
population comme tonique.
En r&aime, l’Exposition de 187.3 a Vienne nous a montre, en general,
la viticulture en progres, comme production et comme qualite. Nous nous
sommes surtout attaches ä constater des progres sur ce que nous appelle-
rons le vin moyen, c’est-ä-dire celui qui est destine a la boisson quoti-
dienne de la generalite desfamilles, ce qui est la masse de la production,
ne voulantpas nous occuperexclusivement des vins fius, qui, en definitive,
ne peuvent representer qu’une portion infinitesimale de la production et
de la consommation; en effet, le vin fin, produit par un sol d’une qualite
speciale, ne peut depasser une certaine production qu’en perdant les
qualites quile font classer, et par cons^quent en entrant dans la categorie
des vins ordinaires; les classes qui le consomment, ayant un grand prix ii
payer, ont le droit de se montrer difficiles et de n’admettre ä leur table
qu’un produit que sa qualite et sa reussite font sortir de l’ordinaire. Si,
au contraire, on parvient a faire apparaitre sur la table de l’artisan, de
femploye, des petites bourses en un mot, un produit d’un gout irrepro-
chable, possedant des qualites nutritives tolles que le consommateur y
trouvepour sa sante assez de ton pour diminuer le volume de sa nourriture
ordinaire, ä un prix arcessible ä loutes ces petites bourses, on aura resolu
II.
()
8:2
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
uii probleme utile äl’humanite; cette solution sera aussi la meilleure des
Solutions contreles abusdu viu ayant pour consequence l’ivresse, car, iäoü
le vin est assez abondant pour que sa consommation ne soit pas limit4e,
l’ivresse est tellement rare, qu’on peut la consid^rer couime d^truite; nous
considerons donc comme un excellent acheminement vers ce r^sultat le
progres constatd dans la section de viticulture ä l’Exposition universelle de
1873 a Vienne.
Voici quelle est, en ce moment, la moyenne de la production vinicole
du monde entier :
France
Italie
Espagne
Turquie
Portugal
Autriche
Hongrie
Allemagne
Russie
Roumanie
Suisse
Amerique du Nord et Bräsil. . .
Total,
56,ooo,ooo hectol.
35,ooo,ooo
90,000,000
i,5oo,ooo
3,5oo,ooo
18,5oo,ooo
7,000,000
4,5oo,ooo
3,5oo,ooo
1,000,000
5oo,ooo
1,5oo,ooo
i59,5oo,ooo hectol.
Sur cette production fort approximative, la France produit un tiers, et
un seul departement frangais, l’Herault, un dixieme; si l’on jette un coup
d’ceil sur le chifFre d’exportation auquel donne lieu pour cbaque pays cette
production, on trouvera qu’en debors du Portugal, qui exporte de un quart
a un sixieme de sa production, le reste est presque insignifiant; ainsi, la
France n’exporte pas de vin du tout, si l’on ddduit de son exportation le
Chiffre importe chez olle par FItalie, PEspagne et le Portugal, importation
qui aurait sa raison detre si eile avait pour objet d’introduire ce que la
France ne produit pas, inais qui ne Pa plus quand on sait que ce sont des
differences de prix, de degre ou autres qui la motivent; le jour oü les en-
traves qui genent si etroitcment la circulation et la manipulation des vins
seront lombees, le commerce, la consommation et surtout l’exportation
prendront un developpement extraordinaire.
En terminant ce travail, je dois adresser des remerclments bien recon-
naissants aux membres du Jury de la 3 C scction qui nous ont prete un con-
coars si devoue et si sympathique pour l’accomplissement de notre mandat,
notamment au prösident du groupe, S. Exc. le comte Zicby, au president
VINS ET SP1R1TUEUX..
83
de lasection, S.Exc. le comte Frangois Zichy, ä M. Schlumberger, a M. le
docteur Ladislas de Wagner, a M. le comte Bertone di Sambuy, a M. le
docteur Nessler, a M. Alexandre Salomon, a M. Munoz Rubio Julian, a
M. S. Garcia, au colonel turc, a M. A. Odelberg.
Je voudrais nommer ici tous ceux dont les relations et la baute expe-
rience ont aide le travail et cbarme le sejour de Vienne, et dont le Souvenir
est un des plus grands attraits de ce moment.
II m’est impossible de fermer ce rapport sans y consigner aussi le con-
cours si devoue et si desinteresse de trois experts que M. le Ministre de
Fagriculture et du commerce, sur notre demande, voulut bien nous ad-
joindre, et qui, par leur travail assidu, leur savoir special, ont seconde si
activement l’ceuvre du Jury; leur concours ne saurait £tre oublie, bien (|ue
leurs noms ne figurent dans aucun catalogue; mes amis, M. Allain, vice-
president de la chambre syndicale du commerce g4n4ral des vins et eaux-
de-vie de Paris, M. Mathieu, tresorier de la meine chambre, et M. C. Carrd,
membre de la meme chambre, voudront bien me permetlre de leur te-
moigner toute ma gratitude pour leur si prdcieuse Cooperation. Et enfin je
ne puis oublier que nous sommes partis trois pour Vienne, M. Barral,
M. Cuvillier et inoi, et que deux seuls sont revenus, notre bien excellent
collegue, M. Cuvillier, a succombe dans l’exercice de ses laborieuses fonc-
tions, victime de son d^vouement ä l’accomplissement de son mandat;
puisse ce Souvenir, depose en hommage ä la fin de ce travail, reporter vers
lui l’estime, 1’afTection de tous ceux qui ont pu l’apprecier!
TEISSOINNIERE.
IV
FABRICATION DE LA BIERE.
RAPPORT DE M. AI ME GIRARD,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
INTRODUCTION.
Je n’avais pas l’honneur d’etre attach^ au quatrieme groupe de l’Expo-
sition, et je n’ai pu,par cons^quent, suivre avecr^gularitd l’dtude des sub-
stances alimentaires faite a Vienne par les jur^s de cette section; membre
du Jury pour ie neuvieme groupe (Verrerie et Cdramique), j’avais d’autres
devoirs ä remplir.
Cependant j’ai pu, en prolongeant mon sdjour en Autriche au dela
des op^rations du Jury, porter mon attention sur quelques-unes des indus-
tries chimiques les plus remarquables de ce pays.
Parmi ces industries, la fabrication de la biere a surtout excite mon
int^ret; les produits dela brasserie autricbienne, en effet, jouissent, avec
raison, d’une riiputation europeenne, et j’ai pense que l’etude desprocedes
ä l’aide desquels ces produits sont obtenus pourrait avoir, au point de vue
de notre industrie nationale, une serieuse utilite.
L’etendue du travail qui leur etail confie ne permettant pas ä mes col-
l£gues du quatrieme groupe d’aborder ce sujet dans leur Rapport, j’ai dte
heureux de devenir, sur l’invitation de MM. les Commissaires gendraux,
leur collaborateur, en riisumant ici les observations que j’ai faites sur la
fabrication de iabiere, d’une part, dans les galeries memes del’Exposition,
et, d’une autre, dans les brasseries autricbiennes que j’ai visit^es.
Deux personnes surtout m’ont, dans cette etude, aid«5 de leur concours :
Tune est M. Gustave Noback, l’habile constructeur de Prague, dont les pu-
blications relatives ä la brasserie, les plans d’usine,les appareils, etc.,
constituaient certainement Fune des parties les plus remarquables de l’ex-
position autrichienne; l’autre est M. J. M'ünstel, qui, appcle par lc Jury fran-
8(i
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
(jais du quatrieme groupe comme degustateur expert, a rendu ä nos com-
patriotes, dansl’examen, quelquefoispenible, desbieresexposdes kVienne,
des Services importants.
Le travail qui va suivre, je tiens ä lc bien etablir lout d’abord, n’est en
aucune facon un rapport officiel; il nepretend, ;i aucun titre, refleter les
opinions du Jury, opinions au d^veloppement desquelles je n’ai pas as-
siste; c’est une oeuvre toute personneile et oü la responsabilite de l’^crivain
se trouve seule engagee.
I
DE LA FABRI CATION ET DE LA CONSOMMATION DE LA BIERE
EN GENERAL.
La fabrication de la biere traverse, en ce moment, une phase remar-
quable de transformation. Apr£s avoir longtemps vecu de procedes rou-
liniers dontle temps avait seul consacre la valeur, eile appelle aujourd’hui
la Science a son aide. Les savants les plus distingu^s r^pondent ä cet appel,
et, dans les pays ou la biere est la boisson principale de la population, on
voit des aujourd’hui s’elever d’importantes dcoles de brasseurs, ou l’ins-
truction scientifique chemine constamment cote a cote avec 1’enseignement
pratique.
C’est la une alliance heureuse, dont mainte industrie deja sait tirer des
profits considdrables, et dont la brasserie ne peut manquer de ressentir
bientot les heureux efFets.
L’epoque actuelle lui est, d’ailleurs, particulierement favorable; les mo-
difications variees que la matiere organique subit sous l’influence de ces
agents si longtemps mysterieux auxquels on a donne le noin gdnerique
de ferrnenls, les fermentations, en un niot, ont ete, dans ces dernieres an-
ndes, 1’objet des travaux les plus remarquables, et le nom de M. Pasteur
a vu, ä la suite de ces travaux, grandir encore sa celiibrit^.
Aujourd’hui nous savons, a n’en pas douter, que, si la Iransformation de
la matiöre amylacee en produits solubles, en dextrine et en sucre, s’opere
sous une influence encore mal definie, au conlact d’un agent inorganisd,
la diastase, dont l’action est en somme comparable a celle des acides ou
de certains sels, nous savons, dis-je, que loutes les fermentations propre-
ment dites de la matiere soluble ainsi engendree ont pour cause premiere
le developpement vital de certains organismes cxlremement simples et de
dimensions microscopiques. C’esl a ces pelits organismes qu’appartient en
propre le nom de ferments, et ce sont eux qui, au cours de leur existence,
engendrent ici l’alcool et l’acidc carbonique, la l’acide lactique, ailleurs
FA BR IC ATI ON Dli LA ül EHE.
87
l'acide butyrique, (Jans certaines circonstances enfm ces matieres encoro
peu connues qui alterent la saveur primitive du produit fermente, qui
rendentle vin amer, qui Je font tourner, qui aigrissent la biere, etc.
Et comme, ainsi que l’ont netternent elabli les belles decouvertes de
M. Pasteur, ces divers ferments ont les uns et les autrcs des conditions de
vitalitd sp^ciales, comme Fun meurt la precis^ment ou l’autre vit, la Science,
en realite, offre a l’industrie des boissons fermentees le moyen d’obtenir
avec les intimes matieres premieres des produits differents comme goüt,
comme parfum, le moyen, en un mot, de diriger la fermentation a son
gre, en la plagant dans les conditions precises qui conviennent au deve-
loppement vital de tel ou tel organisme.
Appliquees avec methode ä l’industrie de la brasserie, les consequences
qui decoulent des travaux auxquels je viens de faire allusion ont permis,
dans ces derniers temps, d’expliquer la superiorite des bieres obtenues a
basse teniperature, c’est-ä-dire des bieres allemandes et surtout des bieres
autrichiennes, et, d’un autre cote, eiles ont donnd naissance a un procdde
de fabrication nouveau, dont la valeur theorique est indiscutable, et
dont la realisalion pratique, poursuivie activemenl par M. Pasteur lui-
mdme, subit, en ce moment meine, l’epreuve industrielle; j insisterai suc-
cessivement sur ces deux points de vue.
Mais, avant d’aborderl’etude des deux questions qui dominent aujour-
d’hui l’industrie de la brasserie tout entiere, il est peut-etre necessaire de
rappeier rapidement les principessur lesquels cette Industrie repose, d’en
indiquer l’importance commerciale, et de definir enfin les produits si dilfe-
rents entre eux auxquels eile aboutit, dans les diverses contrees ou la con-
sommation de la biere est le plus developpde. Par une circonstance sin-
guliere, en effet, l’industrie si importante de la brasserie n’a ete l’objet
d’aucune etude detaillee dans les Rapports des grandes Expositions inter -
nationales anterieures a 1873, et, si l’on en excepte une note succincte
jointepar mon savant pred&esseur, M. Payen, au Rapport de 1867, on ne
saurait rien trouver sur cette question dans les ecrits si interessants que ces
Expositions ont laisses apres elles.
Principes de la fabrication de la biere. — De toute antiquite, l’homme a
connu la biere; son usagea certaiuement precede l’usage du vin, et la de-
couverte en a du etre tout accidentelle.
Les grains des cer4ales, alors surtout quils ont subi un commencement
de germination, deviennent aisement, au contact de l’eau tiede, l’objet de
modificalions remarquables. La matiere amylacee qu’ils rcnferment, sac-
cbarifiee, solubilisee par la diastase que la germination a formee, donne
88
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
bientöt naissance, dans ce cas, ä un moüt sucre qui lui-meme, sous l’in—
fluence de la levure dont I’air lui apporte incessamment les germes, se
transforme rapidement en une boisson fermentöe, alcoolique et gommeuse
a la fois. Celte boisson, c’est la biere.
Tels sont les phenomenes successifs qui, par leur döveloppement fortuit,
ont jadis fait connaitre a l’homme cette boisson aujourd’hui si recherchee;
tels sont ögalement les phenomenes dont le developpement intentionnel
constitue la fabrication moderne de la biere.
Ces phenomenes, la pratique et Fexperienee en ont pcu a peu regiemente
les condilions, et c’est en les coordonnant, en regularisant leur allure, que,
depuis des siecles dejä, eiles ont constitue une industrie puissante, l’indus-
trie de la brasserie.
A chacune des phases que je viens d’indiquer rapidement correspond,
tlans l’usine, une Operation speciale, et Fon y distingue successivement:
le maltage, c’est-ä-dire la germination des grains; le brassage, qui apourbut
la saccharification de la matiere amylacee par Faction com bi nee de Feau
tiede et de la diastase; la coction, qu’accompagne le houblonnage, et enfin
la fermentation.
Toutes les cereales peuvent etre indislinctement employees a la fabri -
cation de la biere; le seigle comme le ble, Favoine comme Forge, peuvent
donner naissance a des bieres de qualitds diverses; mais de toutes ces cö-
reales celle qui, par sa Constitution physique, comme par sa composition
chimique, se prete le mieux aux opörations que la brasserie comporte, c’est
Forge, et c’est, par consequenl, au moyen de Forge que nous verrons pre-
parer, dans le monde entier, les bieres de bonne qualite.
Mouillee d’abord, impregnee d’eau dans toute sa masse, Forge est aban-
donnee dans de vastes pieces, generalement obscures, que Fon designe sous
le nom de germoirs. La, etendue sur le sol, en couches d’epaisseur va -
riable suivant la saison et latemperature, mais mesurant, dans les conditions
moyennes, de 1 2 äi5 centimetres, eile entre rapidement en germination;
les radicelles s’echappent du grain, et la gemmule, laplumule, comme le
brasseur la nomme, s’allonge sous le pericarpe, du cotd oppose au sillon
qui partage le grain en deux lobes egaux et symetriques.
En meine temps une evolution singuliere de la matiere s’accomplit
au sein de ce grain; tout autour de Fembryon, au point d’oü s’^chappent
a la fois les radicelles et la plumule, se developpe une matiere azotee, dias -
tase pour les uns, maltine pour les autres, matiere qui n’est autre que
Fagent auquel appartient la propridte de transformer, au conlact de 1’eau
tiede, l’amidon en dextrine et en sucre.
Aussitot <| 11 e la plumule atteint, dans sa longueur, les trois quartsde la
FABRICATION DE LA BIERE.
89
longueur du grain, la germination est arretee brusquement; la pousser plus
avant, en effet, ce serait detruire, sans utilite, une portion notable de
l’amidon, et deja le grain renferrne dans ses lissus une quantite de diastase
süffisante pour saccharifier toute la raatiere amylacee dont ses cellules
sont gorgees. La premiere phase de la fabrication est terminee, borge est
devenue du malt, le role du brasseur va commencer.
Mais, comme le malt, en general, n’est sonmis aubrassage qu’un certain
temps apres sa preparation, il devient necessaire, a partir de ce moment,
d’entraver le developpement ulterieur de la germination; c’est au feu que
le brasseur demande de determiner cet arret. Dans une vaste chambre
mesurant quelquefois i5 et 20 metres de hauteur, sont disposes 1 un au-
dessus de l’autre deux planchers ä jour, faits de toile m&allique ou de
(öle perforee, a travers lesquels s’eleve un courant d’air chaufl'e, suivant
les circonstances, de 35 a 70 degres. Cette chambre, c’est la touraille;
etale sur les planchers, soumis a l’action de l’air chaud qui le traverse, le
malt perd rapidement, dans ces conditions, sa puissance germinative, et
la Conservation, par suite, s’en trouve defmitivement assuree.
Pour malter, il laut beaucoup d’art, mais pour brasser, c’est-a-dire pour
utiliser les materiaux que le malt contient, il en faut davantage encore.
Dans ce malt, en effet, l’analyse chimique rev^lerait maintenant la pre-
sence, d’un cote, d’une grande quantite d’amidon inaltere, melange d’une
petite proportionde dextrine et de sucre deja formes, et, d’un autre, de la
diastase. Mettre l’amidon inalffire en contact intime avec cette diastase, tel
est le but que le brasseur poursuit. L’eau, naturellement, sera le vehicule
a l’aide duquel il atteindra ce but, mais a ce moment de serieuses difficultes
se presentent. Au contact de l’eau l'roide, en effet, la matiere amylacee,
l’amidon, ne se laisse attaquer par la diastase, transformer en dextrine et
en sucre, qu’avec une extreme lenteur. L’eau doit donc 4tre chauftee, mais
il faut se garder quelle le soit trop, car, 072 degres, la diastase se coagule,
devient inerte et perd, par suite, toute son energie saccharifiante. De la,
pour le brasseur, la n^cessite d’operer avec pr^caution. 11 evile, avec soin,
d’atteindre du premier coup la ternpdrature que je viens d’indiquer; c’est
seulement par des affusions successives qu’il y parvient, et de la fafon
dont ces affusions sont faites resultent deux methodes difftirentes de
brassage.
La premiere, que l’on designe sous le nom demetbode par Infusion, est
employee, a l’exclusion de tout autre, par la brasserie anglaise; c’est a son
aide que s’obtiennent l’ale, le porter, le stout, etc. L’ancienne brasserie
francaise l’employait aussi, et 011 la trouve, aujourd’hui encore, en usage
a Lyon, dans le Nord, etc. Elle consiste comme l’indique son nom, a faire
90
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
infuser le malt moulu dans de l'eau prealablement echauffee, et comprend,
en general, deux trempes ou infusions successives.
Pour la mettre en pratique, on brasse, c’est-a-dire on agite vivement
dans la cuve-matiere le malt moulu et deja delaye ä l’eau froide, avec de
l’eau prealablement chauffee ä un degre telque la temperature ilu melange
tont entier puisse, pendant une beure ou deux, se mainlenir vers 5a ou
55 degrescentigrades, quelquefois, comme en Angleterre, vers Go ou 65 de-
gres. Brasse, autrefois a l’aide de fourches ou fourquets, aujourd’hui au
moyen d’agitateurs mecaniques, au contact de cette eau, le malt se Irans -
forme rapidement, la diastase se dissout, l’amidon se gonfle, devient atla-
quable, et le mout sucrG se produit. Bientot l’action est terminee, le mout
est ecoule hors de la cuve,et le residu que celle-ei contient, la dreche, est
recouvert d’une nouvelle quantite d’eau, presque bouillante, qui en eleve
la temperature a 70 (legres environ, et 5 l’aide de laquelle on procede a
une deuxieme infusion dont le produit s’en va rejoindre le mout que la
premiere a fourni.
Toute differente est la deuxi&me methode.
Celle—ci, qu’habituellement on d^signe sous le nomde methode par de-
coction, consiste, au contraire, a faire cuire le malt, partiellement au
moins, avec le mout auquel il donne naissance. La, les affusions, les
trempes sont plus nombreuses que dans la premiere methode, on en
compte trois, quatre et meine quelquefois jusqu’a cinq; le brassage est
commence a plus basse temperature, et enfin (c’cst la ce qui caracterise la
mdtbode, ce qui lui donne son noni) les affusions successives sont faites,
non pas au moyen d’eau neuve prealablement echauffee, mais au moyen
du mout lui-meme, qui, par portions successives, est conduit dans une
cbaudiere speciale, oü, trouble, melange a la dreche, il est porte rapide-
ment a lebullition, et devient ainsi le liquide rechaufleur qui doit achever
la saccharilication.
Cette methode est, a coup sur, la plus repandue aujourd’hui; les bras-
seurs de l’Allemagne, de l’Autriche, n’en emploient pas d’autre, et nos
grandes brasseries frangaises l’ont aujourd’hui generalement adoptee. En
parlant de la brasserie autrichienne, j’en donnerai tout a i’beure une des-
cription plus complete.
Quoi qu il en soit, le mout, au sortir de la cuve-matiere, empörte, entie-
rement transformees en produits nouveaux, et la maliere amylacee et les
substances proteiques que le grain de borge contenail a l’origine. Dans ce
mout on chercherait en vain de l’amidon, mais on y trouverait, main-
tenant, du sucrc, de la dexlrine ou gommo d’amidon , et enfin des matieres
azotees solubles.
91
FABRIKATION DE LA BIERE.
De ces matieres azotees, ies unes doivent rester en dissolution dans la
Biere et contril)uer a faire d’elle une boisson nutritive, les autres doivent
etre eliminees.
Une autre Operation doit, en outre, prendre place a ce moment, c’est
celle qui consiste a houblonner la Biere, c’est-a-dire a lui communiquer,
par l’addition des fleurs du houblon, d’une part une legere amertume qui
en rendcla Conservation plus facile, d’une autre le parfuni special que le
consoinmateur recherche. C’est par la coction que Ton obtient ce double re-
sultat; pendantdeuxheures, trois heures quelcjuefois, le mout, clair alors,
debarrassd de sa dreche, est soumis ä Mmllition dans des chaudieres spe-
ciales, le plus souvenl chauffees a feu nu, et la additionne de la quan-
tite de houblon necessaire pour l’aromatiser.
La derniere phase de la fabrication de la biere commence ensuite, et
cette phase est, a coup sur, la plus delicate, la plus difficile de toute cette
Industrie, je veux parier de la fermentation, c’est-ä-dire de l’operation
par laquelle, sous l’influence de la levure de biere, le Sucre contenu dans
le mout se transforme en alcool et en acide carbonique, tandis que la
dextrine reste dans le liquide, fixee, inalt^ree, constituant, avec les ma -
tieres azotees non consommees par la vie de la levure, l’^l^ment solide que
la biere doit toujours tenir en dissolution.
La fermentation peut s’accomplir dans deux conditions tout ä fait diffe -
rentes, et qui, l’une et l’autre nussi, conduisent ä des rdsultats tout a fait
differcnts : on peut faire fermenter ä la temperatu re ordinaire, ä i5,
18 et meine ä 20 degres; ou bien, au contraire, faire fermenter ä une
tempörature relativement tres-basse, ä k ou 5 degres au-dessus de zero.
De ces deux manieres de faire r^sultent, d’une part, la metliode dite par
fermentation baute, et, d’une autre, lamethode dite par fermentation basse.
De la premiere naissent les Bieres anglaises, les anciennes bieres l'ran-
caises, etc.; de la seconde naissent les bieres allemandes, les bieres aulri-
chiennes, et aussi la plupart des bieres que l’on fabrique en France au-
jourd’hui.
Que Fon suive , d’uilleurs, l’une ou l’autre, peu importe; le mout, au
sortir des cuves, doit etre refroidi. Pour obtenir ce resultat, on l’etend
d’abord dans de grands bacs plats situes aux etages superieurs de l’usine.
La, en quelques heures, il retombe a la tempdrature ambiante; si la fa -
brication a lieu en hiver, cette temperatnre est necessairement assez basse
pour que la fermentation puisse immediatement 4tre mise en train ; mais,
si l’on opere en ete, il est necessaire de soumettre le mout a un refroidis-
sement artiticiel. On emploie, dans ce but, des appnreils deforme varide,
mais qui tous rcposenl sür la circulation en sens contraire de deux cou-
EXPOSITION UNIVERSELLE OE VIENNE.
92
rants liquides dont Tun eutoure une serie de tuyaux metalliques a l’inte-
rieur desquels s’^coule le second; le mout encore chaud fournit Tun de
ces courants, l’autre est fourni par de l’eau froide.
C’est au cours de ce refroidissement que commencent a apparaitre
les differences qui caract&isent, d’une part, la methode par fermentation
baute, et, d’une autre, la methode par fermentation basse. Lorsqu’on veut
suivre la premiere, il suffit de faire traverser le refroidissoir par de l’eau
de puits marquant 11 ou 12 degres; mais, lorsqu’on veut faire usage de
laseconde, il faut substituer ä ce liquide de l’eau qui ait pr^alablement
travers^ de grandes masses de glace, et dont la temperature se soit, de ce
fait, abaissee a 2 ou 3 degres.
Et c’est ainsi que, pour la premiere fois, intervient dans la fabrication
la glace que, dorenavant, il convient de consid^rer comme l’agent essen-
tiel de la production des bieres sup^.rieures.
Lorsqu’enfm le mout est refroidi ä temp<irature convenable, on l’en-
tonne, c’est-a-dire qu’on l’introduit dans les cuves oü sa fermentation
doit s’accomplir. Tantot, comme en Angleterre, alors qu’on opere par fer -
mentation haute, les cuves sont d’immenses capacites, veritables maisons
en bois dont la hauteur occupe trois ^tages; tantot, au contraire, comme
en Autriche, et lorsqu’on opere par fermentation basse, ce sont des vases
de petile dimension, en bois egalem ent, et qui rarement contiennent
plus de 3o 4 35 hectolitres.
La le mout, refroidi a la temperature qu’il convient, a 1 A degres dans
le premier cas, a 2 ou 3 degr^s dans le second, est mis en levain par
l’addition d’une quantite determinee de levure provenant d’une Operation
precedente.
Bientot la fermentation se declare, le liquide entre en effervescence, et
des bulles nombreuses d’acide carbonique viennent crever a la surface,
tandis que le mout se trouble par la formation d’une quantile nouvelle
de levure, et que peu a peu le sucre qu’il contient fait place a l’alcool.
Sous l’influence de cette fermentation, la temperature de lamasse s’eleve
spontanement. Dans le premier cas, le brasseur ne s’en occupe en aucune
fafon, mais dans le second il combat avec energie cet echauffement
Qu’il laisse, en effet,la temperature monter a 10 ou 12 degres seulement,
et la biere obtenue dans ces circonstances sera depourvue des qualites
que la fermentation a froid lui assure. Aussi aura-t-il soin de refroidir
constamment le mout en fermentation, soit au moyen de Serpentins qui
y seront noyes, et a travers lesquels il fera circuler continument un cou -
rant d’eau glacee, soit au moyen de nacelles, de nageurs (c’est le torme
technique) remplis de glace, et qui, librcment suspendus au sein du li-
93
FABRICATION DE LA BIERE.
quide, constamment deplacds par les couranls que cree le degagement du
gaz acide carbonique, en maintiennent regulierement toules les parties a
la temperature de 5 ou 6 degriis tout au plus.
Trois ou quatre jours, si l’on opere ä la temperature ordinaire, quinze
ävingtjours, si Ton opere par refroidissement, seront necessaires pour
achever la ferruentation principale; au bout de ce temps, la biere sera
faite; cependant eile ne saurait etre, d£s ce moment, livr^e au con-
sommateur. D’une part, en effet, eile est Irouble; dune aulre, la trans-
formation du sucre en alcool n’a pas encore atteint son maxinium.
Pour l’eclaircir, comme aussi pour pousser cette transformation plus
avant, on l’abandonne dans des caves dont la fraicheur naturelle suflit
lorsqu’on est en face de bieres obtenues par fermentation haute et desti-
n^es a une consommation prochaine, mais qu’il est n^cessaire de mainte-
nir, au moyen de masses enormes de glace, a la temperature de i ou
2 degrds, lorsqu’il s’agit de bieres obtenues par fermentation hasse, et
surtout de bieres de garde.
G’est dans ces caves que la biere, se perfectionnant peu ä peu, attend
le moment ou eile doit etre livr^e a la consommation.
Tels sont, en resumd, les principes sur lesquels repose l’industrie de la
brasserie, principes qu’il m’a paru utile de rappeier ici rapidement, afin
de rnieux faire ressortir le caractere special des proc^d^s sur lesquels semble
devoir se fixer le choix de la brasserie moderne.
Consommation de la bittre. — La consommation de la biere etait, autre-
l'ois, sp^ciale a certains peuples; eile est aujourd’hui generale, et, dans les
contr^es meines ou cette boisson ne se rencontrait il y a quelques ann^es
que comme un objet de luxe, on la voit actuellement prendre place parmi
les produits destines a la consommation journaliere. Des differences
enormes existent cependant, et sans doute existeront toujours entre les
differents peuples sous le rapport de la consommation de la biere; chez
les uns, eile conslitue la boisson exclusive de tous les repas et de toules les
saisons; chez les autres, eile vient seulement, et surtout pendant la saison
chaude, suppleer a l’usage du vin.
Quelles que soient cependant les conditions locales de la consommation
de la biere, on n’en voit pas moins cette consommation grandir avec
une rapidite surprenante, et les perfectionnements cpie chaque jour ap-
jiorte a ses qualites comme ä ses facultes de Conservation peuvent etre
regardiis comme un sur garant de l’importance capitale qu’elle est appelee
ä prendre.
94
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
J’essayerai, par quelques chiffres, de faire apprecier, des aujourd’hui,
cette importance. M. Gustave Noback, l’habile Ingenieur autrichien que
j’ai ddja eu l’occasion de citer, a publie, sur l’industrie qui lui doit deja
tant d’importants travaux, des statistiques du plus haut inter^t et dont la
perception des droits sur la bi£re lui a fourni les elements principaux.
C’est a ces statistiques que j’ai emprunt^ les chiffres de consommation
rdunis dans le tableau ci-dessous, chiffres que j’ai cherche a rendre plus
saisissants encore en les proportionnant au nombre des habitants de
chaque contrde :
TABLEAU DE LA CONSOMMATION DE LA BIERE DANS LES PRINCIPAUX PAVS DU MONDE,
EN 1872.
Nombre Nombre liiere produile
d’habitants. de brasseries. en hectolitres.
Consommation
annuelle
parbabilant.
I Bavi5re
Wurtemberg. ......
Saxe
Grand-diicIk; de Bade.
Alsace-Lorraine
Autres pays
Prasse, Hanovre, etc..
Belgique
Angleterre et Irlande....
Hollande
Autriche-Hongrie
Amdrique du Nord
France
Suede
Nor wege
Russie
4,ig8,355 5,217
1,818,484 2,5io
2,556,244 757
l,46l,428 H
i,638,546 //
4,ii 6,551 5,i68
24,693,066 8.326
4,829,320 2,Ö22
3o,838,210 2,671
3,652,070 56o
35,644,858 2,636
38,65o,ooo 2,785
36,io3,ooo //
4,158,7.67 254
1,701,408 34
63,65o,ooo u
9,207,033 a 1 g litres
2,801,085 i54
1,545,279 6o,5
4i8,955 56
836,3i2 5i
2,002,989 48,5
9,721,902 39,5
8,788,680' 182
35,682,591 118
1,355,718 37
12,211,999 34,5
9,98!, 998 26
7,000,000 19,5
02 0,000 1 4,5
253,4oo 12,5
9,740,000 14
Ce tableau est, a coup sur, des plus instructifs, et les noinbres qu’il
contient sont de nature ;i rectifier bien des erreurs. C’est, par exemple,
une opinion generalement accreditee, qu’il ronvientde considerer les Alle-
mands cornme les plus grands buveurs de liiere de l’Europe; or tous, la
statistique precedcnle le inontre, ne sont point dans ce cas, et c’est seule-
inent dans les royaumes de Baviere et de Wurtemberg qu’on voit la con -
sommation sclever a 200 litres environ par tete et par an, depasser, par
consequent, le chiffre auquel s’eleve la consommation individuelle du vin
dans notre pays; dans les autres parties de l’Allemagne, en Prasse, en
1 (ip nombre esl, exlmit des statistiques oflicielles du Gouvernement beige pour 187t?.
EABR1CATI0N DE LA HIERE.
95
Saxe, sur les bords du Rhin, etc., Ja consommation n’a plus rien de re-
marquable : eile varie de 4o a 60 litrespar an.
Ce sont les Beiges qui, apresles Bavarois, sont, dansle monde, les plus
gros consommateurs de biere; les cinq millions d’babitants que compte
la Belgique, en effet, n’en boivent pas, chaque annee, moins de 8 a
q millions d’hectolitres; nons n’en buvons pas autant en France avec
une population sept fois superieure, et c’est une consommation qui, en
fin de compte, correspond au chiffre enorme de 182 litres par tete et
par an.
C’est de ce chiffre eleve que se rapproche ügalement la consommation
de la Grande-Bretagne; et a chacun des trente millions d’habitants que
comptent aujourd’hui l'Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande reunies, la statis-
tic[ue attribue, ainsi que le montre le tableau pr^cüdent, une consomma -
tion annuelle de 120 litres environ.
Mais, en dehors de ces contrües, nous ne rencontrons plus que des
chiffres de consommation beaucoup moindres; en Autriche, par exemple,
34 litres et demi, chiffre peu ülevü, mais dont la faiblesse s’explique aisü-
ment par la grande abondance des vins que fournit la Hongrie.
En France, oü le vin est, en rüalite, la boisson nationale, oü la biere,
excepte dans les düpartements du nord et de Test, n’a ütü jusqu’ici consi-
dürüe que comme un produit d’agrüment ou de luxe, la consommation
s’abaisse a moins de 20 litres par tete et par an, et, dans les contrees
enfin oü le bien-^tre est encore peu repandu, en Suede, en Russie, nous
la voyons s’abaisser a 1 5 et 1 2 litres par tete et par an.
Des diverses qualith de hier es. — Ce serait se tromper dtrangcment que
d’attribuer aux biüres consommües dans les diverses contrees que je viens
d’indiquer des qualites de meme nature. Les bieres different entre eiles
au moins autant que les vins, et aux habitudes de chaque localitd corres-
pondent des produits de gouts et de compositions divers.
J’ai pense qu’il y aurait un certain inter4t, au moment oü la question
de la brasserie prend une si grande importance, a comparer entre edles,
sous le rapport de la composition d’abord, sous le rapport des qualites
ensuite, quelques-unes des bieres dont l’usage est le plus repandu dans
les pays de grande consommation. L’analyse de ces boissons a ete faile
mainte et mainte l'ois par des chimistes distingues, mais les rüsultats ob-
tenus par ces chimistes, a des epoques diverses, sur des produits dont
l’origine ütait incomplütement d^terminüe, ne sont pas, en realitü, abso-
lurnent comparables entre eux; aussi, pour remplir lc but que je viens
d’indiquer, m’a-t-il semble preferable de me procurer, au meine moment.
96
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
un certain nombre de bieres d’origines diverses, mais certaines, pour,
ensuite, les soumettre a une analyse nouvelie. L’etude dechantillons pris
ainsi directement dans ie commerce offre, ä coup sür, plus de garanties
encore que celle des produits de qualite peul-etre exceptionnelle que
j’aurais pu recueillir dans les galeries de l’Exposition.
Cette ütude, forcement sommaire, n’a porte que sur deux points, le
dosage de 1’alcool d’une part, des matieres solides ou extractives de
l’autre; ce sont la, du reste, les Elements essentiels de la qualite des
bieres; de la richesse en alcool depend le ton, le montant de la boisson;
de la richesse en matieres extractives dopend cette Sensation particuliere
de plein qu’elle cause dans la bouche, Sensation que Ton caractürise d’ha-
bitude en disant d’une biere qu’elle a ou qu’elle n’a pas de bouche.
Mais il est d’autres qualites que l’analyse chimique est impuissante a
d&erminer, parce que, malgre leur importance, elles decoulent de causes
infiniment petites: ce sont les qualites de gout et de parfum dont il faut
aller chercher l’origine surtout dans la nature et le mode de travail des
orges et des houblons employes a la fabrication
Quoiqu’il en soit, je dirai rapidement quelles sont les principales sortes
de bieres qu’offrent aux consommateurs les brasseries des differentes con-
trües europeennes; j’aurai soin de joindre a l’indication de leur caractere
les rüsultats que leur analyse a fournis.
Les bieres que l’on consomme en Baviere, en Wurtemberg, et meine,
on peut le dire, dans toute l’Allemagne, sont des bieres generalement
fortes, de tres-bonne qualit^, quelquefois cependant un peu lourdes;
lorsqu’elles sont destinües a la consommation locale, elles renferment de
4 ä Ix 1/2 p. 0/0 d’alcool, et de 60 a qo grammes de matieres extrac -
tives par litre; mais souvent aussi leur teneur en alcool s’eleve notable-
ment au-dessus du chiflVe que je viens d’indiquer, et il n’est pas rare de
voir consommer en Baviere des bieres riches ä 5, 6 et mfime 7 p. 0/0
d’alcool; les bieres destinees ä l’exportation sont generalement aussi dans
ce cas. Celles-ci, pour la plupart du moins, sont, en outre, d’une tres-
grande amertume, le brasseur ayant soin, pour en assurer la Conservation,
d’augmenter dans une large mesure la proporlion du houblon. Les bieres
bavaroises se presentent d’habitude avec une couleur jaune fonc^ due a
l’emploi de malts fortement tourailles; quelquefois m4me elles se montrent
franchement brunes, et sont alors colorees au caramel. Ce sont toutes
bieres obtenues par fermentation hasse, c’est-ä-dire dans des conditions
telles que la temperature du liquide, depuis le moment oü il enlre en
fermentation jusqu’au moment oü il entre en consommation, ne depasse
pas 7 a 8 degres centigrades.
FA 15 lü CAT ION DE LA BIERE. 97
Jo joins ici l’analyse faite recemment sur des produits d’origine certaine
et provenant de brasseries bavaroises :
Alcool p. o/o. Kxlrait par lilro.
Calmbach 7,5 79,60
Nuremberg 4,6 66,46
Munich 4,3 65,5o
Les bieres beiges , qui, lorsqu’on se place au point de vue exclusif de
l’importance commerciale, se pr4sentent immediatement apres les bieres
allemandes, sont toutes differentes de celles-ci par leur gout comme par
leur eomposition. On en connait des Varietes pour ainsi dire infinies : le
faro, le lambic, l’uytzet, etc.; toutes sont caracterisdes parce fait, qu’elles
ne sont pas mises en levain, et que leur fermentation, se ddclarant spon-
tanement, abandonnee ensuite a elle-meme, va se poursuivant lentement,
peu a peu, pendant deux ou trois annees; si bien que, dans ces condi-
tions, on voit, au bout d’un certain temps, le inout, obeissant aux lois
naturelles, passer de la fermentation alcoolique ä la fermentation acide,
et que toutes ces bieres, en fm de compte, se presentent au consomma-
teur alors que, deja, eiles se sont aigries et renferment, ä cotd d’une cer-
saine quantitd d’alcool non encore ddtruit, des proportions notables
d’acide acdtique et d’acide lactique. Les bieres beiges, en un mot, ne sau-
raient 4tre mieux comp a re es qu’au cidre de notre Normandie, alors que,
la saison s’avancant, il a commence de s’aigrir; les bieres de celte sorte
se rencontrent egalement dans le nord de la France.
Voici, du reste, la eomposition que l’analyse assigne ä celles qui,parmi
ces bieres, sont les plus recherchees, le lambic et le faro :
Alcool p. 0/0. Exlrait par litre.
Lambic de Bruxelles 5,8 36,8
Faro de Bruxelles 4,9 36,3
Aous rencontrons ensuite les bieres anglaises; ce sont, chacun le sail,
des bieres renommees et renommees avec raison; elles sont forles, alcoo-
liques comme des vins, admirablement fabriquees. On ne saurait, en
somme, leur adresser qu’un seid defaut, c’est l’exageration de leur par-
lum et l’exces de leur amertume. Mais ce sont la precisement, aupres du
consommateur anglais, de veritablcs qualiles, et ces qualites, Fest a l’em-
ploi a baute dose des houblons de Jxent et de Surrey que les bieres anglaises
les doivent.
On peut ranger les bieres anglaises en deux grandes classes: les bieres
pales et les bieres colordes; les premieres habituellement designees sous
le nom d’ale, les autres sous les noms de porter et de siout.
"• 7
<)8
EX POSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Lespale nie contienncnt, en general, de (I ü 7 p. 0/0 d’alcool; eiles
sont jaunes, limpides et extremement aromatiques; les porter et les stont,
qui contiennent quelquefois jusqu’a g p. 0/0 d’alcool, qui constituent
alors deslioissons anssi alcooliques que les vins de table ordinaires, sont,
comme les ale obtenus par fermentalion baute, dans des cuves de dimen-
sions colossales; leur coloration est due a l’enqdoi d’une petite quantile
de malt intentionnellement torrefie dans des appareils tout a fall ana-
logues aux brüloirs a cafe des menages.
J’ai reuni ici les nombres qui m’ont ete fournis par l’analyse compara-
live de quelques bieres anglaises d’origine certaine :
Alcool p. 0/0. Exlrail par litre.
Pale ale 0,5 5i,54
Spärkling ale 7, o 5 70,1 h
Extra stont p,oo 85,00
Les bieres autrichiennes sont des bieres fines, legeres, parfumees, peu
eolorecs, qui, lorsqu’on les destine a la consommation locale, ne renfer-
ment pas plus de 3,5 a h p. 0/0 d’alcool; dont la richesse, lorsqu’elles
doivent etre exportfies, s’eleve a /1,5 etineme quelquefois a 5 p. 0/0, mais
rare ment au dela.
La proportion des matieres extraclives y est parfaitement calcul^e et
teile que le produit soit absolument satisfaisant, tant sous le rapport du
montant que sous le rapport de la boucbe; j’ai analyse quelques-unes de 1
ces bieres, et voici les resullats i|ue l’analyse m’a fournis :
Alcool p. 0/0, Exlr.iit par lilr«\
Export-bier ti, 5 7^gr-
Lager-bier /i,o 70
Comme les bieres allemandes, les bieres autrichiennes sont obtenues
par fermentation hasse; mais le maintien des temperatures aussi pres que
possible de zero est peut-etre mieux observe encore en Antriebe qu’en Al-
lemagne; leur moindre richesse en alcool vient d’ailleurs s’ajouter a leurs
autres qualites pour faire d’elles une boisson parfaite.
En France, enfin, nous rencontrons les bieres les plus diverses. La bras-
serie, dontl’ecole etait autrefoisa Lyon, traverse aujourd’hui, dans notre
pays, une phase d’incertitude pour ainsi dire; eile cherche sa voie, et son
cboixsemble, avec raison, seporter vers les proc<kl4s allemands, et surtout
vers les proc<ides autriebiens. L’emploi de ces procedes commencc memo
ä devenir general, et c’est ainsi que nous verrions, aux deux extremites
FABRICATION DE LA RIEBE.
H)
de la France, a Nancv, a Marseille, comme aussi ii Paris meine, se deve-
lopper aujourd’hui la fabrication des bieres par fermentation basse.
Cependant, les anciens procedes sont encore, de leur cote, en usage
dans diverses parties de notre pays: a Lyon, on fait encore de la vieille
liiere francaise, agreable, mousseuse, mais malbeureusement d’une alte-
ration tres-facile; dans le nord, nous retrouvons les bieres acidules,
semblables aux bieres beiges; et ä cote de ces bieres, enfin, sur tout notre
territoire, de petites bieres pauvres en alcool, pauvres en matieres cxtrac-
tives, dans la production desquelles le glucose ou sucre de fecule joue
malbeureusement un role qui ne devrait appartenir qu’a borge et meme
a borge de qualit<5 superieure.
Entre ces divers produits, tous de fabrication francaise, mais obtenus
par des procedes differents, existent d’ailleurs les diff^rences les plus
grandes, ainsi que le montrent les analyses resum^es dans le tableau ci-
dessous :
Alcool p o/o. Exlrait par litre.
Bitire de Nancy (Tourtet freres).... 5,7 76,50
Biere de Lyon 3,5 5o,oo
Bifere du Nord (Trelon) 8,7 .82,96
Petite liiere (dite de rrxtnnge) 3,o 3A,oo
Cependant, et si grandes que soient les differences que je viens d’indiquer,
il est une autre qualite au sujet de laquelle les differences se montrent,
s’il est possible, plus accus^es encore. Cette qualitd, veritablement inde-
linissable, c’est la bnesse; en quoi cette qualite consiste, c’est ce qu’il
seraitapeu pres impossible d’expliquer, mais c’est ce que tout consomma-
teur comprend et sait parfaitement reconnaitre.
La ('messe constitue d’ailleurs une qualite extremernent instable, et il
n’est pas de biere qui, placke dans des conditions incompatibles avec son
temperament, ne perde sa finesse originelle pour devenir bientot grassiere
et commune. La biere ne connalt pas de pire maladie, et c’est dans la pro -
duction de fermentations secondaires, concoinitantes ou consecutives a la
fermentation alcoolique, qu’il en faut recbercber les causes. D’autres ma-
ladies, nees de causes analogues, accompagnent, en general, cette perte
de finesse, et la biere, plus impressionnable que le vin, peut, comme
celui-ci, mais avec plus de facilite, se piquer, s’aigrir, tourner et perdre
enfin, en peu de temps, tout son prix.
Or, lorsqu’on etudie avec attention les diverses sortes de bieres que je
viens de passer en revue, lorsque surtout on les etudie aux lieux intimes
de production, on est conduit a reconnaitre que c’est aux bieres viennoises
qu’apparlient le premier rang sous le rapport de la finesse. C’est sans
500 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
doule ;i rensomblc des diverses qualiles (ju’elies possedent qu’il convieut
d’atti'iiiucr celle supbrionte, el leur richesse moyenne en alcool et en ma-
tii'res exlractives, la grande proportion d’aeide carbonique qu’elles con-
tiennent, comme aussi le soin avec lequel le brasseur evite de les exposer
a l’action des ferments secondaires, y contribuent, a coup sur, toutes
ensemble. De nombreux voyages en Enrope m’ont perinis de comparer
untre eiles, et anx lieux meines de production, les bieres dont la consom-
mation est la plus usitee, et je n’hesite pas a dire qne, ä mon sens, la biere
autrichienne est a la fois la plus agreablo et la plus salubre, celle qui,
toutes cboses bgales d’aüleurs, convieut le inieux a notre temperament.
Et comme la fabrication des bieres de celle sorte est possible partout,
dans notre pays, il m’a paru interessant de resumer ici les procedes dont
j’ai pu etudier la mise en pratique dans quelques-unes des principales
brasseries de l’Au(riebe.
II
B R ASSER I ES AUTRICH1ENNES.
La fabrication de la biere est, en Autriche-Hongric, repartie d’une
facon fort inegale cnlrc les diverses provinccs qui composent ce vaste om-
pire. Elle est largement developpee en Boheme; son importance est egale-
ment considerable dans la baute et la basse Autriche, mais eile est, par
contre, exlremementrestreinteenHongrie, enGallicie, etc.; eile est presque
nulle dans le Tyrol, et en general dans les provinces meridionales.
La consommation, bien naturellement, s’y montre proportionnelle a la
fabrication, et, tandis que la biere constitue, en realite, la boisson normale
a Prague, a Vienne et dans les provinces dontces v 1 lies sontles capitales,
on ne la voit que rarement concourir a l’alimenlation du cultivateur de
la Hongrie, de la Slavonie, etc.
E’est a celte cause qu’il faut attribuer le chiffre- peu eleve auquel la
statisti([ue a fixe la consommation de la biere pour l’empire d’Autriche-
Hongrie pris dans son ensemble, chiffre qui, on l’a vu par le tableau de
la consommation generale, ne depasse pas 3b litres par tete et par an.
Mais si, au lieu de considerer cette consommation en un seul bloc, on
l’etudie par provinces, on reconnait alors que, dans quelques-unes de ces
provinces, eile s’eleve a un chiffre aussi eleve que ceux auxquels corres-
pondent les plus grandes consommations allemandes, anglaises et beiges,
tandis que, dans d’autres, eile s’abaisse a des ebiffres extrememenl bas;
c’est ce que montre le tableau suivant :
EAB11 IC ATION DE LA Bl EUE.
101
«OXSOMMATION DE LA LIEHE DANS DIVERSES PR0V1NCKS D’AUTRlCUlä-IlONGRlE.
consomraes
par leie ct par an.
1 5*3
Busse Antriebe
Salzbourg
Haute Aiitriche
Boheme
Moravie.
»Silüsie
Steiermark
Kärnthen
Tyrol et Vorarlberg. . ..
Gallicie
Kra'in
Bukovine
Hongrie et Sieberbürgen.
Territoire niililaire. . -
Croatie et Slavonie
Trieste
1 7
y
8
C’est, en somme, dans la Lasse Autriche, et notamment ä Vienne, que la
consommation est la plus considerable, et ce n’est pas se trornper, a coup
sur, que d’estimer ä 3oo ou 35o litres au moins la quantite de biere bue
dans le cours de l’annee par ehacun des habitants de cette vdle; dans la
ville de Munich (Baviere), cette quantitd s’eleve a /ioo litres.
Gependant, si, apres avoir classeles differentes provinces de l’Aulriche-
Hongrie sous le rapport de la consommation de la liiere, on cberche ä se
rendre compte du nombre des brasseries qui fournissent les quantites
ainsi consomindes, on reconnait bientot qu’il n’existe aucune proportion-
nalite entre le nombre des usines et la quantitü de biere produite dans
chaque province.
G’est ainsi que l’on voil ce nombre s’elever en Boheme a g 68 et corres-
pondre a la production de 3,789,1 96 hectolitres, tandis que danslabasse
Autriche 190 brasseries sullisent ä une production representde par le
chiffrc de 9,977,699 hectolitres; ce qui donne pour chaque brasserie,
dans le premier cas, une moyenne de 3,860 hectolitres par an; dans
le second, une moyenne de 9/1,810 hectolitres.
C’est a l’organisation diflerente de la brasserie dans ces diverses pro -
vinces qu’il laut attribuer ces grandes diflerences. En eilet, tandis qu’en
Boheme on rencontre, connne en Allemagne, un grand nombre de petites
brasseries, exploitdes par un personnel peu nombreux et ne necessitant
qu’iin Capital reslreinl, on voil, au rontrairo, a cote de ipielques brasseries
102
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
de ce genre, s’elever, dans la Lasse Autriche et notamment aupres de
Vienne, de grands et magnifiques etablissements, dont la production atleint
des chiffres enormes, qui exigent un Capital considerable et un personnel
nombreux.
G’est dans ces brasseries surtout que Ton rencontre le type veritable de
la fabrication autrichienne, car les petits etablissements dont je viens de
parier ä l’insta'nt doivent <3tre, bien plutöt, consideres comme des brasse -
ries allemandes, et c’est dans les premieres que se fabriquent, d’une fagon
presque exclusive, les bieres Eines et legeres que l’on designe babituelle-
ment sous le nom de bieres de Vienne.
Les chiffres suivants, que je dois a M. G. Noback, suffisent a donner une
idee exacte de l’importance de ces brasseries :
PRODUCTION DES PRINCIPALES BRASSERIES VIENNOISES.
Noms des brasseries. Production annuellc.
I Schwechat 429,696 }
Steinbruck 158,664 |
Micholup .18,664 6 5 7 , 7 4 7 hectol.
Trieste 3o, 7 a3 )
Societä de Liesing, pres Vienne 3o4,ooo
Societe Mauthner, a Saint-Marx, pres Vienne 3oi,8oo
Ce sont lä les plus importantes des brasseries dites Viennoises, mais
d’autres pourraient etre citees encore dont la production est egalement tres-
considerable.
On rencontre aussi, en dehors de la basse Autriche, quelques etablis -
sements d’une puissance excepfionnelle. Teiles sont, par exemple, les deux
grandes brasseries de Pilsen (Boheme), dont Tune, la brasserie des Bour -
geois [Bürgerliche Brauerei), fabrique annuellement i5o,ooo heclolilres
de biere estim^e, et recherchee rneme ä Vienne; tolles sont encore les
brasseries de Gratz, de Wagram, etc., dont la production annuelle s’eleve
a peu pres au memc cbilFre.
Parmices brasseries, quelques-unes ne travaillent que pendant l’biver,
se contentant de fabriquer des bieres de garde; mais d’aulres joignent a
ce travail un travail d’ete plus lirnite, mais encore important, qui leur
permet de livrer a courte echeance, au consommateur, des bieres jeunes,
11101ns alcooliques, d’un goüt egalement fin et agreable, mais d’une Con -
servation plus diflicile; c’est seulement a la fabrication de cette derniere
biere que j’ai pu assister.
Je ne m’occuperai ici que des grandes brasseries auxquclles j’ai fait
FAß MC AT ION DE LA BIERE.
1 Oo
(out a l lieiiio allusion; j’ai visite plusieurs d’entre olles, et j’ai recu partout
l’accueil le plus bienveillant. J’ai eu surtout le bonbeur de ine rencontrer,
a Liesing, avec Tun des mailres en l’art cle la brasserie, M. Moritz l'aber.
et c’est a ses obligeantes indications que je dois une grande partic des
donnees qui vonl suivre.
Les matieres premieres eniployees a la fabrication des biercs autrichienes
sollt, d’une pari, les helles orges de la Hongrie et les houblons d’Allemagne;
d’une autre, la glace que l’on recolle, en biver, par inasses enormes sur
les Heines de la contree.
Le maltage a generalcment lieu en fabrique : il ne presente rien de
particulier; los germoirs, qui se trouvaient vides lorsque je les ai visites
(juin et juillet), sont habituellement a plusieurs ihages, recouverls de
voutes epaisscs, perces de tres-petites i'encfres, et surtout (les brasseurs
autrichiens attachent ä ceei la plus grande importance) soigneusement et
frequennnent blanchis a la chaux. C’est la une precaulion essentielle que
le inalteur, dans nos contrees, neglige trop souvent, et qui, cependant,
eloigne de borge gennee, et par suite de la liiere, bien des causes d’alte-
ration.
Les tourailles dont les brasseurs autrichiens font usage sont generale-
inent de grandes dimensions, a deux plateaux couverts de toiles metalliques
et non de loles perforees, et chauffees par un calorifere eleve au centre de
la chambre inferieure. Parmi ccs tourailles, celle (juc construit M. Noback,
de Prague, doit surtout etre recoinmandee; l’appareil de cliaulTage esl
tubulaire et surnionte d’une chambre de distribution d’air chaud fort in
genieusement disposee; dans cette chambre debouchcnt egalemcnt des
carneaux qui, pris dans la maconnerie de l’appareil lui-meme, y amenent
a volonte de l’air froid dont i’afflux permet de regulariser tres-exactement
la temperature.
J’ai constate des differences importantes entre les temperatures aux-
quelles le touraillage a lieu dans les grandes brasseries dont je m’occupe
en ce moment. C’est ainsi qu’a Liesing, aupres de Vienne, le malt esl
touraille jusqu’ä 7a° et meine 75° centigrades, tandis qu’en Boheme, a
Pilsen, la temperature du touraillage ne depasse guere 55 a (jo° centi -
grades. A ces temperatures doivent nalurellement correspondre des diffe-
rences sensibles dans la composition des malts, et ces diH’erences ne sont
pas, a coup sur, sans exercer une influence sericuse sur la qualite et prin-
cipalement sur la legerete des bieres qui en proviennent.
Concasse, comine d’liabilude, dans 1111 jcu de cylindres convenablemenl
ajustes, le malt est eusuitc soumis au brassage dans les cuves-matieres.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
104
Celles-ci, comme toules edles que Fon rencontre en Allemagne, se font
remarquer par la gründe complicalion des agitateurs qui s’y meuvent,
agitateurs dont la inise en oeuvre determine au moins trois et quelquefois
quatre mouvements differents et contraires.
Les proportions de malt employees ä Ia production d’une quantitd de
biere determinee ne varient pas sensiblement d’une brasserie a l’autre,
et en Boheme, aussi bien (|u’en basse et baute Antriebe, on voil, en ge -
neral , cette quanlitd s’dever :
Pour les bieres de garde (Lager bier) . . ;i 21,5 ou 22 kilog'.
Pour les bieres jeunes a 19,0 oti qo
Pour les biöres d’exporlation ä 24,o ou q5
par hectolitre.
Mais, et j’aurai soin de l’indiquer tout a l’heure, cette similitude dans
1 emploi du malt ne se rencontre plus dans Femploi du houblon.
Le brassage, c’est-a-dire la saccharification du malt, s’execute par de-
coction; les cuves-malieres sont de dimensions variables; j’en ai vu qui
contenaienl 60 hectolitres, d’autresqui en contenaient 120; leur capacite
na, du reste, qu’une importance secondaire, et c’est le developpementde
la fabrication qui contribue surtout a la ddterminer.
Commence a la temperature ordinaire, le brassage s’aeheve toujours ä
72 degres centigrades; il comprend quatre trempes successives, separees
I une de l’autre par le retour a la chaudiere d’une portion variable de mout
brut qui, apres y avoir eld jiorte 4 l’ebullilion, vient, par son retour a la
cuve-matiere, rechaufl'er la masse pateuse que le brasseur a laisse dans
cette cuve.
Mais les quantiles de liquide ainsi renvoyees au recbaulTeur apres
chaque trempe varient sensiblement d’une brasserie a l’autre, et la lem-
perature de la trempe suivante se trouve, par consdquent aussi, differente
suivant les usines. C est ce dont on pourra se faire une idee en se repor-
tant aux nombres suivants (jui m ont ete fournis, les uns a Liesing, [ires
Vienne, les autres a Pilsen, cn Boheme :
A Liesing.
1" Melange du malt concasse avec l’eau a la
teinpera tu re ordina i re.
a" Premiere trempe 42°-43° cent.
3° Deuxieme trempe 53°
4° Troisieme trempe 03°
5° Qualrieme trempe y 2 0
A Pilsen,
.‘)l° ceul,
>*r
60"
72“
Des appareils employes pour executer le brassage, cuves-matieres,
pompes, chaudieres a vaguer, ciives-r^verdoires, etc., je n’ai rien a dire :
FABRIGATION DE LA BIERE. 105
leurs dispositions ne presenlent, en effet, aucune particuiarite que nos
praticiens ne connaissent.
Lorsque la derniere trempe est terminee, Je moüt, debarrasse de la
drechc par filtration, est conduit aux cbaudieres oü doivent avoir Heu si-
multanement sa coction et son houblonnage. Ces cbaudieres sont, en
general, de tres-grandes dimensions, et contiennent quelquefois jusqu’a
3oo hectolitres de moüt. Le chauffage en a lieu toujours a feu nu; le
boublon y est ajoute peu ä peu, gen^ralement en trois fois, au cours de
l’ebullition, mais, ainsi que je l’ai precedemment indiquü, les proportions
en sont extremement variables suivant les provinces, et les bieres qui en
resultent different consequemment beaucoup.
C’est ainsi que, pour les bieres viennoises, la proportion ne depasse pas
33o a 35o grammes par hectolitre pour les bieres degarde et Aoo grammes
pour les bieres d’exportation, tandis qu’en Boheme, ä Pilsen, cette pro -
portion s’eleve ä 5oo et 55o grammes par hectolitre de biere.
C’est a l’introduction de ces grandes quantiles de houblon, quanliles
qui se rapprocbent de celles qu’emploie la brasserie anglaise, qu’est due
l’amertume particuliere des bieres de Pilsen. Pour certains consomma-
teurs, cette amertume constitue une qualite, et, meine a Vienne, on voit
aujourd’hui les bieres de Pilsen prendre faveur; mais c’est la, ä mon
scns, une erreur de goüt, et les bieres de Vienne, avec leur arome fin et
delicat, me paraissent de beaucoup preferables aux bieres ameres de Pil -
sen, comme aussi aux bieres anglaises.
Le refroidissement du moüt cuit et houblonne s’accomplit en deux
phases successives. Abandon ne d’abord dans les grands refroidissoirs plats
dont l’usage est universel en brasserie, il tombe, en quelques beures, a
la temperature ambiante, puis, a l’aide d’un refroidissement artilicicl, il
est rarnene rapidement a une temperature aussi voisine que possible de zero.
On connait les appareils dans lesquels ce refroidissement artificiel se
produit; ce sont tanlot de grands Serpentins en cuivre, noyes dans un
bac ouvert, tantöt des Serpentins doubles s’enveloppant l’un l’autre, gene-
ralement horizontaux, quelquefois verticaux, et disposes, en tout cas, de
teile sorte que lc moüt chaud circule dans l’une des deux capacites, tan -
dis que l’autre est traversee par un courant d’eau glacee marcbant en sens
conlraire du courant de moüt.
Pour obtenir cette eau glacee, on emploie, en Autricbe, de grandes
bäches en bois de 6 rnetres de longueur sur a metres de largeur et
a metres environ de bauteur. Ces baches sont divisees, dans le sens de
la largeur, par une sdric de cloisons verhcales disposees en cbicane,
entre lesquelles on empile de gros blocs de glace, de maniere a remplir
io<;
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
exactement les compartiments formes par ces cloisons. Au-dessus de la
bäclie, cn outre, on eleve, au moyen de planches grossieres, une hausse
de i"’,5o environ , contre les parois de laquelle on acciunule de meine une
quantite de glace aussi considerable que possible, et qui, au für et a nie-
sure de la fonte des blocs enfermes dans la bäclie, puisse par son propre
poids les y venir remplacer. Dans le premier cornpartiment cloisonne, on
fait arriver un courant d’eau, aussi fraiche que possible, qui, s’ecoulanl de
baut en bas dans ce cornpartiment, remonte ensuite de bas en baut dans
le cornpartiment suivant, pour redescendre dans le troisieme, et ainsi de
suite jusqu’ä l’extremite de la bäche, oü il arrive enfin apres avoir leche
et partiellement fondu les blocs de glace disposes sur son parcours, el
apres s’etre, ä leur contact, refroidi ä o° centigrade.
C’est ä celte temperature que l’eau penetre dans les refrigeranls; eile
■s’y ecliauffe au contact des parois entre lesquelles le mout se trouve en-
ferme, tandis que celui-ci, au contraire, se refroidit; et les choses, en gene -
ral, sc passent de teile fagon qu’au sortir du refroidissoir le mout et l’eau
se trouvent Tun et l’autre ramenes ä la temperature de 3 ou h degres centi -
grade.
Le mout est aussitöt conduit aux cuves de fermentation; celles-ci,
bien loin de ressembler aux vases gigantesques de l’Angleterre, sont tou-
jours de petites dimensions; elles ne contiennent, en general, que 3o ä
35 hectolitres; aussi le nombre en est-il extremement considerable, et les
grandes brasseries de Dreher, de Liesing, de Saint-Marx, cn comptent-
ell es chacune un millier environ en travail. Rangees, en ordre serre, les
unes ä cöte des autres, ces cuves sont, au moyen de des en pierre, elevees
de ho ä 5o centimetres au-dessus du sol. Le mout y est en tonne, conirne
je viens de le dire, ä la temperature de 3 ou k degres, et aussitöt il est mis
en levain; io ä 12 litres de leviire non pressee, provenant d’une Opera -
tion precedente, sont, dans cebul, ajoules, ä cbaijuecuve de 30 hectolitres.
La fermentation ne tarde pas ä se declarer; mais, on ne l’a pas oublie,
la condition essentielle de sa reussite est que, pendant tonte sa duree, la
temperature soit maintenue aussi voisine que possible de zöro. Pour y par
venir, et pour contre-balancer l’elevation de temperature qui resulte du
phenomene chimique de la fermentation lui-meme, le brasseur place
dans chacune de ses cuves un nageur rempli de glace. C’est göneralemcnt
un cylindre en cuivre etame, ä collerette evasee, auquel M. Noback aeu
I ingenieuse idee de donner une surface ondulee, dont la hauteur mesure
80 centimetres environ et le diametre 5o ä (io centimetres.
Pendant quatre jours la fermentation rnoiilc, puis eile se ralentit; si
l’on operc en etc. pour la labrication des bieres jeunes, dix jours sudisent
FABR1CATI0N DE LA BIERE.
107
a la compleler; si I on opere en hiver, pour la fabrication des bieres de
garde (Lager-bier), quatorze ä quinze jours sont necessaires.
La biere est faite alors, ou du moins la phase principale de sa fabrica-
tion est terminee; c’est celle qui correspond ä la periode lumultueuse des
fermentations liautes, de la fermentation du raisin, par exemple. La
deuxieme phase succede immediatement a la premiere: c’est alors la fer -
mentation compleinentaire qui se produit, celle pendant laquelle la biere
s’acheve, se perfectionne, et en meme temps s’eclaircit.
C’esl ä une temperature plus hasse encore que, dans le premier cas,
cette fermentation compleinentaire doit etre conduite, et les caves dans
lcsquelles la biere, abandonnee ä elle-meme, la subit, ne doivent jamais
se trouver ä une temperature superieure ä 2 degres au-dessus de zero.
Dans ces caves, v^ritables glacieres formdes de galeries longitudinales,
enfonc^es dans lc sol, soigneusement voutees et mesurant de ia a 20
metres de longueur, sont rang^s, les uns a röte des autres, quelque-
fois gerbes sur deux rangs, de grands foudres fabriques avee un soin in-
fini, dans lesquels la biere est entonnee, trouble encore et incomplete, au
sortir de la cuve de fermentation.
4 l’extremite de cbacune de ces galeries est reservee une grande
chambre de 8 a 10 metres de bauteur, de memo largeur que la cave, de
4 a 5 metres de [»rofondeur, et separee de la galerie elle-meme par une
sorte de grille verticale, de forme grassiere, construite au moyen de ma-
driers debout: c’est la glaciere proprement dite. Dans cette glaciere, l’biver
venu, le brasseur emmagasine, en l’y precipitant par la voüte, une masse
enorme de glace, a laquelle incombera plus tard la mission de refroidir
l’air atmospherique i|ui, par un jeu interessant de densites, va circulant,
d’unemaniere continue, de l’interieur de la cave a la glaciere, au für et a
mesure qu’il se rechauffe, et de la glaciere a la cave, au für et a inesure
qu’il se refroidit.
La, la biere reste, pendant de longs mois, abandonnee au repos, la
porte de la cave inuree, soumise ä une temperature qui jamais n’excede
2 degres, et la eile acheve sa fermentation, s’ameliore et s’tfclaircit.
C’est de la, enfin, que, mise en futs, eile est, la nuit, alin d’eviter
autant que possible l’elevation de la temperature, livrec au consommateur.
Tels sont les procedes que suit la brasserie autrichienne pour obtenir les
bieres si justement renommees que l’on connait sous les noms de Dreher, de
Liesing, de Saint-Marx, etc., les bieres viennoises en 1111 mot. La qualild
dominante de ces bieres, c’esl, ainsi que je l’ai preeedemment iudique, la
linesse, qualite indelinissable. et qui, a coup sur, resulle d’une pondera-
LOS
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
tion parfaite entre les differents elements dont la biere est formee : alcool.
dextrine, Sucre, acide carboniquc, parfum du bouldon, etc.
A quelle cause cette pond&ration et parconsequent cette finesse doivenl-
elles etre attribuees? II n’est pas permis, je crois, d’en douter aujourd’hui:
c’est ä la rectitude et a la simplicite de la fermentation, teile que la conduit
le brasseur viennois, et c’est dans les travaux celebres de M. Pasteur qu’il
en laut chercher l’explication. Quelle est, en effet, la preoccupation cons-
tante du brasseur viennois? C’est de maintenir la temperature du mout
aussi voisine que possible de zero a partir du moment oii il est mis en
levain jusqu’a l’heure ou la biere qui en rdsulte doit 4tre consommee, et
meme les soins qu’il prend pour obtenir ce resultat sont beaucoup plus
attentifs, beaucoup plus severes que ceux auxquels s’astreignent les bras-
seurs allemands. Or, ä cette temperature voisine de zero, la levure alcoo-
lique, la levure de biere, peut seule vivre et se developper; la fermentation
alcoolique, par consequent, est la seule qui puisse franchement s’accomplir,
et le froid vient, ä tout instant, mettre obstacle a la production des fer-
mentations secondaires que pourraient engendrer ces germes etrangers a
la levure, que M. Pasteur appelle les germes de maladie, et dont il a si
nettement demontre l’action funeste sur les boissonsalcooliques, de quelque
nature qu’elles soient.
L’influence qu’exerce sur les qualites de la biere, et notamment sur sa
linesse, une eievation de temperature meine peu considerable, est extre-
mement remarquable et beaucoup plus importante qu’on ne le croit ge-
neralement. Une difference de quelques (legres suflit pour modifier sensi-
blement ces qualites : la finesse disparait alors, et la biere prend un gout
grossier et commun. Une experience des plus simples, et dont, souvent,
j’ai rendu mes collegues juges ä Vienne meme, pennet de s’en rendre
compte aisement: c’est celle qui consiste ä laisser, expos^e a la chaleur de
Fair ambiant, une certaine quantile de biere, dont une dgale quantite est
maintenue, en cave, a basse temperature. Degustees ensuite au meine
moment, au bout de quelques heures, par exemple, les deux boissons se
montrent deja notamment differentes l’une de l’autre: celle qui est restde
a la chaleur a perdu une partie de sa finesse.
Les döbilants et les consommateurs le savenlbien, du reste; a l’aide de
glace ils maintiennent, dans les caves, la biere a temperature aussi basse
que possible, et je n’ai jamais vu, i Vienne, la biere livree dans le verre
a plus de i o ou i 2 degres centigrades. Dejä meme, ä cette temperature, la
finesse a legerement diminue, et c’est seulement dans les caves de la bras-
serie, a la temperature de 2 (legres, que Fon peut apprecier, d’une maniere
absolue, les qualites de la liiere, teile que le brasseur Fa faite.
FAB1UCATION DE LA BIERE. 10!)
üc ces observations, Innt pratiques que scienlifiques, la conclusion est
l'acile a tirer. Obtenir des bieres aussi fines, aussi delicates que los bieres
viennoises est chose facile pour los brasseurs experimentes (|ue notre pays
possede; ils ont los orges, ils ont Jes houblons, ils ont l’habilete profes-
sionneile; le seid element qui leur manque, ou du inoins qui paraisse lern-
manquer, c’est la glace.
La glace, en elTet, tel est aujourd’bui l’agent Capital de la fabricalion
des bieres de qualite superieure; la consommation en doit etre abondante,
et il laut que le brasseur ne craigne pas d’en etre prodigue.
A Vienne, on admet une depense de glace qui, suivanl la saison, pour
le refroidissement du mout, pour la Fermentation et la Conservation en
cave, varie de 20 ä 5o kilögrammes par hectolitre de biere.
Mais, dira-t-on, c’est la pour le brasseur viennois une depense relative-
ment peu considerable; la glace i|ue les fleuves de l’Autriche portcnt Lib -
yer en abondance est, dans ce pays, ä bas prix; cela est vrai,etle prix de
celte matiere premiere, renduc a la glaciere, varie habituellement de 5 a
6 Francs la tonne; la depense n’est alors que de 25 a 3o Centimes par
hectolitre. Cependant il n’en est pas toujours ainsi, et, a la suite de l’hiver
exceptionnellement doux de 1872-73, on a vu la glace monter, en An -
triebe, au prix de 12 et 15 Francs la tonne, cest-a-dire au prix de 1 Cen -
time a 1 Centime et demi le kilogramme, et venir grever, par consequent,
le prix de revient de l’hectolilre d’une somme de 75 Centimes environ.
Sans doute. les brasseurs autrichiens ont deplore ce haut prix, mais, mal-
gre tout, ils ont pu encore, dans ces conditions, fabriquer leurs bieres a
un prix remunerateur.
Ce qui revient ä dire, en somme, que la glace, meine quand eile coute
1 Centime et demi le kilogramme, peilt inlervenir dans la Fabrication dela
biere aussi largement qu’elle y intervient ä Vienne, et que la question se
ramene, en realite, a savoir si le brasseur peut, en France, se procurer de
la glace ä ce prix. Le probleme parait diflicile a resoudre par le Systeme
de l’approvisionnement direct; la glace n’est qu’exceptionnellement abon-
dante dans notre pays, et c’est, ii mon avis du moins, dans Lemploi des
machines a glace qu’il convient surtout eben chercher la solution.
Deja de grands progres ont et4 accomplis dans cette voie, et je tiens de
MM. Mignon etRouart, constructeurs des appareils Carre, l’assuranceque,
des a present, il est possible, avec des appareils Fabricant 5oo a 600 ki-
logrammes de glace a l’heure, d’obtenir ce produit au prix d’un Centime
le kilogramme. Des appareils de semblable puissance, installes par eux ä
Philadelphia, fonctionnenl dans ces conditions. Avec des appareils moin-
dres, ne Fournissant plus que 100 kilögrammes a 1’beure, le prix dela
110
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
glace s’eleverait a 2 Centimes et clcmi. D’autres constructeurs s’occupent,
on le sait,de la solnlion du meme probleme, et parmi eux il convient de
citer, en France, MM. Tellier, Giffard et Armengaud, etc. D’autre part,
f|uelques mois ä peine nous separent du rnoment ou le brevet sur lequel
repose la construction des machines a ammoniaque sera dans le domaine
public, et Ton ne saurait douter qua ce moinent, en face d’interets aussi
considerables, la Science des ingenieurs ne parvienne a tirer du prin -
cipe pose par M. Carre des consequences plus remarquables encore que
celles qui en ont de tirees jusqu’ici.
La qucstion, d’ailleurs, depuis quelques annees ddja, est entree dans la
Periode de 1’application industrielle, et, sans quitterla France, noustrou-
verions, a Marseille, deux brasseries de premier ordre qui, (outes dein,
foul usage de machines a produire artificiellement le froid: l’une, celle de
M. Vellen aine, emploie une machine ä elher; l’autre, celle de M. Velten
neveu, fait usage d’une machine Carre, construite jadispour l’exploitation
des eaux meres des marais salants.
D’autre part, la penurie de glace n’est pas absolument generale dans
notre pays, et nos departements de l’Est, par exemple, sont, sous ce
rapport, mieux favorises que les autres. Aussi voit-on, grace a l’emploi
abundant de la glace, la iabricatmn de la biere se perfectionner cbaque
jour de plus en plus dans cette region, et certaines bieres, celles de Nancy
par exemple, que l’on connait sous les noms de Tantonville, de Maxe-
ville, etc., lütter avantageusement sur le marclie francais avec les bieres
allemandes, et meme avec les bieres autrichiennes.
Aux porles meine de Paris, la oii l’approvisionnement est plus diflicile,
nous assistons, dans plusieurs brasseries, et notamment dans la celebre
brasserie Peters, a Puteaux, a des efforts plus grands encore et que cou-
ronne le succes.
11 y a la d’utdes exemples a smvre, et Fon ne saurait trop encourager
les industriels qui, acceptant francbement les vues scientiliques modernes,
ont clicrcbe a faire sortir la brasserie francaise de la voie routiniere
qu’elle suit depuis si longtemps.
111
PRO CK DE DE AI. PASTEUR.
Cependant, a cole du jirocede qui consiste a empecher au moyen de la
glace, ou plus generalement du froid, les allerations de la biere, procede
dont la brasserie fait usage depuis longtemps, mais dont l’explication
theorique na pu et re fournie que par les travaux modernes de M. Pasteur,
KAR RI CAT ION DE LA BIERE.
111
so presente un Systeme tiouveau, qui, sansemploi de glace, permet d’ob-
tenir lcs resultats sur lesquelsje viens d’insister et desquels dopend la qua-
lite de la biere. Ce Systeme a ete deduit par M. Pasteur lui-meme de ses
travaux.
En voicile principe : Les alterations de la biere, lorsque celle-ci devient
lilante, aigre, lactique, lorsqu’elle tourne, etc., sont toujours la conse-
quence du developpement vital de Ferments divers et nombreux. Ces Fer -
ments, le mout d’abord, la biere ensuite en ont recu les germes de l’air
atmospherique qui les transporte, du levain auquel ils se trouvent melan-
ges, des ustensiles de la brasserie sur lesquels ils se deposent.
Eliminer ces germes etrangers de maniere ä operer sur une levure de
biere physiologiquement pure, garantir le mout cn Fermentation et la
biere Fabriqu^e contre 1’apport de ces meines germes, teile est la base sur
laquelle repose le Systeme de M. Pasteur.
Et Fon comprend tout de suite en quoi different, d’une part, le procede
habituel qui, admettant les germes des Ferments de maladie, s’oppose, au
moyen du Froid, ä leur developpement; d’une autre, le proc^d^ Pasteur,
qui, les ecartant d’une maniere absoiue, n’a plus a se pr^occuper de la
possibilite de leur developpement en presence d’une temperature de i5
et meme de 2 5 degres.
M. Pasteur prend le mout au sorlir de la cuve ä houblonner; ce mout
estencore a la temperature de Febullition, et, par cette temperature 41evee,
tous les germes que le liquide a pu recevoir jusque-lä viennent d’etre
tues. Immediatement, et sans attendre que la temperature s’abaisse, le mout
est entonne dans une cuve metallique que recouvre un couvercle a Ferme-
lure hydraulique, et qui ne prend communication avec Fair exterieur que
par des tuyaux verticaux sbilevant lelong de ses parois jusqu’au couvercle
auquel ils sont attaches; ä travers ces tuyaux arrivent au contact du mout
soit du gaz acide carbonique, soit de Fair prealablement debarrasse des
germes qu’il contient naturellement. Dans la cuve m4me, au moyen d’un
courant d’eau s’ecoulant a la surFace de celle-ci, ou bien au moyen d’un
Serpentin interieur que cette eau traverse, le mout est ramene & la tem -
perature ambiante; cette temperature peut etre de 1 5, 20 et meine de
2 5 degres.
Aussitot ce reFroidissement obtenu, et sans qu’aucun contact avec Fair
puisse se produire, le mout est mis en levain, non pas avec de la levure
ordinaire, mais avec de la levure pure, de la levure provenant de Fer -
mentations soignees, accomplies, comme celle qui cbibute, en debors de
toute intluence atmospherique, de la levure exempte par consequent de
tout melange avec les germes etrangers ipie Fatmospbere transporte ; puis,
112
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
dans la cuve dose ainsi mise en levain, la fermentation se poursuit, tou-
jours a l’abri de Fair et desgermes qu’il pourrait apporter. Dans ces condi-
tions, la levure alcoolique, la levure de biere proprement dite, se developpe
seule, le mout ne devient le lieu d’aucune fermentation secondaire, au-
cun ferment de maladie n’y apparait, et la biere, lorsque sa fermentation
normale est achevee, se präsente constituant un liquide inaltere et inal-
terable, qui, au sortir de Ja cuve, n’emporte pas plus de germes etrangers
qu’il n’en a lui meine apporte.
De sorte que, preparee d’apres ce Systeme, la biere peut non-seule-
ment arriverason complet achevement sans qu’il soil necessairc d’entraver
par le froid le developpemcnt des ferments de maladie, rnais qu’encore eile
peut, une fois faite, etre conservee dans des caves ordinaires, a la tempe-
rature de 10-12 dcgres, et memeetre expos^e 020 ou 25 degres sans que
la saveur, le gout qu’elle possedait a l’origine, se trouvent sensiblement
modifies.
Ce procede porle avec lui le cachet de precision et de simplicite qui ca-
racterise les oeuvres de M. Pasteur; considdre dans ses phases diverses, i!
presente une valeur indiscutable, et c’est chose certaine que, les conditions
indiquees par le savanl academicien etant realisdes, le resultat annonce
par lui se produira d’une maniere infaillible. Ses consequences, au point
de vue commercial, sont de premier ordre. Supprimer Femploi de la
glacepour la fabrication et la Conservation de la biere, c’est, d’une part,
apporter a la brasserie une economic considdrable, et, d’une autre, lui
assurer une liberte d’allure, une independance qu’entrave, actuellement,
la difliculte qu’elle eprouve souvent a s’approvisionner de glace en quan-
tite süffisante.
Aussi fonde-t-on en ce moment les plus grandes esperances sur le
succes de ce procede.
Cependant, et pour faire de la question un expose impartial, il convient
de rappos ter ici les objections que font au Systeme de M. Pasteur des prati-
cicns experimentes. lis disent qu’ä coup sur, si la fabrication de la biere elait
conduite dans les conditions d’ordre et de proprete absolus auxquelles ha-
bitue le travail scientiüque, le succes en serait certain; rnais, disent—ils, il
parait bien difficile que dans les brasseries, et surtout dans les grandes
brasseries modernes, ces conditions se trouvent toujours observdes; bien
difficile, par consequent, qu’aun moment imprevu les germes des ferments
de maladie ne viennent subrepticcment se meler au levain, se deposer
dans les ustensiles de l’atelier, se melanger enlin soit au mout, soit a la
biere fabriquee, et reduire a neant, en un mot, tous les efforts fails pour
b's eloigner. Pour eu\, en oulre, ce n’est pas cliose demontree que l’oxy-
FABRICAT10N DE LA RIEBE.
113
gene atmospberique ne vienne, au cours de la fermentation, exercer sur les
ebimcnls odorants et sapides du mout une action spdcifique qui contribue
ä donner a la biere son caractere, et enfin ils insistent sur ce fait, que la
biere achevee a basse tcmperature renferme plus d’acide carbonique que
la biere dont la fermentation s’acbeve a 20 011 26 degres, et que la pre-
miere, par consequent, est a la fois plus piquante et plus legere que la
seeonde.
On ne saurait ineconnaitre que ce sont la des objections serieuses;
mais ces objections, la pratique seule peut en demontrer ou la force ou
l’inanit^. Fort heureusement, d’ailleurs, elles n’ont pas 4te de nature a
empecher l’industrie de tenter en grand l’application du procede de
M. Pasteur. Des capitaux considerables ont &e reunis, une socidte impor -
tante s’est formee pour l’exploitation de ce procede, et, en ce moment,
des usines s’elevent, qui bienlot fourniront ä la consommation des bieres
dont la degustation permettra alors de prononcer defmitivement sur la
valeur du procede nouveau.
D6ja, d’ailleurs, on peut citer des brasseurs babiles qui, adoptant en
partie les idees de M. Pasteur, ont reussi a creer de v^ritables cultures de
levain, et sont ainsi parvenus k ameliorer notablement la qualit^ de leurs
produits.
En tout cas, et quoi qu’il advienne de ces tentatives, M. Pasteur n’en
aura pas moins rendu a la brasserie un Service eclatant, en lui apprenant
quels sont les ennemis qu’il lui faut combattre et quelle est aussi la valeur
des armes qu’elle y peut employer.
IV
MALTS, BIERES ET APPA REILS EXPOSES.
Je ne m’etendrai pas longuement sur ce sujet; chacun le sait, en eilet,
c’est chose fort difficile que de conclure des qualit^s que possede, dans
une Exposition, tel ou tel produit alimentaire ais^ment alt^rable, aux
qualites avec lesquelles il se presente r^ellement ä la consommation.
L’exposition des malts ctait nombreuse dans les galeries r^servdes a
l’Autriche, a l’Angleterre et ä l’Allemagne. Jen ai recueilli plusieurs
ecbantillons, qui tous se recommandent, a peu pres ^galement, par leurs
belies qualites.
Les exposants de bieres etaient au nombre de cent vingt-trois; l’Au-
triche-Hongrie en comptait soixante et un, l’Allemagne vingt-six, la Suede
et la Norwege neuf, TAngleterre huit; la France, la Suisse, la Belgique
Etaient a peine representees.
II.
8
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
11 h
La deguslalion de cos Li eres a ete faite |>ar le Jury du quatrieme groupe,
auquel, ainsi que je Fai dit en commengant, M. J. Wünstel avait öte adjoint
pour representer les interets frangais.
Les bieres autrichiennes et allemandes n’ont rien offert de particulier,
non plus que les bieres anglaises; elles se sont montrees les unes et les
autres avec leurs qualitds et leurs caracteres bien connus.
Les seuls produits qui, en realit^, aient (rappe Fattention du Jury par
les qualites qu’ils ont montrees et qu’on ne leur connaissail pas, ont ete
ceux des brasseurs suddois, norwegiens et surtout danois. Au premier
rang parmi ces produits, et, on peut le dire, au premier rang parmi
tous les produits similaires, figuraient les bieres de M. Jacobsen, de Co-
penhague. Conservees pendant deux mois, dans les galeries miknes de
l’Exposition, ces bieres, malgr£ les fortes cbaleurs auxquelles elles avaient
ete exposees, n’avaient rien perdu de leur (messe et de leur limpidite.
Les bieres de M. Jacobsen sont des bieres a fermentation basse, prove-
nant de moüts cuits a la vapeur dans des chaudieres horizontales, dont
un excellent recueil special, le Moniteur de la brasscrie, a recemment
donne une interessante description qu’il serait trop long de reproduire
iri L
Les appareils qulexposaient les constructeurs autrichiens et allemands
etaient, en gendral, de grande dimension et d’une disposition heureuse.
Au premier rang, on rencontrait ceux de MM. Noback frercs et Fritze, de
Prague, puis ceux de M. Prick, de Vienne, ceux de M. Neubcckcr, d’Of-
fenbach, pr^s Darmstadt, etc. C’dtaient des cuves-matieres, des cbaudieres
a vaguer, des cbaudieres ä houblonner, des appareils a refroidir, etc. Ces
derniers etaient les plus nombreux, les formes en etaient des plus varides;
Fun de ceux qui atliraient le plus Fattention etait un refroidissoir a tubes
verticaux expose par M. Neubecker, et qui, suivant ce constructeur, donne
d’excellents resultats. L’espace dont je dispose et le ddveloppcment dejä
trop considerable de cetlc ötude ne me permettent pas d’insister sur la
disposition de ces divers appareils.
V
CONGRES DES BRASSEURS.
Cependant je ne saurais terminer sans dire quelques mots au moins
du congres qui, a Foccasion de FExposilion, s’est assemble a Vienne, du
i (i au 9i juin, et aux sdances duquel se sont trouves reunis en grand
Voir Moniteur de la brasseric, par M. Laurent, i4 juin i 87A.
FABRICATION DE LA BIERE. 115
nonibre les chefs des plus importantes maisons de l’Autriclie et de l’Alle-
magne.
J’avais cu l’honneur d’etre invitd aux seances de ce congres, et j’ai beau-
coup regrette que les devoirs qui me retenaient au groupe IX m’aient
empeche d’en suivre les travaux.
Le congres a tenu, pendant sa session, quatre longues seances dans
lesquelles ont ete traites successivcment les sujets qui, en ce moment,
Interessent le plus la brasserie.
Parmi ces sujets, il convient de signaler surtout :
i" D’intdressantes Communications sur la production du l'roid et sur la
valeur comparative, d’une part, de la glace, d’une autre, des machinessoit
a ammoniaque, soit 5 dther, soit ä expansion d’air pour realiser cette pro -
duction. Dans cette question, on a vu intervenir successivement les hommes
les plus compdtents : M. Linde, de Munich, M. Windhausen, de Bruns -
wick, M. Paersch, de la Nouvelle-Orleans, M. Wolkner, de Prague. Des
opinions diverses se sont fait jour a ce propos; mais, parmi ces opinions,
celle qui parait compter le plus de partisans est cellc exprimde en dernier
lieu par M. Wolkner, et qui consiste ä prdfdrer l’emploi de la glace ä celui
des machines, si bonnes qu’elles soient. J’aidit prdcedemment pourquoi, ä
a cette maniere de voir, il semblait ndcessaire de substituer, dans notre
pays, la maniere opposde.
9° M. Lintner, Tun des professeurs de l’Ecole de brasserie de Weihens -
taufen, a prdsentd au congres une sdrie d’observations pratiques d’une
grande importance. Parmi ces observations, en voici une surtout qui mdrite
d’etre signalde : mouillee ä l’eau distillde, Borge fournit bientöt une liqucur
laiteuse, albuminoide et facilement putrescible; mais a l’eau distillde
ajoute-t-on une petite quantite de plätre, les cboses se passent de facon
toute diffdrente, l’eau reste limpide, l’albumine du grain reste insoluble,
cnfermee dans celui-ci, et aucune putrefaction ne se manifeste. De cette
observation si remarquable on peut aisement döduire l’explicalion de la
preference que les brasseurs accordent aux eaux impures sur les eaux
pures, comprendre, par exemple, pourquoi la grande brasserie anglaise
est venue se grouper autour des eaux seleniteuses de ßurton. Cette prefd-
rence se trouve ainsi justifide. D’autres observations du meine savant sur
la production de la mannite pendant le brassage, et sur le gout c^ue cette
mannite communique a la biere qui la contient, sont egalement dignes
de la plus grande attention.
3° Une discussion interessante s’est dlevde egalement ausein du congres
sur la valeur comparative de la coction a fcu nu et de la coction a la va-
s.
MG
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
peur. D’iin cote, M. Schwarz, de New-York, est venu affirmer sa prefe -
rence pour la coction ä feu nu; d’un autre, M. Jacobsen, de Copenhague,
a soutenu, au contraire, les avantages de la coction a la vapeur. «J’ai eu
occasion , a-t-il dit en resumti, d’examiner comparativement l’un et l’autre
proced£, en brassant et cuisant les memes matieres exactement dans deux
usines voisines, et toujours j’ai trouve aux bieres cuites ii la vapeur plus
de bouche et plus de finesse. Le public d’aillcurs, et c’est le meilleur juge,
a toujours prefdre les bieres quc j’obtiens de cette fa^on aux bieres de mes
concurrents.»
J’ai eu l’occasion d’insister precedemment sur les qualites et principale-
ment sur les qualites de garde que possedent les bieres de M. Jacobsen,
de Copenhague; ces qualites viennent 4 l’appui de la preference qu’il
indique. J’ajoute d’ailleurs que, pour ma part, je me sens assez porte ä
partager son opinion a la suite de l’exainen comparatif que j’ai fait recem-
ment sur des bieres qu’avaient bien voulu m’adresser MM. Tourtel freres,
de Tantonville, et qui, apres avoir 6te brassdes simultan&nent, avaient
ete cuites l’une a feu nu, l’autre a la vapeur.
4° Je signalerai enfin, comme appelant l’attention des praticiens, les
Communications faites au congres par M. Hanaman, de Lobositz, sur le
touraillage et notamment sur le touraillage mecanique; par M. Knob -
lauch, de Munich, sur le chauflage en brasserie; par M. Madlehner,
d’Ausbourg, sur l’emploi d’appareils automaliques de mesurage, etc.
Tel est, en quelques mots, le resume des travaux accomplis par le
congres des brasseurs, reuni 4 Vienne en 187 3, a l’occasion de 1 Exposi -
tion universelle; a la suite de chacune des Communications que je viens
d’indiquer, d’importantes discussions se sont produites, auxquelles ont pris
part les hommes les plus experimentes. Bien des faits nouveaux ont ^te
ainsi mis en lumiere, et l’on ne saurait douter que cette reunion n’exerce
une action elScace, au point de vue de la vulgarisation des idees scienti-
fiques, parmi les hommes qui pratiquent l’industrie actuellement si impor -
tante de la brasserie.
Atme GIRARD.
P1ECES JUSTIFICAT1VES
PU
RAPPORT DE M. ARNAUD-JEAISTI.
MÖHLINS ET USiNES
DE L’ALLEMAGNE DU NORD, DU SUD ET DE LA HONGR1E.
N" 3 signifie type ou egal au type, c’est-ä-dire Bonne qualite.
N° 2 signifie au-dessus du type l'* qualite.
N" 1 Qualite superieure.
0 Qualite extra.
N° 4 signifie au-dessous du type • • Qualite ordinaire.
5 Qualite mediocre.
N° fi. Qualitd inlerieurc.
118
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
NUMEROS
DU
CATALOGUE
oiüciel.
1
2
3
4
ALLEMAGNE DU NORD.
DESIGNATION.
FARINE
DB
FROMENT.
FARINE
DE SEIGLE,
m.Tis,
sar rasin.
ORGE
PERLE ,
amidon.
R1Z,
SEMOULE,
arrow-
root.
I. — ASSOCIATION DES MEUNIERS.
Actien-Commandit , George Granau , Elbing.
Gruaux fins io,36p. o/o 3 0,78 p. 0/0
00 3,79 Farines noires.... 0,69
0 8,63 Petits sons 2,39
1 49,61 Gros 19,18
2 2,29
Moulin a eau, fabriquant, annee moyenne, 54,000 quin-
taux froment et seigle. Mouture demi-ronde
Ahrens C. Egeln, Saxe.
Sans indication.
Fabrique d’orge perle; fabrication, annee moyenne,
68 ,000 quintaux
N” 5.
N"30P.
Bartsch Max, Breslau.
Sans indication.
Fabrique de macaroni, gruaux, pois decortiques. Mouture
demi-ronde
Th. Bernard et Son, Königser
(Saxe-Weimar-Eisenach).
00.
0..
2..
28,63 p. 0/0 8. 7,28 p. 0/0
1 9»9^ Farines noires.... i,o5
12,o4 Petils sons 4,71
io,38 Gros i3,8o
Moulin ä eau pour farine et rizerie. Fabrication, anne'e
moyenne, 3/1,000 quintaux cereales. Mouture demi-
ronde
Gramer, Schweinfurt (Baviere).
N° 4.
N° 6.
0 9,20p.0/0
1 19,30
2 16,80
3 16,3o
h 8,4o
3 5,3op. 0/0
0 * 3,io
Farines noires .... 4,8o
Petils sons 8,4o
Gros 4,5o
Moulin aeau. Fabrication, annee moyenne, 140,000 quin -
taux. Mouture haute
I\° 2.
11 11
n 11
PI EC ES JUST1FICATIVES.
119
NUMEROS
DU
CATALOGIE
ofllciel.
7
8
9
10
DESIGNATION.
Dauer-Mühle, latzdorff (Schlesien).
PAR INE
00
0
1
2
3
Farines noires..
Sons ..
5 p. o/o
55 i/a
4 a/5
6 3/5
4 3/5
4 3/5
16 3/4
0 6 i/ap.o/o
1 5t
3 4 3/4
Farines noiivs el
sons 34 3/4
\fouliri a cau et ä vapeur. Fabrication, annee moyenne,
156,ooo quintaux. Moutnre demi-ronde
Deliiaes, Prechanin (Posen).
0 6on. o/o C 3a p. o/o
1 io 1 3o
2 3 2 3 i /a
Petils sons 7 Farines noires etsons. 3i 1/2
Gros 16
Moulin ä vapeur. Fabrication, annee moyenne, 33,oooquin-
taux. Mouture basse
Erbrecht, Walzmühle (Emsbben).
67 1/2 p. o/o 3 2 l/ap. 0/0
61/2 Petils sons . 61/2
3 1/2 Gros * 9 1/9
Moulin a cau pour farines, orjjes et huiies. Fabrication
moyenne, 26,000 quintaux. Mouture basse
Max Frudel, Dubsau (Sildsie).
Sans indication.
Moulin ä vapeur et a eau de peu d’importanee, niais fa-
briquant surlout des ferines de pois. Mouture basse.. .
Auguste Gau,, Dillenbourg (Hesse-Nassau).
1" qualilö i3p. 0/0 6" qoalitiS 4p. 0/0
i3 a/3 Farines noires 1 i/3
3'- i5 i/3 Petils sons 6 i/3
4'- 8 Gros 9 2/3
5'' 22 2/3
Moulin ä vapeur et a eau dedix paires de meules. Mouture
haute
FARINK
DE SE1GI.E,
mais,
sarrasin.
N" l\.
6.
N" h.
N“ 5.
N" 2.
ORGE
PERLE ,
ti mit Ion.
F.S. 3.
R1Z,
iEMOl'LE ,
arrow-
rool.
130
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
GATALOGUE
ofTiciel.
12
13
14
15
16
DKSIGNATION.
Genz, Heidelberg (Bade).
95 i/sip. o/o 5 li/ap.o/o
*5 l/a Farii.es noires... n/a
5 Pelits sons n
a5 Gros t
3 i / 2
Moulin a eau. Fabrication moyenne, 54,8oo quintaux.
Mouture haute
Haussmann , Homberg.
Superfin 5 p. o/o
00 a '
0 33
1 7
2 /,
p 6 p. o/o
bros SODS 20
Farines noires 6
Petits sons i
Moulin ä vapeur. Fabrication moyenne, 96,000 quintaux.
Mouture demi-ronde
Helmarshauser , Garlshaven.
00.,
0..
1. .
2. .
22,86 p. 0/0 3.. 1,07p.0/0
39,42 Farines noires et
1,70
4,36
petits sons 11,06
Gros 12,70
Moulin ä eau. Fabrication moyenne, 200,000 quintaux.
Mouture demi-ronde
Hildebrandt, Weinhem (Bade).
5p.0/0. 4
p . •*: 12p.0/0
Lärmes noires 4
Petits sons u
Gros 5
Moulin k eau et ä vapeur. Fabrication moyenne, 210,000
quintaux. Mouture demi-ronde
Jaenicke (Potsdam).
00.
0. .
1. .
2. .
3. .
10 p. 0/0
Farines noires 2
Petits sons 4
Gros ,5
0. .,
1. .
2. .,
3. .,
Sons
3q p. 0/0
3e
4
6
23
FARINE
FARIN E
DE SEIGLB,
mais,
sar rasin.
M u 2.
N“ 3.
N° 5.
N° ä.
Moulin ä vapeur. Fabrication moyenne, 100,000 quin-
taux. Mouture demi-ronde N n G
ORGE
PERLE,
amidon.
RIZ,
SEMOULE
arrow-
root.
P1ECES JUSTIFICAT[VES.
121
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
12 2
NUMiBOS
DD
CATALOGUE
officiel.
22
23
24
26
DESIGNATION.
Kratochwill (Posen).
FARINE
FA II INE
DE SEIGLE ,
mais,
sarrasin.
00
0
1
2
3
Farines noires...
Petits sons
Gros
6 p. o/o 0 99 p. 0/0
19 1/2
18
1
2
Farines noires. .
Petits sons
Gros
Moulin a eau. Mouture demi-ronde.
Langendorfsche-Mufh, Neisse (Silesie).
00.
0..
1. .
2..
ä4p. 0/0
4 7
3
a l/a
3.
Farines noires...
Petits sons
Gros
a 1/2 p. 0/0
3 3/4
9 1/9
12 3/4
Moulin ä
Gustave Lehmann, Bautzen (Saxe).
Sans indication.
Moulin ä eau et a vapeur, surtout pour les orges perles.
Fabrication moyenne, 69,000 quintaux
Leisnigen, Leisnig (Saxe).
00.
0. .
1. .
2..
5op. 0/0 3 3 p. 0/0
Farines noires 3
4 Petils sons 8
9 Gros . i9
Moulin a eau. Fabrication moyenne, 60,000 quinlaux
fromcnt, 60,000 quintaux seigle, 13,000 cj11inIalix
orge, 18,ooo quinlaux d’lmile. Moulure demi-ronde.
Orf;es perles
N° li.
Lange fr&res, Kiel (Schleswig-Holstein).
0 73,23p. o/o Farines noires.. . . 1,59p, °/°
1/2 9,o3 Sons i7,98
Grand moulin ä eau et a vapeur, soixante-deux paires de
meules, 690,000 quinlaux. Mouture hasse N° 2.
ORGE
PERLE ,
amidon.
RIZ,
SEMOULE
arrow-
root.
F. S. 3
Type.
N° 5.
N° /i.
0. P. 2.
O.P./i.
PIECES JUSTIFIG ATI VES.
m
124
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
CATALOGUE
officiel.
31
32
33
34
35
DESIGNATION.
FARINE
Mehrlein, Gnudenz.
J 6op.o/o 0 Aap.o/o
1 10 1 so
2. 8 2. ,5
Petits sons 6 Farines noires y
Gros. iS Sons. 12
Moulin a oau fonde pendant le xvi' siede. Fabrication,
a4,ooo quintaux. Mouture basse [ N° 4.
Melosch, Altona.
1 66p.0/0 4.
2 1 Farines noires.
6 1 l/4 Sons.
6 3/4 p. 0/0
Moulin a vapeur pour farine et rizerie. Fabrication moyenne
en grains, 24o,ooo quintaux. Mouture basse
Nahe freres, Erfurth (Saxe).
Sans indication.
Moulin ä eau pour orges perles seulement. . .
FARINE
DESEIGLB,
mais,
sarrasin.
ÜRGE
PERLE ,
amidon,
F. S* 2.
N° 3.
Type.
C. Nickel, Tralimülhe (Schwerin).
^ 65p.0/0 0 Soi/sp.o/o
2- : 5 2 5
Petits sons 9 Farines noires... 5
Gros 18 Sons 20
Moulin a eau. Mouture basse j N° 4.
Lukowitz et C ic , Rastenburg.
0 75,o5 p. 0,0 0
I • 4,90
Petits sons 6,70
Gros. - r
43,8o n. 0/0
1 a 3, 9 o
2 5,o5
Farines noires.. .. 9,45
Sons i4.a5
Moulin a eau qui a la meilleure installation, et par suite
le meilleur rendement. Fabrication moyenne, 55,ooo
quintaux. Mouture basse
N'° 3.
F. S' 2.
0. P. 2.
F. S- 4.
F. S° 2.
RlZ,
SEM0DLE,
arrow-
rool.
//
n
11
11
PIECES JUSTIFICATIVES.
125
126
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
CATALOGUE
officiel.
42
43
44
45
4G
DESIGNATION.
Adolf Schmidt, Mülbron (Brandebourg).
0 on i/5p. o/o 0/1 65n.o/o
1 9 V 9 2 5
2 4 a/3 Sons 36i/4
3 4 a/3
Sons 2i
Moiilin ä eau et ä vapeur. Fabrication moyenne, Go,ooo
quintaux. Mouture basse
E. Scherz, Brandebourg.
Sans indiration.
N’a pas expose.
Schannekb , Brunswick.
Gruaux fins 3 p. o/o 2
Farines superfines.. . 8 3
0 46 Farines noires 2
1 i5 Sons 17
3 p. 0/0
Moulin ä eau. Fabrication moyenne, 47,000 quintaux.
Mouture demi-ronde
Simons, Neviss.
69 p. 0/0 Farines noires 2 p. o/o
3 Petils sons 3
4 Gros 17
Moulin ä vapeur. Mouture basse.
Stralsunder, D. M., Stralsund.
0. .
1. .
2. .
Pelits sons
65 p. 0/0 0 37 1/2 p. 0/0
8 1 27 '
7 2 101/2
121/2 Farines noires. . . 10
5 i/a Sons 121/2
Moulin ä vapeur. Fabrication moyenne, 0o,ooo quintaux.
Mouture basse
FARINE
N" 4.
FARINE
DE SEIGLB,
mais,
sarrasin.
ORGE
PERLE ,
amidon.
F. S. 2.
N° ;
N° G.
N°2. F.SM
RIZ,
SEMOULE ,
arrow-
root.
11
11
n
PIKCES J USTIF1C AT1VES.
127
CATA I.OGT'E
ofFiciol.
47
48
49
50
51
DESIGNAT ION.
FARINE
Winter freres (Baden).
0 iop.o/o
\ 10
2 i5
3 io
4 15
5 8 p. o/o
6 io
7 5
Farines noires 5
Sons io
Monlin ä eau et fabriquo de päles. Fabrication moyenne,
farines, 60,000 quintaux, pätes, 45,000 fiorins. Mou-
tnre haute *
Wissche, Nürnberg.
0 2,46p,0/0
1 12,68
2 15,67
3 16,58
4 16,82
5 19,59 p. 0/0
6.. . * o,83
Farines noires.... 2,73
Sons 15,85
N° 2.
FAIUNE
DE SßtGLE,
mais,
sarrasin.
ORGE
PERLE ,
amidon.
Monlin ä eau. Fabrication moyenne, 60,000 quintaux.
Mouture haute
Woltersdorff, Arnstadt.
Sans indicalion.
N’a pas expose.
N° 2.
ZlCKMANTEI. et ScnJIlDT.
60 p.0/0
6
5
3,3
4 i,3p. 0/0
Petits sons 10,2
G ros 10
Mouture demi-rondc.
Findorff, H. F., Lunebourg.
N. 3.
0
1
Farines noires.
Pclils sons....
G ros
67 p. 0/0 0 62 p. 0/0
7 Farines uoires 20
6 Sons 12
7
9
Monlin a ean. Mouture hasse.
i\° 0.
V. S e 5.
RIZ,
SEMOUI.E ,
arrow-
root.
128
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
CATALOCDE
officiel.
52
57
DESIGNATION.
FARINE
Ludwig Grobe, Schornurgen.
0 17P.0/0
1 iti
2 9
3 22
4 8
5 9 p- °/°
Farines noires 6
Petits sons 8
Gros 5
53
Moulin ä eau et ä vapeur. Fabrication moyenne, 16,000 q. |
Mouture haute I N" 3.
Braver et Hofstadt, Neuss.
9 75p.0/0 |
t i 1/10
2 1 a/io
Moulin ä vapeur. Fabrication moyenne. Mouture basse. . . N" 4.
54
Bahr, CIoster-Mühle.
i5 l/Ap. 0/0 Petits sons 43/4p.o/o
44 Gros 14 1/2
17 i/j
Moulin ä eau. Fabrication moyenne. Mouture basse | N° 4.
55
Hardt, Dinsbourg.
69p.0/0 Farines noires 8p. o/o
6 Sons i3
50
Moulin a vapeur. Mouture basse.
Behr, Lunebourg.
Farines noires...
Petits sons
Gros io,2
67,1/i p. 0/0 0 64 p. 0/0
2,62 2 8
4,92 Farines noires 12
6,60 Sons. 12
4,56
00
0...
0/1.
i3,o4
38,27
i5,64
5,26
Farines noires. .. 2,4«
Petits sons 8,47
Gros 6,77
N° 1.
Moulin a eau. Mouture basse I N” 6.
Otto Gottschalck, Grimm.
SuperGn 4,3op. o/o 2 9,28 p. 0/0
Moulin ä eau et ä vapeur. Moulurc demi-ronde | N" 3.
I Type.
FARINE
DKSEIGLE,
mais,
sarrasin.
ORGE
PERLE ,
aniidon.
RIZ,
SEMOÜLE,
arrow-
root.
PIECES JUSTIFIGATIVES.
NUMEROS
DU
CATALOGUE
ofliciel.
2
3
fi
5
6
7
8
9
11
129
DESIGNATION.
FARINE
DK
FROMENT.
FARINE
DE SE1GLE,
mais,
sarrasin.
ORGE
PERLE ,
amidon.
RIZ,
SEMOLLE ,
arrow-
root.
II. — MEUNIERS SEPARES.
Tiedemann, Altona.
Fabrique de Maizena
Schoeller, Schwieben.
Moulin a (?)
N° 5.
F.S.2.
Beisert, Sprottau (Dresde).
Moulins ä eau et ä vapeur ä Sprottau et ä Dresde
Fabrication raovnnne. 176,000 quintaux. Mouture demi-
ronde
W. Stein , Sprottau.
Moulin ä eau. Fabriealion mnyenne, i4i,ooo quintaux
Mouture demi-ronde
2
Dresde.
i
Sprottau.
N° 2.
F.S'3
Baltischer, Eldena.
Hors concours. Institut agricole.
Brandenrürger , Starke.
Fabrique de fecules de pommes de terre. . .
Weher, Annenhoff (Sildsie).
Fabrique de fecules de pommes de terre. . .
// Fec. 3. //
Type.
ii Fee. 5. //
Westermager, Munich.
N’a pas expose.
Schlobach et G“, Leipzig.
N’a pas expose ff
ii.
ii
9
ii
ii
ii
ii
ii
ii
ii
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
130
CATALOCUE
officicl.
12
13
14
15
IG
17
19
20
21
DläSlGNATION.
Hotzhaozen, Saxe.
Moulin ä eau et ä vapeur. Monture hasse
Knorr, Heilbronn.
Fabrique d’orges perles, amidons, etc
Dader, Wurtemberg.
Fabrique d’orges perles, gruaux d’avoines, etc
Bender, Baden.
Fabriqne de leeuies de pomme de lerre
Hoffmann, G. W.
Fabrique de fecules de pommes de terre
Walter, Darmstadt.
N’a pas expose.
Heidenreicii, Affolterbach.
Fabrique de fecules de pommes de terre
Zepperling, Hambourg.
Rizerie. Fabrication moyenne, 100,000 quintaux. Force
rnotrice ä vapeur
Botsch, Hambourg.
N’a pas expose.
Koechlin, Mulhouse.
Moulin a (?)
FAR1NE
N* 4.
N° 2.
FARIN E
DESBIGLE,
mais,
sarrasin.
Fee. 4.
Fee. 4.
Fee. 2.
ORGF,
PERLE ,
amidon.
N° h.
O.P.3.
R1Z,
SEMODLE ,
arrovv-
root.
R. 2.
Nl’MEBOS
DU
CATALOGUE
ofticicl.
3
4
0
7
12
13
14
15
IC
19
20
2G
P1ECES JUSTIFICATIVES.
IM
AG TR IC HE ET HONGRIE.
NOMS DES EXPOSAiNTS.
FAR1NE
DE
FF.OMKNT.
FARINE
DF- SE1GLE ,
mais,
sar rasin.
ORGE
PERLE ,
amidon.
1
RIZ,
SEMOCLE ,
arrow-
root.
AUTRICHE.
Blücher von Wahlstatt (Graf Gustav), Uscuheskupie
(Galizien)
Bidlick (Johann, sen.), Tabor (Böhmen)
Collectiv-Ausstellung der Handels- und Gewerbekammer
in Laibach (Krain):
l. Gülle (Karl)
4. Industrie-Gesellschaft (’Kramerische).
5. Ingovie (Leopold)
Collectiv-Ausstellung der Mühlenbesitzer des Handelskam -
mer-Bezirkes Brünn (Mähren):
i. Bruna, Actien-Dampfmühle
3. Banowsky (Karl und Söhne)
4. Gröber(Johann)
5. Hesse (Karl), Iglau
7. Kaff (Bernhard), Blanskoff
8. Kallub (Johann), Miseritsch
10. Kellner und Löwenslein, Bonitz
11. Kuhn (Paul und Söhne), Brünn
13. Steinbrecher (J.)', Madritz
14. Wawra (C.)
Dampfmühle (Brodyer), Alt-Brody (Galizien)
Dampfmühlen Direction(Kamiouka), Strumilowa (Galizien).
Dampfmühlen-Gesellschaft (Erste Böhmische), Snischow
und Lubositz (Böhmen)
Dampfmühlen : Rollgerste-Fabrik (Ebenfurtner), von
Schelier et C ie , Ebenfurth (Nieder-Oesterreich)
Danbeck( J. F.), Kunstmühle, Brünnlitz-Brüsau (Böhmen).
N° 2.
N° 3.
N° 2.
N“ 2.
N” 1.
N° 2.
N° 3.
N° 2.
N° 4.
N° 2.
N° 2.
N° 3.
N° 1.
N° 2.
N° 2.
N° 2.
N" 1.
N° 2.
N” 3.
Dydusiak (Adalbert), Pekowice (Galizien)
Ekonomo(D. A.), Triest
Frucht-und Mehlbörse (Wiener), Wien :
1. Dreher (Anton), Schwecka
9. Ebner (Josef), Gontransdorff.
Mehlbörse (Wiener) :
3. Eckert (Josef)
1/
N“ 0.
N° 2.
N° 1.
11
11 n
F. S' 3. 11
II H
II H
II II
II H
F. S“ 3. „
F.S" 3. „
F.S' 2. „
F.S e 4. „
F.S” 2. ,,
F.S'2. //
F.S'3. ,/
F.S'2. ,/
F.S'3. //
11 u
F.S'4. „
!' II
F.S' 4.
t F.S' 2.
I E. M. O.j
O.P.O.
11
11 O.P. 3.
II H
II U
II II
F. S' 5.
11
11
n
11
11
if
11
ii
ii
ti
11
11
11
11
ii
ii
1/
ii
R. 0.
11
"
11
11
9 •
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
132
NUMEROS
DU
CATALOGUE
NOMS DES EXPOSANTS.
ofliciel.
4. Eggendorf (Heinr.).. . .
5. Fessl (Josef)
6. Graf (Samuel)
7. Greger(Franz)
8. Gröschl (Franz)
9. Haller (Johann)
10. Hänel(Carl)
ti. Hänel (Gotlieb)
12. Hansy (Ernest)
t3. Hayden (Michael)
14. Hofer (Michael)
1 5. Hoffmann (Marcus). .. .
16. Huppenberger (Anton).
17. Kästner (Amad)
18. Kimmchmann (Jakob)..
19. Kleyde (Fried, von) . . .
20. Lutter (Carl)
21'. Mayrgündter (J.)
22. Mitterer (C.)
23. Müller (Nikolaus)
24. Nowack (F. Techet A.).
25. Ott (Josef)
26. Pfaunl(Carl)
27. Pfaunl (Franz)
28. Pfaunl (Michael)
29. Pitscheneder (Josef). . .
30. Polsterer (Ferd.)
31. Polsterer (Franz)
32. Polsterer (Job.)
33. Polsterer (Ludw.)
34. Poppenwürmer (Jakob).
Mehlbörse (Wiener):
35. Probst (Anton)
36. Raub (Wilhelm)
37. Ratkonsky (H.)
38. Schreck (Herrn.)
39. Schreck (Josef)
Ao. Schreck (Willi.)
30 Getreidemühle (Maggeregger), Klagenfurt (Kärnten). . .
34 Hannack (Gustav), Rrandeis a. d. Adler (Rohmen)
FARINE
N° 4.
//
N“ 2.
N° 2.
N° 2.
N° 3.
N° 4.
N° 0.
N“ 2.
N” 2.
//
N° 3.
N° 2.
N° 3.
N" 1.
N° 3.
N° 2.
FARINE
DE SE1GLE ,
rnais,
sarrasin.
F.
F.
S' 5.
S‘ 5.
//
S" 0.
S‘ 4.
S e 4.
S e 4.
S" 2.
II
S e 4.
F.S e 0.
//
11
ii
//
S e 3
F.
F.S e 4.
//
F. S e 3.
11
//
1/
1/
| F.S e 4.|
j F.M. 1.)
ORGE
PERLE ,
amidon.
RIZ,
SKMOULE,
arrciw-
root.
//
11
n
//
//
11
1/
n
n
//
n
ii
ii
u
1/
1/
n
11
11
u
11
n
//
//
//
//
11
//
u
n
//
//
1/
n
u
//
ii
n
PIECKS JUSTIFICATIVES.
133
CATALOGUK
officiel.
37
38
39
40
41
42
43
46
47
48
51
52
53
54
55
59
60
62
64
65
71
74
77
79
81
83
36
403
69
451
NOMS DES EXPOSANTS.
Hlanae (Vojtech), Podiebrad (Böhmen)
Jockmann (Wenzl), Heidenschaft bei Görz (Küstenland).
Kuy (Friedrich), Anssig (Böhmen)
Krendl (Josef), Stoking, Wildon (Steiermark)
Kuknez (Georg), Broay (Galizien)
Kunstmühle (Spitaler), von Bruckmann et C‘", Spital
(Kärnten)
Kunstmühle-Gesellschaft (Erste Scheilbser), Scheibles
(Nieder-Oesterreich)
Löwenfeld (Brüder) etHofmann, K. K. priv. Kunstmühle
und Tigwaarenfabrik, Klemminchen', Linz (Ober-Oes -
terreich )
Mahlmühle zu Strazig bei Görz (Küstenland)
Magdic (Pietro), Mausburg (Küstenland)
Müller (J. N.), Kauden (Böhmen)
Niessl (Eduard), Dampfmühle, Weisskirchlitz bei Teplitz
(Böhmen)
Nuova Societä del molino a vapore, Triest
Nykrin (Joachim), Swarrow, Taunwald (Böhmen). . .
Paur (Ferdinand), Swarrow (Galizien)
Pick (A. M.), K. K. Schleusenmühle, Theresienstadt
(Böhmen) .'
Pirmiski (Graf Leoni), Grzymalow (Galizien)
Bauch (Anton), Miihlau, Innsbruck (Tirol) .’
Bieter (Enrico), Triest
Scherbaum (Karl), Dampfmühle, Marburg (Steier -
mark)
Stroy (Andrea Antonio), fratelli Muscoli, Cowignano
(Küstenland)
Till (Josef) und Vine, Deutsch-Insnik-Zanchtl (Mähren)
Trzetrzewinski et C", K. K. priv. Dampfmühle, Bier -
brauerei , Presshefe und Spirituosen-Fabrik, Tenezynek
(Galizien)
Wagner (Ign. von), Ischl (Ober-Osterreich)
Weiss (Sigmund), Graz (Steiermark),
Wodzicki (Graf Ludwig), Tyczyn (Galizien)
Hirschfeld (Brüder), K. K. priv. Rollgerste-Fabrik, Atz-
gersdorf (Nieder-Oesterreich)
Landwirthschafts-Gesellschaft für Kärnten, Klagenfurt:
7. Hoch (Gustav)
i5. Puntschart (Frz.) Söhne, Klagenfurt (Kärnten)..
Sonnenschein (Jacob) und Brüder, Gaya und Wien. . . .
Pimtschart (Frz.) Söhne, Klagenfurt (Kärnten)
FARINE
N° 0.
N° 2.
N° 2.
N° 1.
N° 1.
N° 2.
N° 2.
N° 2.
N° 2.
N° 3.
N° 3.
N° 0.
N° 3.
N° 3.
N“ 2.
N” 3.
N° 1.
N° 2.
N° 0.
N° 3.
N° 3.
N° 2.
N° 2.
N° 2.
N° 1.
N° 3.
N° 3.
//
N° 2.
FARINE
DE SEIGLB ,
rnaxs,
sarrasin.
//
F.S' 2
F.S.R.3
F.S' 3
11
F.S' 3
F.S' 3
F.S' 4
F.S' 4
ORGE
PERLE ,
amidon.
O.P. 1
O.P.l
II
RIZ,
SEMOULE,
arrow-
root.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
: ATALOGDK
officiel.
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
1 4
16
17
22
23
24
25
26
27
29
NOMS DES EXPOSA NT S-
FARINE
DE
FROMENT.
FARINE
DE SEIGLE ,
imtis,
sar rasin.
OROE
PERLE ,
amidon.
RIZ,
SEMOULE,
arrow-
root.
13 0 HE ME.
EXPOSITION COLLECT1VE SANS NUMERO.
A. Dunokur
B. Tschinkl (Brüder), Troswick
C. Kunstsmühle, Skalu
D. Tetschen (C“), Thun
E. Dampfmühle (Rotte), Radek
F. Lobositz (Adolf), Mühle
G. Soyau (Stark), Tobrok
II. Heller (Richard)
1. Heller (Oscar)..,
HONGRIE,
Auna, Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Velemez
Arader I, Dampfmühle-Actien-Gesellschaft
Arpad, Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Pest
Back (Bernhard’s Söhne), Szegedin .
Beeskereker Darnpfmühle, Beeskerek
Blum’sche Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Ofen
Borsod, Miscolezer Dampfmühle-Actien-Gesellschaft,
Miskolcz
Belhlenfalvner Kunstmühle
Cranyer Dampf- und Kunstmühle
Elisabeth, Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Pest
Export, Dampfmühle I, Kaschau
Fabrikshof, Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Ofen
Gross-Kidindner Dampfmühle-Actien-Gesellschaft
Iglauer Kunstmühle, Iglau
Kaschauer Darnpfmühle, Kaschau
Königes und Kopony, Kronstadt
Kunstmühle-Gesellschaft, Temeswar (Pannonia)
Laszloer Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Groswardein..
Losonezer Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Losonez.. . .
Linsen Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Ofen
Lugoser Dampfmühle, Lugos
Müller- und Bäcker -Dampfmühle-Actien-Gesellschaft,
Pest
N° 3.
N° 4.
N° 3.
N” 0.
N" 3.
N° 1.
u
N° 4.
N° 3.
iV 1.
N° 1.
N° 3.
N° 1.
r i.
N° 1.
N° 1.
N° 1.
N° 2.
N° 0.
N" 2.
N“ 1.
N° 0.
r
N°
N°
N°
N°
N°
N°
N°
F.S' 4.
ii
O.P. 2.
ii
F. 1.
N° 1.
H
F.S' 2.
F.S' 4.
//
F.S' 5.
u
*
F.S' 4.
F.S' 3.
ii
PIECES JUST1FIGAT1VES.
135
NUMEROS
DU
CATALOGUE
ofliciel.
NOMS DES EXPOSANTS.
30
31
33
34
36
37
39
41
42
46
48
50
51
32
0
21
0
15
0
35
Pest-Ofner Dampfmühle-Actien-Gesellschaft I, Pest
Pannonia, Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Pest
Stefar, Dampfmühle-Aclien-Gesellschaft, Debreczin
Stabilimento commune FarnerTrieste Molino bei Fiume.
Victoria, Dampfmühle-Aclien-Gesellschaft, Pest
Walzmühle, Dampfmühle-Actien-Gesellschaft, Pest
Mohiar (Josius), Keydi-Vasarhely
Weizenmehl und Gries :
Nagysaroser Kunstmühle, Nagysaros
Neumann Brüder, Arad
Waller (G. J.), Kreustadt
Dampf- und Kunstmühle, Agram (Croatien)
Turbinien, Mahlmühle(Groatische), Karlstadt (Croatien).
Warasdnier Dampfmühle (Croatien)
Pester Hausfrein, Vren
Kunstmühle, comte Rtlilen, Bthlen Mezotur Dampfmühle.
Klein (Adolf), Pest
Kuntz, Dampfmühle und der Fritz, in Verschliz
Haggen Heinrich, Macher, Pest
Concordia, Dampfmühle-Actien-Gesellschaft
Schlosser Dampfmühle, Rosenau
FARIN’E
DE
FARINE
DE SE1GLE ,
mais,
ORGE
PERLE ,
RIZ,
SEMOULE ,
arrow-
FBOMBNT.
sar rasin.
amidon.
root.
N° 0. ii ii ii
N° 0. ii ii ii
N° 0. » ii ii
N. 0. ii u ii
NM. ii n ii
N“ 0. ii ii ii
N° 2. ii ii ii
N° 2. F. S° 2. //
N° 0. ii ii
NM. ii ii
NM. ii ii
N° 3. // ii
N° 3. ii ii
N” 2. n ii
N° 4. ii ii
N° 2. ii ii
N° 0. ii ii
N° 0. ii ii
N° 0. // ii
N“ 2. F.S'3. //
II
II
II
II
II
II
II
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ii
ii
n
ii
(; HO IS PK v.
[
LAINES.
RAPPORT DE M. DAEPHINOT,
MEMBRE Dü JURY INTERNATIONAL.
Parmi les industries qui ont consacre ä Vienne ie renom et la supe-
riorite de nos produits, il faut placer en premiere ligne i’industrie des
tissus de laine.
L’industrie iainiere s’adresse a tous ies consommateurs; ses produits
sont nombreux, varies; ils repondent, par l’usage auquel on les destine,
leurs prix, leurs qualites si diverses, aux besoins du pauvre comme du
riebe; ils se repandent a l’interieur dans toutes les classes et trouvent
leur emploi dans le monde entier. Aussi, sous une apparence modeste, le
travail, la transformation de la laine en tissus de toute espece, consti-
tuent-ils, en France, une des sources les plus abondantes, les plus pre-
cieuses de la richesse nationale.
II y a longtemps que, penetres des avantages attacbes aux developpe-
ments d’une production qui procure ä nos ouvriers des salaires exception-
nellement remunerateurs et rdguliers, nous faisons tous nos efforts pour
nous maintenir au rang que nous envient nos rivaux. Mais c’est surtout
depuis que les traitös de 1860 ont inaugure une ere commerciale nou-
velle, en brisant, au probt de la liberte, les entraves de la prohibition et
de la protection exageree, que, sous l’aiguillon de la concurrence, l Indus -
trie de la laine a pris un accroissement inoui.
Les rapports de nos collegues de 1867 ont raconte, dans ses nroin-
dres details, l’histoire de ces constructions rapides et successives qui ont
double, en quelques annees, le nombre de nos usines; ils ont dit les anre-
liorations introduites dans notre outillage, les progres accomplis, quil
s’agit de peignage, de fdature ou de tissage. Nous croyons doncinutile de
revenir a cettc statistique, si interessante, si honorable jroiir nous ipielle
puisse elre. Nous nous bornerons, plus loin. ä indiquer, par quelques
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
140
chiffres qui concernent specialement nos exposants, quc nous n’avons
eess^ de marcher dans la voie signalee par le Jury qui nous a prec^des.
Nous vouiions seuiement faire remarquer que, apres nos succes de
1867, apr&s la constatation officielle de notre sup^riorite dans tout ce
qui touche a l’induslrie de la laine, il eut et£ regrettable que nous ne
vinssions pas, malgrä nos malheurs, protester, dans ce nouveau concours,
contre toute idee de faiblesse ou de deeouragement.
La resolution etait difficile ä prendre. Elle ne pouvait etre, en eilet,
(|ue penible et onereuse : penible, car il fallait aller repr^senter, au
milieu des temoins de notre splendeur passee, la patrie en deuil; one -
reuse, car c etait un sacrifice materiel ä ajouter a lous ceux qui pesent
aujourd’hui sur nous. Remercions donc les industriels courageux qui
n’ont point h<5sit4 ä aller se faire, au loin, les champions de notre indus-
trie francaise, et ä donner, une fois de plus, au milieu de ces grandes
assises, les preuves les plus magnifiques d une vitalite saus exemple.
On a dit, et personne ne Ta conteste, que la France, a l’Exposition de
Vienne, avait brille de son eclal accoutum£. Nous acceptons herement
l’eloge, parce qu’il est vrai et inerite.
En ce qui concerne l’industrie de la laine, nous ne pouvons reven-
diquer l’autorite souvent imposante du nombre. Nos exposants n’ont point
ete nombreux, et peut-etre eüt-d ete ä d^sirer qu’ils formassent un groupe
plus etendu. Neanmoins, cette petite phalange a eu l’incontestable avan-
tage de ne compter que de vaillants soldats.
L’industrie des tissus de laine peignde a conserv^, saus ddfaillance
aucune, le rang qu’elle occupait en 1867.
Et pourlant nos concurrents, fjui chaque jour s’approprient nos armes,
nos moyens de production, deviennent de plus en plus pressants et dan-
gereux.
Depuis que le tissage m^canique a rempiace, dans certains centres
industriels, le tissage a la main, les conditions de la fabrication se sim-
plifient. L’babilete si renomm^e de nos tisseurs a la main, qui nous don-
nait une superiorite sans äquivalent pour nos rivaux, n’a plus aujourd’hui
qu’une importance secondaire.
Nous avons realise, dans la fabrication, des ameliorations de loul
genre; nous sommes parvenus ä tisser mecaniquement, avec suretd et
rapidite, les fils les plus fins employ^s dans les etoffes de laine; nous
avons mis ä probt tous les perfectionnements apportes ä la blature et au
peignage. Mais aussi nous avons vulgarise nos decouvertes, nos methodes,
et nous devions nous attendre ä ce qu’on rherchat, autour de nous, a les
appliquer el a en tirer parti.
L A IN ES.
\U\
C’est bien ce qu’on coinmenee ä faire de tous cotes. La Saxe redouble
d’efforts pour nons interdire le marche allemand et pour nous suivre, dans
nos transactions, jusqu’en Angleterre et en Amerique. Sa main-d’oeuvre,
inferieure 4 la nötre, la place dans une posilion exceptionnelle. Elle s’est
assimil^ nos machines et notre experience, et nous avons en eile un ad-
versaire redoutable.
Malgr4 cela, ses m^rinos simples et doubles, ses cachemires, sont g^ne-
ralement mous, peu r^guliers, mal teints et mal appretes. Ses reps, ses
popelines, ses 4pinglines, sesarmur^s, sont, aucontraire, tres-bien fabri-
qu&>. Les progr&s, en somme, surtout dans la fdature, qui est le point de
d^part de toute bonne fabrication, sont incontestables.
Nous ajouterons que les fabricants saxons, loin de s’endormir dans une
routine orgueilleuse, sont les premiers ä reconnaitre leurs defauls et a
s’en corriger. 11s n’hesitent pas a nous faire peigner les laines qu’ils ache-
tent concurremment avec nous, soit a Londres, soit en France. II y a,
dans les agissements de nos voisins, une persevfirance opiniätre, qui doit
etre pour nous un enseignement serieux.
La Prusse et rAulriche produisent maintenant, dans de vastes etablis-
sements parfaitement outilles, des fils destines ä alimenter la fabrication
de ces deux pays. Les numeros ordinaires nous onl paru tres-regulierement
flies, et, la aussi, le progres se manifeste de la maniere la plus evidente.
L’Italie cherche ä s’affranchir a son tour et a faire par eile- meine. Plu-
sieurs grandes maisons, dont les produits ont atlire l’attention du Jury,
ont ouvert largemenl la voie ou semble vouloir s’engager l’industrie ita-
lienne. Certains articles en laine cardee ont atteint un degre de perfection
que nous ne nous attendions pas ä rencontrer.
La Russie a expose ses premiers essais de tissage m^canique. Depuis
longtemps dejä, eile tisse a la main des satins, des reps, des cachemires.
Les specimens de ces diflürents articles envoy^s par Moscou sont assu-
r^ment tres-remarquables.
L’Angleterre et la Belgique peuvent nous opposer : la premiere, ses
articles laine et coton, ses chäles, ses couvertures et ses flanelles; la se-
conde, dans une mesure plus restreinte, sa bonneterie commune et ses
Stoffes en laine card4e.
Quant a l’Amerique, nous savons, par experience, avec quelle indornp-
table volonte eile a resolu de prendre place au milieu des nations indus -
trielles. La transformation de cet immense marchd doit etre une de nos
plus vives et plus constantes preoccupations.
En r4sum^, si notre industrie des tissus de laine peignee a soutenu
glorieusement, ä Vienne, la reputation qu’elle s’^tait acquise aux exposi-
142 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
tions precedentes, il ne faul pas se faire illusion et croire, dans l’avenir,
a un triomphe facile.
La lutte sera desormais plus rüde que jamais. II est bon que nos jeunes
fabricants ne l’ignorent pas etqu’ils se preparent a la soutenir avec energie.
L’industrie des tissus de laine peignee a ete presque uniquement repre-
sent^e ä Vienne par l’arrondissement manufacturier de la ville de Reims.
liest on ne peut plus a regretter que le Cateau, Fourmies, Roubaix,
Paris, ne se soientpas joints a notre vieille eite industrielle. Un seul fabri-
cant de Roubaix et deux fabricants d’Amiens ont expose des satins, des
cacheinires, des reps, des popelines pure laine, qui ont ete tres-apprecies.
Pourquoi donc Roubaix, qui a reporte sur la fabrication des lainages
une grande partie de ses capitaux et de sa production, pour qui le tissage
ä la main et le tissage mecanique n’ont plus de secrets, qui est restd le
type de la ville industrielle active, originale, toujours cn quete de pro-
gres et de nouveautes, nous a-t-il delaisses ?
Pourquoi le rayon industriel de Fourmies, qui compte aujourd’hui
3oo peigneuses, 5oo,ooo broches, 1,700 metiers a tisser mecaniques;
pourquoile centre du Cateau avec ses 80,000 broches, ses /i,ooo metiers
ä tisser mecaniques, ne sont-ils pas venus tdmoigner avec nous de ces
puissantes ressources, qui ne sont pas seulement notre gloire, mais qui,
depuis trois ans, ont eld notre salut ?
La cohesion de ces grandes forces industrielles eut rnontre par eile—
meme, et mieux que toutes les slalistiques, que la marche ascendante
de la production en France ne s’dtait pas un instant ralentie.
Reims a expose, sous la forme collective, par les soins de sa chambre de
commerce, et sous la forme individuelle, les articles si multiplies qui en
font le marche le plus important des tissus de pure laine. Quelques chiffres
justifieront cette derniere assertion.
La ville de Reims a produit, en 1872 , 792,000 pieces d’une valeur
de i5i millions de francs, dans lesquels les tissus de laine peignee en-
trent pour les deux tiers environ.
Ces i5i millions se decomposent de la maniere suivante :
Merinos simples, merinos double cbalne, cachemires d’Ecosse simples et doubles, et tissus
divers en laine peignee io5,ooo,ooo francs.
Conlections pour deines, flanelles, manleaux, draperies legeres
et draperies pour hommes, pantalons et paletots 20,000,000
Flanelles croisfes, bolivards et articles divers pour cliemises. . . 1 a,5oo,ooo
Flanelles de santd, bolivards blancs 11,000,000
ChAles divers et cache-nez a,5oo,ooo
LAINES.
14:5
En presence d’une pareille production, il est peut-Etre bon de faire
connaitre la composition de l’outillage qui a permis de la realiser.
On compte, dans le rayon industriel, 108 Etablissements dont 85 pos-
sedent 163 machines a vapeur d’une force de 3,8g9 cbevaux, et 21 ont
26 moteurs hydrauliques d’une force de 452 chevaux. A ces Etablissements
il faut en ajouter 12 autres en laine cardEe et 26 en laine peignEe, qui,
placEs dans le dEpartement des Ardennes, travaillent exclusivement pourla
fabrique de Reims.
Le nombre des machines peigneuses, qui Etait en 1862 de 34o, et de
536 en 1866, s’Elevait, a la fin de 1872, a709. Le nombre de broches
pour l’arrondissement Etait, a la mEme Epoque, de 285,870 ou de
45o,o38, si l’on compte les fdatures dont nous parlions plus haut et qui
travaillent pour Reims.
Enfin la fabrique emploie i5,o36 mEtiers a tisser, dont 7,207 a la
mEcanique et 7,829 a la main.
Une derniere citation rEsumera toute l’histoire industrielle de la ville de
Reims.
La fabrique de Reims produisait :
En 1800 11,000,000 de tissus.
1820 18,000,000
1840 45,ooo,ooo
1860 60,000,000
1863 78,420,000
1866 104,967,120
1872 i5i,ooo,ooo
Ces chilfres n’ont pas besoin de commentaires; ils prEcisent les progres
accomplis et tEmoignent suffisamment de la part que Reims a prise au
grand mouvement industriel provoquE par la rEvolution Economique de
1860.
Nos collegues Etrangers ont loyalement admis, en ce qui touche les tissus
de laine peignEe, la supErioritE que nous affirmions tout a l’heure. 11s
ont immEdiatement distingue nos mErinos grandc largeur, nos mErinos
doubles et nos cachemires doubles; mais ce qui les a frappEs davantage,
c’est, dans toutes nos sortes, fines ou communes, la rEgularitE, la fa^on
irrEprochable que nous devons a notre tissage mEcanique. On sait que
c’est ä Reims qu’ont EtE tentes, des 1847, les premiers essais du tissage
mEcanique appliquE aux fils de laine pure.
Nos llanelles dites de santE et nos ilanelles pour chemises ont EtE Ega-
lement, pour le Jury, im sujet intEressant d’Etude. 11 est impossible
de les comparer aux llanelles anglaises. Plus fines, plus lEgeres, plus
144 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
souples que celles de nos voisins, elles adoptent dans toutes leurs qua-
lites les formes, les couleurs, les aspects les plus divers, se pretent a tous
les usages, en meme temps qu’aux exigences les plus capricieuses de la
mode, et constituent un genre tout a fait different et generalement prefere.
Nos etoffes pour confections de dames ont &e le grand succes de la
laine cardee; le Jury, dans les qualites fines, les a sponlanement declarees
sans rivales. Les velours de laine, les ratin^s, les imitations d’astrakan et
de peaux de mouton, les piques et les damasses ont retenu souvent devant
nos vitrines le monde Elegant aussi bien que le monde des affaires.
Les qualites moyennes, seules, ont trouv£ des articles similaires en Al-
lemagne et en Autriche. L’absence de prix sur les produits etrangers ne
nous a pas permis de juger surement les conditions relatives des differentes
fabrications. Nous devons dire, neanmoins, que nos concurrents nous ont
paru traiter la plupart de leurs articles en laine cardee en fabricants expe-
rimentes et ayant une connaissance exacte de la matiere employee.
Cette observation peut s’appliquer ala Belgique, qui nous a emprunte
la fabrication de nos tartanelles et de nos flanelles-manteaux, et qui, cer-
tainement, a reduit, de ce cot£, le chiffre de nos ventes ä ses nationaux.
Elle s’appliquerait mieux encore a l’Angleterre dont les chäles,les couver-
tures et certains articles ^cossais restent pour nous des modeles que nous
n’avons point encore depass^s.
Elle peut s’adresser enfin a la bonneterie ordinaire exposee par l’Alle-
magne et l’Autriche, ainsi qu’a la bonneterie commune de la Belgique, les
produits de luxe de Paris etant restes, dans ce genre de tissus comme
dans toutes nos belles confections, hors des atteintes de la concurrence
etrangere.
Les draps Ingers de Beims ont ete l’objet de l’examen le plus attentif,
non-seulement des Prangers, mais de nos compatriotes eux-memes. Pour
qui sait les transactions auxquelles donne Heu cette fabrication si simple
en apparence, il n’y a point a s’^tonner '.
11 en a 4t6 de merne pour nos articles bon marche, et nous avons vu
bien souvent toucher ces manteaux a 9 5 Centimes et ces flanelles pour
chemises a 1 franc le metre, dont le prix semblait rester une enigme et
provoquer l’incredulite.
On a dit quelquefois que la France ne savait faire acceptcr a l’expor-
tation que ses articles les plus beaux et les plus chers, et que la seule-
ment etait notre v^ritable superiorite.
Nous avons entendu des esprits distingues soutenir cette these et en
1 La section dont nous faisions partie n’a dite. Cette industrie sera 1’objet d’un rapport
point en ä s’occuper de la draperie proprement special.
LA IN ES.
145
deduire les eonsequences economiques les plus erronces. Ceux qui en sont
cncore a formuler de pareillcs opinions n’ont pas conscience de la trans-
formation qui s’est op&ree dans nos moyens de production. Certes, il faut
nous feliciter d’avoir conserve ces qualites exceptionnelles qu’on veut bien
nous reconnaitre. Mais il importe davantage de consacrer tous nos efforts
a vaincre sur le terrain dubon marche et de la grande consomrnation.
Le succ^s utile est tout entier dans le chiffre de nos exportations. Or ce
sont aujourcl’hui nos articles unis et nos fantaisies bas prix qui forment
les trois quarts de nos expeditions a l’etranger. Le tissage mecanique nous
a perniis de fabriquer les articles communs avec une perfection qu’on ne
rencontrait autrefois que dans les sortes fines et d’un prix dleve.
Nous conclurons en disant que, a part quelques genres moyens, nos
articles unis en laine peignfe et nos fantaisies en laine cardee, en defiant
une fois de plus toute concurrence, ont ruine de fond en comble la these
dont nousparlionsplus baut, et demontre, au contraire, que, dans l’intdret
du pays, dans Linieret de nos ouvriers et de leurs salaires, c’est sur cette
production, qui interesse l’universalite des consommateurs, qu’il convient
de coneenlrer nos forces et notre intelligence industrielles.
Quel qu ait ete le succes de nos fabricants, il ne leur appartient pas
tout entier. Nous disions plus haut que les merinos de la Saxe nous avaient
paru mal tcinls et mal appretes. Nos teinturiers, par leclat de leurs Cou -
leurs, la fermete et le brillant de leur appret, ont fait, au contraire, res-
sortir la qualitd de nos tissus. La teinture et l’appret sont l’appoint de la
fabrication. Ces dernieres manutentions ont une importance considerable,
car de leur execution dependent toutes les operations qui les prec^dent.
Une Stoffe, quelle qu’elle soit, perd toute sa valeur, lorsqu’elle a recu une
mauvaise teinture ou un appret defectueux. Disons tout de suite que,
sous ce rapport, nos teinturiers, depuis longtemps deja, nous donnent
toute garantie. Les etrangers le savent bien, et ils n’emportent jamais nos
tissus que lorsque, teints et appretes en France, ils sont preis a elre
livres a la consomrnation. Clichy, Puteaux, Reims, Roubaix, dans l’appli-
cation de leurs procedes de teinture et d’appret a des tissus de toute
espece, ont jus tili e a Vienne la reputation qui les y avait precedes.
Pour la premiere fois, croyons-nous, un appreteur-blanchisseur s’etait
inscrit comme exposant, en appelant l’attention du Jury sur les produits de
plusieurs fabricants de Reims, appretes dans ses ateliers. Nous nous sommes
jusqu’ici abstenu de prononcer un nom propre. On nous pardonnera de
citer le nom de M. Margotin, et de rappeier que ses apprets, d’aspecfs si
varies et quelquefois si etranges, ont regu les eloges du Jury tout entier,
quand on saura ejue cet honorable industriel est mort, il y a quelques
1 0
II.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
146
inois, et que Ja ville de Reims a perdu en Jui un de ses enfants los plus
inteUigents et les pius distingues.
Si Ja teinture et Fappret sont en quelque sorte Je couronnement de Ja
fabrication, le peignage et Ja iilature, ainsi que nous l’avons fait observer,
en sont le point de depart. Reims et Roubaix se sont reunis, cette fois,
pour affirmer une puissance de production et une perfection dans les pro-
duits que Ton ne rencontre nulle part. Nos grands Etablissements de pei—
.»nage sont si connus dans toute Findustrie Etrangere, qu’il a suffi, pour
ainsi dire, de constater leur prEsence a l’Exposition de Vienne. Nos voisins
sont demcurEs jusqu’ici nos tributaires pour le peignage de la laine, et
bien souvent ils ont essayE, par les obres les plus seduisantes, de rompre
a leur probt le faisceau si remarquable que forme en France Findustrie
du peignage. Esperons que cette grande industrie, qui a pris, depuis dix
ans surtout, des proportions considErables, restera longtemps encore es-
sentiellement fran$aise.
Nous avons mentionnE les progres que la blature a faits en Allemagne
et en Antriebe. Ges progres, quelque rEcls qu’ils soient, ne sauraient tou-
tefois nous alarmer. Nos bis pour tissage mecanique et nos bis bns, prin-
cipalement, n’ont rien ä redouter desproduits similaires exposEs a Vienne.
Nous avons pour nous une longue expErience, une pratique que le ternps
seul peut donner et que rien ne remplace. Nous avons, suivant Fexpres -
sion originale d’un de nos grands industriels, Yavance, et si des amElio-
ralions, des moyens nouveaux se produisaient, nous saurions toujours
nous les assimiler avec plus de facilite, plus de rapidite que nos voisins.
L’Autriche a probtE du sejour k Vienne d’un grand nombre de manu-
facturiers pour rEunir, dans un congres international, tous ceux qui s’intE-
ressent a la question du titrage uniforme des bis. Nous avons assiste ä
plusieurs seances de ce congres, et nous avons trouve, chez toutes les
nations reprEsentees, la meilleure volontE d’aboutir a une entente qui faci-
literait les transactions, tout en assurant leur sincerite. 11 y a trente ans,
quant a nous, que nous appliquons la rEforme qu’on voudrait rendre
gEnErale, et nous Favons lout naturellemenl appuyee a Vienne de notre
expErience et de nos voeux. On sait ([u’elle consisle a prendre pour base
du litrage des bis FunitE de rnesure et de poids, c’est-ä-dire 1’EchEe de
1,000 metres et le kilogramme, ou, pour le numEro du bl, le nombre
d’Echees de 1,000 metres contenues dans un kilogramme.
Nous devons feliciter FAutriche de s’etre mise liberalement a la tete
d’une rEforme qui, il faut bien Favouer, rencontre encore en France, dans
certains centres industriels, des rEsistances impardonnables.
Les bis gazes et moulines, les bis retors, soit de laine pure, soit me-
LA IN ES.
147
langes de laine et de soie de Roubaix et d’Amiens, ont explique, par lern 1
regnlarite et leur solidite, les prodiges de fabrication qu’on peut obtenir
dans le tissage a la main de ces riclies nouveautAs qui sont l’honneur de
l’industrie parisienne.
Ces bis, dans leur spdcialite, ont etd d’autant plus minutieusement exa-
mincs que, par une singubere anomalie, un grand nombre de fabricants
etrangers portent leurs premiers efforts sur le tissage de ces etoffes de
baute nouveaute qui exigent tant de soins et tant de gout. II semble que,
le gout &ant ce qu’on nous envie le plus, on veuille en faire preuve avant
toute chose.
Nous avons vu des pays, inhabiles a produire les tissus unis de grande
consoramation, exposer des nouveautes dont l’aspect indiquait tout de suite
l’inexperience la plus complete de l’ouvrier et du fabricant. Combien ces
industries naissantes n’ont-elles pas du etre frappees, a la vue des exposi-
tionsde nos fabricants parisiens, de ce qui leur restait a acquerir! Elles
ont du se deraander, comnie tant de visiteurs, si eiles etaient en presence
de l’industrie lyonnaise, ou seulcment de cette fabrication de Picardie qui
ne travaille la soie que pour l’allier a la laine, ou coton ou au lin. La
nouveaute de Poris, dont nous ne sdparons pas les popelines laine et soie
de Roubaix, a rarement c*te aussi bien inspir^e qu’en 1878. Elle a prouve,
par la variiitö inbnie, le brillant de ses dtoffes, l’ingeniosite de ses combi-
naisons, le gout exquis de ses dessins, que l’industrie peut s’elever jusqu’a
l’art proprement dit.
En parlant de l’inbabilete de certains pays, nous n’avons point entendu
meconnaitre, a propos de la fabrication des nouveautes, la valeur des ex-
posants d’Allemagne et d’Autriche. La aussi, nous avons vu de fort beaux
tissus, r&velant la connaissance approfondie de la fabrication et ne le c^dant
parfois aux notres ni par Megance ni par la qualite. Nous avons admire,
dans les vitrines d’Eberfeld, des etoffes destinees äl’Orient, d’un eclat ex-
traordinaire; et cependant nos expositions parisiennes ont reuni de tels
merites, que nos collegues du Jury n’onl point hesile ä declarer qu’elles
l’eraportaient, sans conteste, surl’ensemble de tous les produits similaires,
et qu’aucun groupe ne pouvait leur etre compare.
Nous ne voulons pas quitter l’industrie, du vetement sans dire quelques
mots d’un exposant modeste, fort ignore peut-etre, dont les produits con-
trastent par leur simplicite avec ceux dont nous venons de parier, et qui
pourtant se place, par l’importance de ses affaires, l’emploi de ses ben<5-
bces, les Services rendus, au rang des inslitutions les plus recomman-
dables.
La Societe des declietsde la fabrique de Reims a ete fondee, en 1807.
1 ü
148 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
pour evitcr les vols de fabrique, c’est-a-dire pour supprimer les detourne-
ments, par les ouvriers, des dechets de peignage, de lilature et de tissage.
Ces dechets avaient Ete pendant longtemps abandonnes aux ouvriers;
puis on s’etait apergu qu’excites par des acheteurs devenus de veritables
recEleurs, les ouvriers joignaient ä la vente des dechets des parcelles de
marchandises, fils ou tissus, a eux confiEes. Des fabricants eurent alors
l’idee de retirer aux ouvriers celte faculte de s’approprier les dechets, et
ils fonderent une societe destinee a acheter directement a la fabrique tous
les dEchets quelle pouvait produire.
La SocietE debutait par une idee morale; eile eut bientot un but de
bienfaisance, et ses benefices furent en grande partie consacres a la fonda-
tion de lits a l’hopital general de Reims. En i845, eile ajoutait a ces
fondations des pensions servies ä d’anciens industrieis, contre-maitres ou
ouvriers malheureux.
Plus tard, ses benefices augmentant avec le chilfre de ses allaires, eile
soulageait de nombreuses misercs, distribuait cbaque hiver des bons de
pain et des secours de toute espece, augmentait le nombre de ses lits et
de ses pensions, et intervenait, en 1862, jusqu’ä concurrence dunesomme
de 53,ooo francs, dans la fondation d’une maison de retraite pour les
ouvriers.
La Societe des dechets fait aujourd’hui 5 millions d’affaires. En dix ans,
de 1862 a 1872, eile a donne aux pauvres, a divers Etablissements de
bienfaisance, a ses pensionnaires, 72/1,2/12 francs. Au point de vue in-
dustriel, eile est arrivee a lirer un excellent parti de decbets auxquels on
n’aecordait autrefois aucune valeur, etqu’elle sait transformer en produits
non-seulement utilisables, mais recbercbEs.
A cöte des tissus de laine qui servent au vetement se placent les
tissus destines a l’ameublement, tissus tantot de pure laine, tantot me-
langes de diverses matieres.
La France produit la moitie environ de ce qui se fabrique en Europe
dans ce genre d’industrie, soit 20 millions de francs sur 4o millions.
Aussi ne rencontre-t-elle de concurrence serieuse c[ue dans certains articles
de vente courante fabriques par l’Angleterre, TAllemagne et l’Autriche.
Les expositions de tissus pour ameublement de Paris, Roubaix, Tourcoing,
Nimes, peuvent compter parmi celles qui nous ont fait le plus grand
honneur. La richesse si pleine de gout et d’originalite de nos tissus fan-
taisies, la regularite, la soliditE de nos tissus unis, ont justifiE pour tous
les visiteurs la prEference qu’on nous aecorde en tous pays. Le Jury a
ratifiE le jugement du public, et, la encore, on peut dire que les impres-
sions ont Ete excellentes et toutes en notre faveur.
m h
■■
LA1NES. 149
II nous resle a dire quelques mots des tapis et tapisseries qui etaient
cornpi'is dans le 5° groupe.
Les tapisseries d’Aubusson ont ete representees ä Vienne, d’une fajon
vraiment inerveilleuse. Les industriels qui soutiennent a grands frais la
reputation de cette fabricalion si renommöe se sont surpasses dans l’ex-
hibition de produits incomparables. Les tapisseries exposees auraient pu
rejoindre a l’Exposition des Beaux-Arts les produits des Gobelins et de
Beauvais. Plac^es au milieu de notre production manufacturiere, elles
n’en ont dte que plus admirees; rien n’a pu leur 4tre oppose.
Si nous avons regne sans conteste dans le domaine elevd de l’art, nous
avons rencontre de vigoureux et intelligents adversaires dans la fabrication
des tapis de pied en haute laine, en moquette, en chenille, en jaspö,
feutre, etc, etc., et nous sommes plus d’une fois descendus au second
rang.
Tont a ete dit sur les tapis de l’Orient. Les tapis de Finde, de la
Perse et de la Turquie sont aujourd’hui, en quelque sorte, ce qu’ils ont
toujours 6te. Ils ont les meines qualites, la memo epaisseur, les niemes
coloris, les meines dessins; ils sont encore fabriqu& par les meines
nioyens, c’est-a-dire avec une main-d’ceuvre exceptionnelle et par des
procedes qui n’ont rien de manufacturier; ils plaisent aux uns parce que
leurs nuances manquent en general de vivacite, deplaisent aux autres
pour lameme raison, et constituent,ensomme, une fabrication toute parti-
culiere, incontestablement superieure ä la notre, mais qui, teile qu’elle
se comporte, ne peut sortir du pays oii eile trouve des ressources de
patience et de salaires infimes que nous n’avons point a envier.
Autrement est interessante pour nous, au point de vue manufacturier,
la fabrication anglaise des moquettes a chafnes imprimees, des moquettes
a grils tissdes mecaniquement, des cbenilles, feutres imprim4s, etc. etc.
Nous sommes certainement inferieurs aux Anglais pour ce genre de tissus,
et, sans les dix pour cent qui nous protegent, nous verrions notre marche
envahi par des arlicles que notre consommation trop restreinte nous em-
p^che de produire avec avantage.
L’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, les Etats-Unis, sont a peu pres
dans les m4mes conditions que nous. Ils reconnaissent, ä leur tour, en ce
qui concerne les articles que nous venons de citer, leur infdrioritd vis-a-
vis de l’Angleterre. Cbacun de ces pays, neanmoins, a tenu a temoigner
de ses progres. Les expositions de FAllemagne et de l’Autriche ont 4t4
fort belles et fort remarqudes.
Au milieu de toutes les varieles exposees, les tapis baute laine de
Nirnes nous ont ramenes, quant ä cette sp^cialitd du moins, au premier
150
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
rang. L’execution si parfaite de ces grands et beaux dcssins que nous
devons a I’imagination inepuisable de nos artistes franijais, la fraicheur,
Fharmonie,la douceur du coloris, qui sont commele cachet de celte fabri-
cation, n’ont trouve d’equivalent ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni
en Autriche. Nous sommes restes, pour les tapis baute laine de Nimes, ce
que nous avons ete pour les tapisseries d’Aubusson.
Nous avons insiste, au debut de ce rapport, sur l’importance de Findus-
trie des tissus de laine, sur ses developpements successifs, sur Factivite,
la vie, le bien-4tre qu’elle repand dans le pays. Voici, en terminant, le
cbiffre de ses exportations pendant les ann^es 1871, 1872 el 1873.
MARCHANDISES.
1871.
1872.
1873.
9.68, oo3
5i,4g8
106,098
3i 4,484
3 1,1 29
109,177
346,960
82,739
93,326
Laines lavees ou peignees
Totaux
43/1,599
447,783
473,018
Ces chiffres ofFiciels r auxquels on peut ajouter, sans crainte d’exagera-
tion 600 millions pour la consommation Interieure, soit en tout un mil-
liard environ, justifieront sans doute aux yeux des indiffereiils et nos dires
et les rernerciments que nous avons adresses ä ceux qui sont allds repre-
senter a Vienne cette gigantesque production 1 .
II ne saurait entrer dans le cadre d’un rapport partiel et aussi abrege
d’aborder les impressions generales que nous a laissees l’Exposition de
Vienne. D’autres seronl sans doute charges d’ecrire l’histoire de ce grand
concours international qui a dgal4 et depass^ quelquefois en magnificence
et en etendue ceux qui Font precede. Mais nous ne pouvons nous r4soudre
^ clore la liste aride des renseignements que nous venons de rassembler,
sans declarer que nos collegues etrangers ont ete pour nous pleins de ddfe-
rence, et qu’ils n’ont cess^ de faire preuve de la plus rigoureuse impar-
tialitd. Quant a FAutriche, eile a exercA envers nous Fhospitalite la [ilus
1 L’induslrie des tissus de Jaine a oblenu a Vienne :
Diplomes d’lionneur (Chambrcs de commerce de Reims et d’Elbeuf) 2
Medailles de progres 29
Medailles de merite 29 •
Medailles de hon goul 0
Diplomes de morde i5
LA IN ES.
151
charmante, la plus affectucuse, et, plus d’une fois, nous nous sommes
senlis profondement emus de la Sympathie qu’elle nous a si particuliere-
ment et si noblement temoignee.
Nous avons empörte de ce beau pays et de la cordiale etreinte de ses
habitanls des Souvenirs qu’il ne nous esl pas permis de commenter;
disons au moins qu’ils ne s’effaceronl jamais.
DAUPHINOT.
HflfHHH
II
TISSUS DE LAINE CARDEE.
RAPPORT DE M. DEM AR,
MEMBRE Dü JURY INTERNATIONAL.
L’Autriche n’avail pas fait un vain appel en conviant les nations au
Palais du Prater. Toutes s’y sont rendues, meme la Chine.
r
NATIONAL 1TES.
7
8
9
i o
11
1 3
13
14
15
iß
>7
1 8
>9
2 0
2 1
Autriche-Hongrie.
Empire atlemanct .
France
Betgique
Russie
Angleterre
Italie
Espagne
Portugal
Dänemark
Turqiüe
SuAde
Norwege
Hollande
Tunis
Amerique
Suisse
(irece
Roumanie
Egypte
Chine
EXPOSANTS
IND1VIDUELS.
1 69
‘5 7
a3
38
36
21
20
i 1
1 o
9
7
f.
/1
4
4
3
COLLECTIFS.
i3o
4o
aA
Hl
TOTAÜA.
9 99
>97
/i 7
38
36
10
9
7
6
4
4
4
3
•3
2
3
1
1
Total .
7 9/1
L’industrie de la laine cardee y etail grandement represenlee. Cet ein-
154
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
pressement prouve le besoin qu’ont tous les industriels de connaitre les
progres accomplis depuis notre grande Exposition du Champ de Mars.
Le tableau qui pr^cede constate que sept cent vingt-quatre exposants,
dont 1’industrie consiste ä transformer la laine cardde en etoffes de toute
nature, ont pris part, individuellement ou collectivement, au concours
universel de 1873.
AUTRICHE.
L’Autriche tient la tete de cette pacifique phalange. Pres de trois cents
industriels, dont les produits sont exposes avec goüt, occupent une longue
galerie qui, parson amenagement simple et severe, contribue a faire res-
sortir la grande variet^ des tissus et des nuances.
C’est la ville de Brünn, en Moravie, qui a le monopole de la belle fabri-
cation et de la grande vari^te des genres. Tout y est representii : draps
militaires, noirs, lins et communs, paletots unis et faconnes, draps de cou-
leur forts et legers, nouveautes ä pantalon, cbäles, couvertures, feutres
et calottes grecques.
Toutes ces produclions si differentes sont traitees avec un soin parti-
culier. Les drapspour ofliciers sont lins, reduits, bien appretes, et les Cou -
leurs d’une grande richesse de nuances. Nous voudrions possdder a Elbeuf
des teinturiers sachant appliquer la teinture en pieces avec autant de pu-
rete et d’dclat que les blancs, les orange et les jonquille de MM. OlTer-
mann, de Brünn, etMoro, de Klagenfurt.
Les paletots occupent une place importante. On voit que les fabricants
s’attachent a soigner les arlicles de grande consommation. Depuis l’edre-
don fin et souple jusqu’ä la mousse mai’ine, tout y est represente; les
ondules, les ratines sont tres-bien faits; les nouveautes de la saison qui
portent sur les cflets de tissus, tels que losanges, parquets, etc., n’ont pas
la meine perfection : consequence des creations nouvelles que l’on chercbe
ä imiter.
Sans rencontrer la grande varietü de nuances et de dessins que l’on
trouve a Elbeuf, la nouveaute ä pantalon de la fabrique de Brünn est soi-
gnee, serieuse et d’une reussite irreprocbable, Certains fabricants sonl
arrives a une grande perfection dans la production des retors et des eflels
de tissus.
Les draps noirs et ceux de couleur sont des types; l’appret en est re-
marquable, et c’est avec regret que nous constalons une certaine superio-
rite sur ceux de nos exposants francais.
Les villes de Reichenberg, Biala, Bielilz arrivent apres Brünn. Ln
dehors de plusieurs vilrines oü nous avons remarque des draps pour dames
TISSUS DE LAINE CARDEE.
155
tres-fins d’un bei appret ct quelques specialltes de draps noirs bien faits,
les produits exposes par les industriels de ces eontrees sont generalement
plus communs que ceux de Brünn. Leur composition n’en est pas moins
tres-variee : lepaletot frise et ondule, lanouveautd ä pantalon, genre Cam -
pagne, les draps pour l’Orient, les couvertures, les imprimes imites de
Lisieux, les feutres, les chales, y occupent une grande place; on voitque
l’industrie drapiere a pris un grand developpement en Moravie, en
Bohdme et en Silesie, et que nous avons la de dangereux rivaux.
EMPIRE ALLEMAND.
Si les exposants du nouvel empire d’Allemagne sont un peu moins
nombreux que ceux de FAutriche, Fimportance industrielle des provinces
rhenanes de la Saxe et de la Baviere lui est certainement superieure.
L’industrie drapiere de ces eontrees a pris un essor considerable, du en
partie ä leur grande exportation de draps de toutes sortes, principalement
en noirs fms et legers et en draps aux nuances vives et varides, destines
a la Chine et au Levant, et qui font Fobjet de toute Fattention de ces
industriels. L’Autriche doit avoir en eux de serieux concurrents sur les
marchds qui consomment ces produits.
Les articles d’exportation ne font pas negliger aux industriels d’outre-
Bhin les produits de consommation europeenne : les draps, les paletots,
les ddredons, abondent dans toutes lesvitrines; les etoffes pour vetements
de femmes a nuances claires y sont representees par des specimens tres-
beaux; les nouveautes pour pantalon ne jouissent pas du meine succes:
nous n’avons rien vu qui ait attire notre attention. En dehors de quelques
expositions dont les tissus sont soignes, gräce a une filature tres-fme, les
dessins manquent generalement de goüt; FAutriche est superieure sous
ce rapport.
BELG1QUE.
Numeriquement, la Belgique vient apres Fempire d’AHemagne.
Au point de vue de Findustrie drapiere, la Belgique c’est Verviers.
Nous avons retrouve cette industrieuse cit^, ä Vienne, ce que nous
Favions vue ä Londres et a Paris, avec ses draps unis, de qualites moyennes,
dont les apprets sont loin de valoir ceux de Brünn. Ses nouveautes ordi-
naires, quelle produit en quantites considdrables, trouvent un grand
ecoulement dans le monde entier.
Verviers possede beaucoup d’industriels intelligents, qui, avec leur
esprit pratique et leur talent d’imitation, ne s’altachent qu’a produirc des
articles d’une ventc eprouvee et d’une consommation cerlaine. II en est un,
156
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
toutefois, qui a su s’elever au-dessus du niveau ordinaire et conserver
toujours le premier rang. Nous avons nomme M. Simonis, dont les poin-
till^s soie pour jaquettes et )es mousselines n’ont pas trouve d’imitateurs.
RU SSIE.
La Russie, que nous n’etions pas habitues a compter au nombre des
nations industrielles, prend un rang serieux dans la fabrication des draps
et nouveautcis.
Nous avons et^ frappe des progres accomplis par cette puissance depuis
notre Exposition de 1867.
Trente-six industriels, appartenant a des contr^es differentes, sont
venus soumettre ä l’appreciation du Jury toutes les Varietes d’etoffes de-
mandees par la consommation, ou exigees par la mode: draps militaires,
paletots, edredons, salins, draps de couleur, nouveautes a pantalon,
etoffes pour dames, tout y etait splendidement represente.
Les expositions du baron Zachert, membre du Jury, pour ses paletots
et nouveautes ä pantalon; du baron Stieglitz, pour ses draps noirs et de
couleur, et du prince Sanguszko, pour ses elasticotines, etaient particu-
li&rement remarquables.
Nous pouvons dire, des aujourd’hui, que nous comptons une rivale de
plus.
ANGLETERRE.
Indifference ou calcul, toujours est-il que les industriels de Leeds,
d’Huddersfield et de l’Ecosse n’ont pas cru devoir se presenter au con-
cours du Palais du Prater.
Quelques commissionnaires en marchandises, a la vitrine desquels se
trouvaient exposes des grisailles, des draps pour l’Orient, des astrakans,
des feutres et des impressions; un marchand lailleur de Londres avec des
amazones, des vetements civils et des uniformes pour l’armee, teile etait
la composition des articles exhibes par les industriels du Royaume-Uni.
II ne nous appartient pas de blämer cette abstention generale, nous
ne pouvons qu’exprimer nos regrets.
I TAL IE.
Si la patrie des arts etait mieux representee dans la galerie des marbres
sculptes, ou les chefs-d’ceuvre attiraient la foule, qu’aux tissus de laine
cardee, nous n’en devons pas moins rendre justice aux exposants qui ont
pris part au concours de 1878; ils ont soutenu avec avantage la repu-
tation de leur pays.
TI SS US DE LA INE CARDEE
157
Une importante maison de Shio, M. Lanificio Rossi, personnifiait l’in-
dustrie italienne; aussi les produits de ce manufacturier ont-ils attire
notre attention.
Les flanelles unies et celles a dessins varies avaient une grande analogie
avec les produits de Reims; la matiere et la lilature en etaient fines et les
prix relativement bas.
Les nouveautes ä pantalon portaient un certain cachet franjais; les
dessins, quoique empruntes a des fabricants elbeuviens, n’en etaient pas
moins d’une reussite irreprochable.
Les draps etaient bien appretes et pouvaient rivaliser avec ceux des
autres nations. Les paletots, les couvertures de lit et de voyage y etaient
largement representes.
On voyait qu’on avait devant soi une grande production s’adrcssant ä
toutes les consommations.
Quelques fabricants de Riella, Turin et Candino ont expose des nou -
veautes ä pantalon bien faites, quoique laissant un peu a desirer comme
assemblage de nuances; des flanelles, des couvertures, des draps verts et
rouges, pour tapis de table, dont les prix nous ont paru avantageux.
LTtalie est donc en voie de progres. Avant peu le pays des arts comp-
tera parmi les nations industrielles.
ESPAGNE.
Malgre ses dechirements interieurs, l’Espagne a voulu affirmer sa vita-
hte industrielle. Onze fabricants ont envoye, de la Catalogne et de la
Castille, des draps, des taupelines et des nouveautes dont la reussite
comme apprets et execution ne laissait rien a desirer. Les draps pour 1 ar-
m^e, quoique forts et bien faits, etaient moins soignes.
PORTUGAL.
Le Portugal 4tait represente par dix manufacturiers, au nombre des-
quels la Compagnie de lainage d’Arrentelle, qui exposait de beaux draps
et une belle variete de nouveautes. La Compagnie nationale avait une jolie
collection de draps lins; ses nouvautes, bien execut^es, avaient quelquc
ressemblance avec nos dessins francais.
II OLL AN DE.
Nous devons une mention toute particuiiere a la Hollande pour la
splendide collection de couvertures de MM. J. G. Zaalberg et fils, de Lei -
den, dont la beaute, l’epaisseur, la souplesse et la fraichcur des nuances
n’ont pas trouve d’egales.
158
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
MM. van J. J. Krantz et fils exposaient des draps et des castors tres-
bien appretes et d’une parfaite reussite.
Avec quatre expositions industrielles et une collective, la Hollande a
ob len u trois mcdailles de progres. C’est le meilleur eloge que nous puis-
sions faire des fabricants et des produits.
Yiennent ensuite les autres pays, tels que le Dänemark, la Suede, la
Norwege, avec leurs draps, leurs paletots et nouveautes de qualites ordi-
naires, fabriques en vue d’une consommation indigene.
L’Amerique, la Suisse, la Turquie, l’Egypte, la Roumanie et la Chine
ont egalement fourni leur contingent de produits au concours international.
FRANCE.
La France, au lendemain de ses malheurs, a considere connne un de-
voir patriolique de prendre pari ä la grande bitte pacifique qui lui etait
Offerte. Les villes d’Elbeuf, de Vienne (lsere), de Lisieux (Calvados), de
\ illeneuve-1 Hörault, et un seul fabricant de Louviers, se sont impose l’ho-
norable mission de representer l’industrie de la laine cardöe.
A tous les points de vue, l’abstention des autres villes manufacturieres
est donc des plus regrettables.
A defaut du nombre, nous croyons pouvoir dire que nous avions le
merile. Le groupe collectif de la Chambre de commerce d’Elbeuf, ou les
productions les plus variees se trouvaient reunies; les belles expositions
individuelles de nos industriels d’elite; la reunion des fabricants de Vienne
(Isere), dont les produits sont surprenants de ben marche, enfin les nou-
veaux draps imprimes de la fabrique de Lisieux, formaient la galerie dra -
piere de la section francaise.
Le diplöme d’honneur de l’Exposition de Vienne, decerne a la Chambre
de commerce dElbeuf, est le plus bei eloge que nous puissions faire de
cette importante cit6 manufacturiere, qui, depuis longtemps, marche ä la
tete du progres pour les etoffes faconnees, dites nouveautes.
Le malaise dont nous sommes atteints ne peut elre que momentane.
Que les crises qui stivissent aux Etats-Unis et sur notre continent dis—
paraissent, et nous verrons bientöt renaitrc, a Elbeuf, ä Sedan, a Lisieux
et dans les fabriques du Midi, le travail et la prosperite.
L. DEMAR.
III
SOIES ET TISSUS DE SOIE.
RAPPORT DE M. NATALIS RONDOT,
MEMBRE Dü JURY INTERNATIONAL.
A l’Exposition universelle de Vienne, les produits des industries qui
mettent en oeuvre les matieres textiles etaient reunis dans un meine groupe,
le cinquiEme, et, dans ce groupe, les soies et les tissus de soie formaient
une section particuliere, la quatrieme.
L’industrie de la soie, cette industrie celebrc dont Fhistoire reinonte
aux premiers äges, est repandue dans toutes les parties du globe. Elle est
nee ä l’extremc Orient; eile a fait longtemps la ricbesse de ces grandes
nations de FAsie, la Chine, l’Inde, la Perse, qui ont devance FEuropc
dans les arts; ni les obstacles ni les rEsistances n’ont arrEtE sa marche
et son Etablissement dans les contrees de l’Occident. Elle a ete introduite
jusque dans les regions du nord de TEurope et dans les Etats amEricains
que baigne 1’OcEan pacifique.
Pres de deux rnille industriels, apparlenant a vingt-cinq nations, ont
reprEsentE a tous ses degrEs cette branche si attrayante du travail; nous
disons deux mille, quoique nous n’ayons releve que buit cents noras en-
viron, les expositions collectives de plusieurs Etats et de plusieurs villes,
prises coinme unites, Etant formEes par un grand nornbre de fabricants.
A aucune Exposition, l’industrie de la soie n’a rnieux montrE le carac-
tEre qu’elle a revetu dans chaque contrEe. A aucune Exposition non plus,
les diflerences dans la Constitution de la manufacture, dans les procEdEs
et les oeuvres, n’avaient Ete plus marquEes. On a pu juger de l’Etat vrai des
choses d’apres des produits choisis sans doute, mais dont les plus admirEs
meine avaient leur place naturelle dans la consommation.
Cette exposition n’Etait pas seulement considerable, eile Etait sincEre;
eile Etait instructive jusque dans celles de ses parties ou Fon remarquait
quelque inEgalitE ou quelque faiblesse.
160
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
L’inclustrie de la soie n’est pas arriv^e, comme les autres industries tex -
tiles, au dernier terme de son Organisation. En aucun pays, en Europe,
eile n’a entierement abandonne les procedes et les babitudes de travail
(du travail isole) consacres par une pratique seculaire; mais la reformc
s’est impos^e d’elie-meme, eile s’opere par degres, eile s’accelerc meine,
malgni les difficult^s et les hesitations, sous l’empire d’une concurrenco
qui devient plus pressante, et, pour le tissage, a moins que le cours de la
mode, en ramenant l’usage des etoffes brochees, ne rende moins neces-
saire et ne ralentisse cette transformation, on peut prevoir le temps, rc-
doute par les uns, impatiemment attendu par les autres, oü cette revo-
lulion sera pleinement accomplie.
La perfection relative acquise dans des conditions d^terminees de travail
n’est pas toujours obtenue dans des conditions nouvelles. «Toutce qui se
perfectionne par progres perit aussi par progres.» Los etoffes que l’an-
cienne Italiea laissees, celles d’une beaute egale qui ont etc faites ä Lyon
des le commencement du xvii' siede, attestent la collaboration etroite du
fabricant, du dessinateur, du teinturier et de l’ouvrier; chacun avail le
sentiment, osons le dire, le genie de son art, et l’habilete de chacun
se montre dans l’ceuvre commune. Des fabricants nombreux, de petits
ateliers, la conduite plus sure du melier ä la main, la valeur personnelle
plus baute, sous ce regime, du chef d’atelier et peut-etre meme de l’ou-
vrier, cet ^tat de cboses donne l’explication du rare degre d’excellence
qui s’est maintenu dans cette industrie jusqu’a nos jours. Mais la mode,
qui est, plus souvenl qu’il ne le parait, le micux appropriee au temps
present, a, par l’effet de changements dans le coslume, mis les etoffes
unies en faveur, et a determine par suite un mouvement nouveau dans
l’industrie.
La fabrication ne presenlait plus les memcs dillicultes et n’exigeait plus
les meines soins; le tissage put etre etabli dans les campagnes, les metiers
mecaniques furent multiplies. Le travail dans la grande manufaclure et
avec le metier mecanique s’exer^a parallelement, la reussite etant pareille,
avec le travail au foyer domestique ou dans de petits ateliers et avec le
melier ä la main. Voila pres de quinze ans que dure la concomitance des
deux regimes.
Nous sommes vraisemblablement dans une periode de transition, et le
cours des choses semble favorable a la concentration des capitaux dans
une meme entreprise, comme des metiers dans une meine usine. La loi
inflexible de la concurrence l’amenera. A la perfection que nous avons
connue succederont des merites d’un autre ordre, plus en rapport, il faul
l’esperer, avec les nouvelles exigences de la consommalion.
SÜIES ET SO IE lil ES.
161
Nous avons dit. que la section de la soie comprenait pres de deux mille
exposants, mais le Jury a Statut sur liuit cent vingt et un seulement dont
ii a connu les noms. Cinq cent cinquante-cinq ont ete recompenses : la
proportion est des deux tiers; eile est moindre qu’aux Expositions prece-
dentes.
Ge compte a, en realite, peu d’intiiret, car rindustrie de chaque pays
n’est jamais represenlee aux Expositions dans des conditions semblables;
mais, quelque valeur qu’on assigne a ce compte, en voici les resultats:
PAYS.
France
Allemagne
Suisse
Russie
Autriche et Hongrie
Italie
Chine et Japon
Grece, Turquie, Rouma-
nie, Egypte, Tunis et
Perse
Anglelerre et Inde
Espagne et Portugal
Belgique, Pays-Bas, Snede
et Bresil
Total
NOMMiF.
des
EXPOSANTS.
h l
5a
X 1
193
9 1 5
7 5
1)0
3t
36
821
diplAjies d’Hoknebb
et
MEDAILLES DE PROGRES.
Nombre.
i)G»
1 9
1 1
3
i5
91
6
13o
Proportion
pour100.
35
95
91
18
19
10
8
RECOMPENSES
de
TOCJT ORDRE.
Nombre.
1 ho
3 7
46
11
87
117
h a
3i
2 4
15
Proportion
pour100.
ROSinitE
des
COOPillATEORS
i'iiccmpcn^es.
88
79
88
65
53
80
h 9
6 a
20
3
4
9 1
I
SOIES.
II n’y a peut-etre pas de pays oü l’education des vers ä soie n’ait ete
introduite, et Ton n’a pas, meine dans les regions glacees ou torrides,
perdu l’espoir de la naturaliser. Nous ne voulons parier ici que de l’iidu-
cation du ver ä soie ordinaire, du Bombyx mori, car ce serait nous engager
dans Line recherche et une etude saus fin, comme sans profit, que de
nous occuper des nombreuses especes d’insectes qui produisent la soie, et
dont l’acclimatation a ete enlreprise dans des contr^es si diverses.
Le ver a soie est donc eleve a presque toutes les latitudes. Jusque dans
1 1
II.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
162
les milieux les rnoins favorables, on est parvenu, ici parle croisement des
races ou par le cboix minutieux de la graine, la par des soins extremes
qui sont inapplicables dans l’industrie proprement dite, on est parvenu,
disons-nous, a obtenir des cocons et des soies d’un merite peu connnun.
Ces essais, qui sont poursuivis au nord de l’Europe, au sud de l’Afrique,
dans les deux Arneriques, avec une perseverance eprouvee par bien des
insucces, n’ont d’interel qu’a raison des graines saines qu’on a, plus d’une
fois, eu la pensee de demander ä ces sources, et nous ne nous y arrdterons
pas plus longtemps.
En fait, toute 1’attention s’estportee, a l’Exposition, surles produits de
l’Ilalie, de la France, de la Chine et du Japon, et l’industrie de la soie
etait repr^sentee, pour chacune de ces nations, par des collections remar-
quables.
La soie est aussi produite dans l’Autriche, la Hongrie, la Suisse, l’Es-
pagne, le Portugal, la Grece, la Turquie, la llussie, la Perse, Finde et
les Etats de l’Asie centrale.
Gelte production, consid^rable dans plusieurs de ces pays, a, dans
chacun d’eux, une valeur et un caractere particuliers. Mais nous aurons
peu de chose a en dire, soit que l’industrie n’ait pas assez d’importance
dans quelques-unes de ces conüAes, soit qu’il n’ait pas <ite possible de
juger, par les produits exposes, de sa condition reelle et de ses progres.
Ce n’est pas le lieu de rappeier les faits principaux de l’histoire de l’in -
dustrie de la soie dans les dernieres vingt annees, de retracer la marclie
et les efiels de la maladie qui a atteint successivement, en tant de con-
trees, les vers ä soie, qui a delruit nos anciennes races et aurait pu ruiner
nos fabriques. Ces evenements, personne ne les a oublies. Ils etaient les
plus menarants quand l’Europe recueillail les fruits de la politique hardie
qui avait ouvert la Chine et le Japon a son commerce et ä son Industrie;
les fabriques de FOccident ont pu s’alimenter a ces sources nouvelles, et
les soies asiatiques ont comble chnque annee, au detrimeut de la qualite
des tissus, les videsque laissaient les recoltes europeennes.
Le tableau suivant marque avec une verite suflisante Fetat present des
choses:
Soies greges presentees sür les marches d’Eürope.
Soies d’fiurope.
Italie
France
Espagne et Portugal
Turquie d’Europe et Grece
RECOLTE
de 1872.
3,i s5,000 kilog.
687,000
180,000
io,000
8,982,000
de 1873.
2,336,000 kilog.
549,000
135,000
107,000
3,127,000
SOLES ET SOLERIES.
163
Soies d’Asie.
Cliine
Japon
Incle
Turquie d’Asie.
Perse, Khoragan, Caucase.
Report des soies d’Europe..
Total general
RECOLTK
de 1872
de 1873.
3,390,000 kiiog.
7a 1,000
576,000
185,ooo
230,000
5,090,000
3,982,000
9,072,000
3,o8o,ooo kiiog.
700,000
686,000
200,000
666,000
5,o6o,ooo
3,i 27,000
8,187,000
Ainsi, les fabriques europeennes ont consomm^, en 1872, 56 p. 0/0.
et, en 1873, 62 p. 0/0 de soies d’Asie.
La proportion etait a peu pres la meine, il y a une douzaine d’annees,
(en 1861), avec des quantit^s differentes :
Soies d’Europe.
ltalie 1,260,000 kiiog'.
France 600,000
Espagne 3oo,ooo
Turquie d’Europe et Gr&ce 530,000
Soies d’Asie.
Chine a,3oo,ooo
I fi de 600,000
Perse et Caucase 55o,ooo
Turquie d’Asie 120,000
6,260,000
En ne consid6rant que les soies du Bengale, de la Chine et du Japon,
on observe, d’apres le mouvement de la Condition des soies de Lyon,
que la fabrique lyonnaise consomme moins de ces soies que les fabriques
etrangeres; la proportion generale donne, pour 1872 et 1873, en
moyenne, 56 p. 0/0, et la part de la manufacture de Lyon ne serait que
de 3q p. 0/0.
Etudions a present la Situation de ehacun des pays producteurs.
ITALIE.
L’education des vers a soie et la filature de la soie sont une des ri-
chesses de cette nation; eiles furent apportees en Sicile par les Arabes
d’Afrique avec d’autres cultures qui sont devenues aussi f6condes. Cette
Industrie s’est repandue par toute l’Italie, depuis son premier foyer jus-
qu’aux Alpes, et, si eile n’a pas toujours occupe le premier rang pour la
1 1 .
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
1 6 h
La recolte etait, avant l’epidemie, de pres de 4 inillions de kilogramnies
de soie grtige, correspondant a 5n inillions de kilogrammes de coeons.
Le Gouvernement italien l’a meme estimee a 4,5a3,ooo kilogrammes de
soie.
La maladie s’elcndait et sevissait depuis une dizaine d’annees, quand
eile fit en Italie les ravages dont la France avait eprouve les funestes effets,
et l’intensite du mal a amend les perfeclionnements auxquels l’Italie doit
sa preeminence actuelle. L’dnergie a ete extrdme pour sauver cette grande
Industrie nationale, et les efforts onl ete pareils cliez les industriels et les
cultivateurs, chez les gouvernants et les savants. Cliacun, dans son cercle
d’action, a fait preuve d’initiative, de decision et d’intelligence. Nous re-
trouvons dans le rndme temps ces efforts dans notre pays, mais nous
devons constater que, d’apres des temoignages qui s’accordent, ces efforts
n’ont pas eu chez nous la meme vigueur, et il est notoire que les rdsultals
ont ete beaucoup plus heureux en Italie.
Au surplus, on a, par les chiffres de la recolte, une sorte de mesure du
relevement de cette industrie en Italie. Elle etait, dit-on, vers 1860, de
3,5oo,ooo kilogrammes de soie grege; eile s’est abaissee a 1,731,000
kilogrammes en i864 ; eile avait remonte ä 9,100,000 kilogrammes en
1869 ela 3,473,000 kilogrammes en 1871, et a ete de 3,1 2 5,ooo kilo-
grammes en 1879. Dans cette derniere annee, la Lombardie a fourni a
eile seule lelicrs, 1,170,000 kilogrammes, la Vdnetie a donne 5oo,ooo
kilogrammes, le Piemont et la Ligurie 48a,000 kilogrammes, les pro-
vinces de Naples et de Sicile 35o,ooo kilogrammes.
Le mouvement de l’exportation italienne est, de son cote, tr^s-ins-
tructif:
II a ete exporte de soies grdgos et ouvrees italiennes 1 :
De 1861 ä 1866,
De 186a ;'i 1867
De 1 868 ä 1870.
De 1871 h 187.3
a,419,000 kilog. = 208,017,000 lire.
i,8i4,ooo = 15c),841,000
•2,219,000 = 9l4,6l9,00O
3,9 90,000 = 337,336,000
Exportalion des soies greges et ouvrees d’tlalie (commerce special) :
1861.
18G2.
186.8.
186/1.
1865.
1866.
1867
2,583,oc)i kitog.
2,382,226
2,604,895
2,io5,oi 4
1,525,781
1,865,854
9,05l ,933
1868.
1869.
1870.
1871
1872.
.873.
5».,2C)*J,01 8
2,1G .4,983
3,255, too
3,08/1,200
3,335,900
2,180,567 kiloft.
SOI ES ET SOIERIES. 165
L’exporlation a ete la plus forle en 18-78, la plus fuible en i865.
Dans cette annee 1865, la quantit^ de bassines en activite a ete natu -
rellement la moindre : 50,712 bassines en 1863; 3g,020 en i865;
69,077 en 1868. Ces chiffres se rapportent a l’Italie, sans la Venetie. II
y avait dans tout le royaumc (la Venetie comprise) 5o,685 bassines
en 1866 et 61,877 en 1868.
L’Italie avait, en 1868, 6,8o5 filatures, dont 65o a vapeur. Ces lila—
tures contenaient 61,877 bassines; elles ont consomme 20,600,760 kilo-
grammes de cocons, et ont donne 1,313,810 kilogrammes de soie grege,
d’une valeur de i66,3i3,565 lire.
Les filatures a vapeur avaient, chacune, en moyenne, 67 bassines; les
filatures a feu, 8. 11 est sorti des premieres 658,191 kilogranmies de soie,
et des secondes 655,62 t kilogrammes
A celte epoque, les filatures etaient reparties de la fagon suivanle :
riLAri'Brs. . 1 1.
PHOVINCES. Total.
Lombardie 2 028
Vdnetie 1,092
Pidmont 388
Galabre 285
Toscane 160
Marches 90
Emilie 90
Autres provinces 172
A vapeur. Total. A vapeur.
195 2Ö,35o 12,913
28 13,752 1,526
13/i 12,281 7,712
10 2,269 379
12 1,766 897
27 i,663 982
13 i,3i3 577
3i a,535 i,i5i
La statistique de l’industrie de la soie n’a pas ete poursuivie au dela de
l’annee 1868, mais, quoique les enqudtes italiennes remontent a plusieurs
annees, quelques-uns des faits qu’elles presentent meritent d’6tre signales.
L’Italie, sans la Vdnetie, avait:
1863.
1866.
1868.
Filatures . . .
Bassines
a feu.. .
ä vapeur
ä feu.. .
a vapeur
4,167
320
80,696
20,016
2,4 1 1
362
20,908
20,24o
2,891
422
24,g66
2 4,1 11
Le nombre total des bassines est reste a peu pres le meine (50,719
en i863 et 69,077 en 1 868). On a monte 102 nouvelles filatures a va -
peur, et 1,976 filatures par ranrienne in et liode ont ete f’ermees. La quan-
SlatiKbrfi dpi rpffno (I’llalia. Tratlura dclln scta. Anno 1868.
16(5 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Lite moyenne de bassines par filature s’est elevee de 11,3 en 1863 a ii,8
en 1868.
Oe mouvement a ete tres-marque dans quelques provinces.
1863.
fi , 1 a feu 4io
( a vapeur 78
'<™ont < Total des filatures 488
Bassines...! äfeu W*
( a vapeur 4,813
Filatures...! '* ^ eu a ’7 1 7
| a vapeur i65
Lombabdie ... I Total des filatures 2,882
Bassines. ..! ? ^ etl 1 7> 1 ^9
I a vapeur 12,296
1868.
2 04
i34
388
4,519
7,712
i,833
1 p5
2,028
i3,437
12,913
Nous n avons de statistlque de la filature dans son Etat actuel que pour
la province de Bergame 1 , et cette statistique fournit les chiffres suivants:
Filatures.
ä feu . . .
h vapeur.
1866. 1868.
245 181
16 29
1870. 1872.
166 160
4q 52
B.assuves. . .
a feu 4,349 4,626 4,260 4,ooo
a vapeur 912 1,757 2,45o 3,100
De 1866 a 1872, le nombre des filatures s’est abaisse de 261 a 212;
celui des bassines s’est Eleve de 5,261 a 7,100, et la quantite de cocons
files de i,5oo,ooo kilogrammes a 2,000,000' 2 .
En resume, le nombre des filatures diminue, mais le nombre des bassines
augmente; l’ancienne methode de filature fait partout place a la nouvelle.
On observe la meme translormation dans l’industrie de l’oscoraisou. Dans
la province de Bergame, par exemple, il y avait, en 1872, 58 Etablisse-
ments de moulinage contre 106 en 1848; mais les 58 Etablissements
de 1872 ont produit 370,000 kilogrammes d’organsins et de trames, quan -
tite plus que double de celle obtenue en 1848.
2 Atti del comitato dell’ inchiesta industrialp.
27 septembre 1872. Deposilion de M. Slefano
Berizzi, de Bergame.
3 La province de Bergame avait, en i848,
4o5 filatures, avec 7,700 bassines, filaiif
1,600,000 kilogrammes de cocons, landis que
les 212 filatures, avec 7,100 bassines, de
1872, ont fde 2,3oo,o:io kilogrammes. On
compte a Bergame, en moyenne, 260 kilo-
grammes de cocons par bassine a feu el 44o
par bassine a vapeur.
SUIES ET S01E1UES.
1 fc) 7
Nous monlrerons plus loin 1’accroisseinent de Fimportation en France
des soies ouvrees italiennes; la plupart sonl failes avcc des greges asia-
tiques.
L’ltalic a recu les quanlites de soies etrangeres suivantes :
En moycnne par nn.
De 1861 ä 186/i 1,119,000 kilog.
De i865 ä 1867 757,000
De 1868 ;i 1870 40/1,000
De 1871 ä 1873 645,ooo
L’exposition des Italiens portait Fempreinte de la grandeur de leur in-
dustrie. Les colleclions se succedaient abondantes et en rangs serres;
toutes les proviuces etaient representees par les usines les nieilleures, et
il n’y avait pas un etablissement de quelque renqm qui ne se monträt
avec toute sa valeur par l’effet de l’ordonnance et du clioix intelligent des
produits.
L’inegalild dtait grande saus doute parmi ces deux cents lileurs et
mouliniers, et nous ne saurions donner ä tous le benefice de la haute
estime que le Jury a concue pour l’industrie italienne. Beaucoup d’entre
eux n’ont pas dte recompenses, le plus souvent ä cause de l’exiguite de la
production; mais, meine cbez ces [lelits lileurs, on distinguait des soies
dignes d’attention.
Ainsi, l’Exposition a confirme avec une clarte saisissante ce que le
commerce francais avait pressenti depuis longtemps et ce qu’il savait avec
certitude, car nous somrnes dans un tcmps ou chaque nation doit suivre
d’un regard attentif la marclie de ses emules. L’industrie de la soie en Italic
a ecarte les perils dont la maladie des vers ä soie l’avait menac^e; eile a
vaincu les difficultes inseparables de l’amelioration des proc^des, du ma-
teriel et des usines elles-memes. Les conditions economiques lui sorit
d’ailleurs favorables : la propriete n’est pas tres-divisee, la population ou-
vriere est assez nombreuse, patiente et docile, la main-d’oeuvre est encore
ä bas prix.
Le taux des salaires a, dans cette Industrie, une assez grande impor-
lance pour que nous ayons cherche ä le connaitre avec certitude. M. Cesare
Bozzotti, de Milan, a eu l’obligeance de 11011s donner Fetat des salaires
payes ä ses ouvners, de 1861 ä 1873, dans ses usines de Germignaga et
de Trevise. Un extrait de ces comples sullira ä indiquer le prix de la main-
d’ccuvre.
K\POSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
168
FI LAT LIRE DE GERM IG N AGA.
ETABLISSEMENT DE MOUL1NAGE DE TREVISE.
1863
1865
1867
1869
1871
1873
DEYJDEUSES
(de 12
k iG ans).
1. c.
// 33
n 33
ii 31
ii 3 a
// 33
// 34
PLRGEUSES
(de i5
a 2o ans).
1. c.
// 4 '2
n 43
y/ 4 7
DOUBL ELSES
(de 3o
k 4o ans).
I. c.
// 5o
H 5l
// 53
// 55
// 6 a
H 7 1
OÜVRIERES
des
TOURS COMPTES
et capieuses
(de 2i
a 5o ans).
1. c.
ii 46
h 46
" 9
PAQUETEUSES
(de 20
k 35 ans).
63 I
J. c.
// 48
// 55
h (j i
// 6 7
// 7 4
OliVRJERS
(de 2 0
a 5o ans).
1. c.
" 97
i i.)
i «7
i 33
i /io
Aiiisi, eu Italie, dans des etablissemenls considerables cl prosperes, la
perfection a ete introduite ä tous les degres du travail, et l’exemple,
autant que les succes de ces etablissemenls, a contribue ä clever le ni-
veau de la qualite des soies greges et ouvrees.
Nous ne citerons que les noms des liiduslriels auxquels le Jury a con-
SOIES ET SOIERIES.
169
fere la plus haute recompense, le diplöme d’honneur. Ce sont : MM. Al-
berlo Keller, Fortunato Consonno et Cesare Bozzotti et C ie . Le Jury n’a pas
considere seulement en rette occasion l’excellence de la production, car
d’autres avaient des soies d’une egale beaule : il a tenu comple d’elTorts
accomplis pour rendre meilleure de tont point dans ces usines la condition
des ouvriers.
FRAfi CE.
Aucune nation n’etait, pour la filature et l’ouvraison de la soie, Legale
de la France il y a vingt ans. En 1853, la recolte etait de 26 millions
de kilogrammes de cocons, suivant les uns, et de 21 millions de kilo-
grammes, selon les autres, c’est-a-dire de 2,166,000 kilogrammes ou
de 1,750,000 kilogrammes de soies greges; en 187B, eile a ete de
8,2/10,000 kilogrammes de cocons, soit de 55o,ooo kilogrammes de
soie. Ainsi, en prenant la moyenne des trois dernieres annees, la produc -
tion actuelle forme en Italie les cinq septi5mes, et en France les deux sep-
tiemes de celle de t 853. La France n’a donc [>as repare ses perlcs dans la
meme proportion que l’Italie. Cela s’explique, en partie par le plus haut
(legre d’intensite de la maladie, en partie par la mediocrite de la condition
de la plupart de nos sericiculteurs et de nos fileurs.
De 21 millions de kilogrammes de cocons, la rdcolte lut reduite a 5
ou 6 millions de kilogrammes en 1865, la plus triste annde^dans cette
longue suite de souffrances, et Fon comprend qu’un tel desastre ait cause
un profond decouragement.
Nous ne sommes pas de I’avis de ceux qui jugent que la desesperance
lut trop prompte, et que le meilleur remede a ces maux fut apporte trop
lard. Les semences etrangeres sont venues, des 1 853 (M. Duseigneur dit
meine des 18 51), remplacer les notres et combler les vides. Les graineurs
francais sont partis des premiers, s’avancant d’annee en au nee vers 1 Orient
a la recherche de races rustiques et saines; ils ont ete aussi hardis,aussi
soigneux que les graineurs italiens, et l’on a vu les uns et les autres,
jusque dans des regions de l’Asie reputees inaccessibles, poursuivvre avec
passion l’entreprise de laquelle dependait pour l’Europe la Conservation
de cette aneienne industrie.
L’education des vers a soie est en France Fobjet d’une attention moins
intelligente quelle ne Test en Italie; eile exige, depuis l'invasion de l’epi-
demie, plus de prevoyance et de soins, et Ton reproche a nos eleveurs unc
indifference qui a ete fatale en plus d’un cas.
L’amelioration de la filature et de l’ouvraison n’a pas ete non plus aussi
grande et aussi generale en France. Si l’on compare plusieurs de nos
usines qui out eu et qui gardent encore le plus de reputation avec celles
170
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
qui sont au premier rang de l’autre cöte des Alpes, oii observera, nous
soinines en cela d’accord avec des hommes competents, quc ces dernieres
ont la superiorite pour rorganisalion et roulillage.
Au surplus, les Etats de douane, avec quelque reserve qu’on les lise,
contiennent un enseigneinent. Nous exportions, de 1865 a i 868, en
moyenne, i56,ooo kilogrammes de soies ouvrees par an; nolre exporta-
tion sest abaissee, de 186g a 1872, a 83,600 kilogrammes : diminution
de pres de la moitie. Nos fabricants achetaient a ritalie, de 1 865 a 1868,
788,200 kilogramnies par an; ils en ont refu, de 1869 a 1872,
i,o4i,5oo kilogrammes : augmentation de 32 p. 0/0. Cette double pro-
gression en sens contraire continue depuis 1872.
Est-ce a dire quc l’industrie de la soie en France ait perdu, soil a la
magnanerie, soit a la fdature, soit au moulin, la solidite et les merites
que personne n’a contestes pendant si longtemps? Telle n’esl pas notre
pensee, teile n’est pas non plus l’opinion qui a prevalu dans le sein du
Jury. Un homme qui y a exprime son sentiment avec beaucoup d’inde-
pendance et dont la competence n’est pas douteuse, M. Alexandre Hei-
mendahl, a ecnt dans son Rapport: sLa France tient encore la premiere
]ilace; son immense importance primitive a cependant baisse en parlie.»
Oui, la France tient encore la premiere place, et il est aisE de le demon-
trer, mais ce n’est pas a l’Exposition qu’elle en a donnE la preuve, et,
meme saus l’initiative, saus Taction vigoureuse et perseverante de la
Chambre de commerce et du Syndicat des marchands de soie de Lyon,
l’oubli et le silence se seraient faits a Vienne sur cette branchesi precieuse
du travail. Travail precieux, en effet, pour nos campagnes, que celui
qui occupe 180,000 familles d’eleveurs et leur donne cn cocons [iour
60 millions de francs; non moins precieux au point de vue de l’industrie,
le travail qui s’exerce dans plus de 5oo filatures munies de 20,000 bas-
sines et dans 800 Etablissements de moulinage dans lesquels tournent
34o,ooo tavelles.
Nous avons dit, avec un de nos collegues, que la France garde encorc
la premiere place pour les soies. Les soies des Cevennes, tant en grege
qu’eii organsin, si nerveuses et si regulieres, sont assurees de la superio -
rite. Les fileurs cevennols passent avant les premiers fileurs italiens; le
jugement des consommateurs de ces matieresest unanime. L’ltalie a mon-
tre dans l’ouvraison des soies d’Europe une rare babilelE, et neanmoins
il y a leis de nos industriels qui marebent de pair avec ceux de nos voisins
dont la marque est privilegiEe. C’est donc ne laire que rigoureuse juslicc
en playant tels et tels de nos lileurs et de nos mouliniers, pour la facon
des soies d Europe, (anlöt au-dessus et lantot au meine degre quc leurs
SOIES ET SOIERIES.
171
emules italiens. Quanta l’ouvraison des soies asiatiques, l’Italie a, conime
la Suisse et l’Angleterre, des Etablissements ou ce travail a atteint a une
perfection que nous n’egalons certainement pas encore.
Ce que nous avons dit plus haut subsiste. L’Italie a accompli des pro -
gres dans toutes les parties de 1’industrie. Les progres dans les soins a
donner ä la culture du murier, dans l’education du ver a soie, dans le
grainage, se retrouvent, au meine mornent, dans la filature et l’ouvraison,
dans la formation d’entreprises menees avec vigueur et la concentration
de capitaux. Les progres n’ont pas eu, cbez nous, la meme simultaneite,
et, pour ainsi dire, la meme cohesion. L’Italie compte aujourd’hui de
nombreux manufacturiers qui sont riches ou qui s’appuient sur des capi -
taux abondants, et dont l’organisation est large et bien etudiee; leurs
marques sont de premier ordre, leurs soies sont recherchees partout, et
chacun d’eux tend 5 resserrer sa specialite pour ameliorer davantage.
Proportion gardee, il y a en italie plus de mouliniers de premier ordre
qu’en France. Le Piemont a le plus d’organsinistes, la Lombardie le plus
de tranmtes.
Les grandes maisons sont plus rares en France; l’eparpillement de nos
forces est fächeux, et il est certain qu’un mouvement aussi vif et aussi heu-
reux que celui dont nous avons signalE les resultats pour l’Italie ne s’est
pas manifeste en France. En de semblables circonstances, la rivalite des
Italiens est plus sensible, mais la concurrence excite l’interet personnel,
Kcette indomptable force individualiste, suivant l’expression de Bastiat,
qui nous fait chercher le progres, qui nous le fait decouvrir, qui nous y
pousse l’aiguillon dans le flanc.» Nos compatriotes voudront conserver ou
rcprendre la preeminence, et ils meltront ä leurs efforts d’autant plus de
constance et d’habilete qu’ils sont en presence de plus de difficultes.
L’industrie est enserree dans l’Etroit reseau de charges issues de la
guerre et de notre rangon: le merite est deja grand d’en soutenir le poids
sans flechir. Le morcellement de la propriete continue, le recrutement
des ouvrieres devient de moins en moms facile, et ces ouvrieres, payees
3o a 35 p. o/o plus eher qu’en Italie, ne sont ni aussi dociles ni aussi
soigneuses qu’autrefois.
Nous ne saurions oublier que ce sont surtout nos ouvriers qui ont porte
les perfectionnements de la filature et de l’ouvraison en Asm et en Ame-
rique; que ce sont des maisons frangaises qui ont eleve le plus de fila-
tures, devenues renommees, au Levant, au Bengale, en Chine et au Japon.
Le Jury a donne le diplome d’honneur a l’une de ces vaillantes maisons,
a MM. Henri Palluat et Testenoire, qui dirigeaient, en 1873, vingt-neuf
elablissements, seize pour la filature et (reize ponrle moulinage, en France,
172
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
en Espagne, en Italie et en Syrie, et dont Ja production, jugee par le
Jury de qualite superieure, s’elevait ä 6g,4oo kilogrammes de soies greges
et ä 46,600 kilogrammes d’organsins 1 .
CHINE.
Plusieurs collections d’une grande richesse, classees avec intelligence et
dont la principale avait ete formee par l’ordre du Gouvernement imperial
chinois, ont presentG toutes les soies de la Cbine. Ces soies, clioisies par
des mains experimentees, ont montrG les types des differentes sortes qui
ont trouve depuis tant d’annees une vente si facile sur nos marches. Plu -
sieurs de ces sortes, des soies jaunes surtout, etaient remarquables. Quel-
que actives qu’aient ete les explorations, elles n’ont fait connaitre encore
qu’une partie des ressources naturelles de ces regions si fGcondes; l’Expo-
sition a mis au jour ([uelques especes nouvelles.
La production est considGrable en Chine; eile a permis d’alimenter,
il y a une quinzaine d’annees, une exportation qui s’est elevee jusqu’a
0,800,000 kilogrammes. Cetteexportation n’a plus ete que de 3,400,000
kilogrammes en 1872 et de 3,100,000 kilogrammes en 1873.
La consommation est certainement grande en Cbine dans les fabriques
d’etoffes, de rubans, de passementerie, de soies retorses, et la recolte
totale a ete estimee de q a 10 millions de kilogrammes. II existe des
estimations bien superieures, mais elles s’appliquent a des epoques ante-
rieures a la guerre des Ta'i-ping. Nous avons dresse de notre cote un
apercu de la production , qui donne une idee süffisante des ressources seri-
cicoles de la Chine.
PRODUCTION.
SOIliS 1)U VER i SOIE DU MUIUER (BOM1SYX MORI).
, # Kilogtammo«.
isatli, des provinces de Tche-kiang et de Kiang-sou
(principalement des environs de Hou-tcbeou-fou, Nan-tsin,
Ling-bou, Tsou-bing, dans le Tche-kiang; du Sou-tcheou-
fou 2 . du Yang-tcheou-fou et du Kiang-uing-fou, dans le
Kiang-sou) 3,000,000
1 La production de cette maisonesta present
(en 187/1), ‘l ans Irente-huit etablissements,
avec 3,165 onvricrs, de 81,poo kilogrammes
de snies {freies et de 6/i,ßoo kilogrammes
d’organsins.
2 Le mot fou signifie departement: le Sou-
tcheou-l'ou est le departement de Sou-lrheou;
Sou-tcheou-fou est ln capilale du deparlement
de Sou-tcheou.
SOI ES ET SOIERIES.
173
Tayscuwi, Womit, Chouhing, Liyoug, etc., des provinces Kilogramm«,
de Tche-kiang, de Kiang-sou et de Ngan-hoei (principale-
mentdu Kia-hing-fou, du Chao-hing-fou et du Hang-tcheou-
fou, dans le Tche-kiang; de Wou-si et de Li-yang, dans le
Kiang-sou; du Tchi-tchdou-fou, dans le Ngan-hoe'i) i,5oo,ooo
Hangtcheou tsatli, du Hang-tcheou-fou, dans le Tche-kiang. 120,000
Yuenta, Hdining, etc., des provinces de Tche-kiang, de
Ngan-hoe'i et de Iviang-si (principalement des environs de
Yuen-fa, de Hal-ning, de Ha-yen, de Hang-tcheou-fou, de
Kia-hing-fou, dans le Tche-kiang, et du Tchi-tcheou-fou,
dans le Ngan-hoei) 56o,ooo
Skeins long guindre, des provinces de Tche-kiang et de
Ngan-hoei (du Tchi-tcheou-fou et du Ngan-king-fou, dans
le Ngan-hoe'i, et du Chao-hing-fou, dans le Tchi-kiang.. . 260,000
Canton, Loungkoung, Kankong, Loungchan, etc., de la pro-
vince de Kouang-toung (principalement de l’arrondissement
de Chun-ti) 5220,000
Chincheou, etc., de la province de Jo-kien (principalement
du Tsiouen-tcheou-fou) 3o,ooo
James long guindre, des provinces de Kouang-si, de
Kouei-tcheou etdeYun-nan 70,000
De la province de Chan-toung: du Tsing-tcheou-fou, du
Tsi-nan-fou, du Tai-ngan-fou 110,000
Des provinces de Hou-peh et de Hou-nan 3o,ooo
Des provinces de Se-tchouen et de Yun-nan :
Küogrammes.
Du kia-ting-fou, du Siu-tcheou-fou,
du Kien-tchdou (Se-tchouen), pour la
plupart blanches 5/io,ooo
Du M ien-tcheou, du Tse-tcheou, du
Pao-ning-fou et du Chun-king-fou (Se-
tchouen), pour la plupart jaunes 1 5oo,ooo
Du Soui-ting-fou (Se-tchouen) 3o,ooo
Du Yun-nan 4o,ooo
1,110,000 1,11 0,000
' Los meilleuros soies jamios do Se-Ichoucn viennonl de Jin-Icheou, dans le Tse-Icheou, et.
de Mien-tcheou.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
I7'i
SOIES DES VEHS A SOIE SAEVAGES DU MURIER, DU FA6ARA, ETC.
(BOMBYX MORT, B. ATLAS, ETC.).
Kilogrammes.
Des provinces de Kouang-toung et de Kouang-si. (On en
a exporte de Canton 34o,ooo kilogrammes en 1866 et
3t)o,ooo kilogrammes en 1868.) 5oo,ooo
Des provinces de Chan-toung, de Tche-kiang, de Ngan-
hoei et de Kiang-si 120,000
SOIES DE VER X SOIE DE L’AILANTE (BOMBYX CYNTITIa).
Des provinces de Chan-toung et de Ho-nan. (Le district
de Ning-hai, dans le Teng-tcheou-fou, au Chan-toung, est
le centre de la production de la soie du ver de l’ailante.). . 3oo,ooo
SOIES DES VERS X SOIE DE CHEINE (BOMBYX PERNYI, B. MYLITTA).
Des provinces de Kouel-tcheou et de Se-tchouen. (Les plus
grands marches de ces soies sont a Nan-tchouen et a Pao-
ning-fou, dans le Se-tchouen.) 1.5/10.000
Des provinces de Ho-nan, de Chan-toung 1 , de Chen-si,
de Chan-si et de la Mandchourie 600,000
1 0,060,000
En resume, sur 10,060,000 kilogrammes de soies, 7 millions de ki -
logrammes seraient le produit des educations de vers a soie du murier;
620,000 kilogrammes seraient fournis par les vers a soie sauvages du
murier et d’autres arbres; 2,4/10,000 proviendraient des vers ä soie du
chene et de l’ailante.
Les Chinois retiennenl pour leur consommation toutes les soies que
donnent les vers du diene et de l’ailantc; ces soies servent, fissees, ä faire
les vetements du peuple.
Leur solidite est extrdne. Nous rappellerons a ce sujet les rdsultats de
l’etude que J. Persoz en a faite en 1860.
1 Dans les arrondissemenls de Ning-hai et Iree comprise entre Moung-yin et Tsing-
de Si-hia (Teng-tcheou-fon), et dans la con- tcheou-fou.
TE\ACITE.
ELAST1CITE.
NOMBRE
ALLONGBMENT
de grammes necessaires
pour rompre
un fil
de 5o cenlim&lres de long.
d’ua fil
d’un metre de long
avant
de se rompre.
Soie du Bombyx mylilla (chöne) 20 sr 8 i m ,8i
Soie du Bombyx Perni/i (ch&ne) 17 § 1 ,63
Soie du Bombyx cynthia (ailunte) 8 3 1 ,44
Soie du Bengale 5 3 0 ,99
Soie de Brousse 4 3 1,21
Soie de Chine tsatli 4 3 o ,76
Toutes choses sont reunies dans plusieurs provinces de la Chine pour
donner une recolte abondante et des produits excellents : le climat, les
eaux, les cocons sains, abondants et ä bon niarche, les ouvriers soi-
gneux et a bas prix.
Pendant longtemps, les ernpereurs ont regarde conime un de leurs
principaux devoirs de rdpandre les meilleures methodes pour l’education
des vers, le fdage et le tissage; ils firent publier des traites populaires,
dont plusieurs sont encore en usage. Nous citerons, entre autres, le Nong-
sang-tsie-yao, «Principes d’agriculture et de fabrication des etolles, w pu-
blie en 1 ay4 par ordre de l’empereur Chi-tsou (Khou-bi-lai, petit-fds de
Dgingis-khan et premier empereur de la dynastie mongole).
Les Europeens n’ont pas encore pu s’dtablir d’une facon permanente
dans les districts les plus favorables.
Jusqua present, malgre tant d’avantages, les Chinois ont laisse s’af-
faiblir la qualite de leurs soies. On n’a signale l’amelioration que de
quelques marques, et encore cette amdlioration est — eile en realite peu
sensible.
L’ouvraison des soies a toujours la meme importance dans les provinces
de Tche-kiang, de kiang-sou et de Kouang-toung. Les soies moulinees
les plus estimees sorlent des atebers de Hou-tchdou-fou, de Sou-tcheou^
fou et de Canton.
JAPON.
Des la plus baute antiquit^, le murier et le ver ä soie apparaissent dans
les annales du peuple cbinois, et l’art de la fdature y etait pratique il y a
plus de quarante siecles. Cette industrie est moins ancienne au Japon;
eile y fut apportde par des Coreens a la fin du in e siede, s’y repandit dans
la seconde moitie du vi e siede, mais ses plus grands progr&s ne datent
que d’un siede.
17C
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Les dducations de vers a soie ne sont faites que dans l’ile de Nippon;
elles ont le plus d’importance au centre, dans la province de Sinchiou,
de Djochiou et de Kochiou, et dans eelles d’Ouzen et d’Iwachiro, qu’on
trouve les premieres en allant au nord.
Le Japon fournit ä l’Europede 720 a 760,000 kilogrammes de soie; les
fabriques indigenes absorbent 1,100,000 kilogrammes environ, de Sorte
que la production serait de 1,820,000 a 1,8 5 0,0 00 kilogrammes. Gest
la quantite qui a dtd indiquee par notre collegue,M. Ernest de Bavier. Le
Gouvernementjaponaisl’a estimde a 2,250,000kilogrammes, en moyenne,
par an, pour les trois annees 1870, 1871 et 1872 L
Les premieres soies du Japon arriverent en Europe en 180g. C’dtaient
d’abord des soies Sodai, ensuite des soies Maibash; les unes et les autres,
nettes, regulieres et Idgeres, furent tres-recherchees. La demande de ces
soies s’accrut rapidement, et, dans le meme temps, le commerce des
graines, quoique interdit par le Gouvernement japonais, commencait a se
devclopper.
L’exportation du Japon fut, en 1863. de 23,000 balles de soie et
de 3o,ooo cartons de graines. Quelques anndes apres, l’exportation des
soies n’dtait plus que de g,5oo balles (g,5io en 186g, g,4io en
1870); celle des cartons, autorisde depuis l’annee 1865 , s’dtail dlevee a
i,4oo,ooo cartons, et, en 1872, la premiere a dte de i3,6oo balles, la
seconde de 1,280,000 cartons.
L’Europe regoit aujourd’hui moitie moins de soies qu’il y a dix ans,
et, fait plus significatif, tandis que, en 1863, les soies italiennes de se-
cond ordre se vendaient k la parite de 65 francs le kilogramme, en
or, les meilleures soies Maibash obtenaient 72 francs, soit 11p. 0/0 de
plus; en 1872, le prix de celles-la s’dtait dtabli ä g7 francs contre
78 francs pour celles-ci, dont la valeur relative s’etait abaissde de
20 p. 0/0.
Les esperances qu’on avait concues en 1 8 6 3 ne se sont donc pas rea-
lisdes; cjuelles ont dte les causes de ces deceptions?
La premiere a ete probablement le grainage. En 1865 et en 1868,
l’exportation a dte de 2,4oo,ooo cartons, et cette production exagerde,
avec ses vices inevitables, a dtd fatale ä la sdriciculture japonaise. Des
preuves decisives attestent l’affaiblissement des races de ce pays.
La seconde cause a ete : d’une part, sous l’excitation de ventes et de
benefices faciles, la mauvaise foi du commerce japonais; d’aulre part,
1 Le capilaine F. Howard Vyse, consul Cette estiruation, fort exageree, dale de de-
d’Angleterre ä Kanagawa, a estime la recolte cembre 1861, epoque 011 la produclion elait
des soies au Japon ä 6,750,000 kilogrammes. moindre qu’aujourd’hui.
SOIKS KT SOIERIHS.
177
l’amoindrissement successif de la qualite, les malfafons dans le filage, Ja
n^gligence dans le choix.
Qiioi de plus naturel que la consommation ait ecarte des soies dont le
devidage etait de plus en plus difficile, des soies degenerees, melangees,
avilies par des fraudes diverses?
Ce n’etait pas au moment oii il accomplissait la grande revolution qui
a ouvert la voie a la transformation de Tempire que le Gouvernement
japonais pouvait rester impassible en face de ces desordres. Les premiers
actes de son Intervention ont ete sages, mais il faut s’attendre que, a rai -
son de la condition des choses, les mesures prescrites ne soient pas tou-
jours executees ou deviennent quelque jour inefficaces. Toutefois, l’Ex-
position offrait au gouvernement du mikado l’occasion de rappeier a
l’industrie europeenne ce qu’ont ete et ce que peuvent etre encore les soies
japonaises; il l’a mise a profit, et, pour toutes les sortes, destypes avaient
ete r&rnis qui presentaient les qualites primitives. Le commerce les voit
reparaitre : on a constate, en effet, cbaque annee, depuis 1871, une
amelioration notable de leur qualite. L’abandon qu’on a fait, pour un
temps, de ces soies, et la depreciation qui s’en est suivie, auront ete le
meilleur remede. On a apporte de nouveau a leur fdage les soins minu-
tieux et traditionnels qu’on avait cru pouvoir ndgliger impunement. Le
grainage trouvera sa limitation naturelle par la moindre demande de
l’Europe. On a observ^, en effet, en Italic, depuis plusieurs annees, l’ac-
croissement de la production des graines issues de vers tant de race indi—
gene que de race japonaise, et par suite la diminution successive de l’im-
portation des graines dtrangeres L On attache a prdsent d’autant moins
de prix ä celles-ci, notamment a celles du Japon, que leur rendement
s’abaisse chaque annee.
Des filatures a l’europeenne sont.etablies au Japon, et deux Font ete
par le Gouvernement : la principale, celle de Tomioka, avec trois cents
bassines, est dirigee par un Eranjais, M. P. ßrunat; l’autre, celle d’Yeddo,
a soixante-dix bassines.
Une espece de ver a soie qui se nourrit de feuilles de ebene, le Bombyx
Ya -ma-mai, est propre au Japon; eile fut decouverte, en 1/187, dans l’ile
de Tatsi-Syo. L’education de ce ver est repandue dans les provinces de
Sinchiou, de Mino, de Gochiou, de Tanba et de Tanga; la recolte de cetle
soie tres-nerveuse ne doit pas depasser 12,000 kilogrammes.
1 Graines importees en Italie (commerce En 1871 7/1,115
special) : En 1872 75,731
En 1870 93,926 kilog. En 1873 3o,o5i
178
EXPOsnroN universelle de vienne.
AUTIIES PAYS.
L’interet de l’Exposition pour la soie etait dans les collections des
quatre grandes nations dont nous venons de parier: l’Italie, la France,
la Chine et le Japon: mais il serait injuste de garder le silence sur les
travaux et les progres qu’on ohserve ailleurs.
SUISSE, AUTRICHE ET HONGBIE.
En Stiisse, dans un seul canton, celui du Tessin, canton de langue
italienne, Teducation des vers a soie a un peu d’importance; il sort des
soies greges fines de filatures de Bellinzona et de Lugano.
Le moulinage est fortenaent etabli dans les cantons d’Argovie, de Zü -
rich 1 et de Thurgovie : les Suisses sonl, au premier rang pour l’ouvraison
des soies du Japon, et vont de pair avec nos meilleurs mouliniers pour celle
des soies de Chine.
La Hongrie, le Banat surtout, serait favorable 4 cette industrie. Les
conditions economiques y font ohstacle. La population n’a jamais eu un
goiit bien vif pour ce travail, qui exige tant de soins et d’activite; aussi
les encouragements de l’Etat ont ete sans effet durable. Il est douteux
qu’on recolle plus de 3,ooo kilogrammes de soie grege en Hongrie et
dans les conlrees voisines, la Transylvanie, la Croatie, l’Esclavonie et les
Confins militaires.
En Auf riebe, la production est concentree 4 l’u ne des extremites de
Teinpire, dans le Tyrol et dans cette partie de l’Hlyrie qu’on appelle le
Littoral. On estime qu’elle a ^te, en 1872, de pres de 2/10,000 kilo -
grammes de soie.
La part du Tyrol aurait ete de 185,000 kilogrammes et celle de l’Il—
lyrie de 5o,ooo kilogrammes. Ce que donnent la Boheme, la Silesie et
la Moravic est peu de chose.
Des etablissements, dont plusieurs ont de Timportance, ont ete eleves
dans le Tyrol, ä Botzen, 4 Pergine, a Trente, surtout a Roveredo, a Riva
et aux environs, et, dans le Littoral, ä Goerz, a Cormons, 4 Monfal-
cone, etc. Les soies sont de bonne qualite; la filature est, en general,
inegale, et Touvraison souvent d4fectueuse. Il parait qu’il a ete fail des
progres: ils sont peu marques; fdeurs et mouliniers devraient se proposer
l’exemple de leurs voisins d’Italie.
1 II y avait en 1872, dans le canton de ^ramines de Irame et 52,820 kilogrammes de
Zürich,dix-huitetablissements, qui occupaient soie a coudre.
^1,090 ouvriers et produisaienl 12o/i5o kilo-
SOIES ET SOIEIUES.
17!)
ESPAGNE ET PORTUGAL.
Apportee par les Syriens en Espagne, l’industrie de la soie etait deja
florissante au x c siede et considerable au xn 6 . Le dimat etait merveilleux
pour cette culture, la population s’y etait attachee avec passion, et les re-
coltes ont atteint certainement 800,000 a 900,000 kilogrammes de
soie grege '. La nialadie etant survenue, dies ne rendaient plus que
3oo,ooo kilogrammes environ en 1861, que 170,000 kilogrammes
en 1879 et i3o,ooo kilogrammes en 187.3.
L’industrie, plus limitee, conserve neanmoins toute sa vigueur. La soie,
est generalement d’une excellenle nature ; la filature donne, dans bien des
localites, et en particulier dans les provinces de Valence et de Murcie, des
produitsde premier merite, et une partie des industriels ne cessent d’ame-
liorer les conditions dans lesquelles ils exercent ce travail delicat. Quel-
ques-unes des soies exposfies etaient d’une beautfi exceptionnelle.
Le Portugal a connu, comme l’Espagne, le mürier et le ver ä soie
depuis div sificles, mais il les avait laisses dans l’abandon au xiv e siede.
L’Etat entreprit, au xvn e siede (en 1678), de relever cette industrie; il
finit par y reussir, et la recolte fut, en 180/1, de 80,000 livres de soie,
dont 4o,ooo livres fournies par le Tras os Montes et 90,000 livres pur la
province de Beira. Peu d’annees apres, tant d’efforts etaient perdus.
Depuis une vingtaine d’annees, l’espoir est revenu de recouvrer cette
richesse tant regrettfie, et Ton est arrive a une production de soies grfigcs
qui etait de 10,000 kilogrammes en 186(> et qui est, dit-on, un peu plus
grande aujourd’hui.
La soie est, le plus souvent, jaune, fine, nerveuse; le filage est fait
avec soin, mais il traliit le defaut d’babilete.
GRECE ET TURQUIE.
Les marches europeens ont recu, en 1873, pres de 36o,ooo kilogr.
de soies du Levant : 90,000 kilogrammes environ livres par la Grece et
34o,000 kilogrammes par la Turquie. Pour Former ce dernier chiffre, le
contingent de la Syrie a ete de i5o,ooo kilogrammes, celui de Brousse
de 100,000 kilogrammes, celui de la Macedoine et de la Roumelie de
80,000 kilogrammes 2 . La production est naturellement supdrieure; la
1 La production de la soie en Espagne,
avant l’invasion de la maladie des vcrs a soie,
est generalement estimee ä 1,200,000 kilo -
grammes : cette estimation est exageree.
En 1 853, nous avons cornpte, äSalonitpie
et aux environs, trente filatures ayant un mil-
lier de bassines et dun na nt 3 6,0 00 kilogrammes
de soies fines; a Brousse et aux environs,
vingt-deux filatures ayant 1,080 bassines et
donnant 57,000 kilogrammes. La production
t
1 2.
180
EXPOSITION UNIVERSELLE DE MENNE.
fabrique indigene absorbe, |iour Ics etoffes, les passementeries et les
broderies, une grande quantite de soies fllees ä la levantine. Toute
estimation serait difficile ä justifier. On a calcule que la recolte, dans
les provinces turques d’Europe et d'Asie, a ete, en 1861, de pres de
1,900,000 kilogramnies, et quelle peut n’etre pas eloignee actuellement
de 5oo,oooa 600,000 kilogrammes.
De nombreuses filatures ont ete montees et sont dirigees par des etran-
gers, principalement par des Frangais; c’est a eux que sont dus tous les
perfectionnements.
La Turquie offre des ressources infmies pour cette industrie; il ne
parait pasqu’onles melte partout a profit, et la Syrie, qui est, a ce point
de vue, la plus riche province, est relativement moins riebe quelle ne l’etait
sous les Grecs et les Arabes. Que de travaux s’imposent au Gouvernement
oltoman pour attirer et retenir dans l’einpire les capitaux et les ouvriers
de l’Occident! Que d’efforts aurait ä faire la population indigene pour
prendre une part, meme petile, de ces entreprises fecondes!
L’Exposition ne nous a rien appris de nouveau pour les produits : quel-
ques-uns d’une rare beaute; un grand nombre presentant, a des degres
divers, les nnirites et les defauts des soies levantines.
Et laGr&ce, ou 1’industrie sericigene a de si anciennes racines, comme
l’Exposition nousl’a montree affaiblie! Dureste, sans remonter bien baut,
nous avions trouve, il y a vingt ans (en 1853), en Grece, une production
de 190,000 kilogrammes de soies greges, dont 55,ooo kilogrammes
venaient de Mistra et des environs, 3o,ooo de Kalamata, 26,000 de
1’Archipel; cette production est tellement reduite qu’elle n’a fourni, en
1873, que 18,000 kilogrammes a la consommation occidentale.
Andres et la Laconie re^urent les premiers metiers, qui 6taient italiens.
Des filatures ont ete elevees a Äthanes, au Piree, a Sparte, a Kalamata,
;i Andres, a Syra; quelques-unes donnent des soies assez bonnes.
ltUSSIE, CAUCASE, TURKESTAN ET FERSE.
Les envois de ces contrees ont ete estimes par la Chambre syndicale
des marchands de soie de Lyon a 1 10,000 kilogrammes pour 1879 et a
317,000 kilogrammes pour 1873. Nous les avons portes, dans l’elat que
nous avons präsente plus haut, les premiers a 990,000 kilogrammes, les
seconds a 444,000 kilogrammes. Ces quantitds sont loin de donner une
id^e juste de l’abondance de la soie dans ces contrees.
La Russie doit a Pierre le Grand le bienfait de l’introduction de cette
ries provinces de Brousse et de Khodjaili elait d’Andrinople, de Demolica et des environs, ä
alors estimee a l\60,000 kilogrammes, et. celle 87,000 kilogrammes.
SOIES ET SOIERIES.
181
Industrie; eile lui doil aussi l’enseignement de la perseverance dans les
entreprises.
La production de la soie est restee sans importanee dans la Russie
d’Europe; c’est ä peine si eile s’eleve a 10,00 okilogrammes de soie gräge,
dont la plus grande, comme la meilleure partie, est fournie par les co-
lonies mennonites du gouvernement de la Tauride. Mais eile a pris un
grand developpement dans les provinces du Caucase.
On ne s’accorde pas, irieme en Russie, sur i’etendue de cette Industrie,
et les estimalions ont varie de 800,000 ä 1 million de kilogrammes de
soie. M. Sicovski, qui connait bien le Caucase, nous a indique la quantitd
de 1,230,000 kilogrammes. Ces assertions ont rencontre beaucoup din-
credules, et l’on s’est fonde, pour en conlester l’exactilude, sur la deca-
dence de la scriciculture au Caucase et sur I augmentation de 1 importation
des soies dtrangeres.
Les estimations russes nous paraissent assez rapprochees de la verite
pour l’epoque acluelle, et nous allons le demontrer.
Nous devons d’abord dtablir quc, dans l’opinion generale en Russie,
les labriques russes absorbent gendralement les deux cinquiemes de la pro -
duction, le reste ätant exportä, et que, lors de la diminution de la recolto
au Caucase, une plus grande part est retenue par la consommation inte-
rieure.
Nous avons obtenu, d’apres ces bases, les resultals suivants :
SOIES DE LA RUSSIE D’ASIE.
Exportalion.
Production totale
pr^sumee.
t86h 63o,ooo i,o5o,ooo kilog.
1865 46o,ooo 770,000
j866 346,ooo 690,000
1 867 82,000 206,000
t g68 264,000 660,000
(869 i48,ooo 362,000
^70 245,ooo 618,000
4871 56i,ooo 935,000
t 872 692,000 i,i55,ooo
C’est dans la periode de 1867 a 1870 que les effets de repidemie et
ceux d’un grainage excessif ont ete, on le voit, le plus marques.
Dans la province du Turkestan, l’education des vers a soie est une In -
dustrie ancienne, familiäre ä la population. La recolte est de 4o,ooo a
5o,ooo kilogrammes de soie; on y trouve des soies jaunes, brillantes et
nerveuses.
18-2
EXPOSITION UMVEHSELLE DE VIENNE.
La production de la soie en Russie serait donc de 1,100,000 kilo -
grammes environ :
Russie d’Europe 8,000 kilog-,
Caucase i,o5o,ooo
Turkestan . 4o,ooo
Getto estimation differe peu de celle du directeur du departement du
commerce et des manufactures de l’empire, duquel nous tenons une partie
des faits qui precedent
L’exposition de la Perse n’etait pas plus instructive, et cependant ce pays
a joue longtemps un röle important dans l’approvisionnement de l’Occidenl.
On recoltait autrefois, dans les provinces de Ghilan, de Mazanddran,
d’Azerbeidschan, de Khoragan, de Yezd et de Kaschan, 1 million de kilo-
grammes, dont pres des deux fiers etaient exportes.
La province de Ghilan fournissait pres de 5oo,ooo kilogrammes des
soies les meilleures; le Mazanderan et l’Azerbeidschan avaient aussi une
production considerable. Toutes ces soies fermes etaient moitie a court
guindre et moitie a long guindre. De[iuis l’epidemie, cette ricbesse a dis—
paru cn partie de l’Iran. On ne peut s’attendre desormais a la reussite des
educations, tant qu’on n’apportera pas plus de soins a celles-ci et qu’on ne
sera pas plus attentif dans le cboix des graines.
On exportait de Perse, il y a une vingtaine d’annees, de 20,000 a
ab,000 rouleaux. La balle ou rouleau pesant (i batmans persans, soit en -
viron 3/P,5oo, l’exportation etait de 700,000 a 800,000 kilogrammes.
L’Europe n’a regu que a5,ooo kilogrammes en 1873.
IMPORT\T10N DES SOIES DE PERSE.
A Marseille. A Lontlres. Total.
De 186/4 ä 1866 21/1,800 2/1,600 aßq,/ioo kilog.
De 1867 ii 1870 43,700 10,000 53,700
De 1871 ii 1873 27,400 3,3oo 80,700
IN1) E.
Linde et la Russie, qui pouvaient presenter au commerce europeen
les soies de 1 Asic centrale, fournies par des races de vers peu connues,
ont negligd, cette fois, de les reunir. Nous n’avons eu pour finde que des
collections incompletes, qui n’ont nen ajoule h nos connaissances.
II existe dans rinde une vingtaine d’especes de \ers ä soie; huit ou neul
se nourrissent des leuilles de min ier, les autres des feuilles d’autres arbres.
1 yestimation de M< A. Bouloroski est de i,o56,ooo kilogrammes.
SOI ES ET SOIER1ES.
183
Le Bombyx mom li est pas le vor dont 1 educalion esl le plus etenduc;
le dessie 1 et 1 e nistry' 1 sont eleves dans plusieurs proviiices. Gräce a ces
diverses especes, on obtient regulierement trois rdcoltes de cocons dans
l’annde.
Le Bombyx Huttoni, qu’on trouve a l’etat sauvage dans les forets au
nord-ouest de l’Himalaya, donne une quantile considerable de bonne
soie de couleur cendrde.
La production des soies tussah est superieure en quantite a celle des
soies des vers du mürier. La soie tussah est fournie principalement par ie
Bombyx mylitta, qui vit sur iejujubier, le Terminalia alala et d’autres arbres;
on coinprcnd souvent aussi sous ce nom les soies des vers du ebene, du
ver du ricin et meine la soie du ver de l’ailante. La fabrique europeenne
a ndglige jusqua present de tirer parti de ces soies si abondantes et si
nerveuses.
Les soies des vers du mürier, ditesnatives, filees par les procedes primi-
tifs, onl toujours les meines defauts. Les soies de filature conservent les
qualites auxquelles eiles doivent la rechercbe qu on en fait, et la peilec-
tion devient plus commune.
Nous avons remarque ä l’Exposition une soie jaune, brillante et ner-
veuse, apportee de Boukbara, et une belle soie blanche provenant dun
ver sauvage de 1’Assam, le mezankourie.
Les recoltes dans l’lnde s’elevcnt a environ quatre millions de kdo-
grammes de soies, dont plus de la moitie de soies tussah. Ces deimeies
soies sont tissees dans l’lnde. L’Europe re?oit une parlie des soies des vers
du mürier.
Elle a tire de Calcutta 67/1,000 kilogramnies en 1872 et 486,000 ki-
logrammes en 1873, mais il ne faut pas oublier que, en i8oq, les fa-
briques europeennes ont consonime 940,000 kilogrammes de soies du
Bengale.
ANGLETERRE.
L’ouvraison de la soie et la filature des dechets de soie sont, dans 1 cn-
semble, stationnaires en Angleterre.
Le nornbre total des broches, tant de filature que de doublage, elait .
En 185o, de.
En i856, de.
En 1861, de.
En 1868, de
E11 1870, de
1,225,56o
1.093,799
i,338,544
1,159,706
t,i3o,44t
1 Bombyx fortunalus.
1 Bombyx Crwsi; il presente Irois Varietes : le madrassic, le mmamouUy et le cramic.
184 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
On comptait 181,538 faroches u doubler en 18G8 ct 1 90,298 broches
en 1870.
ETATS-UNIS D’AMERIQUE.
L educalion des vers a soie est peut-etre la plus ancienne Industrie
americaine d origine elrangere; eile fut introduite par les Anglais dans la
Virginie, au commencement du xvn e siede. Elle prit, au xvn“ et au
xvin° siede, une assez rapide extension, taut dans la Virginie que dans la
Georgie, les Carolines et l’Ohio. Cette Industrie fut etablie successivement
dans une quinzaine d’Etats, et ni des droits de douane protecteurs, ni les
encouragements pecuniaires, ni les capitaux ne firent defaut a de nom-
breuses entreprises qu’on soutint avec constance pendant un temps assez
long et quon finit par abandonner. Le resultat, en effet, ne repondit pas
aux esperances qu’on avait formees.
On recoltait, il y a Ironie ans (de i84a a 1844), de i5o,ooo a
180,000 kilogrammes de cocons. On en obtienl peut-etre un peu moins
aujourd’hui.
(jette faible production alimente de petites filatures, qui sonl dans la
Virginie, le Kentucky, lObio, la Georgie et le Tennessee.
L Industrie de louvraison de la soie est conduite avec activite. Les eta-
blissements de moulinage ont livre, en 1873, aux fabriques ameri-
caines 14b,000 kilogrammes dorgansins et de traine, d une valeur de
1 5,4oo,ooo Francs.
11
FILS DE DECHETS DE SOIE.
Les dechets de soie comprennent tous les cocons defectueux et les de-
chets que laissent le filage, le moulinage et le tissage. Cardes ou peignes,
ils donnent des fils simples ou mont^s a plusieurs bouts, crus ou cuits,
qu’on appelle schappes, fantaisies ou ßeurels. Ces fils ont pris, depuis le
haut prix de la soie, une plus grande place dans la fabrication, et nous
indiquerons parmi les articles pour lesquels il en a ete fait un large em-
ploi : en France, les foulards de Lyon, les tissus melanges de Roubaix,
les cordonnets pour passementerie; dans la Prusse rhenane, les velours.
Il y a peu d Industries dans lesquelles autant de progres aient ete
accomphs en aussi peu de temps, et, dans un matbriel qui avait deja le
benefice des ameliorations reabsbes pour les autres filaments, 011 ne trou-
verait pas de machine qui n’ait regu successivement plusieurs perfection-
nements. On a appliqub aux preparations de la matiere, comrne a l’appret
des fils, des procedes qui rendenl plus sure l’ceuvre des metiers, et, s’il
185
SOIES ET S01E1UES.
n ’y a plus de decliel qu’on ne Sache mettre en valeur, il n’y a guere non
plus de hl qui ne soit employe avec avantage. On produisait en Europe,
en 1879, environ 3,5oo,ooo kilogrammes de ces files.
La Situation est differente depuis le commencement de 187,3. La soie
devenue moins chere, le coton et la laine peignde plus rechercbds, ont
remplace la schappe dans beaucoup d’etoffes, et la demande des Velours de
Crefeld et des cordonnets pour passementerie a fortement diminue, de
Sorte que la production des hls de dechets de soie a ete ties—leduite en
1873, conime eile le sera cette annee (1874).
Nos filateurs ne s’etaient pas presentes a l’Exposition. La filature Iran-
raise, qu’on traite a l’etranger avec quelque severitd, n’est pas aussi lan-
guissante qu’on le croit. Nous nous rappelons que, en 1860, a lepoque
du traitd de commerce avec l’Angleterre, eile avait 90,000 broches et
Jivrait 63o.ooo kilogrammes de hls.
On a |»roten(111 qu’en 1879 nous avions seulement huit etabhssenients,
qui donnaienl 45o,ooo kilogrammes. Quoique la cession de lAlsace a
l’Allemagne nous eut fait perdre huit hlatures, il nous en restait encore
quinze qui etaient en pleine activite, et dans lesquelles la production, en
temps ordinaire, en ne travaillant que le jour, depasse 700,000 kilo -
grammes. En 1879, la consommation avait pris un tel developpemcnt, qu il
fallut organiser le travad de nuit dans plusieurs usines, et qu on arnva
a obtenir plus de 900,000 kilogrammes.
Quelques-uns des manufacturiers frangais ont atteint a une teile per-
leclion, que leurs hls sont prdferds a ceux de 1 Angleterre et de la Suisse
pour la fabrication de plusieurs tissus, et il n’est pas rare que leur pro -
duction, quelque considerable qu’elle soit, ne suffise pas aux demandes.
Toulefois il est vrai que cette Industrie, a la considerer dans son
ensemble, n’a pas eu chez nous les sucees quelle a obtenus ailleurs, et
l’augmentation de l’importation l’indique. Notre consommation de hls
etrangers etait, dans les annees qui ont precedd 1868, en moyenne,
de 370,000 kilogrammes de hls par an; eile a ete, depuis lors, de
470,000 kilogrammes environ: 990,000 kilogrammes etant lournis par
la Suisse et 1 90,000 kilogrammes par 1’Angleterre.
Les succes dont nous venons de parier, 1 Angleterre les a eus la pre-
niiere et les a conserves. La filature de schappes est assez ancienne dans
ce pays; eile y est considerable. Dix-huit hlatures livrent 900,000 kilo -
grammes, suivant M. Heimendabl. Presque toutes les usines sont admira-
blement oulillees. Les files sont excellents, et nos fabricants en connaissent
bien les qualites pour des emplois particuliers.
Meme mouvement et meme solidite en Suisse. II parait que cette 111-
180 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
dustrie a pris naissance dans cepays; on y filait ä la inain, en 1780, de
grandes quantites de bourre de soie, et i’on avait clEja inonte en i83o
des Etablissements dont les metiers Etaient mus par des moteurs mEca-
niques.
En 1860, nous avons compte en Suisse 36,000 broches qui etaient
alors en activite. Le nombre des broches s’est beaucoup accru. M. Cb. Ring -
wald, de Bale, estime qu’il y avait, en 1872, 18 filatures et 116,000
broches environ.
Les usines sont dans les cantons de Bäle, de Zürich, de Schwytz, d’Ar-
govie et de Berne. On a porte ä 9/10,000 kilogrammes de fils la produc-
tion des filatures suisses. Cette quantite est certainement exageree. La
Snisse na garde pour sa corisommation par an, en 1871 et en 1872, que
i,55o,ooo kilogrammes de cocons, de soies, de bourres de toute sorte:
la fabrique de Zürich emploie pres de 5oo,ooo kilogrammes de sbies, et
celle de ßäle on peu moins. On peut juger de ce qu’il reste de matieres
premieres pour la lilature. D’apres M. Ch. Bingwald, la quantilE de
6 5 0,0 00 kilogrammes de fils reprEsenterait la production suisse en 1872 1 .
Zürich a sept filatures, avec 1,000 ouvriers et une production de
100,000 kilogrammes; Bale, cinq filatures, avec i5,ooo broches, 5o6
chevaux de force et 990 ouvriers.
On a apporte dans la conduite de cette industrie autant d’intelligence
que de vigueur, et les schappes suisses en sonl venues a trouver partout
une venle facile.
LAllemagne et l’Aulriche prennent rang apres la Suisse; eiles ont
d habiles filateurs, et leur exposition prEsentait des fantaisies et des (leu-
rets du mcilleur travail. L’Allemagne aurait, parait-il, quatorze filatures,
dun produitde 620,000 kilogrammes, la Russin deux filatures, donnant
15,ooo kilogrammes, et l’Autriche trois filatures, livrant i5o,ooo kilo-
grammes. L’une de ces dernieres, celle de M. W. de Bitter, a Goerz , prE-
sente, d’apres les jurEs autrichiens, l’organisation la meilleure, tant pour
la condition des ouvriers que pour le travail.
III
SOIES RET0R8ES.
Des cbangements et des ameliorations ont EtE Egalement introduits
dans I Industrie des soies retorses, c’cst-a-dire des soies ä coudre et ä broder
(.ölte quantile de (>,>0,000 kilogrammes de tils 11’est loutefois pus en rapport avec ta quaiitite
de rnatieres premieres imporlees.
SO [ES ET SO IE RIES.
1S7
et de celles qui sonl propres a la fabrication de la passementerie, des
guipures et des dentelles. La rarete de la soie a fait rechercher des ma-
tieresmoins cheres , etcelles-ci n’ont ete employees avec avantage qu’apres
des essais et des perfectionnements poursuivis longtemps avec beaucoup
d’intelligence. Simple et facile eu apparence, cette manufacture n’exige
pas de moindres efforts que d'aulres plus brillantes, et la population ou-
vriere etant composee en majorite de feinmes, et surtout de jeunes fdles,
plusieurs fabricants ont donne, par des dispositions diverses, en general
ingenieuses etsages, des soins dignes d’eloges a sa culture morale, a son
instruction et a son bien-etre. Au premier rang de ces manufacturiers
figure M. A. Hamelin,-qui occupe aux Andelys cinq ccnts personnes,
parmi lcsquelles trois cents jeunes filles qui sont pensionnaires dans
l’usine.
A raison de leurs destinations varides, les soies retorses presentent.
autant que les soies ouvrees, des qualites et des apprets tres-divers, et il
s’est etabli. par suite, des fabriques speciales. G’est ainsi que teile usine
n’a pas de rivale pour les soies a coudre les gants, que teile autre est
renornmee pour les soies a coudre a la machine ou pour les cordon-
nets, etc.
Cette industrie est etablie en France, en Allemagne, cn Suisse, en
Italie, en Angleterre, en ßelgique et aux Etats-Unis. II est assez difficile
de connaitre son importance, meine approximativement, et, pour ne
parier que de la France, c’est avec besitation cpie nous estinions sa pro-
duction, en 187a, a i5 ou 16 millions de Francs (9 ou 10 millions en
gr^ge et 6 millions en bourre de soie).
La France avait envoye ä l’Exposition de Vienne de beaux assortiments
de ces matieres; nous en vendons a l’4tranger pour 3 millions : c est prou-
ver (jue nous soutenons sans peine la concurrence, qui est fort aetive.
Notre collegue M. Carl Mez, de Fribourg-en-Brisgau, dans le grand-duche
de Bade, est un de ces concurrents et des plus beureux, et, si nous citons
son nom, c’est pour rendre hommage aux sentiments genereux et vraiment
chretiens qui Font inspire dans l’organisation ile ses fabriques et dans la
täche qu’il poursuit depuis quarante ans de former lui-meme ses ouvrieres
par l’educalion et d’entretenir chez elles un ferme esprit d’lionnetetfi,
d’ordre, de prevoyance, et la pratique des travaux du foyer domestique.
L’industrie du retordage de la soie est solidement dtablie aux Etals-
Unis; eile s’est developpeo dans neuf Etats. Elle est presque entierement
consacree a la confection des soies a coudre a la main et a la machine.
La qualite des produits est generalemenl bonne.
On comptait, en 1878, An usincs qui avaient 76,873 broclies, 1,067
188
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
chevaux de iorce et 3,o54 ouvriers; la production totale &ait d’environ
31 millions de francs.
Voici dans quels Etats cette fabrication a le plus d’importance :
“tote. Usines. Broches. Chevaux de force. Ouvriers. Production.
Massachusetts... 7 a3,446 190 90a 11,600,000 fr.
Connecticut 18 20,168 679 1,092 9,800,000
New-Jersey 6 16,270 i63 5oo 4,4oo,ooo
New-York 5 i3,aoo 170 381 3,200,000
O11 lait, de plus, des soies pour passementerie; leur valeur est de
1,850,000 francs.
IV
STOFFES DE SOIE.
Bien des gens jugent de la fabrique des soieries avec des prdjuges d’un
autre age. 11 seinble qu eile soit toujours l’industrie de luxe par excellence;
quelle n ait de raffinements et de progres que pour un petil nombre de
consoinmateurs, pour les plus heureux, pour les plus riches; quelle ne
poursuive en ses entreprises que l’invention d elegances plus bautes. Sin-
gulieres idees et non rnoins etrange irreflexion! Conniie si une fabrique
qui repand dans le rnonde pour un milliard et demi de produits pouvait
ne trouver sa clientele que dans les classes sociales les moins nonibreuses!
La societe n est plus la uieme; il est naturel qu’elle vive d une vie nou-
velle. Autres sont les institutious, les habitudes et les meeurs. La Chambre
de commerce de Lyon, dans 1 apere 11 qu’elle a trace de la manufacture
lyonnaise avec une plume ferme et sincere, ne s’est pas meprise sur les
origines et sur les causes dune transformation qui est naturelle; eile les
trouve «dansla disparition des classes priviliigi^es, la division des fortunes,
le nivellement des conditions, l’avenement du grand nombre a laisance
comme a legalite politique, dans la tendance democratique en un mot.»
Et c est la verile. II dtait inevitable que les bornes de la consommation
lussent deplacöes, on les voit se reculer de plus en plus. L’etofle de soie
a trouve de plus nombreux emplois, eile a intime penetre dans la popu-
lation qui vit du salaire 1 . Le gout d une etoffe plus brillante n’est pas la
seule raison de la recherche qu’on en fait. Le lissu de soie a vetu si long-
«Co qui etoitluxe pour nos peres, a ob- et ce qui est luxe pour nous ne le sera pas
serve Melon, 1 auteur de 1 Essai politique sur pour nos neveux.»
le Commerce (173/1), esl a present commun,
189
SOIES ET SOIERIES.
temps ceux-la seuls qui 4taient nobles et riches, qu’en bien des contrdes un
sentiment ind^finissable contribue a en repandrc l’iisage.
Dans le memo temps, par la s'ecrete influence de ce mouvement insen -
sible, la mode a, par degres, eearte les etoffes fa ? onnees et brochees, et
deux evenemenls simultanes, le rencherissement des choses necessaires a
la vie et le fleau de la maladie des vers a soie, n’ont pas ete etrangers a la
preference donnee et mamtenue a l’etoffe de soie ume.
La ruine successive des educations en Enrope a fait la rarete et la cherte
de la matiere, mais 1’(Stoffe de soie avait des consommateurs nombreux et
tenaces, et Ton sait a quels expedients il fallut avoir recours pour les satis-
faire. La qualite fut affaiblie par l’emploi des soies d’Asie, par un in&ange
plus frequent de la soie avec les fils de schappe et dautres fiiaments, pai
la cbarge de la soie en teinture. Cette derniere pratique ne fut pas, dans
la geraffte des cas, un moyen indigne de probt, car eile avait perrnis
d’abaisser le prix du tissu; eile lut une vtSntable n^cessite, et d ny eut
pas de pays qui ne dut la subir.
La mode se tient ä l’uni depuis un temps d<Sjä relativement long; eile
n’en a pas moins suivi sa course rapide. Les idees cbangenl vite de nos
jours, et la mode fait de meine. Elle a pris, pour les formes et les orne-
ments du veternent, une instabile plus grande. La mode etant devenuo
encore moins durable et plus soudaine que par le passe, il s’en est suivi
qu’on a proportionne la qualite du tissu a la duree probable de son em-
ploi en veternent.
Cela s’etait vu deja a dautres epoques. Un ambassadeur de Vemse a la
cour de France, Marino Cavalli, disait, au xvi e siede, de ses compa-
trioles : «Leur travail est tout a fait du goiTt des Francais, c’est-a-dire
qu’ils font des etoffes qui ont peu de prix et encore moins de duree. C’est
justement ce qu’il faut aux Franjais, qui s’ennuieraient de porter le meme
habil trop longtemps.»
La mode n’est pas une crdation individuelle; eile dclot en quelque
sorte spontandnent; eile est, dans ses variations continuelles, comme li
mage du temps prdsent; eile en indique lesprit. Elle est 1 ceuvre de tous,
cbacun y donne sa retouche. Qu’on rapproche la toilette dil y a trenle
ans de celle d’aujourd’hui, et l’on verra que 1 une et 1 autre se rapportent
aux mceurs et aux habitudes du moment.
Ce n’est pas un fait isole : le principe de la mobilia des choses hu-
rnaines est dans la mobilitc des idees de l’intelligence humaine.
11 est singulier que ce soit le mouvement des idees en France qui se
transmette aux autres peuples, et que les idees de ceux-< i nexi icent pas
d’influence sur l’esprit francais. Montaigne l’avait observe : «J’excuserois
11)0
EX POSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
volontiere en nostre peuple, a-t-il dit, de n’avoir aulfre patron et regle
de perfection que ses propres moeurs et usaaces. ”
lei est bien le cas pour la mode. Ouand erles lormes mespnsees re-
viennent en credit», cest le plus souvent l’indice d un retour a des idees
qui ont eu deja leur jour, retour d’autant plus passager que la condition
de la societe est plus differente.
Letoffe umeest la plus propre aux facons diverses de la mode presente,
et 1 ornemenl qui y est ajoute, emprunte a la broderie ou a la passemente-
rie, ou bien forme par les dentelles ou la guipure, peut etre varie a l’in-
lim, suivant la fantaisie, la condition et la bourse de chacun. La faveur
acquise aux soieries unies parait donc fondee moins sur ce qu’on est con-
venu d appeler un caprice leger de la mode que sur une action extrinseque;
et, revenant a notre premiere remarque, nous dirons que c’est precise-
ment cette consommation enorme detoffes simples et unies qui marqiie
le caractere acluel, relativement nouveau, de I’mdustrie des soieries.
On comprend que, dans de telles circonstances, cette industrie ait paru.
a l’Exposition de Vienne, par rapport ä l’Exposition de Paris en 1867, ne
pas präsenter de ces perfections plus baules qui s’imposent a l’attention
publique. La comparaison avec les temps precedents avait laisse au public,
ä l’Exposition de 1867, une impression semblable, mais moins vive.
Plus d un observateur a empörte de Vienne la pensee que, malgre la
splendeur incomparable de l’exposition lyonnaise, II y avait comme une
sorte de langueur, sinon d affaiblissement. Et comme, dans ses jugements
si souvent irreflechis, le public ne garde guere la mesure, il a cru voir en
plus d’un point le deph-issement et la decadence. Telle n’est pas notre
opinion, et, si nous sommes plus ferme en ce Sentiment que quelques-uns
de nos collegues, chacun d’eux n en a pas moins juge avec une vue tres-
nette l’etat general des cboses, et chacun d’eux a atteste les progres ar-
complis.
L’Exposition etait sincere : eile montrait les fabriques avec leur carac-
teie piopre, leurs iorces, leurs fraits distinctifs, leurs ceuvresjournalieres,
eile n’exagerait pas ce qui en aurail pu rehausser l’eclat. Les «Stoffes qui
ont obtenu Tadmiration unanime avaient leur place naturelle dans le com -
merce, mais la fabrique de soieries brochees, a laquelle Part ajoute une
perfection nouvelle, restreinte comme eile Test par la mode et les liabi-
tudes du temps present, na pas eie et ne pouvait pas 4tre representee
par autant de merveilles quelle l’eüt ete autrefois.
La verite est qu une revolution s’est accomplie dans la manufacture des
etoffes de soie, que celles-ci onl, nous venons de Tindiquer, une surface
de consommation plus grande et qui selargjt toujours, et. si eiles ont con-
SÜIES ET SO IE Hl ES.
191
serve la faveur de leur ancienne clienleie. eiles l'orment le vetement de
personnes de condition meine fort modeste, eiles s’appliquent aussi ii des
vßtements dont la mode abrege l’usage. De la des voies nouvelles pour
l’industrie, et ces voies se sont ouvertes quand les obstades etaient les
plus grands : les belles matieres rares et cheres, les soies de l’Asie avec
leurs irregularites et leurs defauts, les ouvriers avec les incessantes et
äpres difficultes qu’amenent les questions de travail et de salaire. Cepen-
dant, partout, et en France avec plus d’^nergie qu’ailleurs, parce que la
conversion etait plus pressante, les progres se sont multiplies dans l’ou-
vraison, le clioix, la teinture et le lissage de la soie. D’autres progres ont
ete introduits dans la distribution du travail, dans l’organisation de la
fabrication, et des entreprises ont ete faites ;i cet effet dans diverses
directions.
II y a eu partout en Europe, depuis dix ans, ( Exposition le demonlre,
un progres general tres-reel. Mais, selon nous, ces progres ont laisse
les grands ]>ays producteurs de l’Europe ä peu pres dans la meine Situa -
tion relative qu’ils occupaient ä l’Exposition de 1867. L’examen des pro-
duits et l’etude des etats de douane conduisent a la meine conclusion. La
France a conserve la superiorit^; cela ne saurait 4tre conteste sans une
evidente injustice.
FRANCE.
L’epoque et le lieu du premier etablissement de la fabrique franjaise
de soieries sont encore bien mcertains. On tissait la soie, a la tin du
sin' siede, ä Avignon et a Marseille, qui faisaient alors partie, le premier
des Etats de l’Eglise, le second du royaume de Siede.
II y avait dans le meme temps, ä Paris, des mdiers sur lesquels on fai-
sait le velours; mais les premiers tissutiers parisiens paraissent n’avoir ete
que des « ouvriers de petite navette», c’est-ä-dire i|u’ils n’auraient fait que
des tissus etroits, des rubans. II est difficile de dire si la fabrication, a
Paris, des etolfes proprement dites, remonte ä la fin du xin' siede, au
commencement du xv“ ou aux premieres anndes du xvi° siede.
Quelques metiers etaient montes a Lyon au commencement du xv° siede.
Un Anthoine dtait maistre des tissus en 1/117. f reu te ans plus lard, un
autre Anthoine, Anthoine de Ghassaignes le Tissutier, avait un petit ale-
lier, et nous le suivons dans les Chartreaux de iimpot de i45o a 1/178
1 Antlioine de Chassaignes prenait, eu
1A65, ia qualite de mailre. 11 n’etait pas alors
le seid tissutier : il y avait, en 1A65 , un autre
mailre, Pierre, et un compagnon, le Gallois.
On comptait ä Lyon, en 1A67, deux maitres,
Anthoine de Chassaignes et Pierre, et deux
compagnons, Guillaume et Petit Jehan; en
1A69, deux maitres tissutiers, Anthoine de
192
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
II travaillait a Lyon plusieurs annees avant l’ordonnance que Louis \1
donna a Orleans le a3 novembre i A66, et par laquelle i) prescrivit l’eta-
blissement de Ja manufacture de Lyon.
L’exposition des etoffes de soie elait collective; eile a ete organisee.
formee et dirigee par la Chambre de commerce de Lyon, qui avait voulu
ne laisser absente aucune des branches de la manufacture. Soixante-treize
fabricants lyonnais, les fabricants de fülle et de passementerie compris,
avaient envoy^ les produils de leur fabrication habituelle; ils ont ete tous
recompensds, soit par le jury de l’industrie de la soie, soit par d’autres
jurys. Trois diplömes d’honneur, vingt-six medailles pour le progres, vingt-
neuf medailles pour le merile, une medaille pour le bon gout, quatorze
diplömes pour le merite, leur ont ete decernes.
Tont et de si hautes recompenses marquent-elles bien la Situation de la
fabrique lyonnaise par rapport aux fabriques rivales de l’Allemagne, de la
Suisse, de l’Angleterre et de l’Italie? Le nombre des medailles pour le
progres donne-t-il I expression juste des progres que nos manufactures ont
realises? Questions delicates que nous ne pouvons pas ne pas discuter.
Les Exposilions de 1862 et de 1867 ne sont pas si lointaines que nous
ne puissions pas avoir garde le Souvenir des produits que l’Allemagne, la
Suisse et les autres nations mirent sous nos yeux, et il n’est pas douteux
que leur exposition a A ienne a eu, sauf pour l’Angleterre, une tout autre
ampleur, et a fourni les preuves de plus d’habilete et de force. Le com -
merce, qui est le juge le plus sur, n’a-t-il pas fait entrer les soieries de
ces pays pour une plus forte part dans l’approvisionnement des popuia-
tions du globeP Les etats de douane le demontrent. Ainsi, les fabriques
rivales ont grandi, ont ameliore leurs procedes et Jeurs produits; le fait est
constant.
Mais nous Erangais, nous seuls aurions-nous faibli? Ces marches du
globe ou la concurrence s’exerce a decouvert, nos rivaux en ont-ils donc.
chasse nos soieries? Ils y ont partout le secours de leur commerce, plus
etendu et plus ardent que le nölre, et qui favorise avec un soin jaloux
leurs manufactures nationales. Aux elans de son exportation, on juge de la
force dune industrie: notre exportation a-t-elle decru? Arretons-nous aux
etapes naturelles que les epoques des Expositions nous fournissent. Nous
avons exporte pour 200 nnllions de francs en 1 855 (nous ne nous occu-
pons que des etolfes), pour 280 nnllions en 1862, pour 320 nnllions
en 1867 et pour 35o millions en 1872. Est-ce la un signc de faiblesse?
Cbassaijjnes et Estienne; deux compagnons
tissiitiers, Anserme Creslien et Peyrot; deux
mailres velutiers, Andre et Anliert, et trois
compagnons velutiers, Guillaume, Alybaud et
La rin.
SOIES ET SOIERIES.
I !).'!
Et quand, en 1872, nos fabriques produisaient de facon a ecarter telle -
ment les rivalitds längeres que la vente de cette immense quantite d’e-
loiTes fut possible, etions-nous dans une condition dcfortune favorable aux
travaux des manufactures? La France 4tait vaincue; eile etait epuistie par
la guerre; eile avait couru d’autres perils et portait le poids de lourds
impots qu’il a fallu augmenter encore. La France passait par toutes les
^preuves de la misere, alors que ses rivaux dans la carriere de l’industrie
avaient des jours prosperes et s’efforgaient a l’envi de prendre sa place sur
les marchtis du globe. N’est-ce pas d6ja un rare succes que d’avoir, en de
tels temps, conserve ä la fabrication son ancienne perfection, son an-
cienne grandeur? « Les malheurs fortifient;» nous l’avons 6prouve. Et au
lendemain de tant de desastres, combattant avec des armes desormais ine -
gales, la fabrique franfaise de soieries prenait encore une plus grande
avance sur la fabrique allemande. Dans les deux annees de 1868 et de
1869, l’Allemagne a exporte, en moyenne, par an, 2,422,740 kilo-
grammes, et la France 3,562,000 kilogrammes de tissus de soie. En
1871 et en 1872, l’exportation allemande a eld de 1,608,200 kilo -
grammes, et celle de la France de 3,980,000 kilogrammes. L’exportation
allemande a diminu6 de 34 p. 0/0, et l’exportation franjaise a augmente
de 12 p. 0/0.
Enfin, en reunissant tous les tissus de soie ((Stoffes, rubans, passemen-
terie), nous avons forme un tableau qui montre Fetendue et la direction
de notre exportation a trois ^poques.
DESTINATION.
Angleterre
Allemagne, Autriche, Belgique, Pays-Bas,
Russie, Suisse
Italie
Espagne et Portugal
Tnrquie, GrAce, Egypte, Etats barba-
resques
Etats-Unis d’Amerique
Autres Etats d’Ameriqiic
Autres pays
Totaux
18G1 et 1862.
138,690,000'
MOYENNE.
1866 et 1867.
229,980,000'
1871 et 1872.
135,54o,ooo'
97,260,000
26,290,000
22,010,000
7,860,000
26,53o,ooo
20,370,000
12,710,000
368,4oo,ooo f
78,610,000
26, 600,000
16,390,000
9,780,000
68/490,000
18,590,000
9,160,000
665,35o,ooo'
107,600,000
18,600,000
12,860,000
14,000,000
133,660,000
26,060,000
13,170,000
66o,65o,ooo'
ii.
19/« EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Un ehangement incessant s’opere dans les Elements de notre exporta-
tion; il est determine par la mode et par l’action de la concurrence Pran -
gere, Nous donnons ci-apres un lableau forme, pour quelques-unes des
etoffes unies, d’apres les rapports particuliors de ]a Commission perma -
nente des valeurs de douane.
Les etoffes de soie unies n ont pas toujours ete celles dont la consom-
mation etait la plus considerable; eiles le sont devenues de nos jours et
le sont aujourd’hui plus que jamais. Chaque pays producteur a, des lors, le
plus mtPet a les fabriquer avec avantage, et s’efforce avec le plus d’ardeur
a obtenir la superiorite pour le prix ou la qualite.
La fabncation des etoffes unies est donc devenue le pnncipal objet des
manufactures lyonnaises. On Pa entreprise avec beaucoup de resolution et
unc grande intelligence. 11 semblait que la perfection füt facile ä donner
a des etoffes de ce genre, et que ceux qui ont la machine, le charbon,
l’ouvrier a meilleur marcbp et pour lesquels Pimpot est leger, dussent
Pemporter sur nous. L’^veinement n’a pas justifie cette crainte.
Sans doute la fabrique lyonnaise n’a pas atteint pour tous les genres et
pour toutes les qualites au meme degre de superiorite; mais le domaine
qu eile exploite est assez large pour que toutes ses forces aient leur em-
ploi. La mode lui est venue en aide, eile s’est raffinee; eile n’est plus
toute dans la forme, eile est en meme temps dans la couleur. Elle veut
des colorations savantes, qui aient leur originalitt; propre, et leur diversite
S01ES ET SOIEIIIES. 195
successive rappelle l’ancienne inconstance dans les dessins. Le teinturier a
remplace le dessinateur; sa science a servi le fabricant avec le meme bon-
heur que le faisait jadis l’art du dessinateur.
Les etoffes brochdes ou fagonmies sont loin d’etre perdues pour la fa-
brique lyonnaise. On en fait certainement encore par an pour i 8 a ao mil-
lions; combien d’industries donl on cdlebre bruyamment la gloire et la
prosperile et dont l’importance et l’eclat sont de beaucoup moindres!
Mais, cornparee a ce qu’elle etait a dix-huil ans de distance, cette manu-
facture presente un grand amoindrissement. En t 856, on ne faisait pas
en France pour moins de ioo millions de ces etoffes, et l’on en exportail
pour plus de 72 millions.
Cette industrie se divise en deux branches : l’une, la fabrique des etoffes
pour robes; l’autre, cellc des dtoffes pour ameublements et pour orne-
ments d’eglise. Elles ont chacune, aujourd’hui, une importance a peu pres
egale, et Tune et Fautre ont garde leur ancienne Suprematie. La variete
n’a jamais dtd plus grande dans les Oeuvres de ces fabriques; eile s’explique
par l’absence d’un goüt predominant, qui marque en quelque sorte tous
les produits de son empreinte, par la recherche de consommateurs sur
tous les points du globe, et la necessite de tenir compte de destinations
dissemblables.
Ne voyons-nous pas, pour les robes, le fabricant creer, pour la societe
la plus raffinee, les dessins de Felegance la plus fi&re et du coloris le
plus fm, et tracer avec le meine pinceau, tantot ces petits motifs delicats
auxquels la repetition donne plus de charme et qu’arcepto facilement la
mode presente, tantot ces dispositions traditionnelles toujours aimees des
Orienlaux.
Pour les etoffes d’ameublement, la diversite esl plus grande encore. La
faveur se partage erilrc les dessins qu’inspire le grand style du temps
de Louis XIV ou le style sdduisant du riigne de Louis XVI, et ceux qui
rappellent l’art charmant de Finde ou de la Perse; mais FExposition a
inontr^ quelles merveilles nos fabricants savent produire en empruntant
leurs modeles soit a Faustere Moyen age, soit a la Renaissance italienne,
soit ä cet art conventionnel des Japonais si original, et meme en se faisant
cr^ateurs comme leurs celebres devanciers. L’industrie est moins large,
eile est aussi elevee.
La fabrique de Lyon a donc garde sa force; la seve y a la meme abon-
dance, l’outil le m4me ressort, et Fardeur ä s’instruire n’a pas plus faibli
que la fermete dans le travail.
La division dans le travail est certainement une des causes, la cause
principale meine, dit-on, de la superiorite acquise et maintenue ä Lyon.
i.'i.
1% EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Lu Allemagne, en Suisse, eil Italic, en Autriche, la meine fabrirjue
execute le plus souvcnl presque tous les genresde tissus.
A Lyon, chaque maison a un cercle d’action limite, et Ton concentrc
1 invention et lhabilete sur un objet determine. «Ce n’est qu’en rassem-
blant toute l’energie de notre esprit dans un foyer unique, en concentrant
tout notre etre en une seule force, que nous donnonsen quelque sorte des
ailes a cette force isolee, et que nous l’entrainons artificiellement bien au
delä des liinites que la nature semble lui avoir imposees.» A Lyon, la
force a pris des ailes, suivant l’image de Schiller.
Combien nous avons a Lyon d’exemples du plus grand pouvoir que la
concentration de l’intelligence a donne au fabricant et ä ses cooperateurs!
Quelques-uns de nos collegues nous ont fait part, plus d’une fois, de
leur surprisede voir se reveler ä eux, ä l’occasion de specialites dtroites ou
de produits presque ignores, des perfectionnements exprimant autant l’o-
piniatrete a la recherche que la penetration d’un esprit mieux aiguise par
un constant labeur.
La fabrique lyonnaise, nous l’avons dil plus baut, n’a pas dans toutes
les branches du travad la inemc babdete in le nieme succes. Ce n’est pas
a 1 Exposition qu’on a pu en juger, niaislc commerce en a fait I’experience.
Ce fait adinis, deux jugements peu equitables, a notre avis, doivent
etre relev^s; nous ne faisons que les indiquer iei.
D’une part, on a ete plus severe qu’il ne convient pour ces articles secon-
daires dont la production s’accroit si heureusement et dont le bon rnarche
elargit la demande : tissus pour fichus et cravates, gilets et doublures,
pour ombrelles, parapluies et gainerie, etc. Le prix en regle la qualite,
et un merite tres-reel se trouve quelquefois dans des etoifes communes qui
sortent d’une fabrique relativement petite. Notre collegue suisse, M. Bau-
mann-Zurrer, a consigne la meine remarque dans son rapport.
D’autre part, on a pense que, quand les produits doivent etre promp-
tement modifies par suite de changement dans la mode ou de preferences
de la grande consommation, le fabricant de Lyon le fait rnoins facilernent
que celui de Crefeld par exemple, et l’on a reprocbe a nos etoffes de prä -
senter, a prix egal, moins de perfection dans la fabncation et un aspect
plus rugueux. 11 faut reconnaitre que les fabricant» etrangers sont servis
par des ouvners beaucoup plus dociles, plus patients et moins cherement
payes; ils peuvent employer en tout temps, dans la fabrication, sans etre
arretds par la finesse du brin, les matieres qui leur sont le plus avanta-
geuses et qui rendent l’etoffe plus belle en apparence, mais souvent infe-
rieure en qualite. En fait, c’est pour nos manufacturiers une difliculte de
plus, qui n’est pas nouvelle et qu’un esprit d’invention, toujours en evei!,
SOLES ET SOIERIES.
107
peiit seul les aider ä surmonter. Dans plus d’un cas, nos fabricants, en
employant des matieres variees, conipensent avec succes la finesse par
l’epaisseur. Nos tissus ne sont pas inferieurs a ceux que fournit a la con-
sommation la fabrique etrangere, plus rapide dans ses transformations,
paree qu’eiles sont plus faciles; ils prennent un autre caracterc et ont meine
ete, dans les derniers temps, plus en harmonie avec la nature des coslumes
qui ont ete successivement en vogue.
Ce n’estpas tout. On nous prete plus d’un sujet d’inquielude : des pre-
ventions generales contre les soieries, fondees sur 1 affaibhssement de la
qualite, une [dus grande demande des eloffes de laine, la dirninution de
la consommation interieure, la necessite de recounr a la consignation a
l’etranger, les questions sociales plus menacantes en Trance, le combat
pour le salaire a toute heure pres d’etrc rouvert ä Lyon.
II nous en coute de resler ici dans les lirnites de notre tache, mais il le
laut, et nous devons laisser le soin de la reponse ä dautres, qui auront
d’ailleurs plus d’experience que nous. La tabrique francaise a passe au-
trefois par des epreuves semblables, plus dures meine, et son bistoire
abonde en exemples qui donnent confiance dans 1 avenir. Arretons-nous
toutefois un instant aux derniers presages.
Nous n’avons pu obtenir sur le taux de la fagon dans les manufactures
etrangeres des notions assez nettes pour etre comparables; nous en avons
appris assez pour savoir que le prix de la main-d oeuvre augmente par -
tout, que partout aussi Touvrier, en retenant le principe et en elevant le
taux du salaire, a des prctentions plus hautes et se rnontre resolu a les
soutenir.
Ce qu’on appelle les questions sociales, ce quiest le resultat des decla-
mations de tant d’esprits fanx ou pervers, cette agitation sourde ou
bruyante existe dans toute TEurope; eile n’a certes pas le plus d mtensite a
Lyon et dans les departements qui Tavoisinent. La societe mise en danger
saura se garder, comme eile s’esl gardee en d’aulres temps non moins cri-
tiques.
A ce propos, l’equite commande de rappeier que la fabrique franyaise
des soieries presente plus d’un exemple de la recherche spontanee et per-
sev^rante des moyens de concilier I’ordre et le travail a 1 atelier avec
Tamelioration morale, intellectuelle et materielle de louvrier.
Le progres de la condition generale des ouvriers depend du progres
de la condition des societes dont ils lont partie. Leur sort sameliore [>ar
les victoires de l’instruetion, de la science, de la liberte, de la richesse;
par celles aussi de la jiaix, de la religion, de la justice. Mais louvrier en
a-t-il lout le prolit? A quoi lui sert [ilus de liberte, plus de travail, un
198
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
plus haut salaire, plus de iacilites a s’instruire et a s’elever, s’il ue resiste
pas a 1 isoleraent et a la teotation? «Parini les ouvriers, a observe Aupus-
tin Cochin, le bien-elre materiel, la puissance politique, la libre disposi-
tion d eux-memes, l’instruction, l’abondance du travail, sont en propres;
la religion, la famille, lepargne, sont en peril.n C’est ainsi que nous
avons a la lois plus de prosperite et moins de securite. C’est a assurer ces
derniers biens (la religion, la laniille, l’epargne) que se sont appliques,
en organisant leurs usines, les fabricants qui s’interessent le plus ä leurs
ouvriers.
Ces organisations prevoyanles ont chacune un caractere dilfereiit: dies
sont bienlaisantes; a quelque type qu’elles appartiennent, dies seronl
fecondes.
Le Jury a ete unanime a le penser; il a voulu exprimer son Sentiment
en decernant le diplöme d’honneur ä deux niaisoiis de Lyon, aux petils-
fils de Claude-Joseph Bonnet et ä MM. Montessuy et Chomer, dont les
Etablissements de Jujurieux et de Benage sont des inoddes en ce genre.
La perfection de leur fabrication aurait a eile seule justifie cette dis-
tinetion.
La meine recompense, la premiere et la plus rare, a eie conferee a
MM. Schulz et Beraud, egalement de Lyon, pour une superiorite que tont
le monde a proclamee.
La manufacture de tissus et d’ouvrages de soie presente, d’apres l’opi-
nion la plus repandue, un chiffre de ventes de 660 millions au moins,
et, si nous ne considerons que les etoffes de soie, la production etait,
en 1872, de plus de 46o millions. La consommation Interieure en absor-
bait le quart, et l’exportation les trois quarts.
Ces estiniations sont certainement au-dessous de la realite. Elles sont
fondees principalement sur le poids des soies mises en oeuvre et sur des
donnees qui sont exclusivement propres ii la fabrique lyonnaise.
O11 n’assigne pas generalement une importance süffisante aux autres
nianufactures, a celles de Calais et de Saint-Pierre-les-Calais, de Paris,
de Nimes, de Jours, dAvignon, de Roubaix, a celles qui sont dans les
departements de l’Aisne, du Nord, de l’Oise, de la Somme, du Card et de
1 Uerault.
Cependant 011 fabrique des tissus de soie ä Tours et a Avignon pour
pres de 7 millions, ii Nimes pour 2 millions, et de la bonneterie de soie,
dans le Card et lHiirault, pour plus de i,5oo,ooo francs. La Chambre
de commerce de Calais a evalue la production des tulles de soie a Calais
et a Saint-Pierre-les-Calais a 2/1 millions pour l’anneo 1872. La fabrica -
tion de la passementerie de soie, pure 011 melangee, a ete estimee, pour
SOIES ET SOIERIES. 199
cetle derniere annee (187a), a 70 millions; eile consommait alors
4i5,ooo kilogrammes de soie et 826,000 kilogrammes de fantaisie.
On prete aussi peu d’attention aux matieres diverses qu’on radlange
avec la soie, el, dans l’etude qu’on fait de l’exportation, on ne tient compte
ni des etoffes que les voyageurs emportent avec eux dans leurs bagages, et
qui ne sont 1’objet d’aucune declaration, ni de celles qui, etant confec-
lionnees, sont classees coinme vetements, modes, parapluies, etc., ni de
celles enfin qui grossissent le chapitre des tissus de laine inelangee. La
seule exportation des vetements, des rnodes et des parapluies de soie, a
represente, en 1872, une valeur de 61 millions; une partie de ces objets
sont faits avec des tissus de soie.
Nous ne saurions decider si les chifTres de 700 millions pour i’ensemble
de l’industrie et de 5oo millions pour les manufactures detolFes sont
plus rapproches de la vente que ceux que nous avous mdiques plus baut.
Nous 11011s boruons a exprimer la probabilite du fait.
La production des tissus de soie de tonte sorte a ete estimee par Tolo-
san, intendant general du commerce, a i3o,8oo,ooo livres 1 pour l’an-
nee 1788, et par Chaptal a 107,560,000 Francs pour l’annee 1810. Ces
chifTres representent l’ensemble de la production; examinons quelle a ete
et quelle est la production particuliere de la fabrique lyonnaise.
La manufacture de draps d’or, d’argent et de soie occupait deja, cn
i553, «douze mille personnes de la vilien de Lyon 2 .
Une declaration des echevins, taitc en 1701, nous en fait connaitre
rimportance a une epoque de prosperite, a la fin du xvn‘ siede :
«Avant la diminution du commerce dans tout le Royaume et dans le
temps florissant des manufactures, il y avoit dans cette ville (de Lyon)
dix mille mestiers de soyerie. qui travailloient et laisoient subsister plus
de quatorze mille ouvriers ; il y avoit aussi huit mille mestiers de
galons, rubans et passemens. »
Le nombre des metiers s’esl lentemenl accru au xvui c siede.
1739. 1752. 1768. 1788.
Mailres 3,293
Metiers a la lire h,8-]h
Metiers pour l’uni el le Velours. 3,507
8,381
L augmentatiou a ete plus grancle dans le xix° siede. (Nous ne don-
Lessoieries propremeul ditesetaieat com])rises dans ce ctiitlVe de i3o,8uo,ooo livres pour
70 millions de tivres. — 2 Actes consulaires, RB. 7t).
3,038 4,202 »
5,202 5,499 1,282
4,iÖ2 5,5o8 8,o53
p,4o4 11,007 9,335
200 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
nons, comme ci-dessus, que le nonibre des metiers montes dans Lyon et
en activile.)
Meliere- 1810. 1815. 1822. 1834. 1846.
Poiir les unis // „ i ä ,5oo ) ’ / i4,3 9 5
Pour les fafonnes et les I I
brochds // * 5,968 16,689 ] i 0 ,333
Pour ie velours , „ „ goo ) ( 2 ,316
Pour la gaze, le crepe et
" " 2,490 556 407
1otAüx 9’9 30 i4,5oo 21,858 17,245 27,451
Mais, eliaque annee, dans les departements voisins, un plus grand
nombre de metiers battaient pour la fabrique lyonnaise, et les seuls me -
tiers de la ville ne donneraient qu’une idee insuffisante de la production.
Ainsi, en 18/10, 26,700 metiers etaient occupes dans Lyon, tandis que
la fabrique lyonnaise faisait travailler en tout 67,600 metiers, qui don-
naient pour aö3 millions de Francs de tissus.
PRODUCTION DE LA FABRIQUE DE LYON EN l84o b
, Mötiers.
Etofifes unies 25,700
EtoIFes brochdes 011 faconndes. 9 ,5oo
Velours unis 011 faeoruies .... 12,800
Peluches 1.600
Gazes, erdpes et tulles a,5oo
Etoflfes de soie mdlangde 5,4oo
1 OTAUX 57,500
Ouvriers.
35,000
16,5oo
21,000
2.200
7,5oo
7.200
89,400
Lette production se divise de la maniere suivante :
Valeur des etofles.
134,925,ooo f
43,68o,ooo
24,o68,5oo
8,370,000
19,o48,ooo
28,387,500
253,479,000'
Foulards ecrus ou imprimds
Crepes
Tulles unis ou damasses
Velours de soie pure ou avec tranie de coton. . .
Satins de soie pure ou avec tranie de coton. . . .
Taffetas et failles noirs
Talletas et failles de couleur
Autres tissus unis
Etolles fafonndes ou brochdes pour robes.... j
Ltolles faconndes ou brochdes pour anieuble- (
ment et pour ornements deglise )
Tissus de soie indlangde de coton, de laine, etc. . .
Totaux
En 1868.
45 millions.
9
7
25
96
22 0
1 2
7
397 millions.
En 1872.
5o millions,
8
14
3o
9 5
165
120
1 0
8
1 o
20
46o millions.
1 StalMque ,1c la France, pnbliee par le Ministre da Commerce. Industrie, vol. II.
201
SOIES ET SOIERIES.
Cette fabrication ahmente au moins de cent a cent dix mille metiers;
la Chambre de commerce de Lyon dit meme cent vingt mille, et eile es-
time a trenle mille le nombre de ceux qui battent dans la ville de Lyon L
Ces metiers occupent pres de cent quatre-vingt mille ouvriers et con-
somment plus de 53,200,000 kilogrammes de soie. Cinq a six mille sont
des metiers mdcaniques.
Onvoit, par quelques-uns des cbilTres qui precedent, que le Systeme
traditionnel de l’industrie lyonnaise est entame de deux cotes, parle tra-
vail dissemine dans les campagnes et par le travail agglomere autour de
moteurs mecaniques.
Oii y a-t-il une fabrique qui aitla meine puissance, un corps aussi ho -
mogene et aussi solide d’instilutions fondlies pour servir les interets et d<5ve-
lopper les progres de tont ordre, une communaute de 5oo industriels et
de 200 commercants et banquiers, aussi entreprenants, aussi courageux,
et dont les affaires, attestant la hardiesse, soient de pres dun milliard ?
Ou trouver un pareil faisceau de travailleurs rompus aux difficultes du
melier, mecaniciens, dessinateurs, metteurs en carte, teinturiers, ourdis-
seuses, tisseurs, appreteurs, etc.? Que de merites, et Ion peut dire aussi
que de dtivouements obscurs! Que d’experience, d’habilete, de reflexion,
de volonte, de constance, d’abnegation meme, cliez tous ces homrnes, de-
puis le fabricant jusqu’au dernier compagnon ! Souvent aussi que de sacri-
fices et de pertes!
La perfection, comme la science, n’est que relative, et il ny a pas de
bmite a la puissance de l’effort. Cette populalion la prouve, et Ion peut
attendre d’elle quelle ne laisse pas echapper, mais qu’elle fasse plus haute
une superiorite si disput^e et si necessaire.
ALLEM AG1NE.
L’Allemagne est une rivale redoutable, et notre Suprematie presente ne
doit pas nous faire negligcr de suivre avec attention ses entreprises et ses
progres; ils sont de nature ii inspirer des inquietudes, et il est ais4 de le
demontrer.
Dans la periode quinquennale de 1863 ä 1867, la France a exporte,
en moyenne, par an 2 , 3,4/i3,5oo kilogrammes de tissus de soie pure ou
melangee, et l’Allemagne 1,376,800 kilogrammes 3 ; dans la periode
1 Dans un recensenienl fait en 1866, on a
compte dans la ville de Lyon 33,i43 metiers,
dont 20,1197 a la Ooix-Rousse.
2 Commerce special.
■’ Les quantites de tissus de soie qui sont
portees sur les etats de douane de rAllemagne
sont des poids bruts; la Direction generale des
douanes allemandes estime la tare pour ces
etofles ä 22 p. 0/0, en moyenne. Les poids que
nous avons dnnnes sont les poids nels.
•202 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
quinquennale de 1868 4 1872, la France en a exportd 3,866,700 kilo-
grammes, et lAUemagne i,q23,5oo kilogrammes. Ainsi, l’accroissement
a 6te de 12 p. 0/0 pour la France et de 4o p. 0/0 pour l’AHemagne.
Ce resultat na rien qui surprenne des ohservateurs sagaces, rien non
plus qui doive nous troubler. ßossuet jugeait bien de l’homme quand il
s ecriait : «Les mauvais succes sont les seuls maitres qui peuvent nous
reprendre utdement.» Nos «mauvais succes« ont eu cet effet, ainsi que
nous lavons montre plus haut, de nous faire conquerir, sous l’aiguillon
de nos malheurs, une partie de 1 avance que l’Allemagne avait prise sur
nous.
La fabrique allemande est plus grande qu’on ne le pense en France.
On se fonde souvent, pour estimer sa grandeur, sur des faits anciens, et.
dans un temps ou toutes choses ont des transformations si rapides, ce qui
etait viai la veille lest raremenl le lendemain. L’industrie allemande,
comme le constatait en 1 844 un homme qui avait 4 la fois une rare droi-
ture de jugement et une experience acquise 4 la mcilleure ecole, M. Le -
gend , 1 Industrie allemande «se propose pour but de produire beaucoup
et a bon marche; eile vise plus 4 l’economie qu’au fini, qu a la qualite et
a l’elegance du produit.» Par suite de cette direction donnde 4 la fabri-
cation, laccroissement des forces productives est plus marque. «L’Alle -
magne, a dit encore M. Legentil, s’est approprie les agenls de production
les plus perfectionnes et les plus economiques.» En i844, le nombre des
metiers 4 tisser la soie dtait estimd a 2.6,000 pour l’Allemagne et 4
5o,ooo pour la France; il ne doit pas etre dloigne aujourd’hui de
68,000 pour la premiere et de 110,000 pour la seconde. L’Allemagne
compte 33o fabriques et produitpour 190 millions de francs (86 millions
de francs en etolfes, 66 millions en velours et 38 millions en rubans),
selon notre collegue M. Heimendahl. Le baron de Reden avait evalue, cn
18 44, celte production 4 90 millions.
L Industrie de la soie a le plus d importance dans les provinces rhönanes,
qui possedent 3oo 1 des 33o fabriques allemandes; et c’est dans la cir-
conscription de la Chambre de commerce de Crefeld qu’elle a le plus de
vigueur. Nous connaissons exactement sa marche dans cette circonscrip-
tion depuis cinq ans, grace aux statistiques qu’a publikes la Chambre de
commerce de Crefeld. Le nombre des metiers de velours et d’etoffes etait
de 31,485 en 1872, et, si nous ne sdparons pas les rubans des etolfes,
nous sommes en presence de 33,310 metiers, d’une consommation de
963,000 kilogrammes de soies, de scbappes et de fils de coton, et de
Le rlislricl de Crefeld compte i3o faliri- Lobbericli, Ducken, Elberfeld, Bannen, Co-
cauts; 3oo se Irouvent ä Gladbach, Viersen, logne, Mülheim, etc.
203
SOIES ET SOIEK1ES.
venles pour 96,500.000 Francs. (Fest une augmentation sur l’annee 1870
de 18 p. 0/0 pour les metiers, de 9 5 p. 0/0 pour les affaires el de
97 p. 0/0 pour les matieres *.
L’industrie allemande a toujours pratique avec resolution tous les
genres de fabrication. et il y a bien peu de nos articles qu’on ne trouve
executes en Allemagne d’une fagon qui denote une incontestable habdcte
manufacturiere. Mais, pour le dessin et la couleur, des que le fabricant
innove, il montre d’ordinaire une faiblesse qui surprendrait, si Fon ne
savait que les ecoles et les musees ne suffisent pas a former le gout public.
11 n’est pas vrai de dire d’une fagon absolue que les produits alletnands
sont inferieurs aux nölres : ils sont differcnts, et la qualite est en raison
du prix. Ils pdnetrent dans d’autrcs zones de consornmateurs.
Plusieurs etolfes de soie melangee sont estimees, et quelques soieries
unies (les failles et les taffetas noirs entre autres) sont assez rapprochees des
notrcs pour leur faire une concurrence tres-sensible. Quant aux velours,
ou, pour etre plus exact, aux sortes de velours qui ont pris le norn de
(’.refeld, leur principal foyer de production, la Prusse rhenane, a, d assez
vieille date, dans leur manul'acture, une rdputation qui ne saurait etre
contestce. Elle est au premier rang pour ces sortes, counne la France et
l’Angleterre le sont pour d’autres. Aussi eile y a porte une grande partie
de ses forces et y a apphque des ellorts tres-intelligents. En 18^9 , sui
31,485 metiers, Crefeld en a monte 19,114 en velours en pieces.et, sur
1,895 metiers de rubans, il en avait i,4io pour les rubans de velours.
Les tissus de soie pure ou melangee allemands sont, en general, d un
moindre prix que les nötres, et la recherche perseverante des moyens
d’abaissement <lu prix a amend le developpement en Allemagne de la
fabrication des etolfes de soie melangee.
L’exportation au commerce special de ces etolfes a ete, dans les deux
pays, dans la proportion suivante :
FltA.NCE.
1862 k 1866. 1867 k 1871.
Kilog.
Tissus de soie de tonte Sorte,. 3,672,000
Tissus de soie melangde 52,3,600
Kilog.
3,725,600
373,500
Proportion pour 100
10
ALLEMAGNE.
1862 h 1866. 1867 k 1871 2 .
Kilog.
1,666,800
658,600
Kilog.
i,gi5,3oo
856,900
66
65
1 En 1873, le nombre des metiers battants
a ete de 36,53 5; la quantite de matieres
consommees a etc de 863,265 kilogrammes,
et le chiffre des ventes de tissus de soie de
86,200,000 fraiics.
2 Nous nous sommes arrete a Tannee 1871,
attendu que nous n’avons pas eu la quantite
des tissus de soie melangee exportes d’Alle—
magne en 1873.
204 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
La Chambre de commerce de Crefeld a observe, dans le rapport quelle
ä publie en i8y3, que les fabriques allemandes gagnaient du terrain,
ttdune maniere sure et continue,» sur les marches de l’AIlemagne et de
J’Angleterre, qui ontpour dies le plus d’importance.
II est possible que cela soit. Cependant, en reunissant nos exportations
a destmation de l’Allemagne, de la ßelgique et de la Suisse, dont la ma -
jeure partie est certainement faite pourla consommation allemande, voici
les chiffres que Fon trouve pour les etoffes de soie unies, l’article prin-
cipal de notre exportation :
536,ooo kilog.
*^7° 646,ooo
1 ®7 1 584,ooo
l ^7 ü 695,000
1 ®7° 961,000
Le mouvement ascensionnel est bien marquE. S’il s’estarrete en 187/1,
ne faut-ilpas tenir compte de ce fait, que Fexportation des tissus de soie
allemands, qui avait EtE de 1,552,000 kilogrammes en 1872, n’a ete
que de 1,316,000 kilogrammes en 1873, et que cette diminution de
Fexportation a continue en 1874?
On a eu, en Allemagne, plus encore qu’en France, des hesitations pour
ce qui se rapporte a la concentration des metiers. Ce retard a sa raison
detre. La fabrique y a bien plus le caractere d’une industrie domestique;
eile est exercee a domicile dans des conditions assez etroites, ayant en plus
d un cas le bienfait, moral surtout, de Falternance avec le travail dans les
jardins ou les cliamps. La diversite des produits est inoins favorable a
1 emploi du metier mecanique. loutefois, il a ete etabli deja des usines
avec des metiers mEcaniques 1 , et ce moyen de perfectionnement et de dEve-
loppernent ne fera pas defaut a nos rivaux.
Une ecole sup^rieure de tissage a dte fond^e a Crefeld par la Chambre
de commerce de cette ville; eile avait trente-qualre eleves en 1873.
SUISSl!:.
Zürich est aujourdhui ce qu’il a dte au xin c et ensuite au xvi° siede:
le centie, ou plutot le foyer unique de la fabncation et du commerce des
tissus de soie en Suisse. Les Etablissements et les metiers sont dissEmines
dans le canton de Zürich et les cantons voisins, et Fon ne travaille que
En 187a, sept elabiissements de tissage a recruter pour ces ateliers des ouvriers, ceux ci
la mecanique etaient en activite a Crefeld; iis preferant leur vie independanle au travail
occupaienl 800 ouvriers. II est assez difllcile de dans l’usine, meine avec un salaire plus eleve.
SOIES ET SOIERIES.
205
pour les jnaisons clo Zürich Jans les cantons de Schwytz, de Zug et d’Un-
terwald.
11 est assez dilficile de savoir si les forces productives de la Suisse se
sont accrues, et dans quelle mesure. Notre collegue M. Baumann-Zurrer
incline ä penser que, dans les dernieres dix-huit annees, la production est
restee stationnaire, et que c’est depuis 1867 qu’il y a eu une legere
augmentätion. Nous avons de la peine a nous ranger a cette opinion.
Nous avons relev^, dans les tableaux du commerce exterieur de la
France, les quantit&s de soieries unies qui sont entrees en France pour
notre consommation et pour lc passage en transit, et nous avons obtenu
les resultats suivants:
En moyenne, par an.
De 1855 a 1860 ^79^7° kilo 8 T -
De 1861 a 1866 303,980
De 1867 ä 1873 1 4oi,i6o
L’accroissement est manifeste.
En arretant nos recherches a l’annee 1 867, et en faisant usage des etats
de douane suisses, nous avons des resultats qui ne sont pas moins signifi-
catifs:
EXPORTATION DE SUISSE.
1MPORTATION EN FRANCE.
COMMERCE SPECIAL.
TISSUS DE SOIE PURE Oü MELANGBE.
Poids brut.
Poids net' 2 .
COMMERCE GENERAL.
SOIERIES UNIES SEULEMENT.
Poids net declar^.
Kilogrammes. Kilogrammes.
1867 11 "
1868 11 *
18G9 3 « 'i
1870 845,5oo 660,000
1871 991,700 719,000
1879 954,55o 744,5oo
1878 1,154,900 900,800
Kilogrammes.
3a3,ooo
357,700
897,600
n
11
4a4,4oo
420,000
Enfin, l’exporlation des soieries suisses aux Etats-Unis 4 fournit un autre
element d’appreciation :
En moyenne, par an.
De i865 a 1868 i4,750,000 fr.
De 1869 a 1872 19,500,000
1 Nous n’avons pas tenu comptc des an -
nees 1 870 et 1 871, le transit ayant ete inter-
rompu pendant une partie de cbacune de ces
annees, ä raison de !a guerre.
2 Nous avons compte la tare ü 22 p. 0/0.
Elle a ete eslimee ä Lyon, pour les etoffes
de labrirpie lyonnaise, ä 28 p. n/o, ä la suite
de deux enquötes faites l’une en 1869 et l’autre
en 1872.
3 Avant l’annee 1870, les etoffes et les ru-
bans de soie etaient reunis dans les etats de
douane suisses.
1 D’apres les declarations faites an consulat
des Etats-Unis a Zürich.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
200
Ne nous laissons donc pas aller a des illusions. L’exportation de nos
voisins ies Suisses augmente, et nous n’avions pas besoin de preuves
fournies par les etats de douane pour l’apprendre. Nos commercants s'ar-
cordent a dire que la concurrence de la Suisse pour les soieries est de plus
en plus vive a l’etranger.
Ayant une consommation interieure tres-restreinte, ne travaillant en
r4alit6 que pour la consommation exterieure, s’attachant surtout aux de-
boucb^s et aux march6s les plus larges, la manufacture suisse est atteinte
d’ordinaire assez fortement par les crises commerciales qui ont des retours
pour ainsi dire pdriodiques. Par suite, il se produil de notables fluclua-
tions, et quelques chiflfres en donneront une id6e.
Le nombre de metiers battants etait de 25,2po en 1855, de 18,G65
en 1867, de 27,531 en 1871 et de 26,560 en 1872. On consommait
452,350 kilogrammes de soie en i855, 283,6/10 kilogrammes en 1867,
/175,62c kilogrammes en 1871 et 491,200 kilogrammes en 1872.
L’importation en France fournit des indications semblables. C’est ainsi
que 1’impoiTation (au commerce general) des soieries unies, qui etait de
3i 1,000 kilogrammes en 1856, est tomb6e a 220,000 kilogrammes en
1857 pour monter a 334,ooo en 185g, s’abaisser a 281,000 en 1861,
se relever h 44o,ooo en 1863, retomber ä 323,000 en 1867, et reve-
nir en 1873 a 425,000 kilogrammes comme en 1864.
Notre commerce ressent moins les crises exterieures; la vente a l’inte-
rieur en adoucit les secousses, et les consommateurs de belles qualit&s,
souffrant le moins d’une crise, reduisent le moins leurs demandes. 11 est
rare que le mouvement ascensionnel de la production soit arret6 longtemps
cbez nous.
On excelle a Crefeld a faire les velours, a Zürich a tisser les soieries le -
geres unies ou rayees; rnais, pour le reste, les etoffes lyonnaises servent de
modeles aux fabricants. Aucun essai, ancun sacrifice, aucun effort ne coute
4 ceux-ci pour se rapprocher des types que les acheteurs preferent. La
fabrication n’a plus de secrets, et l’on est arrive, a Zürich, a des imitations
adroites, heureusement encore inegales, de nos Stoffes meme les plus
epaisses, les plus reduites, du grain le mieux dessine, et de nos petites
armures d’un goüt si fin. Le commerce parisien, que les exigences de sa
clientele rcndent a son tour si difficile, a plus d’une fois jug6 ces tissus
avec assez de faveur pour les faire entrer dans ses assortiments. Nous ne
serions pas neanmoins 6loigne de penser que les progr&s n’ont pas ete les
plus grands en Suisse.
Les manufacturiers de Zürich ont cependant ameliore la fabrication qui
leur etait en quelque sorte speciale : ils efaient renommes pour les soie-
SOI ES ET SOIERIES.
207
ries legeres dont le bon niarehe fait le principal merile, et ils avaient plus
d’une fois compromis la vente par l’exces de la legerete du tissu. Le com -
merce exige aujourd’hui plus de rcgularite et une qualite meilleure; les
fabricants ont reussi a faire mieux et a un prix toujours fort modique.
Voici un
Zürich:
aperen des genres qui sont fabriques
1871,
par les maisons de
1872.
Marceline et lustrine apprdldes 46,851
Gros de Naples de couleur 14,980
Pou-de-soie de couleur 27,870
Faille de couleur 3,585
Gros du Rhin noir 75,114
Gros grain noir 15,655
Faille noire 8,233
Turquoise et reps de couleur 4,915
Turquoise et reps noirs 3,6gi
E tolfe pour parapluie 3,6 51
Rayd fond noir et grisaille 99,342
Raye de couleur 13,584
Satin de Chine, serges, petites armures, etc, 2o,34o
Total 267,261
45,i 65 pieces.
16,062
28,967
3,558
77,275
11,14q
7/472
5,63i
5,3oo
4,299
.82,963
17,314
23,449
278,604 piöces.
Tissus de soie et coton 14,885 20,387 pieces.
Tissus de soie et schappe.... 8,48o 9,821
La production des fabriques suisses de soieries peut etre estimee, pour
l’annee 1 872. ä 80 millions environ *, savoir :
| en Angleterre et au Canada 35 millions.
_ . I aux Ltats-Unis d’Ame'rique 91
Exportation < „
1 en fr rance 10
( pour les aulres pays et consommation intdrieure. 14
II a 4td fabrique par les maisons de Zürich : 930,000 pieces de tissus
de soie en 1855, 161,000 pieces en 1867 et 967,900 pieces en 1871.
L’industrie a gardd le meine caractere qu’en AHemagne; eile est restee,
en gendral, au foyer domestique. Le tissage est, dans beaucoup de loca-
lites, fait par les fernmes et associe d’une facon naturelle a la culture de
la terre, et d’une terre qui est souvent la propriete de l’ouvrier. Les meticrs
sont disseminds. Ce regime a trop d’avantages pour qu’on se soit efforce de
le conserver et qu’on passe par-dessus ses inconvenients. Toutefois, les
cboses et les idees ont cbange. Le nombre des fabricants diminue : il etait
1 M. Baumann-Znrrer a donm - ', dans son rapport, l’eslimation de 70 millions.
208
EXPOSITION UNIVERSELLE RE VIENNE.
de i/io environ en 1855 et de 11 3 en 1867, il n’etait plus que de 79
eil 1872. 927 metiers mecaniques battaient en 1871 et i,i5o (223 de
plus) en 1872. La population ouvriere n’a pas perdu ses principales qua-
litd, mais peut-on, en songeant a ses exigences, lui donner encore au-
jourd’hui, sans faire des reserves, les eloges qu’on faisait d’elle naguäre?
Les chefs de la fabrique d’Adlisweil, pres de Zürich, ont reussi, dans ces
temps troubles ä peu pres partout, ä faire regner l’harmonie dans leurs
ateliers et ä rendre la vie plus facile ä leurs ouvriers; l’estime mutuelle,
l’instruction et l’esprit de prdvoyance ont fait de ceux-ci de bons et de
fideles auxiliaires. Le Jury a ddcerne le diplöme d’honneur a la fabrique
d’Adlisweil, qui a dtabli 210 metiers mecaniques d’une construction nou-
velle et qui sont faits dans l’usine meine.
ANGLETERRE.
L’Angleterre se ddinteresse des expositions pour les produits de la
grande industrie, et il n’est plus possible de se rendre compte, d’apres
elles, deceque ses fabriques font et de cequ’elles pourraient faire. Jamais
peut-etre l’industrie de la soie n’avait 6t6 reprdentd d’une fagon aussi
incomplete, et, sans le temoignage des dats de douane, on aurait pense
qu’elle dait absolument eteinte.
L’Angleterre a de de bonne heure empressee ä l’introduire chez eile. On
a conservdle Souvenir de ceJobn Kemps qui apporta de Venise a Londres,
en i33i, des Stoffes de soie faites ä Yenise et des metiers ä tisser. A vrai
dire, la fabrique anglaise n’a montre quelque activite que deux siecles et
demi plus tard, sous le regne d’Elisabelh. Elle occupait, au temps de
Cromwell, de nombreux ouvriers, et prit un grand essor apres la revocation
del’^dit de Nantes.La prosperitd fut alors grande,mais courte. Les fabri-
cants obtinrent du Parlement la prohibition des soieries etrangeres, et
les ouvriers des tarifs de fafon. L’affaiblissement fut prompt; on a pu en
juger par les Stoffes qui furent presentdes ä l’Exposition de 1867 comme
faites ä Spitalfields, au xviif siede, «par les descendants des huguenots
fran^ais. n Huskison rendit, en 182/1, la vie a cette industrie par le rappel
des lois restrictives : en dix anndes, le nombre des metiers fut triple et
celui des broches quadruplA
La manufacture anglaise retrouva l’ancienne prosperitd; eile donna
l’Europe par les ddveloppements et les progres inattendus qui marquerent
une periode assez longue et deja eloigmie de nous. Elle a soutenu depuis
lors ses progres, eile a meme pris a differentes ^poques comme une
vigueur nouvelle, et sa production s’est accrue. Mais, quoique ce fut ä
Manchester, la ville energique et puissante, l’ardeur s’est ralentie et le mou-
SOI ES ET SOIERIES.
209
vement s’est arrete. Les Anglais ont fait le compte du prix de leurs efforts
et du produit a en obtenir, et ils paraissent avoir compris que le plus sage
etait de laisser a la France, ä la Suisse et ä 1’AlIemagne les fabrications
dans lesquelles on excelle dans ces pays.
Aux premieres Expositions, l’Angleterre avait presentG des etoffes dont
l’execution montrait une Science technique avancee, et dont les imper-
fections paraissaient surtout dans le dessin ou la couleur. Aux Expositions
plus recenteS, l’absence d’etoffes de ce genre etait remarqude; mais l’An-
gleterre y avait apportG les articles qui sont pour eile ce que le velours
facon de Crefeld et l’Gtoffe lagere unie ou rayee sont pour l’Allemagne et
la Suisse. C’etaient principalement les nioires antiques, les crepes et les
velours dun genre tout a fait special, les Stoffes pour cravate d’homme, les
popelines irlandaises et Gcossaises, et surtout les tissus de foulard, faijon-
nes ou imprimes, d’une qualite particuliere. Ces articles, dans Textention
desquels l’Angleterre reste rigoureusement fklele aux types primitifs, n’ont
pas de concurrence, ou plutöt ne rencontrent qu’une concurrence assez
etroite, et c’est probablement parce que l’imitation en est peu commune a
1’Pranger'. II est ä remarquer du reste que, quoiqu’il n’y ait guere d’e-
chantillon qui ne trahisse le secret du montage ou de l’appret du tissu,
quoique toute Stoffe puisse etre faite partout, chaque pays n’excelle vrai-
inent que dans les fabriques oü il a une concentration permanente de ses
forces et de ses efforts.
Reduite k un certain nombre de tissus, la manufacture anglaise n’est
pas aussi amoindrie que beaucoup de gens inclinent ä le penser; eile a
une assez large surface. M. Arles-Dufour a estime le nombre des metiers
a tisser la soie (pour les etoffes et les rubans) : ä 5o,ooo en i83o, a
100,000 en i85o, ä 110,000 en 1855 et ä ibo,ooo en 1861. Les
1 5o,000 metiers de 1861 auraient consomme, suivant lui, 2,ii3,oooki-
logrammes de soie; la quantite exacte 4tait de 1,870,000 kilogrammes.
En 1872, la consommation de soie c^tait abaissee a i,4qo,ooo kilo -
grammes, et, d’apres la base adoptee par M. Arles-Dufour, le nombre
aurait ete reduit a 100,000. Le nombre des metiers nous parait avoir 4te
exager^, et nous pensons qu’il etait au plus de 76,000 en 1861, et qu’il
n’etait que de Go,000 a 65,000 en 1872. II s’agit, nous le repGtons, des
metiers des fabriques d’etoffes et de rubans.
En nous tenant sur le terrain des cerfitudes, nous constaterons que le
mouvement de l’exportation des soieries anglaises a suivi, de 18G0 a
' On fabrique ä Lyon , depnis quelque l’objet d’irnc vpnle reguliere sur te marche
temps, te crepe fayon d’Anglelerre, avec assez anglais.
de succes pour que le crepe fail ä Lyon soil
210 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
1869, 11 ne marche decroissante; inais il est survenu, a partir de 1870,
une augmentation de l’exportation. Des soieries francaises ont, par suite
de declarations ine.xactes, grossi les chiffres du commerce special anglais;
loulefois la production n’a pas pu ne pas etre plus grande, puisque la
consornmation de soie s’est accrue :
KXPORTATION
DK TISSUS DK SOIE PURE OU MELANGEE
(aulres que les rubans),
declares de manufacture anglaise.
CONSOM MATION
DE SOIES
greges et moulinees.
De 1862 ä i864
De 1860 a 1867
De 1868 h 1870
En 1871 et 1872
31,5.82,000 fraiics.
29,098,000
28,622,000
48,272,000
1,875,650 kilog.
i,5oo,ioo
1,3/17,300
1,705,700
L’augmentation de la fabrication anglaise, qui a et(5 tres-marquee de
1870 ä 1872, a ete probablement un fait accidentel, determine par les
evenemenls survenus en 1870 et cn 1871. Quoique les soieries etrangeres
qm sont importees et consommees en Angleterre soient, comme nous l’a-
vons e\pliqu6, differentes en general des produits des manufactures bri-
tanniques, cette importation, donl .l’augmentation a ete enorme depuis
douze ans, fait peut-etre filus que de contcmr la fabrique anglaise dans les
limites quelle s’est donnees; il semble quelle modifie peu a peu les ha-
bitudes de la consommation, et cela au probt des tissus etrangers.
L importation etait de 87 millions en 1809 et de 220 millions cn
1869 : eile a quintuple en dix ans.
Voici du roste la marche de l’importalion :
IMPORTATION EN ANGLETERRE
DE TISSUS DE SOIE
(aulros que les rubans)
de fabrique Prangere.
ACCROISSEM ENT
PAR PERIODE QUATRIENNALE.
Proportion pour 100.
De 1858 a 1861 5o,58G,ooo francs.
De 1862 a 1865 13i,925,000
De 1866 a 1869 179,50/1,000
De 1870 a 1873 215,677,000
//
l6l
44
1/1
On a cherche a donner a 1 Industrie de la soic l’organisatiou qui avait
reussi dans d’aulres Industries: l’etablissement cn etait plus facile que sur
le continent. Les espdrances ont eie degues. Toutefois, es grandes usines
avec metiers mecaniques deviennent peu a peu plus nombreuses, mais le
metier a la main et le truvail isole n’ont pas eie abandonnes. On assure
que les metiers mecaniques ne reprdsentent, dans le Lancasbire, que le
tiers, et, danstout le royaume, que le cinquieme du nombre des metiers.
SOI ES ET SOIEIil ES.
On a compte 13,378 metiers mecaniques lors du recensement de 1870;
il y aurait donc eu 4q,5oo metiers ä la main.
La plus grande partie de ces derniers sont dissemines dans les cam-
pagnes. Naguere l’ouvrier ne possedait que le bati du metier; aujourd’hui
le metier tout garni lui appartient le plus souvent;mais, quand ce imitier
est mont^ pour le tissage d’etoffes broch^es ou faconn^es, la mecanique a
armure ou a la Jacquard est livree generalement par le fabricant.
Ce sont d’ordinaires les femmes qui conduisent les metiers mecaniques
et qui tissent ä la main.
II nous reste a donner la statistique officielle de la partie de l’industrie
de la soie qui est exerc^e dans des usines munies de moteurs; cetle statis -
tique confirme nos prdcedentes remarques. Nous regrettons quelle s’arrete
a 1870, puisque c’est ä partir de cette ann^e qu’on a observ^ l’accroisse-
ment dont la permanence ne nous parait pas certaine.
DläSIGNATION.
Total des etablissements (fac-
tories)
Etablissements de filature et
de moulinage
Etablissements de tissage.. .
Etablissements de filature,
moulinage et tissage et
autres
Braches de filatures et de
doublage
Mdtiers ä tisser mecaniques.
Force ( Vapeur (chev*)..
motrice.. j Eau (chevaux).
1 Hommes
Ouvriers. {
( femmes
1 850.
977
1 97
4o
4 0
i,aa5,56o
6,09a
a.858
853
12,667
29,877
1 856.
4 60
a55
1 29
76
1,098,799
9,260
4, 36o
816
16,899
39,288
1861.
77 1
3/19
4 a3
99
1,338,544
10,709
6,186
864
15,53o
36,801
1868.
591
196
316
79
1,159,706
10,625
5.897
649
12,177
28,709
1870.
696
3go
.79
t,i3o,44 1
1 2,378
7 ,6o4
985
13,987
34,i37
II y avait dans le Lancasbire :
En 1861 4,901 mdtiers mdcaniuues.
En 1868 4,191
En 1870 5,989
AUTRICHE.
L’exposilion autrichienne, tout au contraire de l’exposition anglaise,
faisait concevoir de l’industrie de l’Autriche une opinion plus haute que
feile qui resulte de l’etude des faits. Les exposants etaient nombreux; d’a-
bondanles collections d’etoffes oceupaient un vaste espace; la diversite des
14 .
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
•21 2
procluüs conimandait egalement 1’aUention, et une fabrique de Vienne,
celle de MM. Philippe II aas et bis, dont le chef etait membre du Jury, avait
donn^ a son exposilion une ampleur et une richesse tout ä fait inatten-
dues. Les tissus etaient, en general, dignes de cetle mise en scene fort
habile, et nous ne sommes pas le seid qui ayons ete surpris du contraste
que presentait laperfection qu’on remarquait dans plus d’un cas avec l’etat
stationnaire de ces fabriques.
Deux de nos collegues, qui comptent parmi les premiers fabricants de
Vienne, M. Otto de Hornbostel et M. Franz Bujatti, ont estime la produc-
tion des soieries, le premier a 28 millions de francs, le second de 35 a
4o millions. Tous les deux se sont accordes sur le nombre des metiers:
6,5oo environ a bras et 200 a la m^canique. Ces metiers consomment
environ 200,000 kilogrammes de soies, de schappes et de fds de coton.
Le baron de Reden avait 4value la production autrichienne d’etoffes et de
rubans a 3o millions de francs pour l’annee 1844; eile ne doit pas 4lre
eloignee a present de 5o millions. L’augmentation est notable.
Le Systeme de la grande manufaclure a prevalu en Autriche. Pour les
soieries, sur 6,500 metiers, un millier seulement se trouvent chez des
maiti’es ouvriers. Les autres sont reunis dans des usines, qui ont ete etablies
d’abord dans les faubourgs de Vienne. Les loyers et les salaires s’etant
elevtis, les fabriques ont dte successivement montees dans les provinces
septenlrionales, ob le prix de la main-d’oeuvre est relativement modtir^.
Le salaire moyen d’un ouvrier est de 2 3 francs par semaine a Vienne et
de i4 francs en province. 11 etait bien plus modique, il y a quelques
ann^es: la hausse a ete de 10 p. 0/0 de 1866 a 1869 et de 3o p. 0/0 de
18 61) a 18 7 3.
DfiSIGNATION.
Satin pure soie
Satin, chaine soie, tramecoton.
Gros (TAfrique, chaine soie,
trame coton
Gaze unie pure soie
Gaze clamassee, chaine soie,
trame coton
PRIX DE FAgON
DU METltE.
D1FFERENCE
A I/AVANTACE
DU FABRICAxNT
RAPPORT
DU PRIX DE FACON
AU PRIX DE TENTE DK I/ETOFFE
rdpresenl^ par 100.
EN FRANCE
(ä la A
Campagne).
o r l\o
0 60
o 70
1 o5
1 ^10
o f 38
o 5 9
0 65
0 97
1 3 6
au tri cliien.
5 p. 1 00
EN FRANCE.
1 5 r 7
18 5
a3 3
\\
39
iU
iS 5
2 2 5
32
HB
SOI ES ET SOIERIES. 213
On se rendra uiieux compte, d’apres le tableauqui precede, de la dif-
ference qui exisle dans le laux de la facon entre la France et rAutriche
(juin 1873).
Le manufacturier autrichicn fabrique donc ses blödes sur des metiers
qui sont sa propriete et dans de grands ateliers, et execute presque tous
les genres d’etoffe. II est vrai de dire qu’il est obligö d’agir de la sorte. Ge
personnel de maitres ouvricrs, laborieux et experimentes, possesseurs de
metiers, qui existe en France, en Allemagne et en Suisse, uianque en
Au triebe.
L’exportation n’y est pas sans importance, niais eile est stationnairc.
De 18(5A ä 18Gü 18,100,000 fr.
De 1867 a 1869 24,54o,ooo
De 1870 a 1872 23,85o,ooo
L’imporlation des soieries etrangeres a rapidement augmente : de
16,860,000 francs en 1862, eile a passe a 7/1,6/10,000 francs en 1872.
De 180A ä 1866 14,36o,ooo fr.
De 1867 a 1869 41,390,000
De 1870 4 1872 6o,45o,ooo
La consomuiation s’est-elle accrue autant que l’importation, ou bien les
lissus etrangers ont-ils pris la place de tissus autrichiens? liest dilficilo de
le savoir.
Quoi qu’il en soit, le marche est etroit, et Fon comprend que le fa-
bricant ne neglige aucune occasion de vente et se niette en mesure de
satisfaire par lui-meme, sinon ä tous les besoins de sa clientele, du
moins aux principaux.
Aussi tel fabricant fait-il en meine ternps les etoffes pour robes, pour
lichus et pour meubles; tel autre les velours, les faillcs et les salius;
d’autres les articles aux couleurs tranchees pour les paysans, et les etoffes
pour parapluies et pour vetements de feinnie.
Un des exposants autrichiens a obtenu le diplome d’honneur; les fils de
Frangois Reichert ont du cette reconqiense a leur sollicitude pour l’ins-
truction et le bien-etre de leurs ouvriers, et en particulier a la fondation
et a l’entretien ä leurs frais d’ecoles oii l’enseignement primaire est associe
a l’enseignemcnt professionnel. Les eleves ne sont adrnis dans les ateliers
que quand ils sont devenus des ouvriers instruits et bien prepares. Toute
la fabrique autrichienne profite de cette institution.
Les etoffes unics (taffetas, faillcs, gros grain, velours) exposees par
les fils de Francois Reichert etaienl sans contredit, conime choix de mii-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
21A
tieres, tissage, teinture, les meilleures de l’exposition autrichienne, et
soutenaient la comparaison avec les etoffes lyonnaises.
II nous restc ä parier des etoffes pour ameublement; eiles etaient tres-
remarqu ables.
La grandeur et la beaute de l’exposilion de MM. Philippe Haas et
fds laissaient dans l’esprit une impression qui en rendait l’appr^ciation
difficile; nous essayerons cependant de porter sur eile un jugernent
impartial. Cette splendide exposition a et4, suivant nous, trop vantee
par les uns et trop decride par les autres. Elle denotait une exp^rience
consommee de la decoration interieure et une souplesse peu commune
dans l’execution. L’art de l’Orient est l’objet de la predilection de cette
maison, et les etoffes dont l’ornement a ete inspire par le ressouvenir des
oeuvres byzantines, indoues ou persanes, ou par le gout actuel des peuples
de l’Orient, justifient leur reputation. Nous n’avons pas trouve la meine
habilete pour le dessin ou la couleur dans les tissus qui rappelaient l’art
de l’Occident.
Nous preferons les etoffes de Lyon. Nos etoffes, a quelque style qu’elles
se rattachent, ont une originalite propre : elles portent l’empreinte du
gout personnel de leurs autcurs; elles ne sont pas des reproductions
tideles et un peu froides d’ceuvres d’ouvriers disparus, qui ont travaill^
pour des goüts et des interieurs differents des notres. Aussi nos etoffes
ont-elles un caract^re different; elles ont nous ne savons quoi de plus
saisissant et de plus s«iduisant.
Quelles Stoffes comparer avec les riches lampas satin et velours, les
velours ciseles de MM. Mathevon et Bouvard, chefs-d’ceuvre de fabri—
calion, dessimis, ceux-la dans le style Louis XIII, ceux-ci dans le style
Louis XVI, avec un crayon si fier et si sur? Quelles autres opposer aux
tentures de MM. Tassinari et Chatel, ä la tissure savante, faites avec un
si vif sentiment de l’elegance dans le gout de l’ancienne Italie ou de l’Asie?
MM. Philippe Haas et fils ont obtenu a l’Exposition un grand succes et
le meritaient. 11 faut rapporter une partie de ce succes au Musee d’art et
d’industrie de Vienne. Cette fondation deja cMebre a exerce l’influence la
plus heureuse sur l’industrie de l’Autriche, parses collections, ses modeles,
ses lefons et les eleves qu’elle a formes.
Ainsi, voila des fabricants instruits, experimentes et inteiligents, en-
tourds de cooperateurs dont l’habilete ne peut etre mise en doute; voila
unepopulation, mi-partie occidentale, qui a, plus qu’aucune autre peut-
etre, le gout des raffinements de la toilette et du luxe interieur, mi-partie
orientale, qui a conserve l’usage des riches etoffes aimees des Asiatiques;
voila une consommalion qui s’accroit saus cesse; et, pur nous ne savons
SOI ES ET SOIEI1IES.
215
quelle falalite, cette fabrique si bien douee, ce commerce si bcureusement
assis au centre de l’Europe et aux porlcs de l’Orient, out progrcsse si peu .
par rapport au mouvement general, qu’il semble vraiment qu’ibs soient
restes immobiles!
I TAL IE.
L’ltalie occupe une grande place dans Fhistoire de la fabrication des
doffesde soie; cette fabrication a de pour eile, au xiv°, au xv e et au xvi° sie -
de, une source de richesses et de gioire. Les manufactures de Palermo,
deLucques, de Venise,de Gtlnes et de Florence seront äjamais fameuscs.
Fette industrie a 616 perdue.
Le genie qu’une population deploie dans un art n’est pas inne, fjnoi
qu’on ait dit; il n’est propre ni a la race ni au sol; il est le fruit du travail.
A son aurore, au xv e siede, la fabrique lyonnaise a etd formee a la kitte:
eile avait alors, aupres d’elle, un ennerni puissant, le commerce italien, si
ambitieux et si actif. La lutte n’a jamais cesse, die nous a donne la force.
L’ltalie s’est efforcee 5 plusieurs reprises de relever ses fabriques, et a
apporte, depuis quelques annees, plus de vigueur a cette entreprise. (Test
ä Lome que les efforts ont ete les plus grands et qu’ils ont produit les
meilleurs rdultats. Les progres accomplis depuis l’Exposition de 1867
sont-ils aussi considerables dans l’ensemble que nous l’avons entendu
assurer? Nous n’en sommes pas convaincu. 11 en a de fait, cela est certain,
et c’est Fessentiel; avec de la persderance et de l’energie, on marchera
plus vite et Fon ira plus loin, il faut s’y attendre.
Les doffes italiennes sont assez difliciles a juger. Elles sont, en general,
de belle matiere et sont plus regulieres que naguere. La main de l’cu-
vrier est plus adroite, sinon tres-soigneuse. En plus d’un cas, les dolles
n’ont pas loutes les qualitd que le type comporte, et nous n’avons pas
trouv^ (il dait peu facile d’etre renseigne sur ce point) qu eiles eussenl
l’avantage du bon marche. Des tissus legers sont habilement executes.
La consommation intdieure absorbe une partie de la production; le
reste est exporte en Autriche, en Allcmagne, en Amdique, en Egypte. Le
marche de Vienne est tres-frequente par les Italiens.
L’augmentation de Fexportation est notable :
KXPOKTATION DE TISSUS DE SOIE DE FABRIQUE ITALIENNE
Kn moyenne, par an.
De 186-2 il 1866 A,588,000 lire.
De 181)5 li 18(17 A, 199,000
De 1868111870 8.3aa,ooo
De 1871 ;i 187:! ai,a 18,000
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
21 (»
L’Italie n’a pas de fabrication qui lui soit toot a f'ait propre; on y aborde
tous les genres, surtout dans ies qualites courantes, et le me me fabricant
fait des etoffes tres-diverses.
Le baron de Reden attribuait en 18/11 a la Lombardie 5,000 melicrs,
1 i,5oo ouvriers et une production de 15,600,000 Francs; les provinces
lombardes ont aujourd’hui 7,000 mdiers. Mais la fabrique s’est deplacee,
eile s’est concentree ä Come.
Come avait dGja, au xiv" siede, des metiers ä tisser la soie; il vit, en
1 554, lapremide manufacture s’elever dans ses murs; les developpemenfs
de cette industrie furent longtemps bien lents. Le baron de Reden trouva 4
Come, en i84i, 2,000 metiers, 5,000 ouvriers et une fabrication d’une
valeur de 6 millions. 11 y aurait eu a cette epoque, d’apres notre col-
legue M. P. Pinchetti, a,5oo metiers environ. Peu importe. Vingt ans
apres, en 1861, on comptait 5,ooo metiers, et enfin Come en a maintenant
G,5oo avec 10,000 ouvriers, etproduit pour 18 millions de Francs environ.
C’est le seul point de l’Ilaiie ou l’on puisse constater des progres dignes
d’attention.
En 1872, l’Italie posseduit en tout 12,000 a 1/1,000 metiers: 7,500
dans la Lombardie, 2,5oo dans le Piemont et 3,000 dans la Venetie et
les provinces centrales et meridionales. Ces metiers occupaient un peu
plus de 20,000 ouvriers, et la production totale etait estimee a 35 mil -
lions de francs.
11 n’y a pas de grandes usines. La province de Come a, dans quelques
petiles fabriques, des metiers mecaniques qui ont ete etablis recemment
et qui ont de construits a Rüti, pres de Zürich.
Les metiers sont, pour la plupart, a la Campagne, et les ouvriers ga-
gnaient, en 1872, de 2 a 4 francs par jour.
Des Gcoles pour l’industrie de la soie sont ouvertes a Milan et a Come,
celle de Come a ete fondee par la Chambre de commerce. Dans les ecoles
d’arts et metiers de Riella et de Chiavari, une division a de consacree au
tissage. Les fabricants italiens se sont montrd, dans l’enquete de 1872-
1873, convaincus de la necessitede cet enseignement special.
RU8S1E.
Ouatre Expositions universelles se sont succede depuis la premiere.
La Russie ne s’est montrde dans aucune d’elles avec le meine eelat et la
meine largeur qu’en 1851. Dans l’intervalle de Tune a l’autre, les progres
avaient mdne de peu apparents, et c’cst depuis l’Exposition de 1867
qu’ils sont le plus marques. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les
soieries russes ont le bdidice d’une forte protection, et il cst toujours
SU1ES ET SOIElllES.
217
diüicile de juger du degre de soliditd d’une industrie que les lois de
douane rendent ä peu pres maitresse des marches du pays, et que la con-
currence etrangere ecarte de ceux de l’exterieur. La fabrique de Moscou
nous interesse n^anmoins; eile est pour nous une rivale en Russie meine,
et celte rivale n’est pas sans valeur.
Les failles, les taffetas,les satins, en ont fourni la preuve; plusieurs de
ces etoffes etaient vraiment belles. L’habilete technique est moindre dans
les tissus destinO a une consommation plus courante, notarament dans
ceux qui sont rayO ou quadrilles et legers; mais c’est beaucoup ijuc d’en
etre venu a faire assez bien ces articles pour que, le droit de douane ai-
dant, ils remplacent les soieries etrangeres. 11s prennent surtout la place
d’eloffes de fabrique allemande ou suisse. Ln demande des notres reste a
peu pres la meme. Notre attention s’est arret^e sur des satins double face
rayes (les rayures ont plu de tout temps aux peuples de l’Asie centrale) et
sur des soieries broch^es, souples, serr^es et ornees de palniettes.
Les draps d’or et d’argent et les etoffes brocbees pour ameublements
n’ont pas tous garde le meme caractere; on trouve dans cette direction les
marques d’efforts qui n’ont pas et«i sans hardiesse.
Les toiles d’or, les draps d’or ou d’argent , ras, frises ou broches, dil-
ferent peu de ceux d’origine byzantine ou italienne qui avaicnt cours au
Moyen äge et a la Renaissance.
On ne trouve chez aucun peuple d’aussi somptueuses etoffes pour les
vetements ecclesiastiques. La Russie, qui a eu, meine aux premiers ages
de son histoire, des liens etroits avec les Grccs, qui s’est approprie leur
culte, leurs pompes religieuses el leurs costurnes sacerdotaux, a recu aussi
de Ryzance des ouvriers, des metiers et des traditions dans l’ordre tech -
nique. Moscou a gardii fidelement dans la suite des temps cet heritage du
vieil ernpire grec, et a montre plus d’une fois, en i85i surtout, ä l’Oc-
cident surpris des tissus marques au coin de l’art byzantin le plus pur. Le
fabricant obeit pour le dessin a une regle severe, et l’antiquite de la forme
n’est pas la moindre originalite. La Russie entretient cette fabrication se-
culaire avec un soin jaloux, et la prohibition a Oe maintenue au tarif de
douane pour les produits de ce genre.
Le manufacturier russe reprend tonte sa liberte dans le tissage des
etoffes pour meubles, et il en a use longtcmps pour faire des copies ser -
viles des tissus de Lyon; la reproduction a ete generalement fort au-des-
sous du modele. La fabrique de Moscou a ete plus heureuse dans son
imitation des etoffes allemandes; eile a fait les tissus de re genre, non-
seulement beaucoup micux, mais ii meilleur mar che, si bien que leur im-
portation a notablemeut diminue.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
“218
L’influence du Musee d’art et d’industrie de Moscou et de ses publica -
tions s’est fait sentir. La principale des publications du Musee, 1 ’Histoirede
l’ornement russe du x° au xvf siede, d’apres les manuscrits, par M. Victor de
Boutovski, a pavu a Paris il y a peu d’annees.
La Russie a eu, a differentes epoques de son bistoire, un art national
dont les origines sont obscures, mais l’affinitd est grande entre cet art et
cclui de l’Orient. On voit, suivanl le temps, le caractere primitif, tantot ac-
centue, tantot altere par quelque influence finnoise, mongole ou persane,
tantot a demi effacd par des traits cmpruntds au style byzantin ou au style
indou. Charmde par les inventions de Part francais, la societe russe lui a
donne depuis longtcmps ses preferences, et c’est recemment quelle est
revenue au goüt du vieil art slavon. Celui-ci est d’ailleurs decoratif; l’örne-
ment peut etre varie facilement par des combinaisons d’entrelacs quelque-
fois tres-bardies et presque toujours tres-elegantes. L’Exposition prdsentait
en ce genre des panneaux qui ont etc remarques. Les dessinateurs russes
se sont rnontres, en general, timides dans Papplication des anciennes
formes orncmentales russes; ils ont suivi les modeles plutöt qu’ils ne s’en
sont inspires.
La fabrique russe, trop ignoree, a une assez grande importance. Les
estimations russes sont contradictoires. Des ecrivains lui ont attribue une
valeur de i5 ou de 17 millions de francs; d’autres ont indique des eva-
luations plus bautes : 3 2 millions et meme 60 millions. Nous n’avons
adopte aucune de ces opinions.
L’industrie est repandue dans plusieurs gouvernements; eile prdsente
trois groupes. Le plus considerable est dans le gouvernemenl de Moscou,
et comprend 155 labriques, 8,700 metiers, 11,700 ouvriers; il produit
pour 3 1 millions de francs par an. Un autre groupe peut etre forme par
les gouvernements de Saint-Petersbourg, de Livonie, d’Orel, de Wladi -
mir et de Pologne ; il a 44 fabriques, 1,100 metiers, i,g5o ouvriers,
et Pon y fabrique pour 7 millions. Enfin, dans les provinces asiatiques,
sont de nombreux tisserands, hommes et fernmes, travaillant avec les me -
tiers primitifs, et c’est se tenir au-dessous de la verile que devaluer leurs
tissus 4 6 millions et demi.
EUROPK.
Gouvernement de Moscou: manufaclures 31,000,000 francs.
Autres gouvernements : manufaclures 7,000,000
Gouvernements de Moscou et de Wladimir: ateliers
domesliques a,5oo,ooo
A SIE.
Gaticase et Turkeslaii : ateliers domestiqiies
6,000,000
■J
i
>
SOIES ET SOIE151ES.
219
La l'abrication reprEsente donc une valeur de h r j millions. Gelte Eva -
luation s’accorde avec ce que nous savons de la consommation de la soie.
CONSOMMATION DE LA SOIE EN RÜSSIE.
Soies greges du Caucase /i00,000 kilograinmes.
Soies greges du Turkeslan 16,000
Soies grEges de la Russie d’Europe 8,000
Soies greges d'Asie (Asie Mineure, Chine, Japon,
Asie centrale) 5o,ooo
Soies ouvrees d’Itahe 216,000
690,000 kilograinmes.
La manufaeture russe est certainemeiit en progres; eile s’ameliore et
s’accroit. L’accroissement est facile a mesurer. La production Etait de
10 millions en 182/1 et de 16 millions en 1831; eile Etait estimee a
3o millions en 1 85a et est restEe stationnaire jusqu’en 1866.
Le chiffre de k’] millions doit etre au-dessous de la rEalitE : les habi-
tants des provinces asiatiques font un grand usage de lissus de soie pour
leurs vetements; la recolte et le tissage sont, dans ces contrees, des indus-
Iries domestiques qui echappent a toute investigation reguliere.
ESPAGNE, PORTUGAL, GRECE, TURQUIE ET ETATS DE L’ORIENT.
Dans quatorze ou quinze Etats differents situEs h dechaudes latitudes, a
l’orient et a l’occident, le tissage de la soie est restE partout au foyer do-
mestique. Depuis le Portugal jusqu’au Thibet, en Grece, en Turquie, en
Perse, dans Tlnde, il se montre partout gardant, avec le melier antique, les
armures simples et les dessins qui rappellent le gorit de nations disparues.
En plus d’un point du Levant, ce travail dElicat a EtE conserve dans
les couvents de femmes, et il sort de mains agiles et soigneuses, en Grece
et en Syrie par exemple, des tissus ElEgants. Nous ne pouvons pas nous
arreter a ces ouvrages infinis. L’etude en a Ete longue. 11 ne faudrait pas
toutefois penser quelle n’a d’intErEt que pour l’histoire du passE ou dun
prEsent qui se confond pour ainsi dire avec le passE. Ces Etoffes, soit de
pure soie, soit brocbEes de lames ou de traits d’or ou d’argent, soit avec
trame de coton, ont EtE creEes avec art par d’habiles ouvriers. On trouvera
parmi elles des emplois de imitiere ingEnieux, des accords de couleurs
harmonieux, d’beureux exemples du dessin symEtrique, tranquille et variE
de l’Orient. Les fabricants de France et d’Allemagne ont puise a ces
sources depuis longtemps, et plus d’une Etoffe sortie de leurs mEtiers avait
EtE prEsentEe comme son ceuvre propre par le tisseraud turc, arabe ou
persan qui l’avait exposEe. L’art de ces imitations, dEja ancien enEurope,
est encore bien imparfait, et la plupart des imperfections sont dues aux
220
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
retouehes inintelligcntes que le pinceau ou la navetle de l’Europ^en a
apportees ä I’oeuvre de l’Asialique.
L’Espagne, le Portugal et la Turquie possedent quelques manufactures
dans lesquelles le melier perfectionnd, et meme le metier mecanique, a ete
introduit. Ces progres sont dignes d’attention, ils preparent la concurreuce
future.
La manufacture espagnole, si celebre et si considerable du xi c au
xvi” siede, est bien affaiblie depuis un siede; son importance actuelle
nous est inconnue. Des fabriques existent encore a Madrid, a Valence, ä
Barcelone, ä Grenade, a Seville et a Tolede.
Au Portugal, le tissage de la soie est exerce principalement ä Lisbonne
et a Porto; le nombre des metiers est de 600 ä 700, et 5o sont des
metiers mecaniques. La production est d’environ 2,800,000 francs.
La fabrication des eloffes de soie est repandue dans toutes les parties
de la Turquie; eile est assez considerable dans les provinces asiatiques,
notamment en Asie Mineure et en Syrie. II y a dans l’Asie Mineure en-
viron 2,000 ', et dans la Syrie au moins 10,000 mdiers.
Le travail de la broderie de soie, d’or ou d’argent, exerce principale-
inent par les Grecques et les Armdniennes, represente une valeur de 12
ä 13 millions.
Les soieries persanes sont faites dans les provinces de Yezd, de Kas-
chan, de Gbdan et de Azerbeidschan. C’est ä Kaschan, a Ilescht et surtout
ä Yezd c|ue les m^tiers sont les plus nombreux, mais beaucoup ne baltent
plus depuis quelques annees.
BELG I QU E, PAYS-BAS, SUEDE, ETATS-UNIS.
La Belgique, pays laborieux et riebe, est un grand consommateur de
soieries; eile en a toujours produit fort peu. 280 metiers donnent pour
800,000 a qoo,ooo Irancs. On fait encore a Anvers de belles etolfes pour
failles.
LIndustrie de la soie a disparu de la Hollande; eile y elait florissante
autrefois. 11 n’y avait pas moins de 8 a 10,000 metiers dans-la province
de la Hollande seplentrionale, d’Utrecbt ou d’Over-Yssel; ils etaient les
plus nombreux ä Harlem et ä Amsterdam. On faisait alors des soieries
brochees, appelees triomphantes, qui etaient recherchees en Pologne, en
Russie et en Turquie.
1 Nous avons (rouve ä Brousse meine, il j a
vingt ans, prte de 200 metiers, dont 10 ä la
Jacquard, sur lesquels etaient lisses des peslo-
tnal, des kiwniasch, des gazes, etc., et qui
consornmaient 13,000 kilogrammes de soie.
Sous tc sidtan Selirn, u la fin du siede der-
nier, a,?ioo meliers y ballaient et dounaieiil
aoo,ono pieces.
■■■MiI
MHHi
SOLES ET SOIERIES. 221
Le tissage de la soic date, cn Suede, du xvn’' siede; il est concentre a
Stockholm. II est peu probable cjue la production depasse i ,6oo,ooofrancs.
35o metiers sont divisds en cinq ou six fabriques.
Les Etats-Unis ont consomme en 1872 pour i5o millions de Francs
d’etoFFes de soie. La fabrique amdricaine en a fourni le dixieme, pour
i5,64o,ooo francs, dont 8 millions en Foulards et en mouchoirs. Elle
s’est dlai’gie recemment.
L’induslrie de la soie aux Etats-Unis represente, dans son ensemble, unc
valeur de 91,500,000 Francs. Les soies ouvrees dtant ddduites, il reste
74,3oo,ooo Francs pour les manufaclures proprement dites, savoir :
Etoffes de soie pure ou mdlangde i5,6/10,000 Francs.
Rubans de soie 12,200,000
Passementerie et denteiles 15,900,000
Soies ä coudre 3o,600,000
Nous nous bornons a signaler ces Faits. Les produits nous sont incon-
nus: aucun d’eux n’avait ete envoyea l’exposition de Vienne.
IN DE.
La fabrication a eprouvd dans linde autant de changements qu’en
Chine, et, quoique l’exposition des soieries indoues Fut restreinte, on y
remarquait neanmoins des types et des dessins trds-divers. S’il y avait des
dtofles revdtues d’ornements originaux, d’autres dtaient executdes dans le
goüt arabe ou persan.
On tisse la soie dans toutes les provinces de finde, et cette industrie,
qui y est partout absolument domestique, a une rdelle importance. On a
eite undistrict, celuid’Azimghur, dans lequel on Faitpar an 820,000 pi&ces
d’dtoffes de soie tussah. Dans quelques villes du Punjab, a Lahore, 4 Um-
ritsir, a Moultan, a Scheikb Durvasch, on a comptd pres de 2,5oo me -
tiers, dont on a estime la consommation a 4o,ooo kilogrammes de soie
et la production a 2,000,000 Francs.
Les soieries de finde, savoir : les bandamas, les corahs, les choppas,
les tunsores, les romals, les taffelas, lespongics, trouvaient autrefois un assez
large marche en Angleterre. L’irnportation etait, il y a une vingtaine
d’anndes, de 1 2 millions de francs,- eile a diminue progressivement :
IMTORTATION DES TISSUS DE SOIE DE LUNDE EN ANGLETERRE.
En moypnne , par an.
De 1856 u 18G0 6,680.000 francs.
De 1861 h i864. 3,260,000
De i865 u 1868 1,730,000
De 1869 il 1872 1,740,000
ION UNIVERSELLE DE VIENNE.
CHINE.
La fabrication chinoise de soieries, qui aurait,pu donner de si precieux
enseignements, etait surtout represenlee ä Vienne par ces tissus de qua-
lite mediocre qui ont acquis, par suite de leur bas prix, la faveur du
commerce, et trouvent encore des consommateurs,principalement dans les
deux Ameriques. 11 est sans interet de s’occuper de ces tissus, qui sont des
taffetas, des florences, des foulards, des mouchoirs, des satins, des ser-
ges, des crepes, etc. Le plus souvent, la matiere est irreguliere, le tissage
et la teinture sont defeclueux. Les crepes, les crepons et les damas font
cependant exception.
L’exportation de Cbine de ces eloffes a peu varie jusqu’en 1870. Elle
etait, en i845, de 19 millions de francs, et, en 1870, de 21 millions
(275,000 kilogrammes); mais, en 1871 et en 1872, l’Angleterre a refu
une plus grande quanlite de soieries cbinoises.
1MPORTATION EN ANGLETERRE.
En moyenue, par an.
De 1863 ä 1860 5a6,000 francs.
De 1867 ä 1870 066,000
En 1871 1,008,000
En 1879 9/i34,ooo
On a su faire en Chine, dans tous les temps, des soieries d’une grande
beauld, et un livre, qui a ete ecrit par un prince chinois, au commen-
cement du xf siede avant notre erc, contient des reglements pour la pre-
paration et le tissage de la soie, qui attestent une fabrication avancee 1 .
Les Chinois sont encore d’habiles fabricants, et nous avons vu sur les
metiers, aux premiers jours de 1 ouverturc de ce pays au commerce
europeen, les ricbes velours a deux corps de Tchang-tcbeou-fou, les
gros de Naples ondes de Hang-Icheou-fou, et les merveilleux tableaux
mi-partie fafonnes, mi-partie espoulines de Sou-tcheou-fou. Notre ancien
collegue dans la mission en Cbine, M. Isidore Hedde, a revele, dans une
suite de rapports trop oublies, quelques-unes des inventions de la fabrique
chinoise.
Cette manufacture n’a jamais eu de specialite bien determinee; eile
n’a pas non plus ete immobile. Les Chinois fabriquent presque tous les
genres d’etoffe : taffetas, gros de Naples, florences, foulards, crepes,
1 Le Tchimi-Ii, 011 Rites rle Tcheoii, par le prince Tclieon -kong, frere de l’empereur Won-
waiiß.
SOIES ET S01ER1ES.
223
gazes, serges, satins, damas, lampas, brocarts, Velours, peluches. Les dif-
f^rences sont grandes dans la reduction, l’emploi des matieres et le carac-
tere du dessin, et chaque genre presente des Varietes tres-tranch4es. On
connait, par exemple, une dizaine d’especes de satin uni : les unes sont
toutes de grege ruite; les autres ont la chaine en organsin et la trame en
poil ou en gr<$ge cuite; il y en a meme qui sont entierement en organsin,
ou dans lesquclles on a fait entrer la soie du ver de ebene.
Aucun pays ne possede plus de metiers ä tisser. Les metiers baltent
dans toutes les parties de cet immense empire, jusqu’aux frontieres du
Toung-king et du Thibet, jusque dans les deserts de la Mongolie. Le
plus grand nombre des metiers sont de construction fort simple et en
general mal entretenus.
Les etoffes les plus belles sont faites dans les provinces du nord. On
fabrique le mieux les velours et les peluches dans le Chen-si et le Se-
tchouen, les crepes a Hou-tcheou-fou dans le Tche-kiang, les etoffes bro-
chees ou fafonmies et les satins forts dans le Kiang-sou. Les ateliers de
Canton et des environs, nombreux, petits et pauvres, fournissent des
tissus legers; ceux de Hang-tcheou-fou, mieux tenus, sont reputes pour
les gros de Naples, les taffetas, les pongies, les satins et les gazes; Tchang-
tebeou-fou, dans le Fo-kien, vend, avec des popelines et des satins,
des velours faconnes, coup^s ou cisel^s. Des soieries unies ou bro-
chees du meilleur travail arrivent de villes, hier encore inconnues, de
la province de Ghan-toung On excelle a broder la soie a Ning-po, a
Canton, ä Tching-tou-fou, au Se-tchouen. Les femmes mongoles ne sont
pas moins expertes que les ouvriers du Kiang-sou et du Chen-si dans le
tissage a Fespoulin des plastrons fagonnes pour les dignitaires, dans la
trame desquels la soie est unie a l’or, a l’argent et m£me a des plumes
d’oiseaux.
La soie du ver du chene alimente, dans les provinces de Kouei-tcheou,
de Se-tchouen, de Chan-toung, de Ho-nan et de Yun-nan, une fabrica-
tion considerable d’etoffes unies dont la solidite est extreme.
La soie du ver de Failante est tissee dans le Chan-toung.
Nous n’avons pas voulu ne donner qu’une nomenclature stbrile. Nos
fabricants n’ont jamais vu la plupart de ces tissus, qui seraient pour eux
l’objet d’une etude utile : des velours et des satins, faits dans le Ho-nan
et le Se-tchouen, montreraient les effets du melange de la soie du ver du
chene avec la soie du ver du murier; des gazes unies ou damassees, des
popelines epaisses, des satins au broche fortement releve, ne sont pas
1 Tsing-tclicou-fou, Tsi-nan-fou et Tai-ngan-fon.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
224
moins curieux que ies crepes de soie du ver du diene et les velours cise-
les, tissAs, ceux-la dans le Se-tdiouen, ceux-ci dans le Chen-si. Plus
d’une de ces jolies serges gris-perle, failes a Si-ngan-fou et a Toung-
tdieou-fou ', avec la laine soyeuse qui abonde au Kan-sou, a de la soie
dans sa tissure, et plus d’un de ces tapis ä baute laine du Chen-si, recher-
ehes des mahometans chinois, est rehausse de soie et d’or.
La Cbine a cultive autrefois un art puissant qui dait rapproche de Part
des peuples mahometans. Le Systeme de la triangulation dcvint alors et
est reste un des traits du style ornamental chinois; mais l’arrangement sy-
metrique n’a jamais exclu, comme chez les autres Asiatiques, une grande
liberte dans la ddcoration. On connait, depuis le pillage du palais Youen-
ming-youen, les soieries destinees ä la cour de Pe-king, et l’on s’est fnit
une plus baute opinion de l’industrie cbinoise.
Le travail a toujours etd libre ä la Chine, et il y a eie longtemps ho-
nore. Ln ecrivain arabe du ix° siede, Abou Zeid, nous dit, dans la Chaine
des Chroniques, qu’en Cbine l’instruclion etait obligatoire et donnee gra-
tuitement aux pauvres, et quelle comprenait le dessin, que wtout le
monde, pauvre et riebe, petit et grand, devait apprendre. n L’empereur
Hoe'i-tsoung, qui a regne de 1101 a 1126, avait l’onde des ecoles de
peinture. Le gout public s’etait ressenti de cet enseignement, et, quand
on compare entre dies les rares etoffes anciennes sorties des rndiers chi -
nois, grecs ou italiens, ce sont edles de la Chine qui presentent, pour ce
qui se rapporte ä 1’ornement, le plus d’originalite, le plus d’entente du
dessin et le coloris le plus harmonieux.
Nous avons cherebe quelle peut elre la valeur de la production. 11 n’est
pas improbable que la consommation de soie s’eleve a 5,5oo,ooo kilo—
grammes,et qu’on fabriquepour 3oo millions de francs environ de tissus
de toute sorte, avec au moins 350,000 metiers. Ces chiffres s’appliquent
ä la production totale; la fabrique d’etoffcs de soie des vers sauvages ou
des vers du ebene ou de l’ailante figure pour pres de la moitie.
JAPON.
Le Japon a certainement regu de la Cbine l’art du tissage de la soie,
comme il a recu d’elle l’industrie de la soie. II n’y a pas, en .cfTet, cbez les
Japonais, de procede que les Chinois n’aient connu, et, si les Japonais ont
eleve a ce sujet des pretentions assez bardies, c’est (juils ont suppose
qu’on etait en Europe profouddnent ignorant des cb.oses de l’extreme Asie.
Cela n’a toutefois qu’un interet secondaire.
Province de Clien-si.
S01ES ET SOIERIES.
225
Le fait Capital, c’etait l’ampleur et la beaute de l’exposition des soie-
l’ies da Japon; c’etait surlout i’apparition, en quelque Sorte nouvelle,
d’etofFes d’une diversite infinie, et dont ie dessin et la couleur, la matiere
et l’armure etaient aussi heureusement choisis que le tissage et la tein-
ture etaient habilement executes. Nerveux et precis, le dessin denotait
une 4tude profonde de la nature; il y avait une gräce extreme dans l’arran-
gement, an dquilibre judicieux dans le grain et rornementation du tissu ,
dans le trait et la couleur. L’ceuvre tant vante d’Oksai donne a peine l’idde
de ces merveilles.
Ces etofFes, modeles precieux, manqueront a nos fabricants. On peut
y suppleer en partie par ces suites de gravures en couleur, d’un prix mo-
dique, dans lesquelles on decouvre la plupart des caracteres essentiels de
cet artlibre, vrai et etrange.
Des observateurs attentifs ont <5te jusqu’a juger qu’il y avait de ces
etofFes qui depassaient tout ce que la Fabrique europeenne avait prdsente
ä l’Exposition de plus parFait en ce genre, et l’un des jures allemands,
M. Heimendahl, a consigne cette opinion dans son rapport.
Nous ne sommes pas de cet avis. Les Japonais ont le sens delicat des
lois de l’arl decoratif, un rare talent dans l’invention de 1’ornement des
cbarmants tissus que nous connaissons sous le nom de petits fayonnes;
dans leur dessin, i’irregulurite relative etcalculee devient un merite; leur
govit est tres-fin et leur Science technique tres-avancee ; le choix des nuanccs
et leur mariage attestent un sentiment juste de la couleur. Leur esprit
abonde en ressources, et Ton croit souvent a des secrets de Fabrique * quand
on n’est en presence que de l’association imprevue, mais ingdnieuse, de
petits procödes Fort simples. Comme tous les Orientaux, les Japonais sont
d’inimitables coloristes; ils se plaisent a Faire des etofFes giacees, et les
arrangements de couleurs y ont 4te Combines avec une intelligence peu
commune des efFets optiques.
Les Japonais ont donc, dans la fabrication des soieries brochees, Fayon-
nees ou imprim^es, des qualit^s auxquelles nous rendons hommage; mais
souvent le souffle leur manque, quand il Faut s’iilever un peu haut. 11s
sont inferieurs ä eux-memes (nous parlons du temps present et des tissus)
des que le dessin s’ennoblit. Leurs compositions les plus grandes sont,
les unes sans unitd, et les autres sans suite. Les premieres, d’origine plus
ancienne, ne rachetent leurs deFauts que par une bizarrerie sans beaute;
les secondes, de Fabrique recente, et probablement de demande americaine,
sont veritablement sans valeur. Le trait n’a plus la meine fermete; la colo-
ration est trop intense : l’art est absent.
Rien, dans cette exposition, dans laquelle le gouvernement du Mikado
i 5
ii.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
22(i
avait accumule tant de richesses, rien absolument ne pouvait tffre compare
;'i quelques-unes des etoffes lyonnaises de grand ameublement.
Gelte exposition avait tant d’eclat; eile a toujours attire une foule si
serree de visiteurs, et le jugement qui a ete porte surces soieries a eu
troj) de retentissement pour que nous devions nous arreter sur leur fabri—
eation.
Les manufactures de soieries sont nombreuses au Japon; dies sont eta-
blies dans une douzaine de provinces, mais les plus renommees sont dans
les provinces de Yamachiro et de Djochiou. Elles ont le plus d’importance
a Kioto 1 et ä kiriou 2 .
On fabrique le plus ä Kioto les taffetas blancs si purs, les plus belles
etoffes brochees d’or, les crepes ondul^s, les lourdes ceintures, les crepes
unis en soie du ver du ebene; ä Kiriou, les etoffes legeres unies, les crepes
unis ou rayes. Kioto est renomme pour la teinture en rouge, Nagahama 3
pour les velours, Yeddo pour les impressions sur soie.
On estiine le nombre des rndiers ;i 35,ooo ou /io,ooo, et la consom-
mation des soies a 1,100,000 kilogrammes.
M. Ernest de Bavier a evalue ä 112 millions de francs la production
de Kioto et 4 ä une sonime egale celle de Kiriou: ces evaluations sont exa-
gerdes.
Le materieldu tissage est le meine qu’en Chine; il est imparfait, mais
il n’est pas extraordinaire qu’il permette d’obtenir les tiloffes qui ont ete
exposees.
Avec les niemes metiers, ou des metiers peu differents, a Byzance, a
a Palerme, ä Venise, ä Florence, a Lyon, la main de l’ouvrier a lissu des
etoffes d’une contexture et d’un dessin non moins savants.
Des tissus semblables au klie-seu de la Chine ne laissent pas de doule
sur l’usage au Japon du petit metier a double ebaine, si ingenicux, que
M. Isidore Hedde et nous nous avons observe dans le Kiang-sou et le
Tcbe-kiang.
Les rnatieres d’une nature si differente au Japon sont, en general, bien
appropriees a l’etoffe; eiles sonl souvent peu regulieres.
Pour les etoffes brochees d’or ou d’argent, on se sert, non de lames ou
de traits metalliques, mais de soies enveloppees de papier dore ou ar-
genteou de papierdecoupe en bandes ^troites. Le papier, fait de fibres du
Broussonetia papyrifera, est tres-nerveux; ladorure ou l’argenture est forte et
1 Province de Yamachiro. <le Kioto 18,000 ouvriers, fi,ooo metiers et
2 Province de Djocliiou. une consommation de 3oo,ooo kilogrammes
3 Province de Gochiou. de soie.
4 M. E. de Bavier altiilnie ä ia fahriqne
S01ES ET S0IER1ES.
2^7
au titre le plus fin. Elle presente souvent, par places, par l’cffet de pre-
parations chimiques, soit des reflets irises, soit des tons de m&al oxyde
ou de bronze. Ces matieres ne sont pas nouvelles; les Chinois en ont tou-
jours fait un grand emploi, et les Japonais s’en servent depuis assez
longtemps. Nous possedons un recueil d’echantiilons de soieries faites
au commencement du xviii' siede a la Manufacture imperiale de Kioto,
dans lequel sont des broches tres-reduits, bi m es de papier dore avee des
reflets.
La fabrication est libre au Japon.
Le commerce a d4jä porte sur divers marclies de l’Occident des tissus
japonais, et leur vente sera moins difficile quand les dimensions seront
differentes.
11 y a, on le voit, a l’extremite de l’Asie, des ouvners tres - habiles:
voila un fait qui n’est pas douteux. Ces ouvriers peuvent disputer ä la fa-
brique europeenne une part de la consommation sur quelques points du
globe; cela est vraisemblable. Mais, devenus imitateurs de FOccident, a
quel degre de force industrielle atteindront-ils? L’avenir n’est pas moins
incertain au Japon que chez les auü'es nations de FAsie, et, quand on a
observe le caractere du peuple et les ceuvres de la re forme dans ce pays,
on n’est pas porte ä penser qu’il doive devenir dans la fabrication des
soieries, cornrne le pense un de nos collegues, «un rival dangereux et
memo invincible. »
V
RU BANS.
Nous n’avons pas voulu nous occuper des rubans en meme temps que
des etoffes, malgre les attaches etroites qu’ont les deux industries. Elles
sont, en rdalite, bien distinctes, et sont exercees le plus souvent dans des
milieux et avec des mdtiers differents.
11 n’est guei’e possible de parier d’une fagon generale, ä Foccasion de
l’Exposition de Vienne, de Findustrie de la rubanerie.
Elle y a ^te repr^sent^e, dans la plupart des pays, par des collections
incompleles, et dans les etudes et les statistiques on ne s^pare pas ordi-
nairement les faits qui la concernent de ceux qui se rapportent ä la fa-
brique des soieries.
La production des rubans de soie en Europe s’est elevee, en 1872, ä
un peu plus de 290 millions de Francs. Ce chiffre doit etre assez rappro-
che de la verite; il montre que cettc branche de Findustrie a encore une
15.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
2-28
grantle imporlance, meine dans les temps oo ja mode lni est le plus con-
traire.
(leite produclion dait repartie a peu pres de la facon suivante :
France 122 millions-.
Suisse 65
Allemagne h o
Angleterre 4o
A utriche 18
Italic, Espagne, Portugal, Belgique, Itussie,etc 7
FRANC E.
La fabrication des rubans est en France tres-ancienne, plus ancienne
meine que celle des soieries. Elle Lut etablie a Saint-Chamond au xi* 01»
au xn c siede, et plus tard a Saint-Etienne; eile est concentrde dans eelte
partie du Forez. Elle a de longtemps une Industrie domestique, ii la ville
et a la Campagne, les ouvriers ayant la propride et faisant le montage des
indiers, et souvent les perfectionnant. Cet dat de choses tend a se mo-
difier; de grandes usines ont de elevees, et le nombre des mdiers mus
par des moteurs s’est accru notablement.
Lafabrique de Saint-Etienne, quoiqu’elle ait souffert a diverses epoques
de erises qui avaient dlat<$ en debors d’elle, a fait de grauds progres.
Nous savons, par une declaration des echevins de Lyon, datee de 1701,
qu’ä la fin du xvn e siede, «dans le temps florissant des manufactures. .
dans la province de Forest, l’on a vu travailler. . . (des galons, des ru -
bans et des passemens) a Saint-Etienne jusques ä quatre mille cinq eens
ouvriers, et a Saint-Chamond ipiinze cents. »
La fabrique stephanoise produisait, vers i8o5, pour 17 millions avec
id,85o mdiers et a5,ooo ouvriers; eile dait arrivee, en i834,a 5o mil -
lions. La prosperit^ a d£ grande de i84q ä 1807, et la fabrication a
depasse 100 millions. La mode, qui avait amene cette prosperite. devait la
ddruire : les rubans brochds ou faconnd et ceux de satin furent delais-
ses, et, par suite de changements dans le vdement, Lusage des rubans
diminua. La guerre eclata aux Etats-Unis, le prix de la soie s’eleva sans
mesure : la produclion s’abaissa a 65 millions, a 60, a 55 millions meine;
c’dait en 18 6 6 et en 1867.
La fabrique des rubans a Saint-Etienne a une Constitution aussi robuste
que celle des soieries a Lyon. Fabricants intelligents et tenaces, teinturiers,
dessinateurs et ouvriers experimentes, mdiers excellents, Saint-Etienne,
en avant les uns et les autrcs, reunissait trop d’avantages pour ne pas eher-
SOIES ET SOIER1ES.
omj
eher a Irouver i’ernploi de toutes ses forces. La reussite a ete complele, et
la fabrication a monte ä i2 0,etm<hnea i3o miliions. Elle etait divis^c a
peu pres ainsi dans l’annee 1873 :
Kubans unis, brocheis 011 fuconnes, de soie pure ou mdlangee. 70 miliions.
Kubans de velours noirs ou de couleur... 90
(Jalons, lacets, rubans de passementerie, etc 3a
Total na miliions.
L’exportation en enleve pour une centaine de miliions.
Plus de 75,000 ouvriers trouvent du travail dans eette Industrie, qm
possede 17,000 metiers : /i,ooo pour les rubans de velours et i3,ooo
pour les aulres rubans et les galons. 11 iie servirait de rien de dislinguer
les metiers suivant leur monlage; des que le commerce demande de nou-
veaux genres de rubans, les ouvriers adaptent rapidement leurs metiers ä
la nouvelle fabrication. i5,5oo metiers sont mus a bras d’bomme et
i,4oo par desmoteurs mecaniques L Le travail des lacets est fait au moyen
de Goo,ooo fuseaux montes dans vingt-deux usines.
Voila en traits rapides ce qu’est notre industrie. 11 eut fallu la montrer
a l’Exposition teile que l’ont faite depuis quelques annees un efforl et un
combat opiniätres.
Nous ne faisons plus guere que des rubans unis, et la plupart sont avec
trame de colon. La Suisse l’emporte pour les tissus legers et a bas prix;
nous avons garde la superiorite pour les helles qualites. On fait encore
assez de rubans broebes et faconnGs pour montrer l’excellence de notre
gout et la perfeclion de notre travail.
Les velours sont tous de soie et de coton; leur fabrication et leur expor-
tation s’accroissent chaque annee. On est alle jusqu’a dvaluerla premiere a
3o miliions; nous vendons ces rubans sur tous les marches. Le noinbre
des metiers pour velours etait de 3oo en 1820 et de 600 en 18/18; il
s’ei&ve aujourd’hui a 4,000. Nous ne craignons [>lus autant la concurrencc
des velours de Crefeld, qui, «fabriques a la main, doivent a leur Systeme
de rasage la qualite du poil et la fraicheur de la couleurn qui les fonl
rechercher.
Des perfectionnements ont encore ete introduits, a Saint-Etienne et a
Saint-Ghamond, dansla construclion des meliers et la fafon des moindres
articles; nous signalerons particulierement les nouveaux procedes de tein-
ture du coton. Les teinturiers sont parvenus a donner aux bis de coton le
1 II y avait, on 1860, cnviroii 600 metiers mus par des moteurs liydruulitjues.
230
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
brillant et le toueher de la soie, et Ton obtient ä present les raeilleurs re-
sultats du melange des deux matieres.
Les fabricants de rubans, de galons de toute esp&ce, de lacets, etc.,
n’ont jamais peut-etre 6te plus actifs que depuis quatre ou cinq ans. Ni
l’energie ni la constance ne se sont dementies chez nos fabricants et nos
niaitres ouvriers, dans des temps qui corapteront parmi les plus douloureux
de notre histoire, et il ne faut pas oublier les conditions dans lesquelles ces
efforts obscurs et ces progres ignor^s ont (5te accomplis. G’est avec la con-
currence pressante des Suisses et des Allemands, sous le poids de taxes et
d’impots que nos rivaux n’ont pas encore appris ä supporter, charges ne-
cessaires sans doute, mais qui rendent, ä raison des difficultds qu’elles
amenent, le succes encore plus meritoire. Ainsi, la plus grande partie des
rubans sont de soie melangee avec le coton; le coton en forme, dans le
velours par exemple, plus de la inoiti^ en poids, et, pour les fds fins, les
Allemands et les Suisses payent des droits insignifiants: le fd retors ecru
n° 17 o anglais est faxe k l’entree, par kilogramme, a 4 Centimes en Suisse, a
i5 Centimes en Allemagne et a 3 fr. ab cent. en France.
Le tableau du commerce exterieur de la France donne, pour l’exporta-
tion des rubans, des quantbAs et des valeurs qui sont trop Levees. Cette
surelevation provient des declarations inexactes du commerce, soit que
des ouvrages de passementerie soient presentes cornme rubanerie, soit
que, avant de declarer le poids net, on n’ait pas defalque une tare assez
forte.
Cette reserve faite, voici les chiffres pour les vingt-cinq dernieres an-
nees :
EXPORTATION DES RUBANS DE SOIE DE FABRIQUE FRANCAISE.
De i848 a i85a .
De i853 ä 1857.
De 1858 ä1862.
De 1863 ä 1867.
De 1868 a 1872.
MOYENSE PAU Ai\.
Poids.
Valeur.
34a,000 kilog.
6i5,ooo
578,000
575,000
767,000
58 millions.
114
79
63
84
Les renseignements donnes par la Chambre de commerce de Saint-
Etienne a la Commission permanente des valeurs de douane nous ont
fourni les porportions dans lesquelles les differentes sortes de rubanerie
sont exportees.
SOI ES ET SO IE Ul ES.
231
Nous avons vu, a Saiot-Etienne, de rares usines et de nombreux petils
aleliers, la fabrique aux mains de petits fabricants et de maftres ouvricrs.
11 n’y a en Suisse que de grands Etablissements.
ßale est le foyer principal de la rubanerie.
Le nombre des fabricants suisses Etait, en 1870, de trente-quatre, dont
vingt-cinq dans le canton de Bale-ville, et neuf dans les cantons de
Bale-campagne, de Berne, de Soleure, d’Argovie et de Thurgovie.
Le nombre total des niEtiers ä tisser Etait de 9,15 6, savoir :
METIERS
la main. mecaniques. TOTAL.
Metiers a haute lisse 735 36i 1,066
MEtiers ä hasse lisse 6,1 66 1,9<^16 8,090
6,869 3,287 9,i56
Les fabricants de Bale possedaient 7,569 mEtiers, et les aulres fabri -
cants suisses i,5q4. Les mEtiers se trouvaient :
Maliers.
Dans le canton de Bale-ville. 1,126
de Bäle-campagne 5,629
— — d’Argovie 1,068
■ de Soleure 620
Dans les cantons de Herne, de Lucerne et de Thurgovie.. . 867
Dans le graml-dliebe de Bade 588
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
2'.\2
Hs etaient les plus nombreux (5,429) dans le canton de Balc-cam-
pagne, dans lequel on en complait 1,194 1 en 1 754 et 4.8o5 en 1856.
La presque totalite des metiers sont la propriete des fabricants; il n’y
avait, en 1870, que soixante ouvriers qui fussent proprietaires de lenrs
metiers. La plupart de ceux-ci etaient reunis dans des etablissements,
parini lesquels dtx-neuf avaient des moteurs a vapeur ou ä eau d une
force totale de 3G3 chevaux. Les autres metiers etaient places chez les
ouvriers.
On a etabli dans quelques usines des ateliers de moulinage, de teinture
et d’appret.
La fabricalion des rubans ä Bale a ete estimee a 20 millions pour
18/16 et a 21 millions pour i85o. Nous l’avons dvalude ii 45 millions
pour i85q‘ 2 . Elle a Gt6 moins active dans les annGes suivantes; une esti—
mation faite a Bale donne pour 1864 le chifl’re de 3i millions, et une
autre faile a Paris par le jury de FExposition universelle de 1867 eleve
ce chilFre a 35 millions.
Quelle etait la produclion de la fabrique suisse en 1872? Les opinions
sont contradictoires.
La Chambre de commerce de Saint-Etienne assignait a cette produc -
lion une valeur de 135 a 162 millions 3 , et Fun des premiers fabricants
de Bale, M. Ch. Sarasin, nous a indique comme tres-probable la valeur
de 5o millions.
Ii est possible de fonder une appreciation sur des faits.
Nous sommes certain, en prernier lieu, que la fabrique suisse n’a pas
cesse de s’accroitre, au moins jusqu’en 1872.
Voici le relevG des importations en France de rubans suisses pour la
consommalion et le passage en transit, qui montre un dGveloppement
constant :
En moyenne, par an 4 .
De i855 a 1860
De 18Ö1 ä 1866
De 1867 ä 187B 5
1 ütpi de ces metiers appartenaient ä des
ouvriers.
2 R ippoft sur l’industrie des soies H des soie-
ries, fait au Gonseii superieur du commerce;
oclobre t86o. Le consul de France ä Bäte in-
diquail, en i85g, lenombrede38 fabricants,
et le chiffre de 5o millions pour l’annee 1858.
1 En romprenant le produitde 3,29/1 me-
liers qui etaient monles dans le grand-duche
476,000 kilogr.
656,000
68g,3oo
de Bade et qui ballaient pour Io comple de
fabricants suisses.
4 Ces poids ne sont certainemenl pas nets;
ii est inutile de chercber le laux de la tare ä
y appliquer: l’interet est dans leur progression.
5 Nous n’avons pas tenu cornpte des annees
1870 et 1871, le transit ayant ete interrompu
par la guerre pendant une parlie de cliacnne
de ces annees.
■H
hmü
SOIES ET SOIERIES. 233
Meine progres dans les envois aux Etats-Unis :
En moyenne, par an.
De 1867 ä 1869 9,i66,85o francs.
De 1870 ä 1873 18,085,670
L’exportation, dans ies dernieres annees, teile qu’elle est consignee
dans les titats de douane suisses, presente aussi un notable accroissement:
En 1870 i,38o,t5o kilogr.
En 1871 1,819,000
En 1873 9,570,950
Ce sont des poids bruts; il faut en prendre les pour avoir des poids
nets. La quantite produite anrait donc ^td de 770,000 kilogrannnes en-
viron en 1872.
M. Sarasin est d’avis que le cbiffre de l’exportation aux Etats-Unis
forme a peu pres le liers de celui de la fabricalion : nous aurions donc
61 millions pour 1872. Mais, en considerant le poids total des rubans
exportes et le produit des metiers, nous sommes amene a juger plus pro -
bable le cbiffre de 65 ou 66 millions.
On avait, d’apres l’exposition collective des manufacturiers bälois, une
idee exacte de leur fabrication, qui est d’ailleurs bien connue. Tous les
genres s’y trouvaient reunis, et chacun d’eux en plusieurs qualites; cepen-
dant les rubans qui sont l’objet de la plus grande consommation actuelie
y ötaient le inicux representes.
ALLEMAGNE.
Moins bien ordonnee et moins brillante que l’exposition bäloise, l’expo -
sition allemande dtait neanmoins sullisante pour faire juger de l’importance
et de la soliditeS que la rubanerie y a acquise.
Cetle industrie est exerc^e principalement dans !a Prusse rhenane et le
grand-duche de Bade, et des recherches qui remontenta 1867 lui ont fait
assigner, pour Fannie 1866, une valeur de /jo ä 45 millions de francs,
qui est un peu trop elevee pour le temps present. Cette valeur doit ne |»as
etre eloignde de 38 a !>o millions pour 1872.
Nous avons, pour le nornbre des metiers, un point de depart qui a
une quinzaine d’annees de date.
Des fabricants de la Prusse intervinrent en 1860, lors de la prepara-
tion du tarif convenlionnel qui fut etabli en vertu du traite de commerce
avec l’Angleterre, et nous avons obtenu d’eux des renseignements, dont la
plupart avaient et3 reunis par le Ministere du commerce de Prusse.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
234
On avait conslate alors l’existence de a6,/i33 metiers ä tisser lasoic,
et l’on estimait que g,ooo a 10,000 etaient consacres au tissage des Ve -
lours de soie ou de soie et coton eu pieces et des rubans de velours a tours
anglais. II y avait de plus 2.5oo petits metiers pour les rubans de ve -
lours a lisieres fixes, dont la moiti^ etaient de pure soie et l’autre moilie
de soie et coton, et 1,800 a 2,000 metiers ä la barre pour les rubans.
les listons, les galons, etc.
La rubanerie prussienne disposait, dit-on,en 1866, de 10,000 a
11,000 metiers.
Nous avons, a partir de i86q, pour le district de Grefeld, des faits plus
certains, et nous voyons que le nombredes metiers battanls a diminue :
METIERS A TISSER
—■ — i^ 1 TOTAL
les rubans les autres des
de velours. rubans. metiers.
En 1870 2,47a 354 a,8afi
En 1871 2,575 378 2,953
En 1872 i,4io 415 1,825
En i8 7 3 i,335 35i 1,686
Ce decroissement a change peu de chose, en realitd, ä la Situation de
la fabrique. L’organisation est la meine, les fabricants et les ouvriers sont
aussi courageux et n’ont rien perdu de leurs aptitudes; les produits ontles
intimes qualit^s, les conditions economiques sont aussi favorables que par
le passe. La concurrence a ete moins heureuse, eile a ete aussi ardente.
La fabrication des rubans de velours de schappe avec trame de coton
est exercee avec le meine succes; les ouvriers allemands la pratiquent de
vieille date avec des matieres, des soies et des taux de facon qui ne
seraient pas acceptes par les nötres.
AUTRICHE.
On fait en Autriche toutes les sortes de rubans, et il ne parait pas que
ce soit avec un grand succes. Plusieurs manufacturiers, peu nombreux a
la verite, et parmi lesquels nous citerons notre intelligent etactif collegue,
M. Anton Harpke, ont atteint dans l’execution a un niveau assez ^levd
jiour qu’on s’explique la largeur relative de la production. On l’estime ä
i8,5oo,ooo francs; on attribue a cette fabrique 2,000 ä 3,000 metiers,
dont 5oo metiers mecaniques. 1,000 metiers battaient en i8/i4.
La fabrication est organisee generalement dans de grands ateliers, situ es
dans les provinces.
A la fin de l’annee 18^3, les ouvriers tisseurs ;i la main gagnaient, a
Vienne, 28 francs, en moyenne, par semaine, en travaillant dix beures
SOIES ET SOIER1ES. 235
par jour. Ceux qui etaient 5 la Campagne ou qui conduisaient les metiers
mecaniques etaient payes de 20 a ho p. 0/0 rnoins eher. Le salaire des
ouvrieres etaitde 1 h francs, en moyenne,par semaine.
4NGLETERRE.
Aucune fabrique anglaise n’avait expose. Ce n’est pas a dire pour cela
que la manufacture anglaise se soit eteinle. Bien des gens en sont per-
suadAs : on va voir qu’ils se trompent. La fabrique de Coventry n’est plus
directement la rivale de celle de Saint-Etienne. Elle s’est ouvert d’autres
voies : eile travaille pour la consommation du Royaume-Uni et des posses-
sions britanniques, et ce marche est assez grand pour que, gräce a des
progres marques dans la qualite et le prix des produits, eile ait pu ne pas
cesser de maintenir sa production a un cbilfre eleve. Elle a eu cependant
a lütter contrc l’accroissement continu de l’importation des rubans dtran-
gers, mais cette importation a nolablement diminue depuis 187t.
1MPORTATION EN ANGLETERRE DE RDBANS DE FABIUCATION ETRANGERE.
De 1809 a 1861.
De 1862 a 1864 .
De 1865 ä 1867.
De 1868 ä 1870 .
De 1871 a 187.3 .
En moyenne, par an.
4o,4i 2,000 francs.
48,960,000
5g,4oo,ooo
83,248,ooo
5o,653,000
L’exportation des rubans anglais a decru, chaque annee, de 1869 a
1867, et il s’est produit, a partir de 1868, un mouvement ascensionnel
qui ne s’est pas arrete.
EXPORTATION DE KUBANS DE S01E PURE DE FABRIQUE ANGLAISE.
Periode de decroissemenl. Periode d’accroissemenl.
1862 3,856,ooo francs.
1863 2,968,000
1864 2,977,000
1865 3,oi3,ooo
1866 2,696,000
1867 i,366,ooo
1867 1,366,ooo francs.
1868 i,532,o8o
1869 1,970,000
1870 2,589,000
1871 3,722,000
1872 6,600,000
1873 5,886,ooo
En 1872 , les possessions britanniques ont regu pour 3 millions de ces
rubans, et les Etats-Unis pour 1,61 0,000 francs.
La fabrication des rubans est toujours concentree ä Coventry, et reprd-
sente une valeur de pres de 4o millions.
EX POSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
2.36
Coventry est dans le comte de Warwick, et Fon a recense dans les fa-
fabriques de tissus de soie etablies dans ce comte :
En i85o y53 metiers mecaniuues.
En 1861 a,o65
En 1868 i,4o8
En 1870 2,021
Les manufacturiers anglais ont abdique en quelque sorte toute initia -
tive; ils executent, en qualit^s ordinaires et en suivant de tres-pres le gout
anglais, les articles que la mode a introduits dans Ja consommation; il
font un emploi judicieux des matieres, et leurs produits sont remarquables
par la couleur et le brillant.
CHtlNE.
Les Chinois sont des faiseurs de rubans et des passementiers fort
adroits; ils font usage, dans cette fabrication, de petits metiers simples et
ingenieux.
La rubanerie chinoise etait representee a FExposition par de nombreux
echantillons. Nous avons retrouve les meines articles en taffetas, en satin,
en velours, ou en gaze, unis ou fagonnes, que nous avions vus, il y a
trente ans, sortant des tranquilles ateliers de Canton, de Hang-tcheou-
fou, de Ningpo et de Sou-tcheou-fou. Meme variet6 de genres, meine
diversite de procedes de travail, meine originalite dans le dessin, emprunte
souvent a une Höre conventionnelle, mßme emploi heureux en trame de
traits ou de lames de papier dore ou argente, meme n^gligence dans le
tissage.
VI
TEIN TÜRE.
Le Jury de Findustrie de la soie a eu le devoir de juger la teinture des
soies, Fimpression et Fappret des tissus de soie. Cette lache avail ete rem-
plie aux [irecedentes Expositions par le Jury des induslries cbimiques.
On accorde d’ordinaire peu d’attention a cette parlie essentielle du
travail, et il est possible qu’on n’ait pas assez appris au public que ces
manipulations en apparence si faciles, que ces fagons auxquelles il ne
s’arrete pas, constituent une grande industrie, et, plus que cela, une In -
dustrie qui, ayant des liens etroits avec la Science, ne peut 6tre exercee
avec probt que par des manufacturiers tres-inslruits et tres-sagaces.
Ce n’est pas a nous qu’il appartient de donner un apergu, mthne ra -
pide, des traits qui caracterisent cette brauche renommee de nos manu-
SOIES ET SOIER1ES. 237
factures; nous aflaiblirions Fimpression qu’il convient que Ja nation en
ait. Mais nous ne voulons pas non plus etre complice de Findifference ou
de l’oubli qui s’est fait si souvent a son egard, et il suJBra de quelques
lignes pour dire la grandeur singuliere qu’a cette industrie, a la fois si
modeste et si puissante.
La Science n’a pas de patrie; ses decouvertes naissent soustousles cieux,
eiles ont des ailes et se rep an de nt dans tous les ateliers. La protection
souvent illusoire des brevets ne ralentit pas Fapplication des inventions,
et l’on peut dire que, dans un temps relativement court (les exceptions
sont rares), la mdne matiere, le meine procede a ete porte partout. L’Ex-
position n’en a-t-elle pas fourni une ddnonstration eclatante? Y avait-il
une couleur qui manquät ;i la palette des teinturiers de chaque pays? Y
avait-il une invention dont l’influence ne fiit pas visible dans leur travail?
Naguere, les teinturiers lyonnais — nous ne nous occupons que de Fin-
dustrie de la soie — etaient ä peu pres seuls presents au concours universel;
cette fois, les concurrents abondaient. L’Allemagne, l’Autriche, Fltalie,
se faisaient gloire des progres accomplis. Cette fois, la preuve a ete faite
publiquement d’une habilet«5 qu’il serait injuste de contester ä nos emules.
Mais ou le combat est le plus vif, la victoire a le plus de prix. Vingt-trois
teinturiers lyonnais s’etaient reunis pour montrer la teinturerie lyonnaise
sous ses deux aspects : l’invention et l’applicalion.
A Lvon, l’invention a toujours march6 de pair avec l’application. La
science a ete, autant que l’art, un auxiliaire fidele. Au xvi e siede, dans
un temps ou l’observation tenait lieu de science, Fltalie, ä Fapogee de sa
fortune industrielle, enviait la perfeclion de nos teintures, et cet art etait
exerce alors, ä Lyon, par des ouvriers ind^pendants. A Forigine de la fa-
brique, en 1/169, nous voyons, dans les chartreaux de Fimpöt, figurer a
cöte de nos premiers maitres velutiers maitre Guichard, notre premier
taintuner de soije.
Depuis 1810, plus de vingt decouvertes sont nees ou ont pris leur
valeur ä Lyon, et nous ne saurions compter les perfectionnements qui
ont ajout6 a Fexcellence des teintures.
En möme temps, les teinturiers Iransformaient et agrandissaient leurs
moyens d’aetion, assainissaient les ateliers, formaient un outillage special
et developpaient Femploi des machines. La division du travail s’etait in-
troduite ä une epoque deja ancienne : eile a eu a Lyon la vertu qu’on lui
connait, et a produit une experience et une babilete plus hautes. Pour le
noir et pour les couleurs, Famdioration a et6 incessante. N’est-ce pas a
nos teinturiers, devenus les remplacants de nos dessinateurs dont la mode
rendait lescravons inutiles, qu’est due la crealion de tant de couleurs nou-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
i:58
veiles ? Et a peine la fabrique etrangere attardee revetait-ellc ses tissus de
la nuance favorite, que la mode avait fait tomber celle-ci en mespris,
comme dit Montaigne, et, dfeoncertant les entreprises de nos imitateurs,
mettait en vogue une nouvelle invention des teinturiers lyonnais.
Quatre ä cinq mille ouvriers remplissent nos ateliers de teinture, et
ces fajons de teinture, pour lesquelles tant d’obstacles sont surmont^s et
tant de difficultes vaincues, s’elevent a pres de 22 millions.
La teinturerie lyonnaise teint des soies pour presque toutesles fabriques
etrangeres, et notre exportation de soies teintes, qui est d’ailleurs assez
irreguliere, est de i5o,ooo ä 3oo,ooo kilogrammes.
Le diplöme d’honneur a ete decerne ä une maison de Lyon, celle de
MM. Gillet et fils. La d^cision unanime du Jury a ^te fondee sur les soins
que rette maison a donnes ä l’amelioration de la condition de ses ouvriers.
VII
CON CLUSION.
Nous avons lermine la rapide revue de ces fabriques nombreuses.
La soie est, on le voit, recoltee et mise en ceuvre a peu pres partout.
Les accroissements de la consommation du fer chez un peuple peuvent
donner la mesure du degre d’intensite de sa production. La consommation
de la soie suit l’augmentation de l’epargne et de l’aisance.
L’industrie de la soie touclie par plus d’un point au travail agricole;
eile est inseparable des entreprises commerciales les plus hardies; eile
exige le concours de capitaux abondants et l’aide de moyens de credit in-
connus autrefois, et, dans cette industrie, le soin et l’experience de l’ou-
vrier ont le plus de valeur. Aucune autre n’est plus unie avec la science
et l’art.
Cette industrie, qui a lant d’exigences et dans laquelle le succes n’est du
qu’au prix d’un travail personnel constant, la Lrance l’a faite, en quelque
sorte, sienne depuis trois siecles. Elle a eu l’heureuse fortune de ren-
contrer ä ses premierspas dans cette carriere l’ardente rivalitA de l’ltalie,
mailresse alors dans cet art difficile.
Les soies et les soieries entrerent longtemps en Erance «en toute fran-
cliise et liberte de subsides», ainsi qu’il est dit au cahier des deputes de
Lyon aux Etats generaux de i56o, et le Consulat lyonnais demanda, dans
plus d’une deliberation, le maintien de cette franchise. Cette liberte, qui
n’etait pas sans perils, produisit ses effets, et son fruit le meilleur fut l’ha-
bitude du travail et de l’efl’ort. Aussi, dans la longue suite des ann^es,
SOI ES ET SOIERJES. 239
sous quelque regime que ce füt, au temps des prospdrites comme au temps
des desastres, tont ce peuple patient, habitue au travail, et qui n’a jaioais
desappris la lulte, a garde avec fermetd et a tenu elevd l’art de la pro-
duction de la soie et des tissus de soie qu’il avail dispute si longtemps
et si peniblement a l’Italie. Pour Tun et pour l’autre, pour l’edueation des
vers ä soie, la fdature et l’ouvraison de la soie, pour la fabrication des
etoffes, la France a eu ses jours de Suprematie absolue. Cette Suprematie,
eile ne la possede plus dans toute sa plenitude.
II fut un temps ou la Chine et l’Italie instruisirent l’Europe, celle-lä
pour les travaux de la soie, celle-ci pour le tissage. La France a ete ä son
tour l’ecole de l’Europe. A la revocation de l’edit de Nantes, la France
avait essaime par toute l’Europe; ces essaims d’ouvriers ont fonde des fa-
briques, devenues nos rivales a la suite du long enseignement que nos
exemples leur ont donne.
Nous sornmes aujourd’hui, pour la soie et le tissu de soie, rdpdtons-
le, en presence de nations qui se sont fortnees a notre dcole, qui ont
donne ä leur induslrie un caractere et une direction appropries a leur
temperament, ;i leurs aptitudes, a leurs conditions economiques et a
leurs besoins. Ces nations ont une grande force d’expansion; l’energie ne
leur fait pas plus defaut (jue 1’intelligence; elles ont progressiv et pro-
gressent toujours, et, pour certaines branches du travail, elles ont le
droit de s’enorgueillir de leurs succes. L’industrie se transforme chez elles
comme chez nous: la fabrication dispose successivement de moyens plus
puissants, la grande manufacture prend par degres la place de la petite,
les ouvriers quitlent le foyer domestique et se concentrent dans les ate-
liers. Tout ce mouvement se montre partout , tnntöt premature et tantot
attardö. La production s’eleve et depasse les anciennes limites. Mais, dans
le meme temps, les salaires augmentent, l’epargne produit son ceuvre,
un plus grand nornbre de consommateurs arrivent a l’aisance, et celle-ci
s’accroit chez les autres. L’adoption en plus d’un Etat du principe de la
liberte commerciale et la facilitiV des Communications aidant,les anciens
marches s’Margissent et de nouveaux debouches s’ouvrent. Nous avons
trouve le progres chez chaque peuple producteur, nous trouvons la con-
currence chez chaque peuple consommateur.
II ne faut pas se faire d’illusion : les temps sont changes, et nous l’avons
appris par de cruelles lecons. Quand meine nous resterions confine dans
la tache etroite qui est la notre, nous n’en sentirions pas inoins le mou -
vement impetueux qui se fait autour de nos manufactures.
Nous l’avons montre en parlant de la filature et de l’ouvraison de la
soie, de la filature des dechets de soie. Restes les maitres sur plus d’un
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
240
noint, il laut confesser notre faiblesse sur d’autres. Persohne n’oserait con-
tester les succes des Italiens, non plus que les progres des Suisses, des
Allemands et des Anglais.
Nous l’avons montre egalement en parlant des fabriques de soieries. La
fabrique lyonnaise, prise dans l’ensemble, est encore la premiere. A l’Ex-
position de Vienne, sa superiorite a etü üclatante. Mais 1’acclamation s’est
l'aite sur la superioritö presente, et, qu’on le sache bien, on n’a pas juge
que, dans les dernieres anndes, la fabrique de Lyon eüt fait les progres
qu’on eut attendus d’elle. Qu’on le sache bien, on a eru surprendre en
eile une sorte d’impuissance ä conformer la qualite et le prix, meine pour
les etoffes qui 1 ui sont propres, aux besoins nouveaux de la grande con-
sommation.
L’Allemagne et la Suisse lui ont enlevü la vente d’une notable partie
des etoffes ä bon marche. Les Anglais poursuivent avec vigueur la fabri-
cation d’articles qu’ils se sont rendus familiers. L’Italie, l’Autriche, la Russie
meine, n’ont pas eu moins de perseverance, et l’Exposition a montre dans
ces pays des progres auxquels on se refusait a croire.
Le cours des mceurs et des modes nous est contraire. L’etoffe unie a
les preferenres. La mode, quoique inconsciente, favorise le nivellement
apparent des conditions, ou a 6te amen^e irresistiblement par lui. Les
etoffes se rapprochent, quant a l’aspecl, de types uniformes, et c’est l’art
de la melleuse en ceuvre de Tetofle qui relüve le plus le tissu par la plus
grande valeur de ia fajon et de l’ornement qui y est ajoute.
Dans ia decoralion interieure et l’ameublement des habitations, le
meine pencbant existe. 11 semble que, se plaisant moins a la jouissance
tranquille du foyer, la societe s’en desinleresse davantage et n’ait plus le
meine goüt a l’embellir. Les fortunes s’eparpillent pour ainsi dire, et les
heureux du temps ne sont plus de si baute tadle que leurs devanciers; par
suite, une moindre richesse dans l’interieur. L’emploi de l’etoffe diini-
nue; l’etoffe qui est recberchee n’a plus la meme beaute grave, et n’est
plus autant ennoblie par l’art; le goüt a moins de purete, moins aussi de
severite.
Le terrain est donc nouveau, et nous n’en avons plus l’avanlage. Ces
heureuses aptitudes que le travail avait developpees et affermies, nous
n’en avons plus l’usage autant qu’autrefois, et la 1 litte est engagee avec
des rivaux qui sont, pour la soutenir teile que le temps jiresent l’a faite,
aussi bien doues que nous. Des lors, la concurrence de ces rivaux est de
jour en jour plus pressante. Leurs produits se repandent de plus en plus,
s’ecoulent facilement, et la consommation franjaise, celte consommation
qui est la plus exigeante, qui est le mieux servie par la fabrique na-
SOI ES ET SOIERIES.
241
tionale, absorbe dejä pour ko miliions de tissus de soie anglais, alle—
mands et suisses.
11 y a donc un danger reel, et l’heure n’est pas passee ou il ne soit plus
possible de le conjurer. La fabrique lyonnaise ne saurait oublier le sort des
fabriquesbyzantines et italiennes, si proches h^ritieres des traditions anti-
ques; l’histoire lui a appris avec quelles armes eiles ont 4te successivement
vaincues. Ces armes n’ont jamais et^ mieux tremp^es qu’elles ne le sont
aujourd’hui chez nous; la fabrique lyonnaise sait les manier et s’en servira
encore avec resolution. II n’y a pas d’obstacles qui arretent son commerce;
son credit a les plus solides fondemenls; aus ecoles et aux mus^es faits
par eile et pour eile l’esprit acquiert une plus forte culture; laplus grande
babilete dans la production est associee ä la plus ingdnieuse recherche de
Famelioration morale et intellectuelle des ouvriers, et les exemples des
C.-J. Bonnet, des J.-B. Martin, des Montessuy et Chomer, des Gillet,
montrent une pers^viirance et une fermete qui etonnent nos rivaux. Le
fabricant, sur qui portent le plus le poids du travail et la responsabilite
de 1’oeuvre, s’est r^signe a ne trouver souvent dans le prix de vente que la
plus stricte remuneration du Capital et de la peine. L’^toffe la plus courante
peut etre exdcul^e avec le meme succes que la plus riebe; la division du
travail rend le travail moins incertain, etla fabrication s’est constiluee, par
suite, dans des conditions (r&s-diverses, chacune le mieux ordonnde pour
son objet. Le petit atelier du maitre ouvrier a la ville et l’usine puissante
ä la Campagne ont Fun et Faulre leur raison d’etre et leur role, Fun et
Fautre aussi les meliers les meilleurs, et ce ne sont pas les compatriotes
des Dangon, des Falcon, des Jacquard, des Breton et des Meynier, qui se
laisseronl devancer dans le perfectionnement des m^tiers.
Ce que nous venons de dire de la fabrique de soieries de Lyon serait
egalement vrai, en <itant appuyt; de remarques differentes, de la filature
et de Fouvraison de la soie dans le Midi et de la fabrique de rubans a
Saint-Etienne.
Si haut que soit le merite des chefs d’industrie, des palrons, suivant
Fexpression ancienne et vraie, il ne saurait faire oublier celui des ou -
vriers, et celui-ci nous l’avons signale plus d’une fois, dans le cours de
cet aperju.
Vingt-cinq fileurs, mouliniers, fabricants et teinturiers ont recommande
au Jury leurs meilleurs cooperateurs, et Fexpose des titres de cescoopera-
teurs fait le mieux comprendre que la fabrication soit excellente a tous les
degres. Nous avons cu les noms de plus de cent directeurs, contre-maitres,
dessinateurs, chefs d’atelier, ouvriers et ouvrieres : les uns avant de
longs et d’utiles Services, plusieurs n’avant jamais quitte Fatelier depuis
16
II.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
*>/12
plus de trente ans; les autres estim^s soil pour leur esprit ingenieux ou
leur rare habilete, soit pour un devouement ou une probite ä toute
epreuve; tous modestes, exacls, actifs, laborieux. Combien de directeurs
et de contre-maitres que les fabricants ont depeints comme etant a la fois
ffermes, bons, equitables, comme maintenant la paix, Thonnetete et le
travail dans l’atelier! combien d’ouvriers, hommes et femmes, auxquels
plus d’un patron a fait bonneur de l’am^lioration de procedes ou d’une
partie de la perfection des produits !
Le Jurv etait lie par une disposition, injuste ä notre avis, du regie -
ment ; il ne pouvait recompenser dans une fabrique qu’un seid cooperateur
de chaque ordre; c’est par cette raison que nous n’avons obtenu, malgre
notre insistance, que cinquante medailles ', et notre regret a et6 vif de ne
pas voir bonorer comme il Paurait fallu tous ces vaillants auxiliaires.
Ges faits et bien d’autres montrent que, dans cette population qui a
l’intelligencc prompte, le sentiment du devoir, la persev^rance, la fidelite,
sont familiers ä un grand nombre, et que, meme dans des usines popu-
leuses, un etroit accord tient rapprocbes les patrons et les ouvriers. Est-ce
a dire que, apres tant d’ebranlements, la solidite et l’union subsistent
dans la majeure partie de la famille industrielle? Cela n est pas certaine-
ment. Les reveries, les passions et les vices font incessamment leur ceuvre.
Chaque siede a eu ses agitations, et La Bruyere, t^moin de ces sourdes
rebellions, observait que, «quand le peuple est en mouvement, on ne
comprend pas par ou le calme peut y rentrer.» Nous le savons aujour-
d’bui; l’agitation est d’autant moins dangereuse que le peuple est plus
instruit. L’mstruction — nous y comprenons 1 mstruction religieuse et
le travail sont les seuls guerisseurs des maux issus de 1 ignorance, de 1 er-
reur et de la paresse. L ardeur a 1 mstruction et au travail est heureuse -
ment dans notre temperament, et ce liest pas la moins precieuse de nos
ressources.
Le temps presse de les employer toutes, de les accroitre par plus d’ef-
forts, de ne pas laisser s’affaihhr la vieille et feconde virilite, et de satta-
cber avec plus de fermete, dans tous les rangs, a la poursuite d un progres
qui fera notre salut.
« Continuons! continuons! Toujours au travail ! » secriait Pierre le
Grand, un jour que ses lieutenants desesperaient du succes de ses auda-
cieuses entreprises. «Toujours au travail!» dirons-nous aussi aux popu-
lations dont le sort est he ä celui de 1 Industrie de la soie; toujours au
1 La Societe de l’industrie de la hasse Au- tous les pays. Elle a recompense vingt de eeux
triche avait ouvert, en 1873, un concours dont nous avons fait valoir les Services,
entre los conlre-maitres les plus meritants de
SOI ES ET SOIEIIIES.
243
travail! Vivons, comme nos peres, de cetle vie de dur et silencieux labeur
qui donne a l’esprit un puissant ressort. Gardons l’amer Souvenir de fautes
et de malheurs qui ont leur enseignement et qui doivent avoir leur vertu,
et demandons a 1 inslruclion et au travail une force plus grande pour rester
les maltres dans cet art qui a fait si longtemps notre gloire.
INataus RONDOT.
i (5.
IV
T1SSUS DE CO TON
UNIS, FACONNES, MELANGES
ET FILS DE COTON.
RAPPORT DE M. ADOLPHE DELHAYE,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
Depuis l’Exposition universelle de Paris en 1867, tous les pays qui
cultivent le coton continuent a produire tout autant qu’avant la guerre.
L’Amerique donnera en 1872-73 environ 800,000 bailes; le BrAsil
700,000; l’Egypte /ioo,ooo; les lies occidentales 200,000 bailes; les
Indes orientales 1,000,000 de bailes; ensemble : 6,100,000 balles.
Ce chifFre est süffisant pour alimenter les 70 inillions de broches qui
existent dans le monde entier.
Depuis l’Exposilion de 1867, le nombre de broches s’est considera-
blement accru. En Angleterre rette augmentalion est de 20 p. 0/0, et
tous les autres pays ont egalement augmente le nombre de leurs Filatures.
1867.
L’Angleterre avait 34,000,000
Les Etats-Unis 8,000,000
La France 1 6,800,000
L’empire d’Allemagne 5 2,000,000
L’Autriche i,5oo,ooo
La Russie i,5oo,5oo
La Suisse 1,000,000
La Belgique 625,000
L'Espagne 700,000
L’Italie 3oo,ooo
Autres pays //
1873.
4i,000,000 broches.
11,000,000
6,000,000
4,000,000
1,700,000
1,600,000
i,4oo,ooo
800,000
700,000
//
200,000
1 Elle en aurait 8 millions; niais il taut 5 Aujourd’liui avec les 2 millions de bro-
retrancher les 9 millions de broches de l’Al- ches provenantde l’Alsace-Lonaine, eile en a
sace-Lorraine; reste 6 millions de broches. 4 millions.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
24 G
Ainsi, en 1867, il y avait dans le monde entier 56,826,000 broches;
il y en a aujourd’hui, en 1873, 70 millions.
Si l’on songe au nombre de navires qu’il faut pour Iransporter cette
masse de bailes sur le continent, au nombre de macbines necessaires pour
liier, tisser, teindre et appreter ce coton, au nombre de bras qu’il faut
pour mettre toutes ces machines en mouvement; si Ton se rend compte
ensuite du grand nombre d’autres industries auxquelles le coton fournit
du travail, telles que celle du fer, des mines, on est effraye du nombre
inlini de gens que fait vivre l’industrie cotonniere.
Aussi, comme l’Anglelerre s’est ernparee de ce precieux filament! G’est
quelle a besoin de coton avant tout; eile y trouve un avantage immense,
un travail continu et une source de ben^fices pour sa population. 11 est
certain que c’esl l’industrie cotonniere qui fait la richesse et la splendeur
de PAngleterre.
FRANCE.
TISSüS ET FILS DE COTON.
La France etait repr^sent^e a l’Exposition universelle de Vienne par les
villes de Rouen, Lille, Flers, Amiens, Claye, Saint-Quentin et Tarare.
L’industrie du coton occupe environ 600,000 ouvriei's, la plupart tra-
vaillant en atelier et ala tache, et 900,000 seulement travaillant chez eux,
au foyer domestique.
Pour la filature de coton le travail mecanique a, depuis longtemps,
completement remplace le travail a la main, et le nombre des broches en
activite est d’environ 6 millions.
Pour le tissage, on estime que la France possede pres de 80,000 me-
tiers mecaniques et environ 200,000 metiers a bras.
La Seine-Inferieure, dont Rouen est le centre, possede un grand
nombre de fdatures de coton et de tissages produisant principalement les
fds de gros numeros et les tissus epais. Rouen a fait depuis quelques
annties de sensibles progres pour ses cotons fd^s, en perfectionnant ses
machines et en employant utilement le coton de Finde, ce qui lui a permis
de rivaliser avec les produits anglais pour les gros numeros jusqu’au
n° 3o frantjais; il en est de meine des toiles de coton pour chemises d’ou-
vriers, qui trouvent un grand debo 11 che en Algerie et sont preferiies aux
tissus similaires anglais, fabriques avec des cotons de qualite tres-infe-
rieure.
Les indiennes communes, la rouennerie et les mouchoirs imprimes
T1SSUS ET FILS DE GOTON.
247
sont (Tun emploi tres-gen4ral, vu leur bas prix tant en France qu’a
l’etranger.
Roubaix, dont ia fabrication est plus variee, produit principalement les
articles melanges de coton, de laine et de fil pour robes, pantalons et
gilets. Cette ville a vu sa population tripler en ni4me temps que son im-
portance industrielle, par 1’impulsion quelle a donnee a sa fabrication, ä
son tissage mecanique et ä ses filatures. Ses articles a bas prix ont faitune
concurrence redoutable aux indiennes.
Amiens fabrique toujours avec une grande sup^riorite les velours de
coton pour vetements et pour meubles, dontl’emploi se generalise chaque
jour; et, gräce aux progres quelle a oblenus, cette ville peut rivaliser
avec les Anglais.
Lille produit surtout des fils de coton en numeros {ins pour les arti -
cles de Saint-Quentin et de Tarare, ainsi que pour les lulles et dentelles
de Calais et de Saint-Pierre-les-Calais. Ses fils de trame sont superieufs
aux trames anglaises.
II existe aujourd’hui a Lille trente filatures dont le nombre de brocbes
est de 527,600.
La maison Anatole Descamps, a Lille, qui a obtenu a l’Exposition de
Vienne une medaille de progres, fabrique un fil special pour dentelles et
guipures. A cöte du m^rite de sa production en eile-rneme, ce fil a eu
l’innnense avantage d’affranchir l’importante fabrif|ue de Calais de i’obli-
gation d’aller chercher en Angleterre les fils superieurs quelle reclame.
L’industrie cotonni&re de Saint-Quentin est peu representee a l'Expo-
sition de Vienne. Nous y avons remarquc cependant une magnifique Col -
lection de broderies a la main et a la mecanique pour lingerie de la
maison Heclor Basquin.
Depuis 1860, la broderie mecanique a fait de grauds progres; eile
prend de plus en plus la place des produits a la main, et d4ja un bon
nombre de brodeuses ne trouvent plus facilement le travail manuel sur
les places de Saint-Quentin, Epinal, Saint-Die et Nancy.
II y a aujourd’hui a Saint-Quentin 35o machines qui brodent meca-
niquement, et environ 2,000 personnes, bommes, femmes, enfants, qui
sont occuoees ä ce travail special. La production annuelle des broderies a
la mecanique, a la main et confections de lingerie, est de g millions. Les
enfants et les femmes gagnent depuis 1 fr. 2 5 cent. jusqu’a 2 fr. 5o Cent,
par jour, et les bommes de 4 francs a 1 0 francs par jour.
La ville de Saint-Quentin doit des eloges a M. Heclor Basquin, qui,
depuis t 8(i0, s’est occupe d’une moniere tres-active de faire grandir dans
cette ville l’industrie de la broderie mecanique. La grande difliculte etant le
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
248
manquecomplet d’ouvriers, il crea,sousle patronage de la Socidte indus -
trielle dont il est aujourd’hui le president, une ecole pratique de broderie,
et ä cet effet il fit don a cette Societd des deux macliines ä broder neces-
saires pour commencer les etudes.
Le Jury a l’Exposition de Vienne 1 ui a decerne, a Funanimite, la medaille
de progres.
Le nombre des diffdrentes especes d’etoffes creees depuis le commen-
cement du xix c siede dans Farrondissement de Saint-Quentin est tellement
considerable, que nous ne citerons que celles que Fon continue gdnerale-
ment ä y fabriquer; ce sont : en tissus de coton,les mousselines et les
gazes pour Fameublement; les piques de mille especes, les jaconas, nan-
souks, mousselines unies et celle imitant la broderie au plumetis, les
etoffes pliss^es pour devanls de chemises, et la lingerie, les culicots, per-
cales, cretonnes etbasins, les jaconas brillantes, faconnes, les broches et
tissus unis, les couvertures et les articles broches pour rideaux. 11 se fait
environ 45o,ooo pieces de tissus dans tous les genres et par an. La pro-
duction des tissus de coton (articles de Saint-Quentin) est de 35 millions
annuellement.
A FExposition de Vienne, la plus grande recompense, le diplöme
d’honneur, a ete ddcernee a la maison Ledoux-Bedu, de Saint-Quentin, pour
sa magnifique fabrication de tissus de coton a la mecanique et ii la inain.
Cette collection a fait Fadmiration de tous les membres du Jury; tous ont
coupe aux pieces des bouts d’echantillons, afin de montrer dans leur pays
ces merveilles de Findustrie cotonniere frangaise. Gelte manifestation, de
la part des jures de la Uelgique, de FAllemagne, de la Russie, de l’Au-
triche, de la Suisse, de FItalie, de FEspagne, du Bresil, de la Grece et de
FAngleterre, est le plus bei eloge que Fon puisse faire des produits de la
fabrique Ledoux-Bedu. Cette maison possede aoo metiers mecaniques
mus par la vapeur sur une largeur de i ,n ,20 ii i m ,4o. Elle a, de plus,
i,ooo metiers a bras. Les ouvriers travaillent chez eux: chaque ouvrier
occupe une ouvriere pour faire des trames. Elle oceupe aa5 ouvriers
pour le tissage mecanique et 1,200 pour le tissage a bras, non com-
pris ceux qui font les trames. La maison Ledoux-Bedu produit pour
2,5oo,ooo francs annuellement. Elle a fait des depenses consid^rables
pour Finstallation des maisons d’ouvriers. C’est enfin la fabrique la plus
importante, la mieux outillee et lamieux organisee du centre saint-quen-
tinois.
Le salaire est generalement paye ii la pieee, et il varie, suivant l’liabi-
letd de l’ouvrier, de 2 a 4 francs par jour. L’ouvrier tissanl chez lui a
pour auxiliaires sa femme et ses enfants, qui preparent les cotons et font
• ■ •'
TISSUS ET FILS DE GOTON. 249
en mdme temps lern - apprentissage. Beaucoup de femmes deviennent de
tres-bonnes et tres-babiles ouvrieres.
L’industrie cotonniere de Saint-Quentin occupe une grande partie des
ouvriers de nos campagnes pendant huit mois et l’agriculture pendant
quatre mois. 11 resulte de cette Organisation que l’agriculture et l’indus-
trie, loin de se nuire, se prdtent mutuellement appui.
Flers, departement de l’Orne, situe sur la route d’Angers a Caen, est
un grand centre de fabrication en tissus de coton; les articles qui se font
en tres-grande quantitd sont : les coutils pour chaussures, coutils pour
corsets, coutils a lit, ameublement, fantaisies pour chemises, jupons, pan-
talons, blouses, slores et les toiles coton.
11 s’en fabrique annuellement pour environ 4o millions de francs.
Cette fabrication est divisde en tissage mecanique et tissage a la main.
11 n’existe a Flers que trois tissages mdcaniques, comprenant en tout
5o metiers; le tissage a la main comprend i4,ooo metiers, rdpartis pour
la plus grande partie dans les campagnes. Le nombre d’ouvriers employes
est de 3o,ooo au moins pour 3oo fabricants.
A Vienne, la maison L. Halbout et C ie a expose une fort belle serie de
lous ces articles dans les six genres qui se fabriquent en grande quantite
et qui se vendent le plus a l’etranger. Le Jury a remarque tout particulie-
rement les toiles pour corsets et les toiles bleues et blanches pour panta-
lons d’ouvriers, qui sont d’une fabrication parfaite.
Claye (Seine-et-Marne). La maison Japuis-Kaslner et C'° a exposd de
magniliques tissus de coton imprimes pour ameublements, chemises et
mouchoirs de couleur.
Tarare, dans le departement du Rhone, sur le chemin de fer de Paris
a Lyon par le Bourbonnais, est un centre fort ancien de fabrication pour
les articles coton. Ce ne furent, au debut, que de grosses toiles mdlangees
de lin, de chanvre et de coton; mais, a partir de l’annee 1766, la fabrica -
tion prend de grandes proportions et determine une production serieuse
des mousselines de Tarare dont la France etait tributaire de l’etranger.
Les principaux produits des fabriques de Tarare sont les mousselines
unies, les tarlatanes, les gazes, les saint-galette, les tangcls, les mous -
selines broddes au croehet pour l’ameublement et pour la lingerie, les
mousselines brochees et faconnees au metier Jacquard, les cotonnes et
colonnades, les couvertures de coton unies et melangees, etaussi quelques
lilatures de coton.
Le nombre d’ouvrieres et ouvriers employes, soit au tissage, soit aux
diverses preparations des differents genres de produits, est considerable;
il s’elevc a 120,000 au moins : 85,000 lisseurs produisenl annuellement
250
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
t,3oo,ooo pieces de 3o a 5o metres, soit plus de 5o millions de metres
d’etoffes; 2 5,ooo ouvrieres brodeuses s’occupent de la fabrication des
rideaux brodes au crochet pour aineublement.
La production totale du centre cotonnier de Tararedepasse 60 millions
de francs.
Nous avons remarque ä l’Exposition universelle de Vienne, aux rayons
de Tarare :
i° De tres-belles mousselines unies, tarlatanes et gazes;
9° De tres-belles mousselines brod^es au crochet pour l’amenblement
et pour la lingerie;
3° Des mousselines brochees et fagonnees tres-bien fabriquees au me -
lier Jacquard.
MOUSSELINES UNIES.
La fabrication des mousselines unies, comprenant divers genres, est la
branche la plus importante de l’industrie de Tarare. Ces tissus, lins et
clairs, reclament l’emploi des meilieures sortes de coton et les numeros
les plus Cleves depuis le n° 70 millimetres jusqu’ä 3oo millimetres; on est
m^me all4 jusqu’a 5oo millimetres.
Tarare a envoye ä l’Exposition universelle de Vienne les principales
Varietes de ses mousselines : organdis souples, crepes lisses, mousselines
claires (verkable type de la mousseline da Tarare), fabriqu^es dans toutes
les finesses, dans tous les prix, dans toutes les largeurs, depuis 85 centi-
metres jusqu’a a m ,io.
L’attention du Jury s’est portee aussi sur les linons clairs, meines tissus
que les precedents, mais avec un appret ferme; les mousselines franpaises
ou nansouks legers, les mousselines soyeuses auxquelles un lustrage me-
canique donne un magnifique brillant, et enlin sur les magnifiques mous -
selines dites genre suisse, tissu plus serre que les precedents et genera-
lement employe pour la belle lingerie.
TAKLATANES.
Genre de tissu tres-clair, tres-leger; se fait en loutes nuances et s’ex-
porte en tres-grandes quantites. G’est Tun des principaux arlicles de la
fabrique de Tarare; les prix en sont tres-bas, depuis 20 Centimes le
inelre jusqu’a 3 francs le metre en grande largeur. La beaule et la fraicheur
des nuances de cet article contribuent beaucoup a la grande faveur qui
lui est accordee.
TISSOS ET FILS DE COTON.
251
GAZES.
L’ai'ticle gaze est Tun des plus anciens de la fabrique de Tarare; c’est
un article clair, leger, transparent et tres-solide; il est fabrique dans toutes
les finesses jusqu’aux numeros de coton les plus eleves et dans toutes les
largeurs.
La fabrique de Tarare produit non-seulement des gazes unies, mais
encore des gazes facomMes, des gazes lamees, Manches et en couleurs. Ces
genres sont tres-recherches , surtout en Orient.
MIODERIES AU CROCHET.
Les membres du Jury a l’Exposition universelle de Vienne, aux rayons
de Tarare, ont examnM avec une grande attention une fort belle Collec -
tion de rideaux et stores brodes au crocbet sur tulle et sur raoussebne;
ils ont adruire ces rideaux et ces stores tres-remarquables par le fini, la
perfection du point de crochet autant que par le bon gout des dessins.
Nous citerons en premiere ligne pour ce genre la maison Meunier, qui a
obtenu la medaille de progres.
La broderie au crochet de Tarare est de labrication ;i peu pres aussi
ancienne que celle de la mousseline. Les debuts en furent penibles et se
bornerent a la production d’objets destines ä la lingerie. Plus tard pa-
rurent les premiers essais pour rameublement. Ce genre prit un essor
rapide, et ses progres sont, depuis dix ans surtout, Tun des beaux succes
de Tarare.
MOUSSELINES BROCHEES ET FACONNEES Aü METIER JACQUARD, GENRE PLUMETIS.
La fabrication des genres plumetis rernonle aux annees 1810-1812.
Cct article sWcutesur le tissu dans l’operation meine du tissage, et a une
cerlaine importance dans la fabrique de Tarare. 11 serl ä faire des bonnets
de femme et divers articles de lingerie. Ce genre exige une grande habi-
lete de la part de Touvrier tisseur. L’exposition de Tarare ä Vienne repre-
sente une tres-belle serie de ces articles, qui ont ete exposes collectiveinent
et pour lesqucls le Jury a ddcerne une medaille de progres.
Les autres pays paraissent ne pas produire ce genre de tissus.
TEINTURES ET APPRETS.
II y a a Tarare de nombreuses usines pour preparation de tissus :
blanchiment, teinture, grillage et appret. Tous cesgrands ateliers ollrent,
parle perfectionnement de Toutillage et Temploi de procedes speciaux,
un ensemble modele.
252
EXPOSITION UNIVERSELLE DK VIENNE.
A l’Exposition universelle de Vienne, les apprets de MM. Delharpe
freres et Gourdiat freres ont ete tres-remarques et tres-apprdcies par
les membres du Jury. Ces deux appreteurs ont obtenu la m^daille de
inerite.
L’exposition des tissus de coton de la ville de Tarare a Vienne a ete
(gräce aM. Thivel-Duvillard, president de la Chambre de commerce, qui
a pris l’initiative dans cette circonstance et qui s’est mis a la tete de Forga-
nisation) l’une des plus brillantes de tous les rayons de tissus de coton de
tous les pays. L’ensemble de cette exhibition resume ce que Fon peut
imaginer de plus beau en tissus de cotons fins et legers, les mousselines
unies et faconnees, les gazes, les tarlatanes, les plumetis sur fond mous-
seline fabriques a la Jacquard, ainsi que les rideaux et les stores brode's
au crochet. Tous ces articles sont ex^cutes avec un gout et une perfection
incomparables. Aussi les membres du Jury ont-ils tres-visiblement mani -
feste leur satisfaction en accordant le diplome d’honneur a la Chambre de
commerce de Tarare.
Dix-huit fabricants avaient des expositions particulieres; presque tous
ont obtenu des medailles de progres et de merite.
Une exposition collective, r^unissant les produits de dix-neuf autres
fabricants, a obtenu la medaille de progres.
Quatre cooperateurs ont obtenu des medailles.
ANGLETERRE.
TISSUS ET FILS DE COTON.
L’Angleterre a envoye peu de produits cotonniers a FExposition de
Vienne. Ses 4o millions de broches sont a peine represent^es par quel -
ques filateurs de Manchester et de Salford, qui avaient expos^ coliective-
ment leurs produits. Nous trouvons a Vienne vingt-deux exposants dont
certains produits sont fort remarquables; aussi le Jury les a-t-il r^com-
pens^s. Mais il n’en est pas de meme pour les mousselines unies, genre
de Tarare. L’Angleterre ou plutöt FEcosse n’a rien prdsentd de s^rieux
dans ces genres, eile semble avoir d^sertö la lutte; les mousselines fines
et les tarlatanes n’y figuraient meme pas. Dans tous les cas, nous savons,
par experience, que, pour ces produits et surtout en tarlatanes, nous
sommes superieurs a FAngleterre, puisque, depuis plus de vingt-cinq
ans, Tarare vend une grande partie de sa production sur les marches
anglais.
TISSUS ET FILS DE CO TON. 253
Nous avons remarque la maison Horrocks, Milner et G le . Cette impor -
tante fabrique a 200,000 broches reparties dans diverses fabriques, a
Manchester, ä Preston et dans le Lancashire, et un tissage de 3,ooo me-
tiers qui fait des calicots, des twilles, des shirtings et des tissus fagonnds.
Tous ces tissus sont parfaitement travaill^s.
Brook Jonas and brothers, Meltham Müls Ilnddersfield, nous ont fait
voir des fds glaces de toute beaute, des fils a six bouts pour la broderie
a la main et au metier, en blanc et en couleurs; des fils pour crochets et
pour broderie au metier. Ces fils ne laissent rien a d^sirer pour la force,
la r^gularitd et les couleurs.
Armitage and sons,a Manchester, ont 2,000 ouvriers, tissant pour tous
les pays du monde : dix machines a vapeur font des toiles a volles, des
cuirs et des cotonnettes.
E. Ashworth and sons, Egerton Mills, Bolton. Ces fabricants ont une
tres-belle exposition en fils ecrus blanchis et teints, fils lustres, fils a
coudre et a broder.
Steiner et C' e , ä Chark, pres Ausington, ont expose des tissus rouge
turc inagnifiques et d’une nuance tres-vive, des cambrics, des velours, des
mousselines, des mouchoirs unis et imprimtis. Tous ces tissus se distin-
guent par leur excellente ex^cution.
Clark et Co., Ancher thread work, Paisley, ont des fils de coton ä coudre
pour la main et pour la machine, cotons pour crochets et broderies; tous
ces cotons sont prepanis dans la perfection.
Evans Walter et Co., a Derby, exposent des fils a coudre, a tricoter, des-
fds pour le crochet et la broderie et des fils glaces.
Le Jury n’a pas hdsit^ ä accorder, a Funanimit4, la m^daille de progres
a ces sept maisons, et le diplome d’honneur a Horrocks, Milner et C 1 “,
et a J. Brook and brothers.
ETATS UNIS D’AMERIQUE.
Nous regrettons beaucoup que ce grand pays, qui a aujourd’hui environ
1 1 millions de broches, qui est le second en importance pour le travail
du coton, qui consomme d£ja environ 1 million de balles, se soit com-
pl^tement abstenu.
ALLEMA6NE.
L’empire d’Allemagne a fait d’immenses progres depuis 1867.11 a au -
jourd’hui, en comptant les 2 millions de broches apport^es par l’Alsace,
environ 5 millions de broches.
254
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Nous avons remarque a i’Exposition de Vienne des echanlillons de
grandes lilatures, d’immenses tissages et plusieurs sortes d’imprimeries
d’indiennes qui tous marchent avec le progres.
Parmi les fdatures de coton, nous distinguons la Societe anonyme de
lilature et de tissage d’Eulinger, pres Baden.
Getto Society a 3o,ooo braches et 800 meticrs battants, fabrique les
velours, les teint en toutes nuanees, et les apprete. Elle a 800 ouvriers
et fait au delade 8 millions d’affaires annuellement.
Le diplome d’honneur lui a ete decerne.
L’expositioncollective de l’industrie cotonniered’Augsbourg, en Baviere,
comprend quinze maisons, parmi lesquelles nous complons :
La Societe anonyme de lilature de lin. Cette Societe travaille environ
7,000 bailes de coton par an; eile file depuis le n° 10 jusqu’au n° 80;
eile a 680 ouvriers et atteint un chiffre d’affaires de 3 millions de francs.
Elle a une machine a vapeur de 200 chevaux et 5 turbines de la meine
force. Ses fds sont tres-bien fabriques.
La Societe anonyme de Senkelbacb, pres d’Augsbourg, <jui emploie
Zi.ooo balles de coton par an et fabrique 570,000 kilogrammes de fils
d’une valeur de q millions de francs. Elle a 33o ouvriers; eile a 200 che -
vaux en machine a vapeur, et 2/10 chevaux de force et turbines. Son
principal debouche est dans l’empire allemand.
La Societe anonyme de lilature de Stadbach, qui travaille 16,000 balles
de coton par an et fait plus de 7 millions d’aflaires. Elle a plus de 1,000
ouvriers; eile a 6 turbines de goo chevaux de force, et 2 machinesa vapeur
d’ensemble 800 chevaux pour remplacer les turbines en cas de besoin.
Son principal debouche est l’Allemagne.
11 y a encore quelques autres fdatures, mais de moindre importance.
La Societe de tissage de Stannstetter, qui fabrique pour 2 millions de
tissus de coton.
La Soci<5t4 par actionsde fdature et de tissage mecanique d’Augsbourg.
Cette fabrique emploie 760,000 kilogrammes de coton en laine; eile
Hie 610,000 kilogrammes de fds et tisse 1 1/1,800 pieces d’une valeur de
2,700,000 francs.
L. Riedinger, qui a un tissage mecanique, une bianchisserie, une tein-
turerie, et qui fait les apprets, fabrique les courtes-pointes, les mouchoirs
rouge d’Andnnople, et fait par an au dela de9.3oo.ooo francs daffaires,
tant dans le pays qu’a l’ötranger.
Cette collectivitii a obtenu la medaille de progres et le diplome d hon-
neur.
Max Hanschild, a Chemnitz, en Saxe, expose une magnifique collection,
TISSÜS ET FIES DE COTON. 255
et complete, de lils doubles pour le crochet, le tricot et la couture. Tous
ces (ils paraissent etre de bonne fabrication. La maison faitplus de 3 mil-
lions de francs d’affaires, et principalement dans le pays.
Wegermann bis et Abraham, a Elberfeld , nous onl präsente de beaux fils
teints en rouge d’Andrinople. Cette fabrique existe depuis 1816; eile
ecoule presque tous ses produits a l’etranger. La medaille de progres lui
a ete decernee.
J. C. Dunklenberg, a Elberfeld, a expose des fds teints en rouge d’An -
drinople. Cette fabrique date de 1817. Elle teint 1 million de kilogrammes
de fds de coton par an, d’une valeur de plus de 6 millions de francs. La
moitie de sa fabrication s’ecoule a l’etranger. Medaille de progres.
La Fabrique de fil retors et de fil a coudre de Göggingen, en Baviere,
nous a presente une collection de fds a coudre, a tricoter et pour crochet.
Medaille de progres.
Elbers freres, ä Hagen, en Westphalie. Filature et tissage de coton, im-
primerie et teinturerie de coton; fabrication de courtes-pointes et de coton-
nettes. Leurs cotons teints, leurs tissus, leurs mousselines imprimees, tout
ccla est fort bien fabrique. Medaille de progres.
F. A. Mitscherlich, a Eilenburg, en Saxe. Fabrication de tissage meca-
nique et a la main, teinture, blanchiment et apprets. Cette maison a ex -
pose des piques unis et laines, des croises, des satins, le tout de bonne
fabrication. Medaille de progres.
L’exposition collective de l’industrie cotonniere de l’Alsace. Quoique
reprtisentee par des maisons de second ordre, cette exposition n’en est pas
moins excessivement remarquable. Nous y avons vu les fils et les tissus de
la maison Frey-Wiez, de Guebwiller, qui a 16,000 broches et 800 metiers
battants. Ses debouches se font en France.
La Socidte de filature et de tissage de Haguenau a expos4 des fils sim -
ples et retors, des tissus unis et fagonntis, des velours unis et coteles, etc.,
tout cela d’une fabrication parfaite.
Hartmann et fils de Munster a expose des fils et des tissus parfaitement
bien appret^s.
Schumberger fils et C‘\ de Mulhouse, ont expose des tissus blancs fagon-
nes et imprimes. Toutes ces couleurssont vives et les dessins de bongout.
D’autres fabricants encore augmentent cette petite phalange d’indus-
triels qui, malgre les malheurs de leur ancienne patrie, ont tenu a prou-
ver que leur industrie etait toujours vivace et gardait encore le premier
rang. Le Jury leur a decern6 le diplome d’honneur.
La Soci4te anonyme de tissage nnicanique de Linden, Hanovre. Gelte
fabrique existe depuis quarante ans; eile faitles velours et les Stoffes pour
256
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
pantalons. Elle fabrique go,ooo pieces par an et expedic surtous les mar-
cb^s etrangers. Ses produits sont fort remarquables. Le diplome d’honneur
lui a ^te decerne.
A. Herzog et C‘°, a Logelbach. Cette fdature date de 181g. Elle a
120,000 broches, un tissage et une retorderie. Elle travaille i,4oo,ooo
kilogrammes de coton et de laine, d’une valeur de 4,200,000 francs; eile
tisse 12/1,000 pieces, d’une valeur de 6 millions de francs. Elle occupe
2,4oo ouvriers. Ses produits sont bien appreci^s. Medaille de progres.
II y avait encore un grand nombre d’autres exposants qui ne man-
quaient pas de m4rite; mais il nous est impossible de les citer tous.
L’Allemagne avait cent deux exposants, parmi lesquels quatre-vingt-six
ont ^te couronnes.
M. Liebermann, l’inventeur de l’alizarine, a reju le diplome d’bonneur
pour cette magnifique invention, si utile a l’impression des tissus.
AU TRI CHE.
Ce pays nous a presente une tres-belle exposition en fds et tissus de
coton. Son chiffre de broches, de i,5oo,ooo qu’il dtait en 1867, est
mont£ a 1,700,000. Comme les autres nations, eile est en progres. La
fabrication des broderies de Saint-Quentin et genre Tarare dans ce pays
a attir^ notre attention. 11 est evident qu’une concurrence serieuse pour
la France prend de grandes proportions.
La maison Meinls-Erben, de Vienne, a expose des tarlatanes qui laissent
a desirer, mais qui nous confirment les visees de tous ces fabricants ayant
leur centre de production dans les contrees pauvres ou la main-d’ceuvre
est a bas prix, comme la Hongrie et la Saxe.
J. M. Hammerle, a Vorarlberg, a une fdature de 2,100 broches, un
tissage de 4oo metiers, une imprimerie et une teinturerie pour fils, tissus
de coton 4crus, imprimes, et des cotonnettes en toutes couleurs d’une tres-
bonne et tres-belle fabrication. Medaille de progres.
La Society anonyme d’imprimeurs sur coton, a Prague, en Boheme, est
une des grandes imprimeries de l’Autriche; eile a 8 machines aimprimer,
qui font 3oo,ooo pieces de 2b metres par an. Ses produits sont excessi-
vement remarquables, sous le rapport des couleurs et meme des dessins.
Hors concours, membre du Jury.
Franz Leitenberger, a Cosmanos, en Boheme. Cette imprimerie est la
plus grande du pays; eile a 18 rouleaux a imprimer. Ses tissus de toutes
nuances sont fort bien traites, ils se font remarquer par leurs belles cou -
leurs et leur Impression nette; il y a , entre autres, des mouchoirs blancs
T ISS US KT FILS DE FOTON.
"27)1
et jaunes sur noir d’aniline qui sont parfaitement reussis. Hors"concours,
membre du Jury.
Getzner, Mutter et C' e , a Bludenz Vorarlberg." Filalure et tissage de
coton, 5o,ooo broches, 5oo mdtiers mecaniques et 1,000 a la main
dans les campagnes. Diplome d’bonneur.
Carl Ganahl et C‘ e , a Vorarlberg, pres le lac de Constance, a une
fdature de 2d,ooo broches, un tissage et une imprimerie. Ses mouchoirs
rayes noir et blanc sur rouge d’Andrinople sont de toute beaute. Hors
concours, membre du Jury.
La Societe anonyme d’imprimerie, a Neunkirchen (basse Autriche),
a expose des tissus fond blanc magnifiques, des meubles de toutes Cou -
leurs imitant la laine. Couleurs d’une grande vivacite. Medaille de progres.
Benedict Schroll et Solin, en Boheme, a un tissage de 600 me-
tiers, une fabrique d’apprets et 800 ouvriers. Magnifiques tissus. Medaille
de progres.
Johann Liebig et C'% ä Reicbenberg. Grande fdature de 70,000 bro -
ches, dont le fil est tres-estime. Medaille de progres.
Carl Reinisch et C 10 , a Warnsdorf, en Boheme. Tissage de 600 me-
tiers pour robes et etoffes de pantalons. Medaille de progres.
L’Exposition collective de tissus de lin et de coton de Sternberg, en
Moravie, est assez remarquable. Ses cotonnades, ses lissus blancs unis,
ses tissus coton et laine, coton et soie, ses siamoises, ses rayures en
toutes couleurs pour matelas, ses Stoffes pour couvertures de lit, tout
cela est fort bien traite. Medaille de merile.
Ignatz Richter et Sohn, a Niedergrund, en Boheme, ont fait une
belle exposilion de velours de toutes nuances; leurs tissus coton et lin,
leurs Stoffes pour pantalons coton et laine, tout cela a etd tres-remarque.
Diplome d’honneur
Beaucoup d’autres maisonsont obtenu des distinclions. L’Autriche avait
cent quatre-vingt-douze exposants; cent cinquante-neuf ont et^ couronnes.
RUSSIE.
La Russie a aujourd’hui 1,600,000 broches, de t,5oo,ooo qu’elle
avait en 1867.
Son exposition est remarquable. Nous citerons en premiere ligne :
Finleison et C‘% a Tammerfors. Cette maison a une fdature de coton
et de laine, des ateliers de tissage et de teinture fondds en 1835. Elle
fabrique annuellement 900,000 kilogrammes de fil et 2/10,000 pieces
de tissus de coton et de laine. Elle a des moteucs hydrauliques, des tur-
258 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
bines; sa filature est de /io,ooo broches; eile a 9,100 ouvriers. Produits
bien soignEs. Medaille de progres.
Alexandre et Euslacbe Baranof, a Karabanowo (gouvernement de Vla -
dimir, district d’Alexandrew). Grande fabrique de teinture et impriinerie.
Cette maison, etablie en 1 8A5, teint et imprime par an 220,000 pieces
de calicot, d’une valeur de 12 millions de francs. Elle occupe 3,5oo ou -
vriers, a 2 i,5oo broches et 720 metiers. Medaille de progres.
V. Morozoff et Nikoloken (gouvernement de Vladimir, district de
Pokrow). Tres-important Etablissement, fabrique d’Etoffes de coton blan-
chies, teintes, imprimees et tissEes en couleur. Cette maison, fondee en
18/12, a, de plus, une fabrique d’indiennes en rouge de Turquie fondee
en 1860, un atelier de lissage mecanique et un atelier de tissage a la
main. Sa fabrication annuelle, de 235,000 pieces de differentes Etoffes,
represente une valeur de 10 millions de francs. 2,000 ouvriers travail-
lent a 1’Etablissement et 4,000 au dehors.
Albert Hübner et C ie , a Moscou. Cette maison possede une indien-
nerie qui fabrique 38o,ooo pieces detoffe par an, dont la valeur est de
G millions de francs.
Jean Kouscbine, dans le gouvernement de Moscou. Belle filature de
coton et fabrique de cotonnade fondee en 1847. Ce filateur a 63,000
broches, 3oo mEtiers pour le tissage; il occupe 1,900 ouvriers.
Grokhoroff freres, a Moscou, ont une fabrique d’indiennes et Etoffes
pour couvertures et robes. Leur fabrique d’indiennes, de chales et
de mouchoirs imprimEs fut fondEe en 1796. (jette fabrication est de
600,000 pieces, representant une valeur de 20 millions de francs; eile
occupe 1,200 ouvriers.
AndrE Skorospiloff, a Damogirovo (gouvernement de Moscou). Cette
maison fabrique les velours de coton sur metier mecanique et fait 4 mil -
lions de francs d’affaires par an.
ßasli Karetnikoff, a Teikovo, gouvernement de Vladimir. Cette fabrique
d’indiennes fut fondEe en 1787; eile y a joint, en 1 858, une filature de
26,000 broches et un tissage de 600 mEtiers, plus un atelier de blan-
cbiment et d’apprets. Elle fabrique 220,000 pieces d’indiennes, d’une
valeur de 7 millions de francs; eile occupe 3,000 ouvriers.
II y avait a l’Exposition de Vienne d’aulres exposants russes dans les
tissus de coton; mais la place nous manque dans ce rapport pour pouvoir
les citer lous. On peut juger par la nomenclature ci-dessus que 1 Indus -
trie cotonniere de la Bussie se dEveloppe dans des proportions gigan-
tesques et quelle avance a grands pas.
La Bussie Etait reprEsentEe par 245,000 broches et 6,100 mEtiers a
1 iV ■
TI SS US ET FILS DE COTON. 259
lisser; la fabrication des indiennes et des mouchoirs se monte ä 972 mil-
110ns.
II y avait. vingt-quatre exposants dnnt vingt ont ete recompensds.
S UI SSE.
La Suisse, d’apres les probabilites et le nombre de broches que la
statistique lui donnait en 1867, ne devrait avoir aujourd’hui que
i,4oo,ooo broches. Sa statistique, a eile, lui en donne 9 millions.
La Suisse fabrique bien et a bon rnarche. Ses cours d’eau, la sobriete
et lavie econome de ses habitants, sont autant de raisons qui plaident
en faveur de cette vie a bon rnarche. Elle fait aussi de belles choses fines
et riches, et toujours ä des prix tres-reduils.
La fabrication des genres Tarare est surtout remarquable en Suisse;
les efforts faits dans ce pays et leurs progres sont incontestables, et bientot
ils feront a la France une concurrence, meine dans les beaux arlicles les
plus privilegies, connne, par exemple, les mousselines unies et les tarla-
tanes. La Suisse est le concurrent de la France le plus redoutable et le
plus ancien, surtout en broderies sur mousseline et sur tulle. En mous -
selines unies, la Suisse a expose peu de choses dans les articles riches;
mais les mousselines bas prix, en tissage mecanique, sont tres-bon
rnarche et menacenl gravement les articles ordinaires de Tarare.
Les fabricants de Tarare ont besoin de mieux s’outiller, comme Font
lait les Suisses, en tissages mecaniques, s’ils veulent resister a une concur -
rence qui est devenue, a Fheure qu’il est, des plus serieuses.
Les maisons Schlaepler, a Waldstadt, et J. Kle freres, a Saint-Gall,
ont exposd des tissus mousselines mecaniques dans les grandes largeurs,
de 1 ,3o ft 1 ,F)o, dont la qualite est loin de valoir celle des mousselines de
Tarare; mais, sur les marehds de I exportation, ds peuvent faire un grand
tort a la fabrication fran5ai.se. Les fabricants suisses, dans les genres
tarlatanes, sont bien moins inquietants, et pour les ajtprets et teintures
ils sont encore tres-arrieres.
Oit la Suisse a le dessus sur Tarare, c’est incontestablement dans ses
broderies a la main, que la France ne peut plus suivre ni produire a cause
du bon rnarche exceplionnel presente a l’acheteur par les fabricants de ce
pays.
11 en est de meine pour la fabrication des broderies ä la mecanique,
qui est tout a fait dans l’enfance a Tarare. C’est vers ces articles que la
Suisse a porte tous ses efforts depuis longtemps, et son succ&s a fait aug-
menter sa labiication dans des proportions considerables pour les besoms
'le la lingerie et de la confeclion.
360
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Plus de vingt fabricants ont exposE a Vienne.
Les maisons Jacob Tisbacher, ä Saint-Gall, F. Soeppe et G‘% ä Saint-
Gall, Gebrüder Ikle, ä Saint-Gall, produisent en belles bandes ces varietes
en broderies que Tarare neglige beaueoup trop.
Henrich Kunz, a Zürich. Gest la plus grande filature du pays; eile
a 200,000 broches et 7,700 broches a retordre; eile fait lous les numeros
jusqu’au n° 5o , et tous ses fds sont de premiere fabrication. A Funanimite,
le diplöme d’honneur a EtE deccrne a cette filature hors ligne.
Mathias Naef, dans le canton de Saint-Gall, a expose des lils teints,
des tissus teinls et des tissus inelanges en partie de soie et de fils raetal-
liques. Cette Etablissement est compose d’une fdature de coton, dune
teinturerie, d’un tissage mecanique et d un atelier dapprels. La fabrica -
tion de celte maison comporte tous les genres de fils et de tissus de coton
teints. La plus grande partie de ces produits sonl exportes en Amerique,
en Afrique, en Turquie et aux Indes. Diplome d’honneur.
Oberholzer et Sporre, de Zürich, ont une filature de fils fins tres-
estimEe; eile file jusqu’au n u 4oo. Medaille de progres.
S.-IL Bühler et fils, a Winterthur, ont une filature de 5o,ooo broches
et un tissage tres-important.
La Suisse avait encore bien d’autres grands Etablissements representes
a Vienne, ainsi que beaucoup d’autres fabricants de broderies a la main
et a la inecanique. Elle Etait representee a 1 Exposition par cinquante el un
exposants, dont quarante-sept ont recu des recompenses.
BELGIQUE.
La Belgique, qui en 1867 avait 625,000 broches, en aaujourd hui au
moins 800,000. Ses metiers mecaniques onl aussi considerablement aug-
mente. La Belgique n’a pas beaucoup d’exposants; mais les maisons qui onl
expose sont de premier ordre.
Nous avons l’exposition collective de l’industrie cotonniere et des Etoffes
melangEes de la ville de Gand. Cette collectivitE se compose de sept fabri -
cants, qui representent brillamment l’industrie de la ville et donnent un
aperiju complet de tous les genres quis’y fabriquent.
MM. Parmentier, Van Hozgander et C" 011t expose des fils de coton
simples et retors depuis le n° 4 jusqu’au n° 5o, des tissus de coton Ecrus,
leints etimprimEs. Tous ces produits sont de belle et bonne qualite. Getto
maison n’existe que depuis vingt ans. Elle occupe 2,000 ouvriers; eile a
120,000 broches et 1,200 metiers battants. Elle a 12 moteurs de dilfe-
rents systemes, d’une force de 2,000 chevaux-vapeur. La production an-
nuelle est de 1 2 millions, dont inoitie est exportEe.
261
T1SSUS ET FILS DE GOTON.
Ferdinand Lonberg a expose des tissus de coton unis el fagonnes, des
jupons, des courles-pointes qui ont ete apprecies par le Jury et qui main-
tiennent cette maison au premier rang.
F■ Dehempsinne a expose 85 pieces de tissus divers. Ses tissus pour robes
sollt fabriques avec soin. Ses tissus nielanges brillent par les couieurs et
l’elegance des dessins.
Jules Dehempsinne a expose des fils de gros numeros, du n° 8 au n° i 2,
qui ont beaucoup de nierite; aussi un grand nornbre de ces fils sont-ils
exportes.
Desniet freres ont des tissus de coton ecrus de tres-bonne fabrication.
(jette maison ne travaille que pour le pays, qui apprecie ses produits.
E. Desmet et C‘° ont expose des fils de coton simples et doubles, devi-
des et ourdis eil chaines dcrues et teintes. Cette maison a i3,ooo broches
et filo depuis le n° 26 jusqu’au n° 60. Ses fils sont tres-estimes et s’ecoulent
dans lout le pays.
A. Baertsoer et A. Buysse ont envoye des tissus de coton unis et fagon-
nes, des tissus coton et lin et des velours de coton. Cette maison devient
tres-imporlante; eile fait un cbiffre d’affaires de a millions et demi. Ses
velours ont ete fort apprecids par le Jury et peuvent se mettre au meine
rang que les velours anglais et frangais. Aussi le quart de la fabrication est
envoye dans les pays d’outre-mer.
L exposition cotonniere de Gand. Cette exposition de findustrie coton -
niere de Gand represente en iniportance environ la moitie et les meilleures
des broches de la vdle de Gand. En consideration de cette iniportance et
de l’excellence de tousses produits, le Jury a decerne a la Chambre de
commerce de la ville de Gand le diplömc d’honncur pour son induslrie
cotonniere.
Les Fabricants d’etofles apantalons de Mouscron ont cnvoy4 a l’Exposi-
(1011 des Coupons de tissus pour pantalons que le Jury a apprecies de la
maniere suivante :
Iroismedailles de nierite ont ete decernees aux maisons Desprets freres,
Louis Dujardin, Safl’re et Grateline.
11 y avail quinze exposants beiges, et tous ont ete recompenses.
E S PA G IN li.
L’Espagne en 1 867 avait 700,000 broches; je crois qu’ellen’en a guere
plus aujourd’hui. Ce malheureux pays, constamment en revolution, a de
la peine a s’occuper d’industrie et ne s’y sent pas encourage.
ffcst a grand’peine que son commissaire gi'-neral a pu reunir les pro-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
•2(r2
duits de quelques fabricants pour les faire figurer a l’Exposition universelle
de Vienne.
Nous remarquons parrni les douze exposants de ce pays les maisons
suivantes :
La Societe industrielle de Barcelone. C’est une imprimerie qui expose
des tissus fondblanc de toutes couleurs, des doublures de diverses nuances
et des meubles bleu et rouge qui sont bien traites.
Batllo hermanos,a Barcelone, qui prEsentent des tissus communs pour
calicots blanchis.
Ges deux maisons ont obtenu la medaille de progres.
Jose Ferrer y C a ont de beaux imprimEs et des fonds blancs en toutes
couleurs.
Ricarl y C" ont des meubles trois couleurs et des fonds blancs nettement
imprimes.
Ges deux maisons onl recu la medaille de me rite.
Sur les douze exposants, dix ont EtE medailles. '
I TA LIE.
Ge pays a fait d’immenses progres dans son industrie cotonniere. Le
nombre de broches s’Eleve aujourd’hui a environ ioo,ooo. 11 y avait a
l’Exposition universelle de Vienne des exposants parrni lesquels nous avons
remarque en premiere iigne :
Poma fratelli, a Biella, qui ont introduit les premiers le tissage a la
mecanique en Italic. Leurs produits sont bien fabriques, et le Jury leur a
decerne le diplome d’bonneur.
Schlaepper, Benner et G ,e , a Salerne. Gette maison a expose des fils qui
ont de la rondeur et de la force. Cette filature possede 26,000 broches.
Le Jury n’a pashesite a lui d^cerner la medaille de progres.
L’Etablissement cotonnier de Canlon, ä Milan. Cet Etablissement a
une filature, des metiers ;i retordre, une teinturerie pour fils. Ses fils
ecrus et teints, ses fils a coudre, a broder, a tricoter, sont bien fabriques,
et le Jury lui aurait decerne une rEcompense, si im des membres de l’eta-
hlissement n’avait pas fait partie du Jury.
Mazzoni Paolo, ä Turin, a exposE des fils et des batistes debonne qua-
fite.
Assetto fratelli, a Turin, ont exposE des tissus de coton, de coton et
laine, des tissus ä la Jacquard, des molletons, tous produits de leur fabri-
cation.
Soletti, Weiss et C'% a Milan. Cette maison a exposE des fils teints
en rouge d’Andrinople qui sont d’une belle nuance et quelle exporte.
TI SS US ET FILS DE COTON. 263
Stabilimenlo Visconti, de Modrone, a expose des velours de colon qui
sont bien trailEs et qui ont refu une medaillc de inerite.
HOLLANDE.
La Hollande a dix exposants, parmi lesquels sept ont regu des recom-
penses.
Nous citerons :
La filature de tissage de Vinendal, pres d’Utrecht. Gette maison pos-
sede 37,000 braches, 700 trames et 800 ouvriers. Ses produits sonl
tres-satisfaisants. Medaille de progres.
Geldennan et Zonen, ä Oldeinaal, qui ont une filature de 20,000 braches
et un tissage de 700 metiers. Leurs produits sont exportes en Chine et au
.lapon. 11s ont obtenu une medaille de mErite.
Hilversumsche Spinnery et Varery, a Amsterdam. Gel Etablissement a
20,000 braches et ko metiers.
Hengelossche Boutwevery. Gette maison travaille la cotonnette et lc
tissu pour les Indes.
Stork, a Langelo, qui a un grand tissage de qoo ouvriers et qui
exportepour les Indes.
Ces trois dernieres maisons ont obtenu des medailles de inerite.
PORTUGAL.
Le Portugal commence a travailler le coton. Ge pays a quelques mai -
sons qui tissent et impriment.
AjosCounha, Ferreira et C" font les indiennes et les mouchoirs de
coton.
Ajos et C" ont une imprimerie de 260 ouvriers et font un chitTre d’af-
faires de plus d’un millioii. Le Jury 1 ui a decerne une medaille de progres
et une mEdaille de merite.
Sur dix exposants, six ont Ete couronnes.
DÄNEMARK.
lei nous avons la maison Goldschmidt, a Gopenhague, qui expose des
bis teints en rouge d’Andrinople qui lui ont valu une niEdaille de inErite,
et la maison Christenscn, a Gopenhague. qui a exposE des cotonnettes qui
lui ont obtenu un diplome de niErite.
NORWEGE.
Ce pays esl rcprEscnte par quatre exposants, parmi lesquels trois ont
ete couronnEs.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
2<>4
Nydalens et C‘% a Christiania, a expose des tissus pour voiles tres-bieu
fabriques, qui lui ont valu une mddaille de progres.
Gunerius Cettersu, ä Christiania, a regu une mddaille de merite pour
ses cotonnettes et ses tissus laine et coton. Cette maison occupe 5oo ou-
vriers.
SUEDE.
A Gottenberny, il cst une Societe anonyme qui a une filature de
3o,ooo broches de coton, un tissage et une teinturerie; eile fabrique les
tissus pour toiles, voiles, les doublures teintes et non teintes, les rubans.
Elle occupe 1,000 ouvriers. Elle est hors concours
Sur cinq exposants, quatre ont ete couronn^s.
Nous citeronsle tissage de 2,000 ouvriers de la maison Anderson Iven,
a Boras, et les fils teints et les cotonnettes de Wingqeirst, ä Boras-Tristels.
BRESIL.
Nous avons quatre exposants, dont trois ont 4td couronnes. Nous voyons
que le Bresil desire implanter l’industrie cotonniere chez lui.
S. A. Aranjo Filgueres, de Bio-Janeiro, a obtenu une medaille de
merite pour ses tissus de coton.
Mascarenhas freres, a Cedro, et Gereimado, ä Bahia, ont recu pour leurs
produits un diplome de merite.
GREG E.
La Grece, en i8Ö2,avait 10,000 broches; aujourd’hui, en 1873, eile
en a 3o,ooo, reparties en huit lilatures.
Le Jury a decerne une medaille de merite a MM. Bolanaki freres, au
Piree,pour leurs fils n° 14. Ges messieurs ont une filature de 4,4oo broches.
II en a decerne une autre a MM. Betzina freres, au Piree, aussi pour
la bonne qualite de leurs fils. MM. Betzina ont 5,000 broches.
Le Jury a dgalement accorde un diplome de merite aux Dames Patron -
nesses du tissage Garisto, pour le concours bienveillanl qu’elles accordent
aux tisserands de cette commune.
EMPIRE OTTOMAN, JAPON ET CHINE.
Nous n’avons pas, pour ainsi dire, rencontre d’industrie cotonniere dans
l’empire Ottoman. Le commissaire nous a fait voir quelques fuseaux et
quelques tissus bien communs, pour lesquels le Jury a accorde une medaille
de progres a M. Christo, ä Andrinople, et a M. Schnales, a Brousse.
A l’empire du Japon et a l’empire de la Chine le Jury a decerne une
medaille de merite, pour les produits cotonniers que ces deux Gouverne -
ments ont envoyes a l’Exposition de Vienne.
TISSUS ET EILS DE COTON.
265
II resulte de toules nos observalions et de nos visites frequentes a l’Ex -
position universelle de Vienne que tous les pays ont fait de grands pro -
gres, rAllemagne, l’Autriche, la Russie et la Suisse tout particulierement,
et que, pour lütter avec avantage, nous devons constamment nous tenir
au courant de toutes les ameliorations et perfectionnements qui peuvent
se presenter, soil dans un pays, soit dans un autre. La lulte entre les in-
dustriels des divers pays va sans cesse en augmentant, et ce sera celui qui
arrivera le premier a ehre le mieux outille et qui travaillera et produira
le plus Economiquement, qui l’emportera sur ses concurrents.
Ce n’est que par des progres soutenus que nous pouvons arriver ä ne
rien craindre de nos voisins; mais ces progres exigent de grandes dE-
penses d’outillage et la creation de vastes Etablissements. Pour qu’ils se
realisent, il est necessaire, indispensable de redonner une confiance com-
plete 4 l’industrie frangaise, en lui assurant pour une longue periode une
tranquillitE politique dont notre beau pays a tant besoin.
L’industrie cotonniEre de l’Angleterre, qui ä eile seule possede ko mil-
lions de broches, qui produit des masses de tissus de coton en tous genres
et qui fait vivre tant de monde; cette industrie cotonniere, qui fait la
richesse de la Grande-Bretagne, etait ä peine representEe a l’Exposition
de Vienne.
Nous sommes loin de l’Exposition de Paris en 1855, ou environ 70 li-
lateurs de Manchester et de Salford avaient exposE collectivement leurs
produits. L’Angleterre trouve sans doute que les Expositions universelles
ont fait leur temps ou que les dates en sont trop rapprochEes. De son cotE,
la France s’est beaucoup abstenue aussi: nos fabricants de tissus de co -
ton n’Etaient pas tres-nombreux a l’Exposition de Vienne; mais, pour mo-
tiver cette abstention, eile peut au moins donner des raisons sErieuses.
Depuis 1870, la France a eu ä supporter d’immenses dEsastres qui ont
empechE une grande partie de nos industriels de se prEsenter a Vienne.
Deux grands centres de la France seulement ont exposE : Tarare et
Saint-Quentin, et tous les deux ont obtenu le diplome d’bonneur. Ceci
prouve une fois de plus que la France, malgrE ses grands malheurs, est
toujours ä la hauteur de tous les autres pays pour la fabrication fine des
tissus de coton.
L’avantage de la France, comme nous l’avons dit souvent, sera toujours
de posseder des ouvriers intelligents et capables, qui,pour tous les genres
de produits ou l’art et le goüt donnent du prix äla matiEre, peuvent avoir
des rivaux, mais ou ils n’ont certainement pas 4 craindre de rencontrer
des inaitres.
Adolphe DELHAYE.
V
*
>
TÜLLES ET DEISTELLES 4 LA MECAMOUE.
\\APPORT DE M. ADOLPHE DELHAYE,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
II n’extsle que trois grands centres importants de la fabrication de tulles
et dentelles a la mecanique, marchant a la vapeur et par le Systeme Jac -
quard, mais dont les produits sont difterents, comme uous allons l’expli -
quer.
France. — Le premier grand centre de fabrication est etabli a Calais
et ä Saint-Pierre-les-Calais.
Angleterre. — Le deuxieme grand centre de fabrication est etabli a Not -
tingham.
France. — Le troisieme grand centre de fabrication s’est forme ä Lyon.
CALAIS ET SAINT-PIERRE-LES-CALAIS.
TÜLL ES ET DEiNTELLES EN SOIE ET EN COTON.
L’industrie destulleset dentelles de la France, dont pr^alablement nous
dirons quelques mots, est venue prendre naissance a Calais et a Saint-
Pierre-les-Calais vers 1892, et sy est bientbt developp^e dans des pro-
portions considerables l .
1 Extrait d’une notice historique presentee
au Ministre du commerce par la Chambre de
commerce de Calais:
«C’estvers 1822 qu’un iudustriel franfais,
M. Dubout, fit conslruire deux metiers qui fu-
rent encore montes et diriges par des Anglais.
Ce ne lut qu’en i8a3 que te monopole lut en -
tere a ces derniers par deux ouvriers frangais
et calaisiens, MM. Mehaut et Lievin Delbaye,
qui monterent et firent marcber le premier
268
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
II existe aujourd’hui a Calais et ä Saint-Pierre environ 1,5oo machines,
representees par de grandes usines et marcliant toutes par la vapeur.
Cette magnifique Industrie possede, dans le rayon calaisien, un materiel
de 5o millions de francs; 17,000 ouvriers et ouvri£res sont employ4s ä
Saint-Pierre et a Calais, et, sur differents points de la France, plus de
100,000 personnes, occupees a la broderie sur tulle, aux decoupages, aux
entourages en fil blanc et en soie noire, y trouvent une existence assuree.
Elle livre annuellement au commerce de gros pour 5o millions de
produits manufactures en soie et en coton, qui, en se transformant dans
les modes en broderies, en lingeries, en confections et en nouveaut^s de
toutes sortes, deviennent encore la principale et v4ritable base de plusieurs
industries importantes, quoique secondaires.
Par son heureuse influence, un simple village, Saint-Pierre-l&s-Calais,
qui n’etait que de 4,ooo ämes en 1823, s’est rapidement transforme
sous nos yeux en une ville manufacturiere de 22,000 habitants
C’est l’industrie des tulles et dentelles ä la m^canique, dont les d^ve-
loppements ont 4te si grancls, qui repand aujourd’hui, surtout a Saint-
Pierre, le travail, le mouvement et la vie, dont les heureuses consequences
sont le bien-etre etla fortune pour tous nos ouvriers et patrons.
Malbeureusement, nos fabricants ont tres-peu expose ä Vienne; un tres-
petit nombre, relativement, avaient envoye leurs produits. Environ 200 fa-
bi’iques se sont abstenues! II est necessaire d’expliquer ici la Situation
actuelle de la fabrique de tulles de Saint-Pierre et de Calais, et les motifs
qui ont pu combattre chez la plupart des fabricants le d^sir qu’ils auraient
eu d’envoyer leurs produits ä l’Exposition universelle de Vienne.
Depuis l’application du Systeme Jacquard au metier a tulle, les moyens
de fabrication sont ct peu pr&s les meines en France et en Angleterre 2 . La
metier veritablement franfais. 1 L’apparition de
ce metier decida de i’avenir de ia fabrique; de
nombreuses machines se construisirent sur ie
rrieme modele, et repandirentbientöt dans toute
la France les produits'calaisiens. Alors com-
menca pour Calais et Saint-Pierre-läs-Calais
une ere nouvelle : notre pays efait dote d’une
source de richesse et de prosperite, grtice aux
efforts perseveranls et ä l’intelligence de
MM. Lievin Delhaye et Dubout.r
1 Dans un banquet qui a eu lieu tout dernie-
rement pour föter le passage du Ministre des
travaux publics, M. Deseilligny a repondu au
toast du prefet par un remarquable discours
dont nous extrayons le passagejuiivant:
ej’elais il y a deux mois a Calais, dont j’exa-
minais le port. On me proposa et j’acceplai
avec empressement de xfsiter la ville de Saint-
Pierre-te-Calais, qui est presque attenante ä
Calais. J’y ai constale avec surprise et admi-
ration le developpement extraordinaire de l’in -
dustrie tulliere.
eCelte ville, nee d’hier, on peul ie dire, a
maintenant 17,000 ouvriers et ouvrieres; ses
produits se repandent dans le monde entier.
Que les fortifications disparaissent, comme les
habitants des deux villes le demandent et
comme ilest possiblequ’ilsl’obtiennent, et Ca -
lais, uni ä Saint-Pierre, sera bientot une ville
de'60,000 ämes, vivant ä la fois de commerce
maritime et ile l’imporlante industrie tulliere.
2 II est bien important de ne pas confondre
269
TULLES ET DENTELLES A LA MECANIQUE.
diff^rence dans la production git seulenient dans le gcnie particulier de
chaque nalion. Or cest cette difference dans la production, n^cessaire et
m4me indispensable pour la prosperite de ces deux fabriques, c’est ce
besoin de travailler cbacun selon ce menie gerne et son gout particulier.
(|ur ont sans doute empeche nos fabricants franjais d’exposer en niasse a
Vienne. Ils ont instinctivement redoute, probablement, le danger de mettre
leurs plus beaux produits sous les yeux des concurrents anglais, dont Tha-
bitude de copier le goüt frangais est connue de longue date.
Quoi qu’il en soit, et comme on va le voir, les tulles et dentelles de
Calais et de Saint-Pierre, et du centre lyonnais, etaient encore assez lar -
gement reprdsentes ä l’Exposition de Vienne pour permettre aux membres
du Jury d’apprecier les nouveaux progres accomplis en France dans ces
importantes fabriques depuis l’Exposition universelle de Paris en 1867.
Nous citerons en premiere ligne la fabrique Herbelot, ä Calais, la plus
ancienne du pays. Elle a expose une magnifique collection de blondes en
soie blanche etnoire, qui imitent ä s’y tromper celles fabriquees a la main,
et dont les prix sont moindres des trois quarts. Cette maison, l’une des
plus importantes de Calais, a fonde sa manufacture en 1825; eile occupe
un tres-grand nombre d’ouvriers. Le chef de la fabrique, M. Herbelot, est
President du conseil des prud’hommes depuis quarante ans. Le Jury avait
propose cet bonorable industriel pour le diplome d’honneur; mais les con-
ditions tout ä fait exceptionnelles dans lesquelles il fallaitetre aupresde'Ja
Commission autrichienne pour obtenir cette baute distinction nous a mis
dans Timpossibilite de reussir. La medaille de progres lui a ^te decernee, et
les rnembre du Jury esperent quele Gouvernement franfais rricompensera
d une maniere plus eclatante le doyen de la fabrique de tulles de Calais.
Vient ensuite la fabrique Robert-Maxton, a Saint-Pierre-les-Calais. Ce
fabricant, Tun des plus anciens de Tindustrie tulliere, a toujours <ite ä la
tete des progres. II nous a presente, ä \ ienne, les plus magnifiques imita-
tions valenciennes dans toutes les largeurs. C’est la premiere fois que nous
voyons une execution aussi parfaite. Ces imitations a la inecanique sont
inconstestablement Tune des plus gloricuses productions de la fabrique
de Saint-Pierre. Une meklaille de progres a ete accordee, a Tunamite, h
ce fabricant.
1 industrie des dentelles mecaniques avec celle
de la dentelle an fuseau. Cette derniere n’a
aucim materiel, ni aucun grand centrede fa-
bricalion. La dentelle ä la inain se fait un pou
partout, sur des pefcils metiers ou carreaux et
dans le domicile des ouvrieres elles-memes.
(Voir les rapports remarquables de M. Felix
Aubry sur les dentelles des differents pays.)
L industrie des dentelles mecaniques, au con-
Iraire, se fait par le Systeme Jacquard, sur des
machines d’une grande pnissance, mues par
la vapeur, valanl de if),ooo a 20,000 francs
chacune, et dans des etablissements qui ne-
cessitent des millions.
-270
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Fabrique A. Vadelievre et J. Lebas, a Saint-Pierre. Nous avons remar-
que dans cette vitrine une tres-jolie serie de blondes Manches et noires en
soie, dont le bon gout des dessins et le bien fini de la marchandise ont
frappd 1’attention du Jury. qui a, sans hesitation, decerne la medaille de
bon gout.
Maison Sarrazin, Montfort et C' 3 , ä Paris. Cette maison , ayant fabrique
a Saint-Pierre-les-Calais, nous a presente une grande Variete d’imitations
fort belles, bas prix et autres, et dans tous les genres coton et soie. Tous
ces produits ont dte tres-apprecids par le Jury. Une medaille de merite lui
a ete decernde.
Maison Ch. Lecomte et C ie , a Paris, ayant fabrique a Saint-Pierre les-Calais.
Cette maison dtait magnifiquement reprdsentde a Vienne : tous les genres
de dentelles, en gdneral, provenant des machmes a tulle de Saint-Pierre,
figuraient dans cette vitrine. Une medaille de merite lui a ete accordee.
Maison A. Uefebvre et G 13 , a Paris, ayant fabrique a Saint-Pierre.
Tous les articles exposes par ce fabricant etaient d’un gout et d’un fini par-
fait. Une mddaille de mdrite lui a ete accordde.
Maison Galoppe et Fragin, de Paris, ayant fabrique a Saint-Pierre-les-
Calais. Elle a cxposd de magnifiques dentelles noires en soie et larna, en-
tourees a la main, dites r dentelles de France n. Cette fabrication est par-
faite; eile imite la dentelle Chantilly dans la perfection. Ce fabricant a
obtenu la medaille de merite.
Maison Bancquarl et C 1 , a Paris, ayant fabrique a Saint-Pierre-les-
Calais. Elle nous a pr^sent^ une fort belle collection de dentelles noires en
soie et lama, entoukes a la main; belles barbes, coiffures, etc., gen re
Chantilly. La medaille de hon gout a die accordde a cette maison.
Maison Gcevet-Dawson et C ,e , a Saint-Pierre-les-Calais. Fabrique de
filets lins et fdets de peche. Diplome de merite.
LYON.
TOLLES ET DENTELLES DE SOIE.
La fabrication lyonnaise fournit principalement les diverses sortes de
tulles de soie unis. Ce beau tissu est livrd au commerce d’intdrieur et
d’exporlation; il est surtout enqiloye pour laconfection de tous les articles
de modes et de hautes nouveautds, et, sous les doigts de nos habiles
ouvrieres, il produit ces charmantes faniaisies parisiennes qui n’ont de
concurrence dans aucun pays.
La fahrique de Lyon livre aussi au commerce une grande variete de
TULLES ET DENTELLES A LA MECANIQUE. 271
produits en soie noire, leis que echarpes, voiles, chales, voilettes, barbes,
Volants de robes, etc. etc., ainsi que laizes unies, brocbees et damassees,
et fantaisies diverses. II est bon de faire remarquer que tous ces articles
Sortent seulernent broches des metiers Jacquard, c’est-ä-dire que le dessin
est indique sur le tissu, mais qu’une tres-grande main-d’ceuvre est neces-
saire pour completer le premier travail du metier, qui consiste ä entourer
h la main les dessins par un fil de soie; ceci explique toute la difference
qui existe entre les genres de produits de Lyon et ceux de Calais, qni
sortent tout finis des metiers, a l’exception de quelques fils a couper.
Lyon compte approximativernent 800 machines anciennes; une cin-
quantame seulement sont neuves; en ajoutant les machines ä vapeur,
les batirnents et mobiliers industriels, roulement des matieres premieres
et marchandises fabriqudes, tout cela represente une valeur d’environ
10 millions; la production annuelle est de 1 0 millions environ.
A 1 Exposition de Vienne, MM. Dognin et Babouin, de Lyon, ont
expose, connne aux expositions prdcedentes, de tres-beaux produits, et ils
ont obtenu les plus hautes recompenses : le premier, pour ses jolis articles
en chales, voilettes, echarpes, Volants, etc., et le second pour sa
fabrication hors ligne des tulles de soie unis en bandes et en laizes.
Des medailles de progres ont ete decernees ä ces deux fabricants.
\ oici les noms des autres maisons de Lyon qui ont obtenu des recom-
penses a l’Exposition de Vienne :
Jarosson, Maurice et C' e . Tres-belle fabrication. Medaille de me rite.
Houtier, Crozet et C . Iimtations de dentelles de laine; articles bien
laits. Medaille de m^rite.
Dolfus, Moussy et C ,e . Fabrication soignee. Medaille de merite.
Gourgaud et C ie . Tulles et dentelles. Medaille de bon gout.
J. Artaud. Dentelles de soie, bonne fabrication. Medaille de bon
gout.
S. Royane et fils. Genres divers. Medaille de bon gout.
Rüg. Louvet. Tulles brodes et robes de bal.
ANGLETERRE.
LES TULLES ET DENTELLES DE NOTTINGHAM.
La fabnque de tulles de Nottingham, qui produit cependant beaucoup
dans tous les genres, mais tout particulierement dans les articles tres-
ordinaires en coton et en soie, a öte encore bien moins representee que
la Irance a TExposition de Vienne. En clfet, trois fabricants seulement
figuraient ä la galerie anglaise, et se sont content^s dune exbibition de
ai-2
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
rideaux coton guipure. Ce genre de fabricaiion est tres-joli, etil est appele
ä rendre de grands Services dans le commerce des ameublements. En
France, ce genre se fait aussi en grande quantite a Calais, ä Lille, ä
Douai et ä Saint-Quentin. Mais nous eussions prefere pouvoir comparer
tous les genres de dentelles qui se fabriquent en Angleterre avec ceux
exposes par la France et qui onl fait l’admiration de tous les membres du
Jury; nous n’avons rien trouve de semblable dans leurs vitrines, a l’ex-
ception cependanl de quelques belles imitations valenciennes, dans celle
de Jacoby-Moritz et C ie . La raison de cette abstention est tout a fait ignorde;
mais bien certainement la cause ne peut etre la meine qu’en France, car
il est prouv^ que ce sont les fabricants anglais qui copient les dessins et
le gout franjais, et qui font meme venir chez eux des dessinateurs etmet-
teurs en cartes de Saint-Pierre-les-Calais.
II y avait, il y a sept ou huit ans, ä Nottingham, le grand centre de la
production anglaise, environ 3,ooo metiers; mais il est important de
faire remarquer ici que le mat^riel anglais a diminue pendant que le ma-
teriel franjais s’augmentait de macbines neuves et puissantes. Il rtisulte de
documents fournis par la Chambre de commerce de Nottingham qu’il n’y
avait deja plus, en 1868 , que 1,800 metiers fabricant lesarticles de soie
et de coton; de ces 1,800 metiers, il n’en reste plus aujourd’hui que
1,200 environ. Les 600 metiers disparus ont ete detruits et mis au rebut;
les autres, les meilleurs, ont ete expddi^s en France du cöt6 de Lille,
Saint-Quentin et Caudry, pour etre employ^s a la fabricaiion des (ulles
communs en coton. Une partie aussi de ces 600 metiers anciens est albie
en Autriche. Il faut encore ajouter au materiel anglais environ 1,000 ma -
cbines fabricant des tulles unis en coton.
Voici les trois maisons qui ont figuni ä l’Exposition de Vienne et qui
ont obtcnu des r^compenses :
Jacoby-Moritz et C‘ e , a Nottingham. Hs sont fabricants d’un article
sptkinl dit valenciennes; pour cet article, ds ont pris des brevets; ce
sont eux cpii ont donne a Nottingham le plus grand developpement a ce
genre de fabrication. Cette maison a expose de belles guipures noires en
soie. Elle fait aussi les rideaux guipure assez bien. Une medaille de pro-
gr^s a et6 decernee a cette maison.
Simon May et C". Ils sont commissionnaires ä Nottingham, et engagent
des metiers ou plulot des dessins de rideaux guipure; mais ils n’ont pas
de metiers ä eux. Ce sont des negociants et non pas des fabricants. Tres-
gros cliiffre d’affaires. Leur exposition de rideaux etait fort belle. Medaille
de progres.
Copestake Moore, Crampton et C' e , a Londres et a Nottingham, (-ette
TULLES ET DENTELLES A LA MECANIOUE. 273
maison esl la plus grande maison de tulles de l’Angleterre; eile fait ses
ach als ä Nottingham, et raerne en France, a Saint-Pierre-Ies-Calais. Elle
s’occupe de tous les genres de tulles en soie et en coton, sans en excepter
un seul. Elle expedie dans tous les pays du monde, l'ait beaucoup de
millions daffaires. En un mot, c’est une colossale maison de commerce,
rpii merite bien la medaille de progres qui lui a ete accordee.
BELGIQUE.
TULLES DE BRUXELLES.
En Belgique, il existc quelques fabriques; mais elles sont toutes exclu-
sivement occupöes a la fabrication des tulles unis clairs pour l’application
et pour la broderie. La fabrique Veuve Washer est toujours la premiere
pour sa magnifique fabrication deslaizes mailleBruxelles et maille Malines,
qui servent a l’industrie de la verkable dentelle pour les applications.
A 1 Exposition de Vienne, cette maison nous a presente des tissus remar-
quables de finesse fabriquds avec des cotons n os 170, aao, a5o, 3oo,
3/io, 3bo, /100, 43o. Medaille de progres.
ACT JUCHE.
TULLES EN COTON ET FANTAISIES COTON.
II existe ä Vienne trois fabriques de tulle, et toutes les trois elaienf re-
presentees a l’Exposition de Vienne.
La premiere, la plus importante, c’est celle deiM. Ludovic Damböck; eile
se compose d’environ 5o machines qui fabriquent de petites fantaisies en
coton, tattings, frivohtes, torchon, genres anciens dont 011 ne trouverait
plus la veilte en France a aucun prix. Cette maison fait aussi en grand et
tr^s-bien l’articlerideaux guipurepour ameublements. (M. Damböck faisant
partie du Jury, son exposition a ete mise liors concours.j
La maison M. f aber et C ,e fabrique les meines genres que la maison
Damböck. Elle a expose de tres-beaux rideaux guipure coton pour ameu -
blements. Elle fait marcher environ 4 0 machines. Une medaille de propres
lui a ete accordee. 1 ü
La maison Iriedrich Austin, de Vienne, a exposö une fort belle sörie de
rideaux guipure coton pour ameublements. Cette fabrique, qui se compose
de 3o machines, reste dans cette specialile et ne s’occupe pas des autres
genres de lulle, comme les maisons Damböck et M. Faber. Nous avons
remarque dans la vitnne de M. F. Auslin une tres-grande variete de des-
•suis de bon go.it et une fabrication Ires-soignöe. Medaille de progres.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
274
Ges trois fabriques ne possedent que de tres-vieilles machines, tres-vieux
systemes provenant des anciens maleriels de Nottingham et de Saint-
Pierre-les-Calais. Ce n’est pas avec des installations aussi arritirees qu’elles
seront jamais a la hauteur des progres qui s’aecomplissent chaque jour en
France et en Angleterre.
ItESUME.
Apres avoir fait un rapporl consciencieux et irnpartial sur l’industrie
des tulles et dentelles des fabriques de Calais, de Saint-Pierre-les-Calais,
de Lyon, de Nottingham, de Vienne (Autriche) et de Bruxelles, nous
avons a nous r&sumer.
Si, a Vienne, l’exposition des produits de la fabrication des tulles et
dentelles de la France a suffi aux membres du Jury pour apprecier les
immenses progres qui s’accomplissent journellement, que serait-ce donc
si nos deux Cents fabricants francais avaient expose en masse toutes les
Varietes et tous les genres si nombreux que produit cette belle industrie !
La fabrique de tulles en France n’a pas ete, comme nous le disons plus
haut, bienfaisante seulemeut pour Calais et pour Saint-Pierre; d’autres
centres de production se sont formes a Lyon, ä Lille, a Saint-Quentin, ä
Douai, a Roubaix, a Grand-Couronne, a lucby-Beaumont et a Caudry;
mais le centre principal et le plus important de cette utile fabrication, ce-
lui qui sait creer les merveilleuses nouveautes dont le gout francais, dans
le commerce de la confection et dans celui des modes, tire un si puissant
parti; celui enfin d’oii sortent les incessanls progres qui depassent meine
ceux de la fabrique similaire anglaise, c’est incontestablement le centre
calaisien.
Aujourd’hui, les manufactures de Calais et de Saint-Pierre-les-Calais
tiennent le premier rang pour les blondes et dentelles nouveautes. Ses
produits sont recherchds partout; il s’en vend meme journellement depuis
deja longtemps a Londres, a Nottingham et dans tonte l’Angleterre. Ce
fait est caracterislique; il est avou^ des Anglais eux-memes, et n’a besoin
d’aucun commentaire pour etablir notre sup^riorbe au point de vue du
fini et de la perfection, dans les belles nouveautes tout particulierement.
Nos fabriques francaises ne demandent qu’une cbose : les matieres pro-
mieres dans les inemes conditions qu’en Angleterre; avec cela, eiles lutle-
ront toujours avec avantage.
Apres avoir examine ces belles dentelles de Calais, de Saint-Pierre-les-
Calais et de Lyon ä l’Exposition de Vienne, qui croira encore a la supe-
riorite des tulles anglais, si l’on visile surtout les magnißques ateliers de
la ville de Saint-Pierre, si Fon passe en revue toutes les nouveautes qu’ils
275
TULLES ET DENTELLES A LA MECANIQUE.
produisent, si Ion souinet a son examen tous ces nierveiUeux points ou-
vrag^s, veritables dentelles d’un effet si charmant et d’un prix si reduit
pourtant?
La perfection de la dentelle mecanique est teile aujourd’hui, qu’elle
marche de pair pour reffet avec les dentelles au l'useau, que les darnes
peuvent a peine les distinguer de ces dernieres, et que nous-memes, a
une faihle distance, nous en faisons la confusion.
Aussi terminerons-nous en disant que, gräce aux intelligentes et inge-
nieuses fabriques de Calais, de Saint-Pierre-les-Calais et de Lyon, dont
les produits sont accessibles aux classes les plus modestes de la socidtd,
la dentelle a la main cesse d’etre desormais l’ornement privilegie des
classes riches et opulentes, avec des produits aussi admirablement bien
perfectionnes. Le luxe des dentelles est mis a la portee de tout le monde.
La fabrique de dentelles mecanique de Saint-Pierre-les-Calais et de Calais,
et celle de Lyon, l’ont prouve une fois de plus a l’Exposition de Vienne
en i 8 7 3.
Adolphe DELHAYE.
i
8.
VI
DENTELLES.
RAPPORT DE M. F. AUBRY,
MEMBRE Dü JURY INTERNATIONAL.
CONSIDERATIONS GENERALES.
Sous le nom gen^rique de dentelles, on comprend toutes les especes
de dentelles travaillees manuellement, soit aux fuseaux, soit a l’ai-
guille.
La dentelle aux fuseaux se fabrique sur uu petit metier portatif, aussi
simple que leger, posd sur les genoux de l’ouvri&re, avec des fuseaux
auxquels sont attach^s des fils, et avec des epingles destindes, en quelque
Sorte, a servir de jalons pour diriger ces fils selon les caprices du dessin.
Jusqu’a ce jour, rien n’a et4 chang4, ni dans la forme du metier, ni dans
la m^thode de travail, qui restent presque les memes depuis trois ou quatre
Cents ans
La dentelle a l’aiguille, appelee point, se fait avec une simple aiguille
sur un dessin qui se pose dans la main.
La fabrication des dentelles est vari^e; eile emploie toutes les matieres
textiles. Chaque groupe de production a un genre original qui lui est
propre, et Fon peut alFirmer qu’il y a autant d’especes de dentelles qu’il y
a de centres de fabrication.
On fait des dentelles dans tous les pays, et, malgrd la similitude absolue
1 Dans t’eglise Saint-Gomar, ä Litire, on
admire une Loile de Quenlin Metsys (i Ag5)
representant une jeune fiile travaillant ia den-
telte sur un carreau a liroir semblable a ceux
dont on se sert aujourd’hui. (Voir, pour les
details historiques sur cette Industrie, notre
rapport sur la premiere Exposition universelle,
en 1851 , classe iy.)
278
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
du mode de travail 1 , aucun produit ne se ressemble; aussi designe-t-on
chaque Sorte speciale de dentelle par le nom de la ville ou de la contrde
ou eile se confectionne.
L’industrie dentelliere occupe en Europe plus de 5oo,ooo femmes et
jeunes lllles. Elles travaillent presque toutes au foyer domestique ou dans
des ^coles, et gagnenl en moyenne de dix ä quinze Centimes parheure.
Ges faits gdneraux poses, nous allons examiner les trois nalions ou
celte fabrication a le plus d’imporlance commerciale (Allemagne, Bel-
gique, France), en faisant ressortir les points economiques et indus-
triels qui Interessent nos manufactures frangaiscs.
II
FABRICATION DES DENTELLES CHEZ DIVERSES NATIONS.
L’ltalie n’a rien envoytl ä Vienne. Les points de Venise (punti in arca),
de Genes et de Raguse, etaient, il y a deux si&cles, les plus renomm^s du
monde; ils donnaient lieu ä un commerce immense, et sont aujourd’hui
inconnus. II ne faut plus compter que pour memoire la production
italienne.
Le Dänemark fabrique des dentelles qui ressemblent au point de Ma -
lines; eiles sont ä bas prix et de bonne qualite, mais les dessins sont
anciens et sans gout.
En Espagne, cette industrie, autrefois renommee et prospere, est en
ddcadence.
Le Portugal produit quelques dentelles a fonds clairs d’une assez
bonne qualite, toutefois sans importance commerciale.
En Grece et en Turquie, on travaille a l’aiguille une espece de guipure
en soie, fort jolie et originale, mais qui se rapproche davantage de la
passementerie que de la dentelle.
La fabrication russe est considerable; eile produit divers genres de
dentelles, d’un style special, que nous avons etudids a Vienne avec in-
teret.
Ge sont des dentelles presque grossieres, tres-solides et d’une bonne
cxecution, notamment une espece de guipure-linge entouree d’un fil rouge,
1 Dans un rapport du prefet du Nord, dale
de 180A, ou iit:
«La fabrique de dentelles est tellement
identifiee au sol, qu’une valenciennes, cora-
mencee dans les murs de la ville de re nom,
puis aclievee dans les villages environnanls,
n’a plus le memo rächet et perd de sa valeur,
quoique travaillee par la meine ouvriere, avec
lememe fil et sur le meme melier.’)
DENTELLES.
279
qui,par ses contours, forme des dessins de bon goul et lui donne im
caractere bizarre et original.
Certes, la production des guipures en Piussie n’a pas une grande impor-
tance industrielle et ne provoque aucune concurrence serieuse; toutefois
nous devons constater que, si les dentellieres russes ^taient bien dirigees,
elles pourraient faire de veritables dentelles a un extreme bas prix.
En Angleterre, il n’y avait aucune espece de dentelle exposde; nous
avons vainement cherche ces fins et riches points d’Honiton que nous
avons souvent decrifs, et que leur prix elev^ tend a faire disparaitre de la
consommation.
La fabrication de la Grande-Bretagne, quoique excellente et variee, ne
peut plus supporter la concurrence des prix des dentelles franfaises, beiges
ou allernandes; eile tend a disparaitre..
fll
FABRICATION ALLEMANDE.
Sous cette denomination, nous comprenons toutes les Varietes de den -
telles qui se travaillent dans les divers pays allemands, et specialenient en
Saxe et en Boheme.
Jusqu’en 1873, nous n’avions jamais remarque, dans les expositions
universelles, aucun merite special aux productions allernandes : elles
n’olfraient, en general, que de grosseres copies des points beiges ou des
dentelles franfaises.
Mais l’Exposition de Vienne a demontre que cette induslrie avait fait
d’immenses progres; nous devons meme avouer que ces progres nous ont
surpris, notamment pour les morceaux fins d’une grande valeur.
La Saxe et la Boheme n’&aient autrefois renommees que pour l’exjrimie
bas prix de leurs dentelles communes; acluellement on y fabrique, sur-
tout en Boheme, des points gazes k l’aiguille d’une perfection teile que
nous avons pensd qu’ils avaient et4 achetes en Belgique. Nous etions dans
l’erreur.
L’industrie dentelliere est l’objet, en Saxe et en Boheme, d’encoura-
gements officiels et de subventions des classes aisees; ils ont eu pour
resultat d’attirer dans ces contrees des ouvrieres beiges, qui s’etablissent
maitresses d’atelier, forment d’excellentes dentellieres, aptes a travailler
des objets fins, sur des dessins cr44s ä Paris.
Le petit nombre des morceaux riches envoyes par chacun des exposants
de Boheme laisse supposer que la belle fabrication n’est pas encore
280
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
d^velopp^e; toutefois ils demontrent que les femmes de ce pays ont une
rare aptitude pour ce travail, et, comme le prix de la main-d’ceuvre est
bien inferieur en Saxe et en Boheme qu’en Belgique et qu’en France, il
estpossible que bientot la production allemande ne soit une concurrence
redoutable.
Selon notre appreciation, l’exposition collective des neuf fabricants de
Boheme constatait le plus serieux progres realisd dans cette industrie
depuis 1867. Nous avons particulierement remarqud des points a l’ai—
gnille d’une fabrication elegante et reguliere, mais un peu lourde, ainsi
qu’une pointe en dentelle, dite de Chantilly, exposee par M. Ullmann, a
Neudeck, d’une finesse excessive, mais aussi d’un prix excessif (2,000
florins).
La fabrication saxonne est moins perfectionnde, quoique la plus an-
cienne et la plus consid^rable de l’Allemagne; eile date de 1551; eile
s’est developpee a Annaberg et dans les contrees montagneuses du cercle
de Zwickau; eile occupe plus de 70,000 ouvrieres, dont le salaire ne
depasse pas dix Centimes par heure de travail; la production est aussi
variee que considerable, eile se consomme dans le pays et s’exporte en
Angleterre, en Russie et en Amerique.
Les dentelles de Saxe sont g^neralement communes : eiles n’ont ni
coup d’oeil ni toucher; elles sont molles et se fripent facilement. Les des-
sins sont presque tous anciens et sans grace. II n’y a pas en France une
seule fabrique qui ne fasse rnieux.
Toutefois cette fabrication a une qualite pr^cieuse : ses prix sont com-
parativement inferieurs aux nötres. Aussi les dentelles dtroites et de peu
de valeur sont-elles demandiies sur tous les marches d’exportation, ou,
cependant, nous Temportons des qu’on recberche la nouveaute et le gout
des dessins L
En Allemagne et en Autriche, les dentellieres ne travaillent pas libre-
ment comme en France et en Belgique; on les reunit en grand nombre,
dans des ecoles ou dans des ateliers oü regne une discipline rigoureuse;
il faut qu’elles produisent sans relache, et la dentelle se ressent de cette
fa^on de travaillcr : eile offre une trop grande regularite, et son aspect est
froid ou monotone; on n’y sent pas la vie ni l’intelligence de Fouvriere
libre.
1 Los principaux centres de fabriculion sonl: Annaberg, Schneeberg, Eibenstock, Lanbacb,
Baerringer, Carlsbad, etc.
DENTELLES.
281
IV
DENTELLES DE BELGIQUE.
On estime qu’il y a en Belgique 100,000 dentellieres; apres ia France,
c’est lepays qui occupele plus de mains; elles produisent toutes les especes
de dentelles; 11011s n’examinerons que les trois plus renommees :
i° Valenciennes;
2° Dentelles de Grainmont;
3° Points de Bruxelles.
Valencicmtes. — La valenciennes est la dentelle de la belle lingeriepar
excellence; eile est partout connue, reclierchee, appreci^e; eile constitue
a eile seule un mouvement de 20 millions d’affaires.
On a vainement cherche d’implanter ailleurs ce genre de dentelle. La
Belgique est rest^e en possession d’un monopole de fait, dont le monde
entier est tributaire.
Les qualre centres principaux de production sont Ypres, Gand, Cour -
tray, Bruges. La valenciennes d’Ypres, dite äpoint carre, eslla plus estimee;
le travail de ce beau tissu parait avoir atteint son apogee de perfectionne-
ment et n’avoir plus de progres a realiser.
Dentelles de Grammont. — La fabrique de Grammont, s’est transfor-
mee; eile a quintuple son chiffre de vente depuis vingtans; eile doit ce
succes exceptionnel, tout a la fois, a la bonne qualite de ses produits et a
la modicite de ses prix. On y travaille superieurement la dentelle noire en
soie, dite de Chantilly; le reseau est moins serre qu’en France, les dilli-
cult^s du travail sont habilement tournees ou m£mes supprimees, de sorte
que, grace a un heureux choix de dessins et a une intelligente combi-
naison d’execution, eile produit a meilleur marche qu’ailleurs.
Cette fabrication s’assimile d’ailleurs nos genres et nos dessins; sans
doute il n’y a pas de comparaison a faire entre la dentelle apparente de
Grammont et nos admirables productions de Bayeux; mais, en signalantle
merite tres-serieux de cette specialite, nous devons constater qu’elle est
en progres constants, et que l’Exposition de 1873 a revdl^ qu’elle elait
la concurrence la plus redoutable pour nos manufactures de Normandie,
et qu’elle peut esperer de s’emparer un jour de nos meilleures dcbouches
d’exportation.
282
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Points de Bruxelles. — Les dentelles dites de Bruxelles se subdivisent
en deux branches principales : i° les fleurs isol^es, travaillees auxfuseaux
ou a l’aiguille, et destinees a etre appliquees sur tulle; a“ le point a l’aiguille
gaze, dit point de Venise.
L’application sur tulle n’est pas en progres; il n’en est pas de meine
du point gaze, dont les nombreux specimens exposds constituaient un en-
semble complet, superieurement execute et oü brillaient des qualitds de
legerete et d’^ldgance que les Allemands chercbent ä atteindre sans y
parvenir.
Nous devons mentionner, en dehors de ces points, une charmante deu -
telte, tissee aux fuseaux et appelee guipure de Flandre : cette dentelle imite
heureusement les plus belles guipures du xvii 0 si&cle; quoique riebe de
dessin etchargee de mat, eile est d’une extreme legerete et d’une ^l^gance
gracieuse. C’est, selon nous, le type par excellence et la plus jolie pro-
duclion de l’industrie dentelliere.
V
EXPOSITION DES DENTELLES HELGES \ VIENNE.
Si nous consacrons un chapitre a part ä cette exposition, c’est que, dans
son ensemble, eile etait admirable, et qu’elle provoquait legitimement l’ad-
miration des visiteurs; puis, parce que les deux principaux exposants,
l’un de Bruxelles, l’autre de Paris (ayant des ateliers en Belgique), ont
envoye a Vienne de si splendides dentelles, que nous leur devons une cita—
tion exceptionnelle.
Tous les points qui se fabriquent en ßelgique etaient representes dans
l’exposition de MM. Duhayon-Brunfaut et C‘ c . Leurs riches valenciennes
ombr^es donnaient l’id^e la plus complete de la vari^t^ du point d’Ypres;
leurs Lines applications de Bruxelles,aveejours nouveaux, ainsique le bon
gout de dessins inedits, auraient dte recompenses par le diplöme d’honneur,
si M. Fdlix Duhayon n’avait et^ hors de concours, comuie membre du
Jury international l .
11 est difficile de decrire la splendeur de l’exposition de MM. Verde-
Delisle et C“, de Bruxelles et de Paris.
Tous les objets denotaient une fabrication dirigee aveegout, intelligence
et superiorite. Nous avons principalement admire : i°unejupe en point
1 M. Duhayon-Brunfaut ppre a, de i8tis vations hardies, intelligentes et artistiques,
ä 185o, donne une vigoureuse impulsion a la qu’est du Timmense developpemenl de la con-
fabrication des valenciennes; c’est a ses inno- sommation.
DENTELLES.
gaze d’un reseau fin et clair et d’un ravissant dessin; 9° une robe hongroise
en dentelle de Grammont d’une finesse exceptionnelle; 3° une pointe en
guipure des Flandres, dite dentelle duchesse, avec feuilles de fougere om-
brees; 4° une pointe en point de Venise, aussi remarquable par ia per-
fection du travail que parla varietö des jours; 5° une joiie toilette en fine
malines, et 6° une collection infinie de charmants objets de mode, indi—
quant ies ressources variees qu’offre I’industrie dentelliere en Belgique.
Tout en mentionnant l’importance de cette exposition, nous devons
signaler que la beaut4 et le bon goüt des dessins faisaient ressortir la
perfection du travail de l’ouvriere, et que ces dessins avaient ete crees ä
Paris.
Aussi le Jury a-t-il vote a l’unanimite, pour cette exposition et pour
celle non moins belle des memes fabricants dans la seclion franjaise
(nous en parlerons ci-apres), ä MM. Verde-Delisle et G'°, de Bruxelles et
de Paris, le diplome d’honneur accordö a l’industrie dentelliere de la
France et de la Belgique.
VI
DENTELLES FltANQAISES.
II y avait ä Vienne peu d’exposants de dentelles; loutefois la maison
Verde-Delisle et C' e , de Paris, un de nos plus habiles fabricants et dont
nous venons de menlionner la belle exposition dans la section beige, avait
reuni les plus beaux specimens de la fabrication francaise.
On compte en France beaucoup decentres dentelliers; nous ne parle -
rons que des quatre principaux :
i° Dentelles d’Auvergne ou du Puy;
2° Dentelles de Lorraine ou de Mirecourt;
3° Dentelles de Normandie ou de Bayeux;
4° Points de France ou d’Alencon.
VII
FABRIQUE DU PUY.
Gette fabrique est celle qui, en France, occupe le plus d’ouvrieres.
Elle s’^tend dans quatre departements (Loire, Gantal, Puy-de-Döme,
Ha ute-Loire); eile donnedel’occupalion a pres de 100,000 femmesetjeunes
lilles repandues dans les montagnes. Le centre du marche est au Puy.
28/i
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Les denteiies d’Auvergne, varides dans leurs types, sont reputees pour
leur bas prix; les dentellieres de ce groupe industriel ont fait depuis
quinze ans de notables progres; eiles savent se plier ä la demande du jour
et uliliser toutes ies malieres textiles, lesfdsde lin, decoton, de soie et de
laine en toutes couleurs, et, lorsqu’un genre cesse d’etre a la mode, elles
modifient leur travail, emploient un fd nouveau et changent rapidement
leur production.
Cette fabrication est des plus actives, eile se perfectionne chaque annde;
de toutes les manufactures de denteiies en France, aucune ne provoque
un commerce d’exportation aussi considerable que celle du Puy.
Parmi les objets exposes par MM. Verdd-Delisle et C 10 , il y avait des
volants en soie d’une belle fabrication, des denteiies de laine de diverses
couleurs a bas prix, et une casaque en guipure qui nous a paru etre le plus
beau morceau sorti, jusqu’a ce jour, de la fabrique du Puy.
VI LI
FABRIQLE DE MIRECOURT.
La fabrique de Mirecourt est, depuis quarante ans, reputee pour ses Crea -
tions nouvelles, la variete de ses genres et la bonne qualite de ses den -
teiies. Les ouvrieres de ce centre industriel ont une aptitude rare pour ce
travail; sous une direction intelligente, elles se plient facilement aux exi-
gences instables de la mode et excellent a creer, a bas prix, des disposi-
tions nouvelles et de bon gout qui sont immddiatement acceptees par la
consommation, puis reproduites presque servilement par les concurrences
etrangeres.
C’est, sans contredit, la fabrication la plus militante et la plus fdconde;
eile est, en quelque sorte, l’avant-garde infatigable qui pousse aux inno-
vations, trace la voie a suivre et donne une impulsion salutaire et dnergique
a toutes ses rivales.
La ville de Mirecourt a envoye a Vienne trois metiers (carreaux) munis
de leurs agres, fuseaux et accessoires, et indiquant par des 4chantillons
d’une ex4cution parfaite la vari4te, le g^nie inventif et les ressources de
cette fabrique.
L’attention du Jury special charge d’apprecier le travail des femmes
a öt^ frapp^ de la simplicite et du facile fonctionnement de ce petit outil-
lage industriel realisant de si jolies productions.
II a fait ressortir dans son rapport les conditions 4minemment favo-
rables de sante, de moralisation et de rendement de cette industrie; aussi
DENTELLES.
285
avait-il propose d’accorder au ceutre dentellier du Mirecourt et du Calvados
un diplöme d’honneur. Mais le conseil des presidents, en presence du
peu d’importance de celte exposition, n’a pas cru devoir ratifier le vote de
la plus haute recompense 1 .
Toutefois, la fabrique de Mirecourt a participe au diplöme d’honneur
oblenu par MM. Verde-Delisle et C' c , qui avaient dans leur vitrine, un
tres-beau volant et une elegante casaque en guipure des Vosges; la helle
fabrication de cette casaque, ainsi que son dessin de bon goüt, etaient
admires.
IX
FABRIQUE DE BAYEUX.
Les dentelles noiresde Chantilly, de Caen et de Bayeux sont identiques.
Chantilly est en possession d’une ancienne renommee, mais c’est A Bayeux
que se font les produits les plus fins; ces produits ne s’adressent qu’a la
consommation opulente, et se composent principalement de grandes pieces
telles que chales, rohes, Volants, etc., confeclionnes au moyen de bandes
ou de morceaux, reunis a l’aide du point dit de raccroc.
La fabrication du Calvados et de Chantilly ne redoute aucune concur-
rence pour les articles de luxe. La ville de Bayeux, qui a obtenu en 1855
la grande medaille d’honneur, maintient son rang hors ligne; c’est lapre-
miere fabrique du monde pour les morceaux a mailles extra-fines, a dessins
artistiques et A mats poinfilles, recherches par le monde ölegant.
Les plus riches dentelles noires exposöes a Vienne par MM. Verdö-
Delisle et C' e venaient de Bayeux, notamment une pointe qui nous a paru
le plus beau morceau, tissö aux fuseaux, de l’Exposition. II y avait, en
outre, des specimens de toutes formes et de toutes qualitös, depuis les
petites dentelles en soie, de Caen, a 5o Centimes le metre, jusqu’a la robe
de Chantilly a fleurs ombrees, de 9,000 francs.
1 C’est M. Aubry-Febvrel, le plus important
fabricant de Mirecourt, dont l’esprit d’initia-
tive el de progres a su developper ä un si haut
degre cette fabrication en Lorraine, qui avait
expedie ä ses frais, ä Yienne, ces trois metiers
au nom de la ville.
M. Auguste Lefebure, si honorablement
connu par ses dentelles artistiques et par les
progres qu’il a fait faire ä l’industrie dentel-
liere, avait egalement envoye deux metiers
normands, accompagnes d’echantillons d’une
rare beaute.
Le rapport du Jury special mentionnera ces
deux expositions interressantes, qui, toutes
deux, avaient ete signalees comme meritant le
diplöme d’honneur.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
286
X
FABRIQUE D’ALENGON.
Le point de France se fait a Alencon; c’est la seule dentelle franjaise
qui soit entierement travaillee ä l’aiguille; eile est d’unc richesse et d une
perfection sans egales, et certains morceaux prennent les proportions
d’ceuvres d’art.
Cette dentelle est somptueuse entre toutes; ajoutons quelle est dune
solidite qui defie le temps et le blanchissage : aussi lui a-t-on donn£ le
nom de Reine des dentelles.
Alencon est, depuis Colbert,le centre du marche; toutefois, en 1855,
un de nos plus babiles fabricants, M. Auguste Lefebure, ä qui l’industrie
dentelliere est redevable de son d^veloppement en objets d’art et de luxe,
a Importe a Bayeux le point a l’aiguille d’Alencon, qu’il a modifid en in-
troduisant dans les motifs du dessin des effets ombrAs, releves de pro-
fondes nervures, qui donnent ä ces nouveaux points un cachet exceptionnel.
Le plus beau morceau qui se soit fait ä Alencon depuis 1810 etait
expos^ par M. Verde-Delisle; il se coniposait dune toilette en point de
bride bouclee, reproduisant, comme execution et conime dessin. unerobe
ayant appartenu a M me de Pompadour 1 .
Par l’importance et la difficulte du travail, par le cote archeolo-
gique du dessin, nous estimons que c’est la piece capitale la plus extraor-
dinaire qui ait ete fabriquee depuis ce qui s’est fait a l’occasion du bapteme
du roi de Rome; eile attirait 1’attention et l’etude, sans qu’il soit possible
au public de se rendre compte des dtipenses de temps, de soins et d’argent
neressitees pour achever cet admirable objet d’art industriel.
XI
DENTELLES DE LAINE.
iNous devons signaler le developpement considerable que la fabrication
des dentelles delaine (mohair) a pris depuis trois ans a Mirecourt (Vosges),
et surlout au Puy (Haute-Loire).
II y a quinze a vingt ans que cette specialite, inconnue des anciens, n
debute par des essais fantaisistes, qui, peu a peu, se sont vulgaris^s. Actuel-
1 Cetle toiiette avait e(e commandee par I’imperatrice en 1 870, sur un morceau de la robe de
M 1 “' de Pompadour.
DENTELLES. 287
lement on en fabrique, a tres-bas prix et de toutes nuances, des quantit^s
incalculables et d’un ^coulement facile en France et a l’etranger.
Cette espece de dentelle se travaille aux fuseaux; eile est g^neralement
commune, avec une apparence de finesse qui, jointe ä un extreme bas prix,
la fait entrer dans la consommation generale.
Nous devons (igalement faire ressortir qu’en dehors de ces dentelles ve-
ritables il se fabrique a Lyon, au moyen du mutier ä tulle avec Systeme
Jacquard, des dentelles diverses en laine, notamment de grands morceaux
tels que robes, chäles, voilettes, etc., recherch^s pour l’exportation. La
dentelle laine a la m^canique est une production exclusivement francaise,
l’Angleterre a fait des essais infructueux, aujourd’hui abandonnes.
M. Dognin et G ie avaienl expose a Vienne ce qui se fait a la Jacquard
de plus somptueux et de plus artistique. Ces habiles fabricantsjes premiers
dans leur sp^cialit<5, comprennent que la dentelle qui s’adresse ä la con -
sommation elegante doit etre trait^e comme ceuvre d’art, que les dessins
doivent non-seulement s’barmoniser avec gout aux toilettes ou aux Stoffes
nouvelles, mais encore se renouveler selon les caprices de la mode.
Depuis de nombreuses annees, la maison Dognin s’est placee au premier
rang; ses produits fins sont connus et recherches; aussi son exposition a
Vienne, comme les pr4c4dentes de Londres et de Paris, provoquaient IVtude
et l’admiration.
XII
RESUME.
On estime que le nombre des dentellieres, en France; s’eleve ä
900,000 femmes et jeunes fdles: leur salaire est, en moyenne de 1 franc
:i i fr. 5o cent. par journee de dix heures de travail; il y en a qui gagnent
jusqu’ä 3 francs. Ce prix varie n^cessairement suivant les lois generales,
et plus encore en raison de la loi speciale qui dornine cette industrie, c’esl-
a-dire de la mode avec ses exigences imperieuses et fugitives.
Ces nombreuses ouvrieres, rripandues dans quatorze departements,
travaillent toutes au foyer domestique; eiles combinent l’ceuvre des fuseaux
ou de l’aiguille avec les necessites des champs et les soins du manage. Aussi
l’industrie dentelliere olfre-t-elle le rare privilege d’ßtre exerc4 au sein de
la famille, sans enlever de bras a Fagriculture; eile ne provoque aucune
emigration et n’entasse pas les jeunes lilles dans de grandes usines, cequi
les pr^serve de tout contact pernicieux pour les moeurs.
A ces divers titres, cette industrie merite d’^tre signalee comme emi -
nemment bienfaisante. Les prefets des departements de la Haufe-Loire et
288 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
du Calvados s’cn occupent avec interet: le Gouvernement beige provoque
son d^veloppement en l’introduisant dans leseeoles; en Saxe, en Boheme
et en Autriche, les aleliers recoivent des subventions de l’administration
superieure et des classes riches; on fonde dans toutes les communes des
ecoles de dentellieres, on recompense honorifiquement les fabricants, et
1’on accorde des prix d’emulation aux ouvrieres.
Si, d’un autre cote, nous envisageons les relations des ouvrieres avec
les fabricants, elles se presentent dans les meilleures conditions possibles.
En effet, la dentelliere ne loue pas son temps et n’abandonne jamais sa
Iibert4; eile peut varier ses occupations; aucune limite de temps ne lui est
imposee pour son travail. Si eile n’est pas satisfaite du prix qui lui est
paye par le fabricant, eile est libre de le quitter et den chercher un autre,
selon sa volonte; eile peut egalement lui rendre le dessin quelle s’est en-
gagee a faire, si eile ne le trouve pas assez facile ou assez avantageux a
ses interets; enfin eile conserve partout et toujours la plus absolue liberte
d’aetion.
L’industrie de la dentelle est celle qui exige le plus d’harmonie dans
l’art et dans la composition des dessins; aussi a—t—eile fait surgir un grand
nombre d’artistes dessinateurs speciaux.
Elle donne a toutes les classes le sentiment du beau; eile imprime a ses
creations, meine les plus ephemeres, un cachet d’originalite et de bon
gout; eile guide et eile inspire toutes les industries de luxe, donl eile est
le complement; eile provoque ainsi, ä un baut degre, la preference ac-
cordee aux produits frangais dans tout l’univers.
Depuis 1860, le travail a la main tend a disparaitre et a etre rem-
place par les mecaniques; la coulure et meine les broderies utilisent les
maebines; l’industrie de la dentelle seule resiste.
II faut reconnaitre que, grace au degre de perfectionnement quelle a
atteint, grace surtout ä son genie inventif et a sa promptitude a realiser
les conceptions les plus nouvelles et les plus hardies, eile na pas autanta
redouter les concurrences des nnkaniques, qui ne peuvent transformer
leurs productions avec assez de souplesse et de celerite pour se plier aux
exigences variables de nos usages actuels.
En effet, la diffusion du luxe est generale; les vetements ont une ten-
dance evidente a se dcmocratiser : rien, ou presque rien ne distinguc
aujourd’hui les differentes classes sociales. On n’aehete plus que pour les
besoins du moment, rarement pour l’avenir; on se laisse guider unique-
rnent par les variations incessantes de la mode; on sacrifie souvent 1 utile
au brillant , la qualite a l’effet, la solidite ä l’apparence; on ne tient plus,
comme autrefois, aux points ricbes, lins el solides, qui se transmeltaient
DENTELLES.
28!)
l» ar heritage, ainsi que los bijoux, comme Souvenirs de Familie; aussi
prefere-t-on aux dentelles opulentes de le'geres parures ou des ornements
de fantaisie sans valeur : fleurs brillantes mais ephemeres, ecloses le ma-
tin, defraichies le soir!
Est-ce un bien? est-ce un mal? Sans resoudre la question, il suffit de
dire que tel est le courant de l’epoque actuello, et qu’en nialite la mobilite
est le propre des industries de luxe en general, et specialement de celle
de la dentelle.
En fait, la prosperit^ de 1 Industrie dentelhere ne reside pas seulemcnt
dans la creation d objets extrariches, eile consiste surtout dans le pres-
senliment de la mode et dans la produclion rapide de genres nouveaux et
avantageux, appropries aux toilettes instables. II serait pueril de vouloir
r^sister au pouvoir despotique de cette souveraine appelee la mode; il laut
accepter sans besiter sa Suprematie, et agir avec autant de resolution que
de promptitude d’execution. La est le rernede, la est le progres.
Dans ces conditions ^conomiques, nolre industrie nationale est plus
favorisee que celle des autres pays. En elTet, les dentelles franfaises et
etrangeres n ont entre eiles aucun point de similitude absolue, comme les
tissus manufactures mecaniquement. C’est le propre des industries ma -
nuelles d’avoir, dans chaque centre industriel, un cachet original qui le
distingue des autres; aussi nos diverses agglomerations dentellieres n’ont-
ellcs aucune concurrence serieuse ä redouter; si les dentelles noires de
ßelgique ou les dentelles blanches de Saxe peuvent se livrer a des prix
inferieurs, les notres ont l’inappr&uable merite de la nouveaute.
Seuls nous inventons, seuls nous creons; les fabricants etrangers ex-
jdoitent, il est vrai, nos idees, copient nos dessins, imitent nos patrons;
mais ils ne peuvent les livrer a la vente que lorsqu’une nouveaute a deja,
chez nous, remplacö celle qu’ils ont contrefaite.
En resume, si nous avons peu de progres ä signaler depuis 1867 (ex-
cepte en ßoheme), il faut reconnaitre que le niveau artistique s’est encore
eleve, et (|ue nos fabricants recherchent, plus qu’autrefois, dans les points
anciens, des idees facilitant la creation de types nouveaux qui provoquent
la consommation et qui constituenl la superiorite de l’industrie frangaise.
Fbi.ix AÜBRV.
II.
U .)
VII
BRODERIES
Ä LA MAIN ET Ä LA MECANIQUE.
RAPPORT DE M. BASQUIFV,
MEMBRE Dü JURY INTERNATIONAL.
Apres avoir constate avec un legitime enthousiasme les progres, on a
pu dire les merveilles, de la broderie a la main, a l’Exposition frangaise
de 1867, le rapporteur se posait la qucstion suivante : rcQuel peut etre
inaintenant 1 avenir de la broderie?» et il concluait ainsi : «Un grand
nombre d’industries de l’ameublement et presque toutes celles du v^te-
ment ont recours ä son aide. Partout ou eile parait, eile attirc presque
seule l’attention, et son importance vient primer celle du produit qu’elle
devait seulement embellir. La plus grande difficulte qui lui fasse obstacle
est dans le baut prix de revient de la main-d’ceuvre. Bien loin de tendre
ä diminuer, le prix de la broderie doit cbaque jour s’augmenter avec
l’eldvalion generale du taux des salaires; aussi fait-on partout les plus
louables efForts pour etablir des nietiers brodants et des macbines a bro -
derie. A cotd de l’ancienne broderie, personnelle et artistique, est venue
se placer la broderie mecanique, destinee ä faire penetrer partout des
produits d’un usage commun, que doit vulgariser encore l’abaissement du
prix. . . 11 est permis d’espdrer que cet intelligent parallelisme d’efforts
donnera des resultats d’annee en annee plus considerables, et que le de-
veloppement de l’industrie sera utile, toul ä la fois, ä ceux qui produisent
la broderie et ä ceux qui font usage de ses produits.»
Ainsi s’exprimait, disons-nous, le rapporteur de 1867.
II semble que les exposants de Vienne aient pris a täcbe de justifier
ces previsions dans une mesure plus grande encore qu’il n’^tait permis de
le conrevoir.
'0-
2'J2 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
(Test ce qui resulte au moins de nos observations personnelies.
Constatons tout d’abord que la France etait maigrement representee a
Vienne par ses broderies pour lingerie, mais que, pour etre relativement
peu nombreuse, son exposition surpassait de beaucoup, comme quälite,
comme gout et variet^ de dessins, comme fini d’cxecution, coinine appr4t,
comme assorliment, les pays qui lui font concurrence en eetle matiere.
La distance, les frais de transport et d’inslallation relativement conside-
rables eu egard aux conditions dans lesquelles se meuvent la plupart des
l’abricants, expliquent en partie cette abstention; ils l’excusent, pourrions-
nous ajouter, si la quantite netait, il faut le repeter, haulement primee
par la qualite.
La Suisse, l’Autricbe et la Saxe avaient envoye des produits dont quel-
([ues-uns etaient fort remarquables; mais la palme, parmi ces nations,
revient incontestablement a la Suisse, qui, depuis quelques annees, est
devenue, gräce a la machine, un centre de production con-iderable.
Une revolution, en effet, s’est operee, dans ces derniers temps, dans
l’industrie de la broderie. La mecanique s’y est introduite et s’y est fait
une place immense, en y apportant tous les avantages quelle entraine
ordinairement avec eile, avantages que les jurds de 1867 pouvaient en-
trevoir, mais qui depassent de beaucoup leurs previsions, nous l’avons
de ja dit.
En 1867, il n’y avait guere que la Suisse qui fit usage de la machine
de nolre compatriote Helmann, de Mulhouse. Elle en avait, pour ainsi
dire, le monopole. Elle ne l’a pas conserve, mais eile a depuis, et par les
perfectionnements apportes au principe de cette machine, plus que triple
sa fabrication.
L’usage de la machine s’est repandu egalement dans les anciens pays
de fabrication a la main. Elle n’a pas supplante celle-ci, eile l’a favo-
risee au contraire, en vulgarisant le gout de la broderie jusque-lä re-
servee aux classes riches. Le progres a fite immense, et, si la production
mecanique a fait la fortune de Saint-Gall, eile est en voie d’amener des
sources de prosperite inconnues jusqu’ici, sous ce rapport, dans lesaulres
nations. Elle cree des produits a si hon inarcbe (il y en avait a Vienne a
10 Centimes le metrej, eile arrive a des resullats sibeaux, si varies, si
riches (certaine broderie coüte jusqu’a 80 francs lemetre), que, grace a
l’echelle de prix comprise entre ces deux extremes, constates jiar 1 Expo -
sition de Vienne, la broderie est devenue acccessible a toutes les bourses.
Elle est en voie de faire l;i fortune des fahricants par l’etendue du inarcbe,
accrue de tous les avantages de prix que comporte l’emploi des engins
mecaniques, comme eile fait celle de l’ouvrier, dont la demande portc le
Bll ODER IBS A LA MAIN ET A LA MEGAN IQ UE. 293
taux du salaire a un point qu’il etait impossible de prevoir. Elle sollicile
le goüt des arlistes, aux ineilleures qualites desquels eile fait appel,
poussee qu’elle est dans la voie des produits perfectionnes par la con-
currence de Ja broderie a la main. Äjoutons enfin que la broderie ineca-
nique est, comme sa congbnere, une Industrie domestique, puisque, au
prix de quelques economies, Fouvrier peut acheter une inachine, l’ins-
taller chez lui, et, aide de sa femme ou d’un de ses enfants, repondrc
ainsi aux apprehensions que fait nailre, dans Fesprit de quelques mora-
listes, Femploi de plus en plus comnmn des engins mecaniques et l’agglo-
meration des travaillcurs dans les ateliers.
La generalite des articles exposes a Vienne se composait d’entre-deux
et de bandes, articles presque exclusivement employbs pour vetements de
femmes et d’enfanls. Certains de ces produits atteignaient des prix fabu-
leusement bas. Alais, a cote de ces produits, d’autres, tout a fait de luxe
et s’elevant jusqu’au prix de 80 francs le metre, ainsi que nous Favbns
dit plus haut, appelaient Fattention par leur perfection et surtout par la
regularite qu’ils presentaient dans Fensemble de leur fabrication intime,
regularite qu’on demanderait en vain a la broderie ä la main.
C’est le moment de dire un mot de Findustrieux instru ment-qui produit
ces merveilles de gout et de bon marche.
Les personnes qui ont visitd FExposition de Vienne ont pu voir fonc-
lionner la machine a broder et se rendre compte de la facon dont eile
opere. Nous n’avons donc pas a en expliquer le mecanisme en le prenant
par le menu; rnais il nous importe de dire un mot du principe dontil est
Fapplication. Encore bien ces reflexions auront-elles pour objet de faire
comprendre comment les produits qui en sortent peuvent etre vendus a si
bon marche et offrir une regidarilo si parfaite d’exdcution.
Trois cent douze aiguilles a deux pointes, rangbes sur deux cbariots
de 4“,so de longueur, travaillent simultanement sous Fimpulsion d’un
seul brodeur assisle d’un aide. Ordinairement, et quand la machine tra-
vaille en plein, les aiguilles sont rapprochees l’une de Fautre de o m ,oo a
o“,o4 , distance qui suppose un dessin peu considerable comme etendue
a executer, etant donne, chose ä considerer, que chaque aiguille doit
effectuer ä eile seule un dessin complet. C’est dans ces conditions que s’exe-
cutent avec rapidite les produits destines a la consommation courante.
Et quelle rapiditd! si Fon songe qu’un seul homme, de deux tours de
roue, execute trois cent douze points a la fois, c’est-a-clire le travail de
trois cent douze mains armees chacune d’une aiguille ! Qu’on multiplie le
chiflre de trois cent douze aiguilles, apparlenant a une machine, par le
noinbre des macbines rangees dans un atelier, et tjui peut etre aussi consi-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
294
derable que 1(3 comportent 1c ddsir ou les ressources de Findustriel, et
Fon se rendra compte de la quanlite de travail effectue dans un temps
donne, et de la quantite de mains que ce travail represente. On se rendra
egalement compte, de la meine facon, de l’economie de main-d’ceuvre
realisde de la sorte, et, par cons^quent, de Fabaissement des prix du pro-
duit fabrique dans de telles condilions.
Nous avons dit que chaque aiguille doit efFectuer ä eile seule un dessin
complet ou raccord, pour nous servir d’une expression professionnelle.
D’ailleurs, ce mot renferme en Iui-menie toute une demonstration, puis-
qu’il indique que le dessin general d’une bande ou d’un entre-deux n’est ä
proprement parier qu’une succession non interrompue de fleurs de motifs
identiquement semblables les uns aux autres, qui s’encbevetrent ou mieux
se raccordent Fun dans l’aulre pour former un ensemble dans le sens de la
longueur. II resulte de cette disposition que, plus le dessin generateur de
la bande ou deFentre-deux est large, moins il entre de raccords dans une
longueurdeterminee , moins aussi, par consequent, il faut d’aiguillespour
Feffectuer. Dans ce cas, ou bien on supprime une aiguille sur deux, ou
bien on les espace d’une fa^on convenable et appropriee au travail qu’il
s’agit d’executer. Mais cette Suppression ou cet espacement d’aiguilles
entrame necessairement une augmentation de prix de revient dans la
main-d’ceuvre, puisqu’alors ce n’est plus trois cent douze aiguilles qui
agissent du meme coup, ruais deux cents, cent cinquante seulement,
(juelquefois moins encore. De lä aussi la raison en vertu de laquelle les
broderies coutent d’autant plus cber que le dessin dont eiles se composent
est plus large.
G’est assurement dans cette relation entre Felevation du prix de revient
et la grandeur du dessin, et dans la necessite ou se trouve Findustriel de
tendre ä un rapprochement sans cesse plus intime entre ces deux ehhnents,
appeles par le principe mecanique a se fuir et a s’eviter, que consiste la
grandc difficulte de la fabrication. Ajoutons que cette didiculte n’est pas
moindre pour l’artiste, pour le dessinateur, dont Finspiration se heurte
inevitablement au meme ^cueil. Mais constatons aussi qu’en France Fin-
geniosite de nos fabricants et de nos dessinateurs est teile, que l’ecueil,
si reel qu’il soit, est souvent tournti avec tant de bonheur, c|ue nous pou-
vons, et comme prix et comme gout, Femporter, möme dans les larges
dcssins, sur nos rivaux.
Qu’on excuse l’etendue de ces considerations lechniques; eiles auraient
assurement besoin d’etre plus completes: mais aux personnes competentes
elles suffiront pour faire comprendre la raison des prix divers des bro -
deries, qu’on les exeeule en coton pour Fusage de la lingerie, ou qu’on
BRODEKIES A LA MAHN ET A LA MECANIQUE. 2‘J5
emploie la soie ou la laine pour faire des rohes, des garnitures, tous ces
articles enfin d’une richesse incomparable, si rechcrches de nosjours,
<|u’on n’aurait jamais pu aborder, (ju’on n’aurait meine jainais pu imagi-
ner, si l’esprit d’invention et de creation n’ayait trouve, dans l’aide de la
machine, cette surete d’execution, cette rapidite et. cette reduclion du prix
de 3a main-d’oeuvre, s remarquables et'si incompatibles avec 3e travail a
la main.
Resumons donc cc que nous avons a dire de la broderie mecanique, en
constatant que le succes de cette marchandise n’est plus a prevoir; il esl
acquis a l’industrie; il prend tous les jours de plus grandes proportions
dans tous les pays de production.
Il nous reste cependant a exprimer le regretque la France, au point de
vue de l’importance de sa fabrication, se soit laisse de beaucoup distancer par
la Suisse. Mais ce regret est tempere par les developpements actuels que
prend maintenant chez nous l’industrie de la broderie mecanique, lesquels
nous font concevoir les plus helles esperances pour l’aypnir. II faut se rap-
peler aussi que, si la Suisse constitue un centrede production actuelie-
ment si considerable, c’est que la machine y est employee depuis plus
longtemps qu’en France; c’est, d’autre part, que nous nous sommes laisses
trop longtemps endormir par les succes que nous rapportait la broderie a
la main, article qui a son centre de production dans les Vosges et dans
les departements voisins, comme dans l’Aisne, ä Saint-Ouentin et dans ses
environs; qu’il s’y esl produit et s’y produit encore dans des conditions de
nature a dotier toute concurrence. Mais celle-ci, sous le couvert de lama-
cbine, a deja exerce cbez nous son oeuvrc ordinaire; eile nous a stimules,
et il est a notre connaissance que la France, particulierement representee
par Saint-Quentin, fait les efforls les plus serieux pour reconquerir, sur le
march4 europeen , la place que Saint-Gall lui a momenlanement enlevec.
De nombreuses fabriques sc sont installees dans la premiere ville indus -
trielle de l’Aisne; un mecanicien y construit des machines avec une liabi-
lete comparable a celle des constructeurs elrangers. Enfin les resultats
constates a Vienne et releves a l’honneur de la jeune industrie francaise
font bien augurcr, repetons-le, de l’avenir de la fabrication dont il s’agil.
Un mot maintenant sur la broderie a la main.
Nous n’avons rien remarque de neuf, a Vienne, en fait de broderie a la
main; l’article y etait assez peu rcpr^sente, qu’il s’agit des produits fran-
yais ou de ceux de l’etranger. foutetois, en cette matiere comme en fait
de broderie a la mecanique, notre pays y faisait, enlre ses concurreuts,
la meilleure figurc, tenant presque toujours le premier rang, taut pour les
objets varies en monchoirs clnUres, peignoirs, etc., qu’en ce qui concerne
EXPOSITION UNIVERSELLE OE VIENNE.
2196
les articles classiques comme Randes, entre-deux sur jaconas, percale,
toile et mousseline. AReaucoup d’egards meine et sous pRis d’un rapport,
il n’y avait rien, parmi les expositions etrangeres ä la France, qui, dans
ce dernier genre d’articles, eut pu etre mis comme comparaison au-dessus
de nos propres produits.
Maintenant, et comme conclusion de ce rapport, on peut se demander
si le regne de la Rroderie a la main est lini, et si la broderie a la meca-
nique est appelee a supplanter entierement son aniee. Pour notre part,
nous n’h^sitons pas a repondre energiquement : Non; au contraire.
D’aRord, le domaine des deuxRroderies rivales est encore jusqu’ici assez
nettement tranch^. A la macRine appartient la faRrication des produits de
grande consommation, de ceux qui peuvent etre fabriques par grandes
quantites et en ligne droite, de maniere ä pouvoir etre divises et employes
dant tont ce qui est confection, comme Ronnets, cols, camisoles, roRes,
peignoirs, etc. Dans la faRrication de ces marcliandises, le succ&s exclusil
de la Rroderie mecanique est presque aRsolu, et la Rroderie a la main se-
rait assurement Rien prüs d’avoir fait son temps, si eile n’avait que ces
articles comme terrain d’exploitation. Mais, heureusement, eile aussi a son
domaine propre, sur lequel la machine ne pourra jamais empieter que
dans une certaine mesure. Au travail ä la main appartiennent les objets
de grand luxe, moucRoirs armories, clnlfres ornementes, les grandes
pieces a grands dessins, les rohes a grands coins, les conceptions artis-
liques, en un mot, au milieu desquelles le genie du dessinateur peut se
mouvoir et s’exercer a l’aise, sans avoir k se preoccuper de cette difficulte
de la fabrication mecanique que nous avons exposee en parlant du raccord.
A la broderie a la main appartiennent encore cette categorie de dessins
et de details qui s’appliquent aux pieces de trousseau. Cette spdcialitd est
ineme devenue un puissant element de Rien-etre pour nos ouvrieres, qui
gagnentä la faire d’excellentes journees. Et d’ailleurs nos Ronnes ouvrieres
brodeuses n’ont pas encore manque d’ouvrage, il s’en faut. La preuve en
est dans l’examen de leur salaire, qui tend sans cesse vers la hausse. De
teile Sorte, peut-on dire sans rien exagerer, que, loin de nuire a la Rro -
derie a la main, la broderie mecanique lui a ete utile. En mettant, en
elfet, a la portec de tous des produits bien faits et k Ron marcliö, celle-ci
a repandu et developpe le goiit de la Rroderie. La consommation en est
devenue generale ä tous les degres de 1’ecRelle sociale, et il est resulte de
la vulgarisation de ces produits ce fait, que ce qui repond aux ressources de
ccrtaines Rourses ne peut plus repondre au gout de certaine classe. Il a fallu
faire mieux, et par consequent plus eher. C’est a celaquc s’ingenic la Rro -
derie a la main, et c’est cela qu’elle lAussit si Rien. De la une deinaude
2«J7
BRODERIES A LA MAIN ET A LA MEGANIQUE.
active et g^ndrale de la broderie sous toutes ses formes; de lä aussi une
fabrication importante, avantageuse aux fabricants, et une demande de
bras tres-favorable a l’ouvrier brodeur et ä la brodeuse.
Et c’est ainsi que se v^rifie une fois de plus cette veritd : qu’en industrie
lout perfectionnement tourne au probt general. La broderie m&anique
sera, pour la broderie a la main, ce que les chemins de fer ont 4tb pour
les entrepreneurs de voitures. On use plus de la voiture et des chevaux,
temoin le prix de ces derniers, depuis l’application des voies ferrees, qu’on
n’en usait auparavant. On acbete enormement plus de broderies des deuv
sortes, depuis l’intervention de la machine dans la fabrication, qu’on n’en
achetait alors que le marche ne s’etendait qu’ä la broderie ä la main. Re-
compense bien justibee, d’ailleurs, de tant d’efforts consacres a la fabri -
cation de tous les produits en general, et ä leur vulgarisation dans toutes
les classes de la population.
Hectof. RASQUIN.
VIII
PASSEMENTERIE,
FLEURS, PLUMES, BOUTONS.
RAPPORT DE M. PARIOT-LAURENT,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
PASSEMENTERIE.
II y aurait temerile de ma part a faire l’historique de la passementerie,
et ce sei’ait meme inutile, puisque tous mes devanciers, membres du Jury
aux diverses Exposilions internationales, depuis la premiere de Londres
jusqu’ä celle de 1867, ont presente l’histoire de rette industrie.
Tous leurs rapports ont constate ses progres pas a pas; il me suflira
donc de signaler ceux qui ont eu lieu depuis {'Exposition internationale
de Paris en 1867, jusqu’4 celle de Vienne en 1873.
Chacun sait que la passementerie, soumise ä tous les caprices de la
mode, produit des milliers d’articles divers. En 1867, eile avait atteint
dtjja un grand degr4 de superiorite. Depuis cette epoque, et malgre les
d^sastres qui ont arret£ notre essor commercial et industriel, eile a main-
tenu son rang, gräce ä l’iinergie de ses fabricants, a l’habilete de leurs
ouvriers et ouvrieres, et aux sacrilices que chacun a su s’imposer.
C’est ainsi qu’elle a pu creer chaque jour de nouveaux modeles, et les
faire accepter par l’etranger qui les lui demande a cbaque saison; c’est
ainsi qu’elle n’a cessti de marcher en avant.
Les travaux de la passementerie s’executent de manieres fort variecs :
ses branches de fabrication sont tellement etendues, qu’elles lui permet-
tent d’emplover tour ä tour les m^tiers ä la Jacquart, ceux a baute et
hasse lisse, le petit inetier. le melier tourniquet, le metier a fuseaux, etc.,
et Fetabli pour les articles dits nouveautds. II serait diflicile de delinir
exactement l’ensemble de ses produits. Nous les trouvons employes dans
nos habilations, nos vetemenls, nos voitures, dans l’armee, etc. etc. II
esi presquc impossible de leur assigner unc limitc.
300
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Gependant l’usage reconnait les cinq divisions suivantes :
i° Passementerie nouveaut&; 2 0 passementerie d’ameublcment; 3° pas-
sementerie militaire; 4° passementerie pour voitures et livrees; b° passe -
menterie pour velements d’hommes.
Nous aurions ete heureux que la France füt plus largement representee
a FExposition de Vienne dans les cinq branches enumerees ci-dessus. 11
y a eu beaucoup d’abstentions.
Au lendemain d’ev^nements douloureux, les frais considerables que
necessite une exposition, onl arrete beaucoup de ceux qui eussent pu
avec avantage prendre part a la lutte. Malgre cela, la passementerie n’a
point rencontr^ de rivales. Elle a brille au premier rang, et les reconi-
penses obtenues en sont la preuve evidente. La victoire eut ete sans
doute bien plus ^clatante, s’il n’y avait eu des vides regrettables dans les
rangs des combattants.
Pour la passementerie nouveaules, Paris, Lyon, Saint-Etienne, Sainl-
Ghamond ont expose resilles, fdets, ganses, cordons, tresses, galons,
rubans, franges, agrements au metier, au cousu, au crochet, boutons a
l’aiguille, pour robes et confections, tous ces articles en noir et en cou-
leur. Le tout etait admirablement traite, et dans ce genre de fabrication
on a pu constater les progres accomplis depuis 1867. On peut dire qu’au-
jourd’hui l’art s’y trouve applique a Findustrie, et nous ne craignons pas
d’ajouter qu’avec de telles ressources tout ce que Fimagination peut rever
peut s’executer en passementerie nouveautes.
Pour la passementerie d’ameublement, une seule maison a expose lar -
gement, le tout d’une grande richesse et d’une belle harmonie de cou-
leurs, ce qui temoigne un progres reel dans cette branche destinee
specialement ä la decoralion des apparlements.
On remarquait dans cette vitrine quelques types somptueux d’une four-
niture faite pour les appartements du khedive d’Egypte; nous avons
reconnu dans ces modeles la superioritd de la fabrication parisienne,
sachant reunir le fini du travail au goiit artistic|uc de la forme et a la
bonne entenle des couleurs.
D’autres passementeries, appliquees a des meubles, et aussi aux meu-
bles et tentures du pavillon de la section frangaise, etaient executees avec
un gout parfait. Nous avons regrette l’absence a cette Exposition interna -
tionale des maisons qui avaient brille ä celle de Paris en 18G7; sans
nul doute eiles auraient accru le prestige de cette lutte, en ajoutant de
nouvelles recompenses a celles obtenues dejä par olles.
La passementerie militaire, la passementerie pour voitures et livrees,
n’avaient aucun representant; nous le constatons avec regret, convaincu
PASSEMENTERIE, FLEURS, PLUMES, BOUTONS.
301
<|iie les importantes maisons qui sont a Ja tete de cette industrie auraient
dignement soutenu leur vieille reputation.
Quant ä la passementerie pour vetemenls d'hommes, la mode depuis
longtemps l’a proscrite. Cependant les tresses de soie et de laine ont con-
tinue leur d^veloppement considdrable, et Saint-Chamond et Nimes affir-
ment leur sup6rioritA par le chiffre considerable de leurs exportations dans
le monde entier. Cette fabrication est arrivee a une haute perfection ä
juste titre apprdciee par tous les consommateurs; eile lulle avantageu-
sement avec les produits similaires etrangers.
L’examen des passementeries de differentes nations ne nous a pas
revele de serieux progres faits depuis 1867. La fabrication d’Allemagne
sernble, comme par le passe, manquer d’initiative; eile se soutient bien
pour les articles courants; mais, comme toujours, ses modeles sont em-
pruntes it ceux qui font tant de sacrifices pour leur cr^ation. Comme en
1867, l’Angleterre s’est abstenue; l’Italie fait quelques efforts et continue
les modeles qui lui ont ete fournis il y a longtemps par la France.
L’Autriche, dans toutes les branches de la passementerie, a r4vele des
efforts sensibles dans la voie du progres. Cependant ses fabricants ont
encore a faire avant d’arriver au degre de perfection de l’industrie fran-
raise, tant pour le lini du travail, l’emploi des matieres de cboix, que
pour la bonne harmonie des couleurs; mais, si eile persevere, nul doule
qu’a une prochaine Exposition internationale cette industrie ne tienne
une place tres-honorable.
En definitive, je suis heureux de constater que, si la passementerie
francaise a conserv^ le premier rang, c’est que tous ses efforts tendent
toujours a appliquer l’art a ses produits; ce sera, nous l’esperons, le plus
beau fleuron de l’industrie francaise. Conlinuons a crder des ecoles
d’apprentis et de dessin, multiplions-les le plus que nous pourrons, et
n’oublions jarnais que, si nous marchons, nos rivaux ne restent pas sta-
tionnaires.
FLEURS ET PLUMES.
De toutes les industries, celle des tleurs et plumes est peut-etre la plus
francaise et, sans contredit, la plus parisienne. Jusqu’a present eile a ete
imitee, mais jamais dQrassee. M. de la ßouillerie, dans son rapport au
President de la Republique (apres avoir fait l’enumeration de toutes les
industries), termine par ces mots : «Enfin une exposition de fleurs artifi—
cielles qui est un des grands succes de l’Exposition. v
En effet, l’exposition collective des plumes et des (leurs de Paris &ail
une des merveillcs du palais du Prater. Au\ deux extrdmites d’une serrc
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
302
renferniant les planles et les fleurs tle tous les pays, deux petites vitvines,
de forme octogone, abritaient des plumes de parures empruntiies aux
oiseaux les plus rares et les plus beaux.
La main habile de l’induslriel parisien et les doigts delicats de ses
ouvrieres en avaient fait des objels d’un gout exquis.
D’un cote, on remarquaitun spdcimen d’ornements de marabouts gar-
nissant une robe de bal que l’exigu'itd de cette partie de la vitrine ne
permettait pas de produire avec tous les developpements desirables; mais
ce petit echantillon de la grande toiiette de nos dames elait fort admire.
Au-dessus de cette robe, trois plumes d’autruche, d’une blancbeur ecla-
tante et d’une rare beaute, placees sur un decor de couronne princiere,
rappelaient avec une grande verile les armes du prince de Galles.
De l’autre cote, un coussin recouvert de plumes de martin-pecheur
et de scarabees attirait l’attention des visiteurs.
Les vides etaient remplis par des panaches de toutes nuances et des
modeles destines a la parure des dames.
Ces deux appendices, quoique si remarquables, n’arretaient pas long-
temps le visiteur. La partie principale de l’exposition collective, la serre
merveilleuse, avait une teile puissance d’attraction, que tous ceux qui
entraient dans ce salon se sentaient entrain^s vers les gracieux produits
de la flore artilicielle.
Ainsi que nous l’avons dit plus haut, le corps principal de la vitrine
avait la forme d’une serre, ou plutot d’un jardin d'hiver.
On y remarquait deux arbustes ayant la forme de bananiers aux domes
feuilles se balancant sur des tiges, Tun baptise par nos lleuristes du nom
de Madelina, l’autre de celui de Mahonia. Des plantes parasites vegetant
avec leurs propres racines sur d’autres plantes leur servant de terrain;
des fougeres ä tiges composees de faisceaux ligneux d’une imitation mer -
veilleuse; l’erica, bruyere de la region mediterraneenne, la glycine, le
jasmin de Virginie, la rose des buissons melee au lierre grimpant, gar-
nissaient les parois et les lambris de la vitrine.
La fleur de parure y &ait trbs-gracieusement repr^sentee par des bou-
quets et des guirlandes. On y admirait un joli bouquet de fleurs des
champs, un bouquet de narcisses, un bouquet de camelias, un bouquet
de roses Malmaison, et surtout deux bouquets, Tun compose de lilas de
Perse, de paquerettes, de bruyere, etc., l’autre de boutons la reine, me-
langes d’azalees, de lilas blanc et de violettes.
Parini les garnilures de robes, celle de trefle et de roses m(-langes
obtenait un grand succes.
En (in, differente objets servant a l’ornement etaient garnis depensees,
PASSEMENTEKIE, ELEU HS. PLUMES, BOUTONS.
d’orchidees et de fleurs variees, disposees a^ec le gout qui earacterise ie
genie parisien.
Ges merveilles d’une industrie qui s’est elevee jusqu’a ia hauteur de
l’art, et que les malheurs de la France n’ont pu faire deehoir, sont dues
ä un groupe de quarante et un exposants.
Avec un sentiment de patriolisme auquel nous sommes heureux de
rendre hommage, ils se sont entendus pour soutenir ä Vienne une vieille
reputation de superiorite dont la fabricalion parisienne se glorifie a bon
droit.
De cette parfaite enteilte est nee Fidee d’une exposilion collective, qui
a reuni dans une seule vitrine toul ce que la mode, le bon gout. le genie
de l’invention peuvent produire de plus parfait: l’ensemble de ces lleurs,
de cesplantes, de ces ravissants bouquets et guirlandes, a realisii l’aspect
d’une serre veritable.
Cette uuion intime des principaux fleuristes et plumassiers de Paris est
due a une Organisation serieuse de leur industrie.
Nous croyons dire Fexacte verite en afFirmant que cette Organisation est
la plus complete, et pour les patrons et pour les ouvriers.
En effet, eile comprend une Sochite de secours mutuels soutenue par
un grand nombre de chefs de maison, et une Assistance paternelle en faveur
des apprentis, fond^e par une Chambresyndicale qui, constiluee en 1 85p.
se fait remarquer entre toutes par la regularite et l’importance de ses tra-
vau.x. Aussi cette industrie occupe-t-elle loujours un rang eleve parmi les
nombreux et divers groupes qui composent cette grande agglomeration
manufacturiere qu’on appelle Findustrie parisienne.
C’est une de celles qui occupent le plus grand nombre d’ouvriers; eile
offre, en outre, un avantage precieux au point de vue de la moralite : c’est
de fournir aux femmes et aux jeunes filles un travail lucratif et peu penible
dans de petits ateliers ou au sein meme de la famille. Chacun des expo -
sants, ayant apporte le concours de sa specialitd, Fa fait dans de telles con-
ditions d’aptitude et de perfeclion, etsurtout ä des prix si accessibles pour
Femploi des marchandises, que toute concurrence etrangere s’est trouvee
eclipsee. Nous citerions les noms de chacun d’eux, si nous ne craignions
d’öter a leur belle manifestation lc prestige de la collectivitö. On aurait
voulu que le Jury put accorder le dipldme d’bonneur si bien merite; mais
les Statuts et reglements ne Font pas permis, ce que nous deplorons. Plu-
sieurs des participants a cette ceuvre collective et quelques autresfabricanls
avaient expose des lleurs et des plumes dans des vitrines qui entouraient
la serre. Ces exposilions partielles ont dte fort admirees et ont recu les
recompenses qui leur etaient dues.
30/i
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Comme en 1867, l’Angleterre s’est abstenuc. Vienne, Gratz, Berlin,
Munich, Breslau , Hambourg, Charlottenbourg, Pestb, le Dänemark et le
Bi’^sil ont pris part a la kitte. Le Bresil a &A fort admire pour son expo-
sition tres-variee en fleurs et objets divers en plumes naturelles. Mais les
Allemands n’ont pu encore atteindre a l’elegance et au fini de la fabrica-
tion francaise. II est, du reste, de notoriete publique qu’ils se servent
de nos modeles presque exclusivement, ayant soin de se les procurer a
Paris au commencement de chaque saison.
Cependant nos fabricants ne doivent pas dedaigner leurs adversaires.
C’est un Symptome grave de les voir dejä lütter ouvertement contre nons
avec les armes que nous leur fournissons nous-memes. Aujourd’hui ils
copient nos modeles; demain, avec la patience qui les caracterise, ils pro-
duiront par eux-memes. Les fabricants frangais ne doivent donc pas s’en-
dormir ä l’ombre de leurs lauriers; qu’ils ne chercbent pas seulement a
produire beaucoup et a bon marehe, mais qu’ils maintiennent religieu-
sement parmi leurs cooperateurs le culte dubeau, afin que cette belle In -
dustrie soit toujours la reine de l’elegance et du bon gout.
BOUTONS.
De toutes les industries, celle du bouton est assurement une des plus
enviees par les nations, qui cherchent constamment a nous ravir les mo -
deles que les fabricants francais produisent ä cbaque saison. Elle se divise
en deux parties, que nous appellerons : i° boutons de passernenterie;
9°boulons de toutes especes. Les boutons de passemenlerie se composent
de boutons ä l’aiguille et au crochet; dans ce genre de fabrication, on ap-
pliquetout ce que rdclament le gout et la mode, le jais, l’acier, les perles
de toutes nuances, l’or, l'argent, l’oxyde, la nacre, selon les exigences du
jour. 11 se cr^e a Paris une teile quantik de modeles, que les etrangers
du monde entier y trouvent tout ce que comporte la vente pour cbaque
contree. 11 en est de meme pour les boutons de toutes especes, tels que
boutons de metal en tout genre pour hommes et pour dames, boulons
de corne, d’os, d’ivoire, de nacre, d’acier.
La variete est si grande, que l’imagination s’y perd. Notre chiffre d’ex-
portalion dans cette industrie s’augmente tous les ans, et I on peut dire
aujourd’hui qu’il n’y a pas un coin sur le globe oü Ton ne trouve des bou -
tons venant de France; notre industrie peut ä jusle titre se glorilier de
voir ses efforts toujours perseverants couronnes d’un tel succes. Quand on
se reporte au regne de Louis XVI, oii pour la premiere fois on subven-
tionnait une fabrication importee d’Angleterre, et qu’on voit jusqu’en
305
PASSEMENTER1E, FLEURS, PLUMES, BOUTONS.
1833 la France tributaire encore de cette nation, on ne peut qu’encou-
rager nos industriels ä ne pas s’arreter dans la creation de ces milliers de
modeles qui sont notre seule force; de tels sacrifices seront toujours re-
muneres.
Je crois superflu de faire 1’historique de cette industrie; M. Trelon, un
inaitre dans la matiere, a, dans plusieorsExposilions internationales, traile
ce sujet avec plus d’autorite que je ne saurais le faire. Je me contenterai
de faire ressortir de mon mieux les produits exposes par nos fabricants a
Vienne en 1873. De meine que pour la passementerie, plusieurs bonnes
maisons se sont abstenues; nous n’avons ]ias, comme en 1867, deploye
toutes nos forces; inais, inalgre de regrettables abstenstions, le nombre et
la nature des röcompenses obtenues demontrent qu’il n’y a rien d’exagere
dans ce que nous disons plus baut de cette industrie.
Les boutons passementerie ont prdsente de raxissants modeles en tous
genres, en noir et en couleurs. Aucune fabrication etrangere similaire n’a
pu lütter, et on peut dire que cette industrie etait sans rivale.
I’armi les boutons de toutes especes, on remarquait les boutons de
metal pour uniformes et livrees, boutons graves sur pieces, le tout d’une
rare perfection d’execution; plus loin, des boutons de soie, de metal, dits
a la presse; on admirait surtout des boutons ä queue de lil d’un rare fini;
tout etait d’une ex^cution parfaite, et defiait la critique par le bon gout et
l’excellence de la fabrication. Une vitrine voisine offrait dans le meine
genre une grande Variete de modeles tres-bien reussis, pour hommes et
pour dames. Nous ne pouvons que remercier ces honorables et importantes
maisons d’avoir si vaillamment porte le drapeau de leur industrie. Comme
aux expositions precedentes, la fabrication du bouton porcelaine a soutenu
noblement sa vieille reputation. On y remarquait :
i° Les boutons d’^mail a trous et a queue, noirs, blancs, de couleurs,
de formes et de dessins varids;
2° Les boutons d’einail ä trous et ä queue, en imitation de nacre, de
perles et de diverses irisations;
3° Les clous d’dmail blancs, noirs irises et de toutes nuances, pour
ameublemenl;
k° Les boutonsparures, boutons de chemise et de manchettes, en email
de toutes couleurs unies ou irisees, pour Colliers, chapelcts, bracelets.
Depuis 1867, cette fabrication s’est accrue d’articles nouveaux, tels que
boutons joaillerie et boutons pour parures; nous devons y comprendre la
fabrication des perles, qui a pris egalement un developpement important.
Citons les perles imitation de corail et les perles en pale minerale, les-
3 0
ir.
306
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
quelles chaque jour s’augmentent de leintes nouvelles et atteignent ä des
conditions de prix qui icur permettront d’entrer en concurrence avec les
perles de Boheme et de Venise. Deja une intelligente et courageuse initia -
tive leur a fraye Faeces du monde enticr. Signaions encore, avant de ter-
pniner, des boutons d’acier dune grande variete et parfaitement traites,
ainsi que des cdllets et des boutons pour chaussures, des coulants et
agrafes, des boutons de manchettes a bascule, tous articles bien fabriques
et soutenant, malgre leur petit nombre, la reputation de cette industrie,
dont la superiorite a ete appreciGe par le Jury. II en eut assurement eie
de meine pour les boutons de nacre, d’os et surtout de corne, s’ils avaient
pris part a ce grand concours international.
Un examen attentif des produits similaires de l’etranger nous a laisse
l’impression suivante :
L’Allemagne, conime la France, a fait des progres depuis 18G7 dans
les boutons pour hoinmes et pour danies, principalement en articles cou-
rants; quant aux nouveaules, nous devons constater que dans tous les
genres nous rencontrons invariablement les modeles crees par nous. L Ita -
lic parait faire quelques efl'orts; l’Espagne et diverses autres contrees 011t
fait de louables efl’orts, mais dies ont encore beaucoup de cbemin ä par-
courir. Nous nous plaisons a constater qu’en Autriche il y a dans le gout
un progres sensible : les boutons de nacre et de corne et tous autres sont
bien traites; les boutons de jais de Boheme sont restes dignes de leur
ancienne renommee.
En terminant, nous pouvons constater que, dans 1 Industrie du bouton,
nous tenons toujours le premier rang pour le bon gout et le fini dexecu-
tion, gräce a nos creations multiples de tous les jours. Nous ne saunons
trop encourager nos fabricants ä perseverer dans cette voie, la seule, la
vraie, comme le prouve viclorieusement la marche ascendantc de notie
exportation.
PARIOT-LAURENT.
IX
HABILLEMENTS DES DEUX SEXES,
HABITS, CHAPEAUX, CASQUETTKS, CHAÜSSURES, GANTS
LINGERIE, CQNFECTIONS, ETC.
RAPPORT DR M. J. CARLIIIAN,
MEHBRG DU JURY INTERNATIONAL.
L Exposition universelle de Vienne devait attirer un grand nombre d’ex-
jiosants franfais appartenant a cette section : cinquante seulement repon-
dirent a l’appel de nos eommissaires generaux. Les industriels de cette
classe souffrirent-ils plus que d’autres de la guerre.ou la crainte de faire
de grandes depenses, sans espoir de trouver unejuste compensation dans
les benefices pro eures par de nombreuses et nouvelles transactions com-
merciales, fut-elle assez puissante pour les detourner du devoir patrio-
tique, qui s’imposait a tout fabricant francais, de cbercher une lagere
compensation a nos malheurs dans le modeste friomphe de notre Indus -
trie? Quel fut reellernent le motif de cette abstention? II serait difficile
de le dire.
Nous croyons que l’activit^ des affaires qui fut generalement constatee
en 1871 et 1872 fit croire a un grand nornbre qu’ils allaient avoir
desormais plus de commandes qu’ils n’en pourraient execufer, et que les
etrangers, s’etanl rendu compte des privations que leur fit eprouver la
rarete des produits franjais pendant la guerre, allaient s’attacher plus
que jamais ä la production francaise; d’autres cependant, moins imbus
de cette imprudente confiance, se souvenant avec peine et defiance des
progres accomplis par les fabricants des pays rivaux depuis 1851, se
refuserent, pour cette seule raison, a porter une fois de plus sous
les yeux des industriels etrangers les objets les plus parfaits de leur
creation.
I! serait facile de deinontrer aux premiers qu’ils out inanque de
;508
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
patriotisme, et aux seconds qu’iis n’ont pas eu suflisamment foi en notre
genie national. Mais le fait n’en existe pas moins, el le merile de ceux qui
ont contribue a l’eclatant succes de la France industrielle a Vienne en
1878 n’est que plus grand et plus digne d’eloges.
Nous ne saurions toutefois nous dispenser d’inscrire parrni ces obser-
vations generales une reflexion bien souvent repetee, au sujet des modeles
et des marques de fabrique. 11 est de plus en plus urgent, afin de vaincre
celte defiancc quelque peu justifiee qui a motive un certain nombre dabs-
tentions, de conclure avec nos rivaux en industrie des traites garantissant
aux fabricants createurs la propriete inviolable de leurs creations et de
leurs marques de fabrique; la dignite de tous les gouvernements leur fait
un devoir de combattre la lendance immorale de quelques mduslnels a
faire tourner a l’avantage de leur propre fortune le travail et les recherches
de leurs confreres.
Chaque peuple y gagnera : les efforts, en se generalisant, assureront
un progres plus sensible; le niveau moral sdevera plus rapidement, une
heureuse et saine rivalit^ fera profiter la civilisation de decouvertes plus
nombreuses, et, enfin, le genie particulier de chaque nationalite s’affirmera
davanlage, au grand profit de l’art industriel.
La confection pour dames, la lingerie et les chapeaux sortanl des
mains de nos modistes sont exportes chaque annde dans une proportion
considerable, se ebiffrant encore par 85 a 90 millions; mais 1 importance
de notre exportation en ces articles est loin de s’accroilre; nous constatons
une diminution de 20 a 25 millions sur la moyenne des annees de 186A
a 1867. Avons-nous perdu notre prestige? Le gout francais a-t-il perdu
sa juste et ancienne renomm^e? Nous ne le pensons pas.
Charge, comme jure francais, de defendre les interels de celte gia-
cieuse industrie, je dois rendre ici pleine justice a la haute loyaute et
a la sympathique franchise de mes collegues etrangers : tous se sont
accordes a reconnaltre que nos fabricants sont restes dignes de leur
legitime reputation. C’est toujours ä Paris qu’il faut venir se retremper
dans ce courant capricieux et indefinissable du gout et de la mode; son
sol privilegie inspire toujours comme autrefois les idees neuves, et tem -
pere les ecarts d’imagination qui entrainent si souvent nos imitateurs
dans le domaine de Texageration et parfois du ridicule.
Le chiffre de notre exportation na sensiblement diminue que par suite
d’uu changemenl tres-regrettable dans les usages des acheleurs etrangeis.
Les maisons de detail des grandes villes d Europe et meme des Llats-
Unis ne font plus d’assortiments de tailles dans chaque palron; dies se
bornent aujourd’hui ä venir chercher des modeles en France, modeles
HABILLEMENTS DES DEUX SEXES.
309
qu’elles font ensuite modifier ou transformer suivant )es besoins de leur
clientele.
Le manque de garantie elficace de la propriete des modeles, par suite
de formalites souvent couteuses, et les droits de douane, cet obstacle
ruineux qui protege l’indolence et enraye le progres, expliquent suffisam-
ment ces tendances mauvaises et rendent inutile la recherche d’autres
motifs.
Nous avons eprouv^ neanmoins unegrande consolation d’amour-propre
de voir tous les jures de la section H reconnaitre avec nous la superiorite
reelle des produits exposes par ces maisons d’elite, toujours pretes a
soutenir le renom de la fabrication francaise, et qui mettent au-dessus
de leurs inter^ts particuliers Dinieret general du pays.
Panni celles-ci, nous devons citer la maison J.-ß. Rouillet et C”,
fondee en 1849, recompensee en 1855, en 1862 et en 1867, dont
l’importante et splendide exposition attirait tous les visiteurs, et la maison
A. Servant, qui sait toujours rendre elegant par la forme ses vetements
en fourrure, si difficiles a bien porter, rnais si riches et si confortables.
Reconnaissons loyalement que quelques maisons etrangeres, malgre
le defaut d’initiative qu’on peut leur reprocher, ont fait d’assez sensibles
progres depuis 18G7; Vienne est reellement un foyer de bon gout, les
femmes s’y mettent bien, les modes excentriques n’y ont pas de succes
dans les classes aisees, et ses maisons de confections tendent serieusement
a acqu^rir le don de creation qui manque aux autres peuples.
La lingerie confectionnee pour dames etait peu rcpresentee : dans la
section frangaise, peu de maisons importantes, et cependant le nombre
de medailles et de diplömes de merite accord^s par le Jury international
prouve que le succes eut ete eclatant, si les ell'orts se fussent plus
generalises.
Nous ferons les memes observations au sujet des chapeaux de dames.
MM. Agncllet freres et Iturst-Wild freies ont expose, il est vrai, des
chapeaux de paille, de feutre et fantaisie; mais pas une modiste en renom
n’est venue affirmer que cette industrie, si eminemment parisienne,
n’avait rien perdu de son gout, de son inspiration et de son habileld a
creer des formes gracieuses, a trouver l’harmonie des tons, a adoucir la
durete de certaines nuances nouvelles en les nuageant de plumes babile-
ment dispos^es et frisees. C’est facheux. Les formes nues de chapeaux de
paille et de feutre, la splendide exposition collective de fleurs artificielles,
rendaient plus sensible encore cette abstention malheureuse des modistes
frangaises.
La cbemiserie pour bommes etait bien rcpresentee par M. Hayem aine.
310
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
qui fail de nouveaux efforts el oblient des recompenses plus elevees a
chaque grande Exposition internationale, et par MM. Frossard et Laguille
et Sazerat.
La ganterie a joue un role plus considerable; la France occupe
toujours la premiere place dans la production generale des gants en
j>eau de cbevreau; cela tient, d’une pari, h la superiorite incontestable
des peaux francaises et au soin minutieux que nos fabricants apportent
dans le choix de celles qu’ils tirent de la Saxe, du Tyrol et de la ßaviere;
d’autre part, ä la perfection de la megisserie, de la teinture, de la coupe
et de la couture.
Les producteurs etrangers declarent sans besitation que les principaux
perfectionnemenls dans la fabrication des gants de peau, en general, sont
dus a l’ancienne maison Xavier Jouvin, et ils ont tenu a payer celte dette
de reconnaissance en deinandant pour eile le diplöme d’honneur.
De tres-serieuses maisons ont suivi la voie deja tracee, et les produits
des maisons V e Buscarlet et Malo, de Paris, et Trelousse et C‘°, de Cliau-
niont, ont ete tres-admires par le Jury.
L’Autrichc a fait de serienx progres, et sa production en gants de
peau d’agneau a pris de grandes proportions; eile probte de la repu-
gnance qu’($prouvent encore nos principaux fabricants a adopter la cou-
lure a la indcanique pour les gants de qualite courante ou ordinaire, et
fait a la France une concurrence de prix des plus serieuses.
L’Allemagne, le Dänemark, l’Italie, la Belgique, ont egal einen t expose
de bons gants d’agneau, de Suede et de castor. Nos producteurs ont
interet a suivre ces ell’orts, qui denotent un accroissement reel dans les
moyens d’action, et une preuve incontestable (|ue leurs rivaux trouvenl
un facile ecoulenient de leur production.
II nous a ete donne d’observer, pendant le cours de nos travaux
d’examen, combien partout la Iulte est plus ardente qu’autrelois, combien
chaque peuple visea prendre sa part dans le grand mouvement industriel,
et combien aussi, depuis nos revers, le pubhe etranger est dispose a
disculer nos merites meme les plus evidents.
Les Exposilions universelles doivent avoir pour but de meltre les con-
sommateurs a meine de juger, en debors des interesses, la superiorite
des produits exposes; la France doit, plus quejamais, sentir la necessite
de jouer un role important dans ces grands tournois industriels, si eile
veut conserver son prestige au point de vue des arlicles de gout de la
nature de ceux qui font l’objet de ce rapport.
Apres ce conseil donne a tous les producteurs francais, et particulie-
remenl ä ceux qui ont cru pouvoir refuser leur participalion ä ce reveil
HAB1LLEMENTS DES DEUX SEXES.
311
de la France industrielle et arlistique, il nous semble qu’uti appel au
patriotisme de la classe ouvriere ne serait pas ddplace.
Les patrons seuls sont impuissants a lütter contre leurs concurrents
etrangers pour la fabrication et la vente de certains articles de grande
consommation, s’ils ne rencontrent dans leurs ouvriers des auxiliaires
intelligents, tenant compte de la Situation economique de leur industrie,
de son elat de gene ou de prosperite, de ses inoyens d’ecoulement et des
cfforts de la concurrence etrangere.
Ces retlexions nous amenent ä parier de la chapellerie, cette industrie
si eminemment frangaise, qui est d’ailleurs comprise dans la section H
que nous avons eu a examiner. Quelques exposants parisiens sont venus
rappeier aux consommateurs de tous ]>ays que la France, si longtemps
seule productrice de ces belles peluclies de soie, si recherchees par les
chapeliers etrangers, n’avait pas abandonne la production des chapeaux
de soie ou de feutre pour hommes; mais, malgre leur bon vouloir, ils
n’ont pu donner une idee süffisante de l’importance que^la chapellerie
frangaise a su conserver dans la production generale.
En regard de cette abstention malheureuse, nous avons du constater
un nombre considerable d’exposants chapeliers, appartenant a tous les
pays; l’Autriche y tenait avec raison la premiere place; la Grande-Bre -
tagne, l’Allemagne, la Russie, l’Italie, les Etats-Unis et l’Espagne eile—
meine, en depit de sa Situation politique, comptaient plus d’exposants que
la France.
C’est une preuve certaine que la chapellerie frangaise a laiss«5 prendre
une extension serieuse 4 la production etrangere, et il ne serait peut-elre
pas trop lemeraire d’en chercher la cause dans cette fameuse greve de
1867. Les ouvriers y ont perdu un fonds de prevoyance considerable, les
patrons ont du fermer leurs ateliers pendant plusieurs mois, et la douane
a constate, comme un fait nouveau, un arret dans l’exportation des
chapeaux de soie, et une importation relativement considerable de cha -
peaux anglais.
Pendant cette Suspension dans la fabrication frangaise, les chapeliers
etrangers ont vu leurs affaires prospiker; ils ont eu le temps de perfec-
tionner leur production et de delourner a leur profit les faveurs d’un
certain nombre de consommateurs, qui, depuis cette epoque, ne croient
plus indispensable a leur reputation d’hommes de gout de faire venir leurs
chapeaux de France; enfin il en est parmi nos fashionables qui, depuis
cette epoque, ne veulent plus porter que des chapeaux anglais.
Si, pour ces raisons, nous n’avons pas progressiv autant que nous
eussions pu le faire dans cette brauche de notre industrie nationale,
312 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
constatons cependant que ce n’est qu’au point de vue de l’aceroissement
de notre chiffre d’exportation, et non sous le rapport dn fini dans le
travail; nos ouvriers peuvent mal comprendre leurs interets, mais ils n en
sont pas moins rest^s les meilleurs parrni les plus habiles.
La chaussure pour hommes et pour dames etait representee, dans la
section francaise, par treize exposants, parmi lesquels il convient de citer :
M. Pinet, dont l’excellente fabrication appelait une rdcompense de premier
ordre, mais que ses fonctions de membre du Jury ont mis obligatoire-
ment liors concours, et MM. L. etS. Melies, Jeandron-Ferry et Ch. Meier,
dont les chaussures elegantes et d un fini remarquable ont et^ particube-
rernent appreciees par le Jury.
En somme, cette section de notre exposition n’a pas 4te la moins
brillante; eile a contribud, pour sa part, a attirer les nombreux visiteurs
du magnifique et grandiose palais du Prater, et il est du devoir du Jury
de constater ce rdel et legitime succes.
J. CARLHIAN.
X
CHAUSSURES.
RAPPORT DE M. F. PINET,
5IEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
La chaussure, comme tont le reste du vtHement, est une des plus an-
ciennes industries du monde. Pendant bien des siecles et dans tous les
pays, eile est restec un petit nieder, occupant cependantun grand nombre
d’ouvriers, mais repartis dans une niultitude d’ateliers de tres-peu d’im-
portance, dissemines non-seulement dans les villes, mais aussi dans tous
les bourgs et villages; ces ouvriers ne travaillaient que pour la consoni-
mation locale.
La decouverte de l’Amerique, qui fit emigrer dans le nouveau monde
de nornbreux Europeens, donna au commerce une impulsion jusqu’alors
inconnue. Ges colons, qui allerent s’etablir dans les differentes contrees
du nouveau continent, y trouvant des richesses dans les produits naturels
du sol, se livrerent ä son exploitation, et tres-peu continu&rent äsuivre la
profession ou le nieder qu’ils exerfaient avant leur depart d’Europe.
De lä l’obligation de faire venir de leur pays natal les objets necessaires
a leurs habitudes d’existence. En behänge des matieres premieres qu’ils
envoyerent, ils demanderent des vetements, des meubles, des ustensiles
de menage, etc. La cbaussure entra naturellement, des le debut, pour une
grande part dans ces demandes. Ce fut principalement en France, et sur-
tout dans les villes maritimes de Nantes et de Bordeaux, que les capitaines
des navires qui se rendaient dansle nouveau monde acheterent d’abord ce
qu’ils trouverent tout fait chez les divers mailres cordonniers de ces villes
pour composer leur pacotille, comme on disait a cette epoque, et firenl
plus tard de petites commandes, que les besoins toujours incessants ren-
dirent de plus en plus importantes. Quelques maitres cordonniers plus
actil’s, plus intelligenls que les autres, parvinrent a occuper un nombre
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
314
d’ouvriers assez considerable, inais ne firenl aacun progres dans la ma-
niere de produire et aucun changement dans l’outillage
Le metier de cordonnier etant tres-long et tres-difficile a apprendre, et
ies demandes depassant la production, les patrons se montrerent tres-peu
severes sur le travail des ouvriers, comme aussi sur le choix des matieres
premieres. Tant que la penurie de la chaussure conlinua a se faire sentir
dans les colonies, on acheta quand me me ces produits confectionnes par des
fabricants sans gout. Dans le cours du dernier siede, il se faisait cependanl,
dans diverses villes, une bonne fabrication pour la consommalion locale,
dont quelques produits exportes maintinrent heureusement notre bonne
reputation. Mais, vers la lin du siede dernier, Bordeaux perdit complde-
ment son exportation; Nantes fut fortement atteinte; eile se releva cepen-
dant vers 1828, grace a Fintelligence d’un de ses enfants, M. Suzer, qui,
par sa loyaute dans les alfaires, son goüt du beau et surtout du hon, a
releve tres-haut l’industrie de la chaussure dans cette ville.
Vers la mtjme epoque, il se fondait a Lillers, dans le Pas-de-Calais, une
fabrique de chaussures specialement destinees ä i’exportation, dont le
le chef, M. Fanien, etait aussi fort intelligent. Cette maison a pris un
tres-grand developpement, et estrestee une des plus importantes de France.
A cote d’elle se sont creAes dans le pays d’autres maisons qui ont aussi
quelque importance.
Paris ne travailla guere pour l’exportation que vers le commencement
de ce siede, et ce ne fut que vers 1827 que les premiers essais de d^-
coupage des semelles a l’emporte-piece furent faits par M. Renault, fabri—
cant de chaussures pour dames; ses produits, qui daient degants et de
bonne qualitd, furent tres-estimes au Bresil.
Depuis une trentaine d’annees, il s’est opere des changements conside-
rables dans la fabrication comme dans la vente de la chaussure. Autrefois,
1 Autrefois, dnns ies grandes villes comme
dans iesviilages, tous les ouvriers cordonniers
travaillaient dans la boutique solis les yeux du
maitre.
Ce fut vers la fin du siMe dernier qu’on
commenfa ä changer cette coutume, qui etait
peu agreable pour la clientele et pour les pas-
sants; les ouvriers se mirent ä travailler dans
leur chambre. Ce Systeme s’est depuis long-
temps generalise, au grand avantage de ceux
qui ont des Sentiments de bonne conduite et
de raoralite. tls restent au milieu de leur Fa -
milie, en dehors du contact des debauches, qui
etaient tres-nombreux ä l’epoque oü Ton tra-
vaillail en boutique, et dont le nombrc a heu -
reusement considerablement diminue depuis
reite epoque. Les patrons y ont gagne de la
Iranquillite, et ont pu faire de boutiques mal -
propres et d’une odeur desagreable des maga-
sinsbeaux et eEgants, oü le dient vient sans
aucune re'pugnance.
A l’epoque oü la chaussure ne se faisait que
sur mesure, il y avait cliaque annee deux lon-
gues mortes-saisons, ce qui etait tres-prejudi-
ciable ä finteret des ouvriers. La fiibricatiou
en gros, travaillant sur commissions impor-
lanles ou meine d’avancc, est venue leur ap-
porter beaucoup plus de bien-etre, en faisant
disparailre presque compleloment les mortes-
saisons.
CHAUSSURES.
315
cn France, comme Jans toute l’Europe, chacun avail son cordonnier,
par lequel il se faisait prendre mesure; maintenant, un grand nombre
d’homnies et la presque totalLte des dames achetent leurs chaussures dans
des magasins de vente. II y a cependant encore dans les grandes villes, et
a Paris surtout, un cerlain nombre de tres-bonnes et tres-honorables mai-
sons de cordonnerie sur mesure pour dames et pour hommes, qui main-
liennent haute leur reputation de bon goiit et de bonne qualit^.
Mais les perfectionnements apportes par quelques fabricants en gros
a leur outillage, en facilitant considerablement la main-d’oeuvre, ont
permis de produire les meines qualit^s a un prix moinseleve, ce qui a fait
changer les habitudes du consommateur,qui, actuellement, prefere acheter
tont fait que de commander.
DES DIFFERENTS SYSTEMES DE PRODUCTION.
La chaussure se fabrique maintenant par six procediis tres-diff^rents, et
la fabrication en gros emploie la mecanique pour la preparation du travail
dans ces divers procedes.
Le premier, le plus ancien, est la couture au fdpoisse faite par la rnain
de l’homme; ce procede est toujours celui par lequel on obtient la meil-
leure et la plus belle chaussure; Fensemble du travail en est plus artis-
li([ue, maisla main-d’ceuvre en est plus chere.
Le deuxieme, le Systeme du semelage cloue ou rive, est d’origine fran-
caise, et se place comme anciennete apres le precddent; il ne produit pas
un travail aussi l^ger ni aussi agreable pour la marche, mais on pcut le
faire tres-solide et a plus bas prix.
Le troisieme procede est le semelage visse, qui a pris naissance a Paris
il ya trente-quatre ou trente-cinq ans; on fait par ce moyen des chaus -
sures toujours un peu lourdes, mais qui sont tres-solides.
Le quatrieme est le semelage au chevillage en bois : ce procede a pris
naissance en France avant le precedent, mais on l’y emploie peu; les
Allemands s’en servent davantage; mais c’est surtout aux Etats-Unis, dans
la villede Chicago, ou il y a des fabriques tres-importantes, que ce procede
est specialernent en usage. Tout y est fait par des moyens mecaniques
d’invention americainc.
Le cinquieme procede est le semelage mecanique au lil poisse, d’in -
vention americaine; il existe deux genres de machines tres-differents : le
premier coud deux ou trois semelles en traversant le tout du dehors au de-
dans; l’autre fait la couture dite en escarpins, c’est-a-dire coud le dessus
avec une seule semelle qu’on retourne apres la couture faite. On pcut faire
316
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
avec ces machines d’assez bon travail; mais on ne peut les employer avec
avantage que dans la grande fabrication. Elles ne produisent jamais un
travail aussi soigne que celui de la couture a la main; eiles sont tres-inge-
nieuses, rendent des Services, mais ont encore besoin de perfectionne-
ments.
Le sixieme procedE ne date que de quatre oucinqans. Les inventeurs,
MM. Lambert et Millet, de Tours, exploitent seuls leurbrevet: un boulon
place a l’intericur et traversant la semelle est retenu ä 1’extErieur par un
ecrou qui penetre dans la semelle par la pression obtenue en le vissant
sur le boulon. Ce Systeme est d’une tres-grande solidite et a certainement
beaucoup d’avenir; mais Temploi en est surlout applicable a la chaussure
de marche, qui a besoin d’une grande resistance.
En i854, un voyageur de commerce, ancien ouvrier cordonnier, in-
venta un Systeme de talons en cuir embouti d’un seul morceau 1 ; l’annee
suivante, il fonda a Paris une fabrique de chaussures pour dames, oix
il appliqua son nouveau Systeme, qui abrege et facilite le travail de l’ou-
vrier et rend la chaussure plus legere et plus agreable a la marche. Aussi
cet Etablissement devint-il en peu d’annEes un des plus considerables de
la capitale de la France. Sa prosperite, due a la bonne qualitc et a la
beaute de ses produits, augmenta la reputation de la fabrique frantjaise;
mais eile fit aussi des envieux. L’Angleterre, la Belgique, TAllemagne, et
principalement l’Autriche, copierent ce nouveau mode de travail, ce qu’ils
continuent toujours ä faire; ils ont donne et conserve ä ce Systeme de
talons le nom de son inventeur. A l’Exposition de Vienne, nous avons
vu, dans presque toutes les vitrines autrichiennes oü il se trouvait des
chaussures pour dames, des articles fabriques selon ce Systeme. En France,
il y a aussi maintenant plusieurs fabriques ou Fon emploie ce genre de
talons pour la fabrication des beaux articles pour dames.
La France possede maintenant un grand nombre de fabriques impor -
tantes rEparties dans beaucoup de villes; les principales sont a Paris,
Fillers, Nantes, ßlois, Tours, Angers, le Mans, Lyon, Nancy, Limoges,
Romans, Nhnes, etc. etc.
La fabrication de la chaussure a toujours employe des ouvrieres pour
les travaux lEgers, tels que le bordage, la confection et la pose des orne-
ments pour les chaussures de dames; mais c’est surtout depuis cinquante
ans environ, Epoque a laquelle la mode de se chausser avec des bottines a
commencE, que cette profession a fourni beaucoup de travail aux femmes.
Jusqu’en i855 la piqure se faisait a la main; certaines parties de la tige
L’invenleur esl l’auteur de ce rapporl.
CHAUSSURES.
317
(itaient dures et difficiles a confectionner. Aussi il n’y avait que tres-peu de
bonnes ouvrieres. La plus grande quantit6 de cette partie du travail se
faisait mal et manquait de solidit6. Des 185 5, quelques fabricants com-
mencerent a se servir de la macbine a coudre pour la fabrication des liges;
depuis, son emploi s’est g6neralis6, au grand avantage des ouvrieres, des
fabricants et des consommateurs. Les premieres y ont trouvd un gain plus
<5lev6 et moins de fatigue; les seconds, pouvant produire plus facilement,
ont augmente leur cbiffre d’affaires, et les troisiemes y ont gagn6 de pou-
voir se procurer pour le meme prix des chaussures plus belles et plus solides.
DE L’EVALUATION DE LA PRODUCTION ET DE SES DEBOUCHES.
La fabrication de la chaussure demande beaucoup de main-d’oeuvre,
principalement pour les beaux articles.
D’apres l’enquete de la Chambre de commerce de Paris faite en i 848,
portant sur l’annde 184^, la production de la fabrication de chaussures
6tait de 48,282,487 francs. Treize ans plus tard, en 1860, d’apres l’en-
qu4te faite en 1861, eile atteignait le cbiffre de 82,721,860 francs, sur
lesquels 17,580,000 francs etaient expedies a l’etranger: le chilfre de la
production, dans ce court espace de temps, avait donc presque doublt a
Paris.
En 1860, le nombre de personnes occupees par cette industrie elait,
dans la capitale, de 80,092, dont 9,270 femmes.
Depuis 1860 jusqu’en 1 873, le produit de la fabrication de la chaus -
sure a beaucoup augmente chaque ann6e, et a surement du atteindre, dans
les deux dernieres annees, le chiffre de 120 millions de francs \ et occuper
4o,ooo personnes. Surce cbiffre de 120 millions de francs, 4o millions
au moins ont et6 livres a Pexportation par Paris seulement; la France
entiere a du en livrer pour une somme double.
L’Assemblee Constituante de 1848 avait nomme dans son sein une
commission du travail dont M. Waldeck-Rousseau etait le pr6sident.
Cette commission commenfa le travail d’une enquete industrielle pour
toute la France; mais l’Assemblee ne resta pas assez longtemps pour que
ce travail put etre termimi, ce qui est regreltable; car, pourpouvoir citer
le chiffre de notre production nationale, nous n’avons pas de bases positives.
L’enquete faite a Paris en 1861 peut cependant, pour la chaussure,
nous fournir une base tres-probable pour le produit de toute la France :
1 En citant ce chiffre,je ne tienspas comple tieres premieres et des salaires, eile est de in
de la plus-value qu'a prise la chaussure depuis ä 20 p. 0/0.
1860. Par suite de Pelevation des prix des ma-
318
EXPOSITION UlNIVEBSEI.EE DE VIENNE.
eile a donne comme moyenne de la consoitimation pour Paris 3o francs
par an et par individu. Quoique actuellement le bien-elre soit beaucoup
plus grand dans les campagnes qu’autrefois, et que les grandes fabriques
aient repandu leurs produits jusque dans les plus petits villages, ce qui
a fait abandonner le sabot pour prendre la chaussure en cuir au moins
pendant la belle saison, nous ne prendrons comme moyenne de consom-
rnation pour la France que la moitie du chiffre de la moyenne pour Paris,
en 1860, soit i5 francs par an et par personne, et nous restons surement
au-dessous de la verite. La population totale de la France, y comprenant
Paris, etant en chiffres ronds de 36 millions d’habitants, nous trouvons
un chiffre considerable de 54o millions de francs, rien que pour la con-
sommation interieure, auquel il faut ajouter 80 millions de francs livres
a l’exportation. C’est donc un total minimum de 630 millions de francs
de chaussures qui se fabriquent chaque annee en France, et qui n’occu-
pent pas moins de 220,000 personnes. L’industrie de la chaussure peut
donc etre placee parmi les plus importantes de notre pays.
Malgre le chiffre considerable de notre exportation de chaussures, l’ad-
ministration de la douane fran^aisen’a pas juge a propos, jusqu’a present,
de faire un chapitre special pour cet article, ce qui est tres-regrettable,
car cela ne nous pennet pas de constater chaque annee, ainsi qu’on le fait
pour quantite d’autres marchandises, le montant exact de ce que nous
envoyons a l’etranger. La chaussure, a sa sortie, est class(ie soit dans les
ouvrages en cuir, soit dans la mercerie ou l’article de Paris. Nous ne sau-
rions trop solliciter de la douane qu’elle en fasse un article special.
La France a eu longtemps le monopole de la chaussure d’exportation;
mais, depuis une vingtaiue d’annces, en Angleterre, en Allemagne, en
Autriche, en Belgique etmeme aux Etats-Unis, il s’est monte des fabriques
qui ont pris du developpement.
L’Angleterre ne produit, comme arlicle d’exportation, que des chaus -
sures tres-ordinaires, qu’elle expedie dans ses colonies et principalement
dans Linde et dans l’Australie. Ses grandes villes demandent ä la France,
pour leur consommation, ses belles qualites pour dames.
L’Amerique exporte peu, mais fabrique grandement pour les besoinsde
sa population.
L’Allemagne possede, ;i Mayence et a Francfort, ([uelques maisons qui
font bien la chaussure pour hornmes et cherchent a placer leurs produits
sur les meines marches que nous; mais ces maisons sont encore de peu
d’importance. A Pirmasens (Baviere rbenane), on fabrique en grande quan -
tite des pantoufles en feutre ou en peau avec semelles cousues; mais ce
sont des articles tres-communs. Leurs debouches sont principalement sur
CHAUSSURES.
319
les places de i’Allemagne; mais il s’en vend aussi pour la Turquie, les
provinces danubiennes et quelques colonies; la France meme en achele un
peu pour sa consommation.
L’Autriche, Vienne principalement, a donne ä la fabrication de la
cbaussure un grand developpement depuis une quinzaine d’annees. Ses
produits trouvent un grand debouche dans les villcs du Levant, et sont
export^s jusque dans l’Amerique du Sud; une rnaison de Vienne fait meme
quelques ventes de chaussures pour hommes sur la place de Paris.
A Vienne, la main-d’oeuvre abeaucoup augmente; eile est actuellement
presque aussi elevee qu’a Paris: cependant, afin de pouvoir lütter par leurs
bas prix, quelques fabricants ont etabli des ateliers cn Hongrie, en Po-
logne et en Boheme; c’est principalement dans ce dernier pays, oü les sa-
laires sont tres-peu Mevds, qu’ils trouvent avantage dans la production.
Les matieres premiercs etant au meme prix, et quelques-unes meme
venant de notre pays, les bons fabricants francais n’ont pas a redouter la
concurrence autrichienne; si les produits de cepays sont meilleur marche,
c’est qu’aussi ils sont moins bons et faits avec moins de gout. Ge qui le
prouve surabondamment, c’est que quelques-uns des fabricants viennois
marquent leurs chaussures avec des poincons copiant completement nos
marques de fabrique les plus estimees L Ces procedes leur r^ussissent
pendant quelque temps, mais les marchandshonnetesfinissentpardejouer
ces calculs deloyaux, et nos produits sont redemandes dans ce mornent a
l’etranger, tandis que la fabrication autrichienne est presque sans occupa-
tion. II est vrai de dire qu’en France, si les fabricants qui ont des marques
estimees se sentent peu de la crise commerciale qui dure depuis dix-huit
mois, tous ceux qui font l’article tres-ordinaire n’ont it peu pres rien a
faire; cela leur fera peut-etre comprendre cpie leur interet particulier,
comme celui de la France, n’est pas de chercber ä faire concurrence par
des bas prix, qui pourront toujours etro atteints par des fabricants elran-
gers, mais de donner des produits de bonne qualite et faits avec gout. La
France a une juste reputation d’dldgance et de bon gout; il faut savoir la
lui conserver. Nous ne saurions donc trop insister engager les fabricants
francais a produire beau et bon.
DES DEBODCHjfe POUI! I.A FABBIQUE FBAXCAISE.
Nos principales [daces de vente sont dans loute l’Ameri(|ue du Sud,
dans l’Amerique centrale, les Antilles, le Mexique, Java, les des Maurice
' C’esl surlout pendant la gnerre He 1870-1871 qne celle concurrence indigne a eie faitc
sur une gründe echelle.
320 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
et de la Reunion, l'Egypte, les villes de Smyrne, Constantinople, Bu -
charest, Jassi, Odessa, Tiflis et quelques autres villes de l’Orient. Nous
fournissons notre colonie d’Algerie. L’Angleterre et la Suisse achetent nos
helles qualites, Tltalie et le Portugal nous font quelques demandes;
dans ce dernier pays, si les frais de douane etaient moins ^lev^s, nous
pourrions y expedier beaucoup, ainsi qu’en Espagne. L’Allemagne du Nord
nous prend quelques beaux articlespour dames, mais ses achats sont peu
importants.
RESUME SUR L’EXPO SITI ON
La France ne comptait pas un grand nombre d’exposants : ily en avait
treize; mais ils se trouvaient representer presque tous les genres de la fa-
brication fran?aise, et faisaient valoir dignement notre pays par la beaut<$
et la qualite de leurs produits. Les vitrines ou ces produits etaient placds,
faites collectivement avec les exposanls de fleurs, de chapeaux, de chemi-
serie, de ganterie, de bonneterie et corsets, formaient un salon regulier
d’un tres-bon effet et qui atlirait un grand nombre de visiteurs.
Deux maisons de cordonnerie sur mesure pour dames sont venues a
Vienne : M. Meier avait expos4 de belles et elegantes chaussures, d’un
travail serieux, telles cju’il les livre habituellement a sa clientele; M. Jean-
dron-Ferry, qui jouit ^galement d’une juste reputation pour le bon gout,
avait expose des chaussures tres-elegantes, d’une main-d’oeuvre irrepro-
chable, mais qui etaient moins pratiques.
La fabrication en gros £tait representee par M. Melies, pour la tres-belle
chaussure cousue pour hommes; parM. Pinet, pour la tres-belle chaussure
cousue pour dames; puis viennent MM. Verdeil et Gervais, qui avaient ex -
pose de tres-coquettes chaussures d’exportation pour dames; M. Gus -
tave Dubois, de la chaussure clouee; M. Ghapsal (d’Aurillac), sa forte et
tr&s-bonne chaussure cousue pour hommes; MM. Lambert et Millet (de
Tours), leur solide Systeme de chaussures a semelles boulonn^es; et la
maison Jaffre et Eisenreich, une grande colleclion de galoches pour hommes
et pour femmes.
L’Am^rique avait cinq exposants : rien de bien saillant commebeaute de
travail; c’est surtout la quantite qu’ils cherchent a produire. La couture,
le chevillage en bois et en fer y sont assez bien representes.
Le Bresil avait quatre exposants; il fabrique sur mesure: bon travail, mais
rien non plus de saillant dans ce qui est confectionne dans ce pays.
L’Angleterre avait deux exposants: une maison fabriquant specialement
1 L’aulear du rapporta deja donne ce re- cordonnerie, qui Ta public le t6 septembre
sume au directeur du journal le Moniteur de ln 1873.
CHAUSSURES. 3*21
la lige, et la maison Lobb, qui a expos4 des chaussures pour bommes et
pour dames: la main-d’ceuvre est parfaite; mais il y a un däfaut que Ton
retrouve toujours chez les exposants anglais, c’est que ces chaussures, ex-
pos^es sur formes ou embauchoirs, ne peuvent cbausser aucun pied : eiles
sont faites pour satisfaire l’oeil. II y a ä Londres un tres-petit nombre
d’ouvriers, veritables artistes, ne travaillant jamais en titre dans teile ou
teile maison, et qui ne font presque jamais de chaussures pour servir äla
marche. Les commercants qui desirent avoir quelques beaux articles pour
etalage ou pour les montrer dans une exposition vont trouver ces ouvriers-la.
Aussi retrouve-t-on dans presque toutes les vitrines le meine travail, et
voit-on les meines produits servir a plusieurs expositions. II est vrai de
dire qu’a cette regle il y a quelques exceptions, mais elles sont rares.
Le Portugal, qui avail neuf exposants, n’a rien de particulier.
L’Espagne avait vingt et un exposants, mais eile abeaucoup de progres
et d’efforts ü faire avant qu’on puisse citer son travail.
La Suisse, qui fabrique tres-peu, avait six exposants : on remarque
quelques tr&s-fortes et tres-bonnes chaussures garnies de trois pointes en
acier au talon et trois sur le devant du pied, longues d’environ un centi-
metre; ces chaussures doivent 4tre tres-utiles pour faire des excursions
dans les glaciers. La Suisse a toujours travaille d’une maniere confortable
la forte chaussure.
L’Italie avait vingt-deux exposants : ce pays ne fabrique encore que pour
sa consommation; mais on voit qu’il fait des efforls pour se developper.
11 y a quelques articles pour bommes et pour femmes qui sont tr^s-bien
compris.
L’Allcmagne a tres-mal expose; sauf deux maisons de Mayence et une
de Francfort, le reste est insignifiant. Les articles envoyes par Berlin sont
plus que faibles. Ce pays aurait pu mieux faire.
La Suede, le Dänemark, la Russie, font de tres-bonne cordonnene pour
pratiques, dont la main-d’ceuvre est excellente, surtout pour la chaussure
d’hommes : une maison de Saint-Petersbourg a aussi expose des chaussures
pour dames qui sont dignes d’$tre mentionnees.
La Grece avait deux exposants: chaussures pour hommes, travail ordi-
naire.
La Hongrie avait quarante-deux exposants : toutes les vitrines pour
ce pays ont ^td faites par le Gouvernement, sauf celles de deux ou trois
maisons.
Tout est mis sans beaucoup d’ordre dans ces grandes armoires, ce qui
n’estpas a l’avantage des articles exposes; cependant on reconnait ä premiere
vue que cejiays possede quelques bons ouvriers. On y voit aussi une cbaus-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
322
sure nationale toule particuliere : ce sont des bottes en maroquin de di -
verses couleurs,parmi lesquelles le rouge domine; quelques-uncs ont des
broderies sur les tiges; les semelles sont tres-larges, les talons tres-bas et
les bouts pointus. Ce sont surtout les femmes riches des campagnes qui
portent ce genre de chaussure. II est encore d’usage de faire cadeau d’une
paire de ces bottes a une jeune personne quand eile se inarie; et quel-
ques-unes les conservent toute leur vie, comme on fait en France du bou-
quet de fleurs d’oranger.
L’Autriche avait cent vingt-quatre exposants : beaucoup nont aucune
valeur, soit comme importance, soit comme travail; mais il y a sept ou
huit maisons qui font de grands efforts pour lütter avec Paris. Une de ces
maisons, montee par actions (il y en a plusieurs montees par actions,
mais une seule a de l’importance), fait un grand cbiffre d’affaires, mais
n’arrive pas encore ä lütter avec nous pour la belle fabrication, principa-
lement pour la chaussure de femmes.
Dansla cordonnerie a pratiques, le cbausseur de Limperatrice, M. Helia,
s’est particulierement distingue. Dans une belle vitrine blanc et or, il a
cxpose, entre autres, des bottes a l’ecuyere pour dames qui sont parfaitement
niussies. Il y a aussi une tres-belle colleclion d’ouvrages bien traites en
bottes, bottines, souliers, tiges en satin, en velours ou chevreau de diverses
couleurs. On voit que M. Helia connait bien son nieder.
La Belgique avait deux exposants : une maison qui fabriquc en gros de
tres-bonnes chaussures pour hommes, et une maison de detail qui aexpose
des chaussures pour hommes et pour dames, le tout d’un travail confor-
table.
Ce pays vend quelques articles pour femmes dans les villes frontieres
de la France.
Nous sommes heureux de constater, en terminant ce rapport, que la
fabrique frangaise est toujours en premiere ligne; mais eile a besoin de
veiller; car l’titranger fait des efforts pour Legaler.
Nous ne saurions donc trop repeter ä nos confreres que nous devons
lütter autant par le bon gout que par la belle et bonne qualite; et par ce
moyen nous serons invincibles.
F. PINET.
%W-m9&gg8$!9m
INDUSTRIE
DU CUIIR ET DU CAOUTCHOUC.
RAPPORT DE M. CHARLES SOYER,
MEHBRE DU JURY INTERNATIONAL.
L’importance du groupe VI a ete considerable ä l’Exposition de Vienne
en 1873, ou le Jury a pu examiner ies produits de pres de deux mille
exposants.
Ces produits, specimens les plus divers de la fabrication de tous les
pays, nous ontpermis de constater les progres obtenus depuis l’Exposition
de Paris en 1 867.
Ce groupe se divisait en quatre sections :
A. Cuirs.
B. Pelleteries et fourrures.
C. Caoutcbouc et gutta-perclia.
D. Materie! et proc^d^s employes dans la fabrication des objets ci-
dessus.
CUIRS.
La France n’etait representee au groupe VI que par un tres-petit
nombre de ses fabricants: cinquante-quatre exposants en tout pour les
quatre sections.
L’industrie des cuirs, dont la fabrication est si importante dans notre
pays ne comptait que quarante-cinq exposants.
A ce sujet, je veux une fois de plus rectifier une erreur que je n’ai pu
dissiper a Vienne, puisqu’elle est reproduite au Rapport officiel et dans le
travail de mes collegues d’Allemagne et de Belgique, qui tous affirment
que, si nous 4tions en si petit nombre, c’est que la France avait organisd
un jury d’admission, qui, contrairement aux autres pays, refusait tous les
produits qui n’etaient pas de premier ordre. Ici, coinme partout ailleurs,
nous avions un jury qui a pr&side aux travaux d’organisation de l’Expo-
326
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
sition de Vienne; il etait compose de membres de la Chambre du com -
merce de Paris, et n’a eu aucune demande d’admission a refuser pour le
groupe VI. Ces demandes etaient si peu nombreuses, que la galerie re-
servee aux cuirs n’a pu etre remplie, et que deux de ses vitrines sont res-
tees vides faute d’exposants. Ce qui prouve mieux encore qu’il n’y a pas
eu de choix dans les admissions, c’est que, sans diminuer le merite et
l’importance de nos exposants, nous avons eu ä regretter, dans nos diffe -
rentes specialites, l’absence de plusieurs de nos premiers fabricants, dont
les produits sont tres-apprecies ä l’etranger. Leur tort a ete d’autant plus
grand qu’ils auraient, eux aussi, contribue ä soutenir dignement l’im-
portance commerciale de la France.
Seul pour representer les interets des cinquante-quatre exposants fran-
cais des quatre sections du groupe VI,je me suis particulierement occupd
de la section des cuirs, de beaucoup la plus importante (quarante-cinq
exposants), et qui etait tout specialement de ma competence.
Le Rapport oiliciel debute par declarer que le Jury, dans son apprecia-
tion des cuirs exposds, n’a point entendu les juger comparativement, mais
seulement par nationale, et en tenant compte de l’importance indus -
trielle de chaque pays et de ses moyens de fabrication.
La France n’avait rien a redouter a ce qu’il en lut autrement.
Je suivrai le Rapport dans son ordre d’examen, qu’il fixe ainsi;
i 0 Cuirs pour semeiles.
2° Cuirs pour empeignes et sellerie.
3° Cuirs vernis.
4° Maroquins et peaux de couleur.
5" Cuirs alunds et chamois megisses.
Je suivrai aussi l’ordre des travaux du Jury, qui a commence par l’exa-
rnen des produits d’Amerique pour finir par ceux de la Russie.
CU1RS POUR SEMELLES.
C’est avec raison que le Rapport officiel dit que les qualites que doit
poss^der tout bon cuir a semeiles sont tres-connues, et ont ^te si bien indi-
quees dans les rapports des prdcddentes Expositions, qu’il est in utile d’y
revenir.
L’Amerique a expose des cuirs a semeiles tannes, partie a l’ecorce de
ebene pure, partie a l’hemlock (sapin du Canada), puis partie au tannage
melange, chene et hemlock.
INDUSTRIE DU CUIR ET DU GAOUTGHOUG.
327
Da äs ce pays, les cuirs de Rabat des villes sont generalement tannds ä
I’ecorce de ebene; ils sont de belle apparence et de bonne qualite, tout
en manquant un peu de fermete, tandis que les peaux venant du Texas
sont tanndes a l’hemlock, ce qui leur donne une couleur brune un peu
rougeätre, avec moins de fermetd encore.
La maison Antony F. Ba;r et C' e , de Baltimore (Maryland), nous a pre -
sente des cuirs ä semelles de tres-bonne qualite, tannes a l’dcorce de
diene; le representant americain nous a ddclard que ces cuirs avaient dtd
tannes en huit mois : c’est ce que j’ai vu de mieux comme bon tannage,
assez serrd et de belle couleur.
Les autres exposants de cuirs pour semelles tannes ä I’ecorce de diene
sont MM. Conrad, Fabel et Mooney, de Louisville (Kentucky),
MM. Franz et Son, du meine pays, dont les cuirs sont aussi d’un bon
tannage.
MM. Buckley, Lockwood et C ie , de New-York, avaient, au tannage com-
bind diene et bemlock, des cuirs tres-reussis et bien tannes. Mon apprd-
ciation est ä peu prös 3a meine que pour les produits des autres exposants
de New-York.
MM. Upton, Franklin et C'°, de Boston, avaient expose des cuirs
crouponnds pour semelles qui, d’apres leur dire, avaient ete tannes en
soixante jours par un nouveau procede, que je crois etreune imitation du
Systeme Knoderer, Systeme bien connu en France et peu enqdoye main-
tenant. Ces cuirs tannes au chene-hemlock n’dtäient pas rdussis, et le
Rapport officiel a pu dire avec raison : «Nous n’avons pas dtd enthou-
siasmds de la qualite; de ces cuirs.»
Plusieurs fabricants avaient exposd des cuirs pour semelles tannes a
Themlock seul. MM. Bush et Howard, a Buffalo (New-York), meritent
d’etre cites au premier rang, tant pour leur importance comriierciale que
pour leur bonne fabrication. Les peaux expos^es par ces messieurs daienl
ce qu’il y avait de mieux en cuirs ä semelles faninis ä riiemlock.
Je dois constater qu’en Amerique la fabrication des cuirs pour semelles
a fait de grands progres; c’est ce qui explique que, dans ces dernieres an-
n4es, eile a conquis une place de plus en plus importante sur les marches
du continent; bien que ces cuirs laissent encore beaucoup a desirer, leur
bon marche relalif leur assure de grands debouches.
Le Rapport officiel dit :
« L’Amdricain tanne son cuir dans un temps beaucoup plus court que
l’Allemand, et ce fait seul renferme un avertissement pour la plus grande
partie des tanneurs du continent. n
La superiorite des cuirs francais pour semelles, que j’aurai bienlöt ä
•m
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
conslater, nous permet d’envisager cette concurrence avec plus de trari-
fjuillite; j’engage cependant nos fabricants a tenir compte de l’avis de
notre rapporteur.
L’Angleterre, comme la France, n’avait que peu dexposants pour la
sp^cialite des cuirs pour seinelies, et je dois dirc que le peu qui nous a
ete presente etait generalement beau, d’un tres-bon tannage, et la coupe
serree sans trop de durete. Ces cuirs n’etaient pas tannes ä l’ecorce de
ebene pure, inais avec un inelange de dilferents tannins.
Nous savons tous que les fabricants anglais ont l’habitude de croupon-
nerleurcuir avant le tannage, les gros cuirs surtout, dits cuirs pour se-
inelles; ils y trouvent l’avantage de realiser plus promptement les ventres
etlatete, deux parties qui representent environ le tiers du cuir entier,
valeur brüte, et qui se tannent plus vite et plus economiquement.
Ce n’est pas l’usage en France, ou nos bons fabricants arrivent a si bien
tanner ces extremites, que la ferm ete de ces parties ne depare pas len-
semble de leurs cuirs. Malgre tout, je crois que les Anglais, en gens pra-
tiques, y trouvent economie de temps dans !a fabrication et dconomie
dans le prix de revient.
Je n’ai que deux exposants ;i citer : MM. Webb et Son,de Stowmarket;
leurs cuirs pour semelles et pour courroies etaient d’un tannage parfait.
MM. P. S. Evans et C'\ tanneurs a Bristol, ont exposd des cuirs pour
semelles de troupe et des cuirs pour pompes d’un tannage superieur, et,
par curiosite, une peau d’hippopotame parfaitement tannde en trois ans.
Canada. M. Müller, le seul exposant de ce pays, nous a fait presenter
deux croupons de cuirs pour semelles et un morceau de peau de morse
(cheval marin) d’un tannage et d’une qualile superieurs, tannes dans un
extrait d’ecorce d’hemlock.
Des 4chanlillons de cet extrait, connu dans le commerce sous le nom
d’extrait Müller, dtaient exposds; malbeureusement, nous n’avons pu obte-
nir de renseignements precis sur les prix et les propridtds de ce procede
de tannage.
II nous a ete aflirme que ce jus concentre etait un agent tres-fort et
par le fait tres-prompt; mais je n’ai pu me procurer aucun renseignement
serieux, et cependant les cuirs expos^s meritenl attention.
Colomes BRiTANNiQUES. MM. E. Wilson et Heathcote, tanneurs ä Canter-
bury, ont expos4 une Collection de differents (^chanldlons de cuirs pour
semelles et harnais, veaux en croüte, peaux de kanguroo et de porc,
--,aa;...WWaBfeg
a&gawem
, t:^a^6ifeafeigBaaaja^H
INDUSTRIE DU CU1K ET DU UAOUTGHOUG. 329
moutons blancs mdgissds, et moutons avec la laine coloriee. Tout le
tannage de cette fabrication se fait avec l’ecorce du mimosa ou acacia.
Les produits en sont rouges de couleur, mais 3e travaii est bien, et les
cuirs pour semelles sont de bonne qualite.
L’dcorce exposee par cette maison, et qui s’e.xporte beaucoup en Angle-
lerre, parait tres-riche en tannin: son poids est considdrable.
Les cuirs pour semelles et autres sortes, tannes a l’ecorcedu magnolia,
sontexposes par quelques maisons d’Australie et du Vdndzudla; le tannage
est bon, un peu ouvert cependant.
La maison Michaelis Hallenstein et C ie , a Melbourne, avait expose de
bons cuirs pour semelles, d’assez beaux cuirs pour Sellerie, le tout tanne
avec l’ecorce du magnolier.
Indes britanniques. Quelques exposants dont les produits n’avaient rien
de remarquable.
Section francaise. La France n’avait que huit exposants de cuirs forts
et vacbes pour semelles. Ce petit nombre, remarquable cependant, nous
a fait regretter l’absence de nos bons fabricanls de Givet, Dreux, Cha -
teau-Renault et d’autres pays encore. II a sulli pour faire apprecier la
superiorite de nos produits, supdriorite reconnue par tous les jurds et
constatee dans differents mdmoires sur l’Exposition de Vienne.
Le Rapport olficiel s’exprime ainsi: « La methode de fabrication des cuirs
et vaches pour semelles est a peu pres la meine pour toute la France, et
les produits exposds presentent si peu de difference entre eux, que nous
devons nous borner u constater que leur tannage est tout ä fait superieur,
ferme et elastique, a pores fermes, d’un bei appret, et que ces cuirs, tres-
bicn battus, ne laissent rien a desirer. n
Les magnifiques produits expos^s par MM. Gallien, Peltereau et A14-
gatiere faisaient l’admiration de tous les visiteurs : ils ont surtout d^ter-
min4 l’opinion du Jury, qui leur a ddcerne a chacun une miidaille de
progres, et a motiv4 les termes si 41ogieux du Rapport.
Les cuirs pour semelles, de M. Al^gatiere, tannes partie au bois de
chätaignier, partie a l’ecorce de chene, ont beaucoup interesse mes col-
legues du Jury, qui ont voulu entendre ce fabricant en section r^unie, et
lui ont fait subir un long interrogatoire, oii il a parfaitement developpe
tout son Systeme de tannage, beaucoup modifid et amdliore depuis notre
Exposition tle 1867.
Le rapporteur, dans un article trop long ä reproduire ici, constate les
progres realisds par ce fabricant dans les termes les plus flatteurs.
330
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Les cuirs des autres fabricants, MM. Bizouard-Grosbois, ä Semur (di-
plöme de merite); Bossiere, ä Honfleur (medaille de merite); J. Lefebvre,
ä Saint-Saens (diplöme de merite); Pichenot freres, ä Saulnier (diplöme
de merite); Picot et Blondin, a la Suze (medaille de merite), ont ete aussi
fort apprecies.
Belgiqbe. La fabrication des cuirs pour semelles est tres-importante en
Belgique; de bons produits etaient exposös. Nous citerons au premier rang
les cuirs forts pour semelles (cuirs Buenos-Ayres) de M. E. Piret-Pauchet,
de Namur, dont le tannage etait parfait; M. V. Cherquefosse, ä Tournay,
avait de bons cuirs forts, et surtout de tres-bonnes et de tres-belles vaches
lissees.
La Socie'te anonyme de Quatrecht, ä Gand, a exposö des cuirs pour se -
melles, cuirs pour Sellerie et autres articles dont nous nous occuperons en
leur temps; le tont fabriquepar un nouveau procede de tannage accelere,
sur lequel il ne nous a ete fourni aucun renseignement, nous l’avons re -
grette. Le Jury a öte d’accord pour reconnaitre que les cuirs et vaches
pour semelles etaient bien tannes et de bonne qualitö.
En somine, ton I en ayant une grande ressemblance avec les cuirs fran-
cais, il a ete reconnu cependant que les cuirs beiges ne pouvaient rivaliser
avec les produits de nos bonnes fabriques.
Italie. Les cuirs pour semelles exposes sont generalement de bonne
qualite et tannes au chöne, ä la vallonee, au chöne-Iiege, au pin de
Smyrne, et partie au melange de ebene et de vallonee.
Le travail pour le tannage ordinaire est le meme qu’en Suisse, en Bel -
gique et en France, et le Bapport ofliciel dit :
«Les cuirs en Italie sont, en moyenne, bien tannes; seulement ils man-
quent de Tappret si beau et si soigne qui distingue les cuirs frangais. v
La maison Fratelli Durio, a Valdono, pres Turin, a expose de bons
cuirs forts pour semelles, bien battus et d’un tannage serr($; les vaches
lissees sontaussibien tannees, etlelissage estferme et bienfait; en somine,
bonne fabrication au chene et a la vallomie.
M. Sianesi Giovanni, aLodi, avait de bons cuirs pour semelles, tannes
a la vallonee, et des vaches lissees d’une bonne fabrication, ä l’ecorce de
chene.
Les cuirs pour semelles de M. Giannantoni Tomasso, a Ostiglia (Mantua),
tannes en douze, quinze et dix-huit mois, etaient tres-beaux et tres-fermes.
Le cuirtanne en dix-huit mois l’etait a la vallonee pure, et avait l’aspect des
INDUSTRIE DU GU1R ET DU GAOUTGHOUC.
331
meilleurs cuirs tannes a l’ecorce de diene. Beaucoup d’aufres fabricants
de Turin, Percia, Messine, Reggio, Varese, Venise, Verone, etc., avaient
aussi expos£ de bons produils au tannage ordinaire.
Huit maisons reprdentaient differentes methodes de tannage accelde;
nous avons surtout remarquti les cuirs forts pour semelies de M. Norsa d’Isaia,
ä Mantoue, indiques comme tannes en cent et cent vingt jours. Si ce ren-
seignement est exact, et nous n’en pouvons douler, c’est un tres-beau rd
sultat, car ces cuirs sont tres-bien tannes, de couleur uniforme, ia coupe
serree, tres-egale et de nuance pure. Malheureusement, il n’a pas ete pos-
sible d’obtenir de renseignements sur ce mode de tannage, qui prouverait
que Ton peut faire de bons cuirs en beaucoup moins de temps que par le
travail ordinaire.
Venaient ensuite MM. Ravenna Lusino et Angelo Fratelli, dont les cuirs
forts pour semelies daient indiques comme tannes en quatre-vingt-dix
jours, mais sans renseignements plus prdis. Ces cuirs sont tannes, mais
leur qualite laisse a desirer.
M. Balulli Nicolo, a Chieravella (Ancöne), avait un cotii de vache lissee
tannee en vingt-cinq jours, avec attestation de l’autorite locale jointe ä
cette peau pour constatation de vingt-cinq jours de tannage.
Nous avons regrettii que de plus amples renseignements sur les procedes
de fabrication de cette rnaison ne nous aient pas ete fournis; mais nous
avons reconnu la bonne fabrication de cette demi-peau qui dait comple-
tement tannee; la coupe reguliere n’daitpas boursouflee commecela arrive
souvent par le tannage prdipitd Toutes ces qualites m’ont fait regretter
de ne pouvoir me renseigner.
Les autres fabricants qui avaient exposd des cuirs pour semelies promp-
tement tannd n’ont pas non plus fourni de renseignements sur leurs pro -
cedes; leurs cuirs, bien que moins reussis et moins tannd, temoignaient
cependant d’un bon travail susceptible de s’amdiorer.
M. Cattaneo Francesco, k Codagno (Milan), avait expos4 des cuirs pour
semelies, pour courroies de transmission, des veaux pour empeignes,
tannes äla vallonee et impregnes d’une lotion de caoutchouc, ce qui doit
dre convenable pour les chaussures de chasse; mais il est difficile de porter
un jugement sur ce genre de fabrication.
En somme, aucun pays n’a fait autant de tentatives que ITtalie pour
abreger la du ree du tannage; il est ä desirer maintenant que ces essais,
en partie reussis, se confirment en passant dans la pratique, et notre rap-
porteur a pu dire avec raison : « Aucun des exposan.ts italiens ne nous ayant
dit s’il employait ce proced4 dans une mesure notable, ni depuis com-
bien de temps, on nous pardonnera aisement de ne considerer leurs cuirs
332
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
exposes que coinme des essais de leur nouvelie m^thode de tannage ac-
celere.»
Suisse. La Suisse n’etait representee a l’Exposition de Vienne que par
un petit nombre de fabricants de cuirs; nous avons ete etonnes de l’ab-
sence de ses meilleurs produits de toutes specialites.
Les cuirs forts pour semelles de ce pays jouissent dune ancienne re-
putation bien meritee encore aujourd’bui; ils sont bien tannes et debonne
couleur, un peu durs cependant. C’est, du reste, a peu pres ie meine travail
que les cuirs franfais et beiges.
Les meilleurs produits exposds etaient les gros cuirs pour semelles de
MM. Fried, Kappeier, de Frauenfeld; J. J. Punler, de Ulrik ou Judrich;
U. Eggmann, de Zolbruck (Berne); J. Piery, de Zürich.
Les deux cöt^s de cuir de ce dernier etaient bien tannes, mais un peu
rouges.
Empire d’Allemagne. La fabrication des cuirs pour semelles est restee
slalionnaire en Allemagne; nous l’avons retrouvee a Vienne ce qu’elle
etait a Paris en 1867. Les nombreux produits exposes, meme ceux des
grandes fabriques de Treves, qui jouissent dune certaine faveur en Alle -
magne, etaient cassants, la coupe rugueuse et de mauvaise couleur; ious
ces defauts doivent etre attribues ä la trop grande quantitd d’acide em-
ployee au debut de la fabrication.
Le Jury a 6te unanime pour constater que ce pays n’avait fait aucun
progres, et s’est associe aux terrnes du Rapport ofliciel, qui commence
ainsi:
«Les produits allemands des tanneries de cuir pour semelles, nous l’a-
vouons avec regret, n’ont pas, en general, ^te trouv^s par nous 4gaux en
qualit^ a ceux des autres pays, tels que TAngleterre, la France, la Suisse
et la Belgique; n
Et qui se termine ainsi :
«A notre grand regret, nous n’avons pas trouve en Allemagne de ten-
tative de m^thode de tannage accel^ni ou autres procM^s de fabrication
pour les cuirs a semelles, comme nous l’avons vu en France, en Belgique
et en Italie; du moins ne nous en a-t-on pas fait part.»
Je n’ai rien a ajouter aux termes du Rapport officiel, qui reproduisent si
justement mon opinion personnelle et celle de presque tous mes collegues
du Jury.
Une seule exceplion a ete faite en faveur des cuirs pour semelles du pays
et etrangers exposes par MM. G. F. Herrenschmidt et fils, de Strasbourg,
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTCHOUC.
333
dont le Rapport olliciel dit avec toute justice : « La vieille r^putation de cette
inaison s’est de nouveau affirmee, les cuirs exposds etant, sans conteste,
ä citer comme les plus beaux et les meilleurs des cuirs allemands pour
semelles, etpouvant rivaliser avec toute autre fabrique.»
Je n’ai malheureusement pas pu compter cet excellent fabricanl au
nombre de nos exposants, mais nous avons tous le droit de nous enor-
gueillir de la justice qui a ete rendue ä sa fabrication toute franfaise, et
le diplome d’honneur qui lui a accorde peut s’ajouler aux nombreuses
r^compenses obtenues par notre pays.
En Allemagne, comme en France, beaucoup de grandes fabriques de
cuirs forts s’occupent aussi des vaches lissees pour semelles, et je dois dire
que cet article est mieux fabrique : le tannage en est bon, la couleur et la
fermet^ sont convenables; fermetti augmentiie par les cylindres en usage
dans beaucoup de fabriques pour le lissage des vaches pour semelles.
Autriche. La matiüre courante pour le tannage des cuirs pour semelles
en Autriche est toujours la vallonee et le knoppern, qui se trouve en grande
abondance en Hongrie et qui nail sur la cupule du gland du diene ordi-
naire.
Ce sont, je crois, ces differents ingredients qui contribuent a rendrc
les cuirs de ce pays durs, cassants, avec couleur gris verdatre, ce qui
leur donne malheureusement une grande ressemblance avec les cuirs alle -
mands.
L’Autriche et la Hongrie sont riches en ecorce de chene; son emploi
pour le tannage augmente dans ces deux pays.
La maison Franz Schmidt, de Krems, avait seule expos^ des cuirs forts,
tann^s a F^corce de ch^ne pure; le Jury a £t£ unanime pour en cons-
tater la qualit4 et les elasser au nombre des meilleurs de FExposition. 11
nous a assur^ que M. Franz Schmidt avait le merite d’avoir introduit
en Hongrie Fecorcage des chenes et d’avoir cr44 dans ce pays le com -
merce des (icoroes, commerce d exportation considerable, avec FAllemagne
surtout.
MM. Jos. Poeschl et fils, de Rohrbach, jires Linz, avaient expos^,
suivant la methode anglaise, des croupons de cuirs pour semelles et cour-
roies de transmission, parfaitement tann^s avec un melange d’^corce de
diene et de vallonee, qui donnait le meilleur aspect ä ces cuirs. Comme
mes coll&gues, j’ai pense que cette fabrication etait le resultat d’un prociidti
de tannage autre que celui employe ordinairement par leurs confreres;
mais, comme aucune communication n’a ete faite au Jury, nous n’avons
pu qu’apprecier les produits, qui sont excellenls.
334
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Je reviendrai a l’exposition de cet intelligent fabricant, pour exammer
sa belle collection de cuirs pour sellerie.
Hongrie. Pour le tannage des cuirs et vaches pour semelles, les fabri-
cants hongrois se servent des meines ingredients et suivent les meines
principes de fabrication que leurs confreres d’Autriche, ce qui explique
la ressemblance de leurs produits.
La Society hongroise de Pesth a expose de tres-bons cuirs battus et
non battus, tannes a la vallonee et d’un tannage lourd, plombant; le
poids qui m’a etc annonce comme rapport m’a paru extraordinaire.
M. J. Marko, a Rosenau, et la Societe pour la fabrication des cuirs
d’Agram, deux maisons tres-importantes, avaient aussi de bons cuirs au
tannage ordinaire du pays.
Comme en Autriche, un seul fabricant, MM. Adol Schmidt et C", a
Bossan, avaient expose des cuirs pour semelles parfaitement tannes a
l’ecorce de ebene. Ces cuirs etaient beaux de couleur, d’une bonne coupe
serree, sans etre dure.
Rijssie. L’exposition russe pour la specialite des cuirs pour semelles lais-
sait beaucoup a desirer, et je partage bien l’opinion de notre rapporteur
qui dit: «Nous avons peine 4 croire que Ton ne puisse fabriquer en Russie
des cuirs pour semelles mieux tannes; nous admettons plutot que les pre-
mieres fabriques de cette industrie n’etaient point representdes a l’Expo-
sition, car la Russie, ainsi que nous avons pu nous en assurer, fournit
dans d’autres sortes de cuirs des qualites superieures. n
Les cuirs exposes par M. Stanislas Pleiffer, de Varsovie, faisaient
exception; ils etaient convenablement tannes et de bonne qualite.
Le Dänemark, la Suede et la Norwege etaient representes par quel -
ques bons fabricants de cuirs pour semelles: je citerai MM. H.-J. Bahin,
de Copenhague, Klemm Hausseng, a Fleckford (Norwege).
MM. Heinrichson, a Svvendborg (Dänemark), F.-A. Colliander, a Got-
tembourg (Suede), A.-W. Lunden, a Stockholm, avaient expose des cuirs
d’apparence un peu allemande, mais plus liants et moins cassants.
Grece. Les fabriques de ce pays ne sont pas sans importance; celles
de Syra surtout occupent un grand nombre d’ouvriers et se servent de la
vapeur comme force motrice. Les cuirs y sont tannes partie au chene
et a la vallonee, partie au pin de Smyrne.
Les produits de MM. Kourkoutaki, de Syra, ont öte reconnus comme
les meilleurs.
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTCHOUC. 835
fiiRQtiiE. La fabrique imperiale de Constantinople avait expose des
echantillons de cuirs pour semelles travailles a la frangaise, qui etaient
de bonne qualite et qui temoignent que la fabrication de cet article est
en voie de progres dans ce pays.
Les produils de M. Pericles Vouros, de Constantinople, sont aussi tres-
dignes d’attention.
Le Gouvernement egyptien avait envoy^ quelques specimens de cuirs
pour semelles d’une assez bonne fabrication.
Je n en puis dire autant des cuirs venus de Tunis et de Perse qui, ne
pr&entaient aucun interet.
Somme toute, en jetant un regard retrospectif sur les cuirs a semelles
exposes, je suis force de reconnaftre que le tannage et les procedes de fabri -
cation employös sont a peu pres les niemes dans les differcnts pays, el
qu’a Fexccption de quelques rares essais en vue d’abreger la dur^e du
tannage, la plus grande partie des fabricants tannent excessivement lon-
guement; et, comme moi, presque tous les membres du Jury ont constate
la superiorite des produits de ce Systeme de fabrication.
CUIRS POUR SELLERIE ET COURROIES DE MACHINES, VACHE POUR EMPEIGNES,
VEAU ET TIGES EN VEAU, CHEVAL POUR EMPEIGNES ET TIGES EN CHEVAL.
Le nombre des exposants de ces sortes de cuirs est si considerable, qu’il
est impossible de s’occuper spöcialement des produits de chacun d’eux. Je
me bornerai a en apprecier la fabrication en general, et je mentionnerai
seulement les produits les plus remarquables.
Etats-Unis d’Ame'rique. MM. Ford et Schulz, a Saint-Louis. Cuirs noirs
pour Sellerie tannes par un nouveau procede au ebene en quinze jours;
ces cuirs sont peu tannes, tres-creux, en somme d’assez mediocre qualite.
Wisconsin Leather Company. Cuirs noirs pour Sellerie, tannes a l’hem-
lock en deux mois, de meilleure qualite que les precedents, mais lais-
sant beaucoup a desirer, pour la fermete surtout.
Cette maison avait expose de tres-belles croutes corroy^es et cirees, et
une vachette ciree sur chair, tres-convenables pour cliaussures. Ces deux
articles ont &e fort apprecies.
Thomas Schorr (Nouvelle-Orleans) avait expose un produit curieux,
des peaux d’alligators tannees au chene, corroyees partie en noir pour
cliaussures et partie pour objets de fantaisie. Ces peaux, tres-souples,
n avaient qu’un defaut, c’est que le fini laissait a desirer.
Les cuirs pour courroies de machines, exposes par trois fabricants anie-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
3R6
ricains, laissaient beaucoup a desircr; ils manquaient de tannage et de
fermete.
ANGLETERnE. La fabrication des cuirs pour Sellerie, si importante dans
ce pays, n’dtait pas representee a Vienne; tous, nous eil avons ete surpris.
MM. Web et fds ont une specialite de cuirs pour courroies; les crou-
pons de bceufs exposes sont d’un parfait tannage; leurs courroies finies,
cousues ou rivees, sont d’une tres-bonne fabrication. Pour cette spdcialite,
cette maison 4tait seule digne d’etre remarquee.
Fraxce. La France avait aussi peu d’exposants en cuirs pour Sellerie,
mais eile y etait tres-honorablement representde par MM. Couillard et Vitet,
de Pont-Audemer (medaille de progres), et Fortier-Beaulieu, de Paris
(medaille de progres). Les premiers y ont Ires-dignement soutenu l’an-
cienne et grande reputation de leur pred^cesseur, M. Plummer, qui a
toujours rivalis^ avantageusement avec nos confreres d’Angleterre pour le
tannage et le beau fini de ses cuirs noirs et jaunes.
Les cuirs jaunes et les peaux de porc de M. Fortier-Beaulieu ont ete
tr&s-remarquds, surtout ses peaux de porc naturelles pour si^ge de seile,
et de couleurs pour ameublement. Ce dernier article surtout a fait impres-
sion sur le Jury.
La France n’avait que peu d’exposants de cuirs pour courroies etcardes.
Les croupons exposes par M. Paillard (medaille de progres) ^taient d’un
tannage remarquable, et ont &A fort appr^ci^s par le Jury, ainsi que ses
magnifiques veaux pour couvertures de cylindres, sur lesquels je revien-
drai.
MM. Scellos et C' e (medaille de progres), la maison la plus importante
de cette sp^cialite, avait expos4, dans la galerie des machines, des cour -
roies de tous genres qui soutenaient avantageusement la comparaison
avec toutes celles expos^es, tant par leur tannage, fait sp^cialement par
cette maison elle-meme, que par leurs dilferents systemes de fabrication
de courroies.
CUIRS REFENDUS.
Dans presque tous les pays, les fabriques importantes de peaux vernies
a grains pour carrosserie et chaussures refendent clles-memes leurs peaux.
En France et en Angleterre, cepenclant, quelques bons tanneurs ont
monte des machines a refenclre, et se sont fait une specialitd des fleurs et
des croutes, qu’ils vendent au sortir de la fosse.
MM. ( iauvin et Varin-Colignon (medaille de merile) avaient envoye des
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTCHOUC. «‘5.37
peau.x de bceuf parfaitement refendues. Le tannage des fleurs et des croutes
a <5t«5 fort apprecie; malheureusement, ces marchandises, mouille'es en
route, sont arrivees a Vienne en tres-mauvais etat.
ALM. Picot et Blondin (medaille de merite), avec leurs cuirs ä semelles
tannes a la Suze, avaient, de leur dtablissement de Paris, des peaux de
bceuf refendues et des croutes d’un bon tannage.
Belgique. En Belgique, je n’ai remarque qu’une seule exposition de
cuirs pour seBerie, la Societe anonyme de Quatrecht, ä Gand, dont les
cuirs noirs eljaunes naturels etaient bien fabriquc?s et tannes par un pro-
cede aecele?re?. Sans renseignements sur ce procede, il ne nous a pas etc?
possible de l’apprecier; nous n’avons donc fait qu’en constater le bon
resultat.
Six fabricants de cuirs pour courroies et cardes en Belgique ont expose?
des produits bien tannes et bien finis, sans qu’il y ait rien de remarquable
a citer.
Süisse. La Suisse n’avait rien envoye en cuirs pour sellerie et pour
courroies.
I rALiE. Bien de remarquable non plus en cuirs pour sellerie et cour -
roies parmi les six exposants de ces deux specialites.
Espagne. Les fabricants espagnols s’e?taient abstenus pour ces deux
specialites, cuirs pour sellerie et courroies.
Portugal. La maison Hancas, Jose? et C ie avait expose? des cuirs pour
courroies d’un bon tannage, et un cuir alune', hongroye, d’un tres-beau
travail, propre et d’une fermete tres-convenable pour courroies.
Empire d’Allemagne. Plus de quarante fabricants allemands avaient
expose? des cuirs pour sellerie et pour courroies de transmission. Dans ce
nornbre, l’exposition collective des tanneurs et corroyeurs de Mühlheim
sur le Rhin comptait pour pres de nioitie?.
Les cuirs noirs pour harnais, vaches grosses pour carrosserie et les
cuirs pour courroies de machines sont des spe?cialite?s d’une fabrication
trAs-importante dans ce pays, qui fournit ä la plus grande partie de la
consommation allemande et autrichienne.
Bien que superieure ä presque tous les autres exposants de l’empire,
la fabrication de Muhlheim laisse beaucoup ä de?sirer; le tannage y est ge-
Jf.
338
EXPOSITION UNIVERSEI.EE DE VIENNE.
neralement creux, ouvert, et les cuirs finis s’en ressentent et sont trop
mous. Quelques fabricants cependant font exception : la maison Rhei -
nische Maschinenleder et C ic ; MM. H. Copienne et Hing (Karl), de Mühl -
heim ; J. F. Schlager, a Reutlingen; G. F. Herrenschmidt et fds, de Stras -
bourg, dont j’aurai encore l’occasion de constater la superioritd, et enfin
la Sockte par actions pour la fahrication des cuirs a Munich (ancienne
maison Ignace Mayer), dont Tun des directeurs, M. Ed. Fester, <5tait
membre du Jury et rapporteur de notre groupe.
Cette maison avait une exposition tres-reussie, dont les produitsont ete
fort appreci^s. Leurs cuirs noirs et jaunes, couleurs naturelles surtout,
etaient tres-remarquables comme tannage et iini; je n’ai rien vu de mieux
a l’Exposition. J’ai eu la satisfaction de visiter cette fahrique, l’une des
mieux agencees que je connaisse, oü tout est regle avec infmiment de
soins et d’economie. Leur Systeme de fahrication pour les cuirs a sellerie
m’a paru differer absolument de ceux employes en Allemagne et se rap-
procher du Systeme anglais.
Rien que tann^s ä la flotte et assez promptement, leurs cuirs pour Selle -
rie noirs et jaunes sont tres-souples, sans etre creux.
Reaucoup de fabricants de cuirs pour courroies en Allemagne. Parmi
eux, quelques-uns avaient exposd de bons cuirs; je citerai, entre autres,
M. Rulland, a Ronn , qui avait les plus heaux cuirs a courroies de l’cxpo-
silion allemande.
Aetriche. L’Autriche n’dtait que peu representee pour les cuirs a
sellerie. MM. Jos. Poesch et bis, ä Rohrbach, pres Linz, meritent d’etre
cites pour la honne fahrication de leurs cuirs noirs pour harnais, et
jaunes pour ötrivieres, guides et hrides.
Les freres Schmitt, de Krems, avaient aussi de bons cuirs noirs pour
harnais, d’un tannage un peu ouvert cependant.
M. Leopold Haut, de Hsehersdorf, pres Vienne, avait une exposition
qui a attire toute mon attention. Ses croupons pour courroies et manchons
etaient d’un bon tannage et dune bonne coi’roierie.
M. Gaspard Schmitt, de Vienne, avait aussi une tres-belle exposition
de cuirs pour courroies et veaux pour fdatures. Ce fabricant ne fait, je
crois, que la corroierie; mais son travail est parfait.
Hongrie. Les exposants de cuirs pour sellerie et pour courroies de ma-
chines etaient peu nombreux en Hongrie, et n'oflraient rien de remarquable,
sicen’est MM. Ad. Schmitt et C io , de Rossau, que j’ai dejä cites pour
leur bonne fahrication de cuirs forts, lesquels avaient de heaux cuirs
INDUSTRIE DU CUlR ET DUJJAOUTCHOUC. 339
noirs etjaunes el detres-bons croupons pour courroies, dont Ja corroierie
et le tannage ne laissaient rien a desirer. Je n’ai pas fini avec ces intelli-
gents labncants, j aurai a examinerleurs vaches quadrillees pour empeignes.
Rdssie. Une seulc fabrique, la Sockte de la tannerie de Sconbrierka,
gouvemement de Kherson, avait expose des cuirs pour courroies d’un
assez bon tannage. Je reviendrai a ce fabricant pour ses vaches pour em -
peignes.
Dänemark. Un seul fabricant, M. Seligmann, de Veile, avait expos£ des
cuirs noirs bien tannes, mais mal corroyes.
Rien en Suede, en Norwege et dans les Pays-Ras.
Turquie. Quelques peaux pour sellerie exposees par la fabrique im -
periale de Constantinople, et par MM. Pericles Vouros, de la meine ville.
fies cuirs sont assez bien fabnques de corroierie et de tannerie.
Rien en Grece, au Bresil et en Chine. Je reviendrai a ces trois pays
pour leurs cuirs a empeignes.
VACHES, VEAUX ET CHEVAÜX POUR EMPEIGNES.
Ameriqde. Deux exposants seulement de ces specialites, MM. H. C. Ely
et Sänger, de New-York, avaient expose un croupon de vache noire, re-
fendu pour empeignes, dont le grain, imitation de chevre chagrinee,
etait tres-reussi, mais de qualite tout ordinaire.
A\ ilconsin Lealher Company avait des croupons de vache cir^s sur chair,
pour empeignes, de bonne qualite et surtout parfaitement refendus, tra-
vail obtenu par une nouvelle machine qui peut scier, nous a-t-on dit,
i5o a 200 peaux par jour, mais sur laquelle nous n’avons pas^eujde
delails plus precis. II avait aussi trois croütes cirees pour rhaussures qui
(itaient tres-bien pr^parees.
Angleterre. Les fabricants de ce pays n’avaient rien envoye en cuirs pour
empeignes.
France. Bien que representee par 1111 tres-petit nombre d’exposants,
la l'rance n’en a pas moins soutenu son ancienne reputation pour les
veaux cires et blancs.
Le Rapport olficiel lui rend justice en ces ternies :
r> La Fiance s etait, de tout temps, acquis une renommee notoire pour
ses peaux de veau cirees et brunes, et eile a maintenu sa reputation. »
3/.0 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Et il ajoute :
ft Oll ne peilt que regretter qu’un plus grand nombre des fabricanls les
plus importants de cet article n’aient pas pris part ä l’Exposition de
Vienne, n
L’importance de la fabrication des veaux cires est si considerable en
France, que, plus que personne, j’ai regrette les nombreuses absences
ronstatees au Rapport ofliciel. C’est surtout depuis une trentaine d’annees
que cette fabrication s’est beaucoup amelioree en France; dans ces dermers
temps, sa superiorite est devenue tcllement ^clatante, quelle abmente
de ses veaux cires l’Amerique du Nord et du Sud, ainsi que l’Angleterre.
Cette faveur n’est due qu a son bon tannage et ä la perfection de son
corroyage, qui font que les veaux de nos premieres fabriques sont dune
tres-grande souplesse,a surface plane, sans rugosites, ce qu en terme du
metier l’on appelle une peau rase et unie comme une glace.
Nos fabricants francais sont tributaires de l’Allemagne pour leur ma-
tiere premiere (veaux bruts); le transport de cos veaux, ajoute a la plus-
value de la main-d’oeuvre, que Ton peut estimer a i 5 ou 20 p. 0/0, en
augmente beaucoup le prix de revient, et cependant toute preference leui
est partout accordee. Cette preference est simarquee, que, mal grd leur
prix eleve, la totalite de la production de nos grandes fabriques est tou-
jours retenue longtemps ä l’avance.
Les veaux de MM. Carriere-Dupont et Prevot (mddaille de progres),
Gallien N. et C ie (medaille de progres), Francois Bai et fds (medaille de
merite), Simon-Ulmo (diplöme de merite), J. Ottenheim (diplöme de
merite), ont ete appr^cies conime tannage et fini.
Les veaux de l’abat de Paris de MM. Gallien et C ie surtout ont ete tres-
remarques. 11 en a ete de meme des tiges et bottines de M. Ottenheim.
M. L. Le Saulmer (medaille de mente) avait exjiose des devants de
cbevaux parfaitemenl fabriques de tannerie et de corroierie; l’exposition
allemande n’avait rien de mieux.
Comme en 1867, pas un fabricant frangais n’avait expose de tiges et
avant-pieds coupes dans les culees de chevaux, articles si bien reussis en
Allemagne, et qui meritent l’attention des hommes intelligents qui, chez
nous, s’occupent de cette specialite.
Algerie. L’Orphelinat de Misserghin (province d’Oran) avait expose des
6cbantillons de vacbes et veaux pour empeignes tres-bien tann^s et coi-
royes. Ces dchantillons, de 3o ä A0 centimetres seulement, n’ont pas
permis au Jury de se rendre bien compte de l’ensemble de la fabrication
de cet etablissement; malgre ccla son appreciation a ete favorable.
1 INDUSTRIE DU GUlli ET DU CAOUTCHOUC.
Ml
Belgique. Neuf fabricants avaient expose des vaches et des veaux pour
empeignes. Le premier article n’avait rien de remarquable, mais les
veaux cires etaient niieux, ceux surlout de MM. J. Lebermuth et G‘% de
Bruxelles. Les chevres pour chaussures exposees par ce fabricant meritent
aussi toute attention; j’y reviendrai en temps.
Suisse. J’ai dejä, pour d’autres special iles, fait rcmarquer le pelit
nombre d’exposants suisses, et je constate de nouveau que tous les mem-
bres du Jury ont regrette l’absence des produits de la fabriqucde M. J.-J.
Mercier, de Lausanne, dont les veaux cires et blancs jouissent d’une repu-
tation si meritee.
Trois exposants seuleinent, parmi lesquels M. Gritz-Amadous, de Soleure,
dont les veaux blancs et cires etaient de bonne fabrication ordinaire.
Italie. Un grand nombre de fabricants de ce pays, quinze ou seize,
avaient expose des veaux blancs et cires, tous du meine aspect, la lleur
blanche, mais la peau tres-seche et trop ferme a la rnain. Le tannage est
generalement bon; cette durete ne doit etre que ie resultat du peu de
nourriture dont sont charges les veaux a la corroierie. Je crois que ce
travail tout special doit ihre lait en vue de la temperature de ce pays,
car il etait le meine pour les veaux expos^s en 1867, ä Paris.
La Societa per la concia di pellame, a Reggio, MM. Del Serrc Giac-
cbino, ä Florence, et Saehetti Severino, a Bologne, avaient les meilleurs
produits. Ce dernier avait des veaux en blanc grenes et quadrilles, tres-
bien fabriques, et qui ont ete fort remarques pour leur linesse et la regu-
larile de leur grain.
L’Espagne n’dtait pas representee pour cette specialite.
Portugal. Un seul exposant, M. Henriques Agrard, de Lisbonne : un
veau blanc de bonne fabrication.
Empire d’Allemagne. Dans ces speeialitds, les exposants allemands
etaient tres-nombreux ä Vienne, et je suis bien de l’avis du Rapport of-
licicl quand il dit « qu’ä cote de bons et beaux articles il s’en est trouve
un trop grand nombre que nous aurions prefdre ne pas examiner.»
Je dois reconnaitre cependant les progres faits par les grandes fabriques
allemandes dans le tannage et le fini des veaux cires. Je dis avec intention
les grandes fabriques allemandes, car je crois qu’elles seules, a de rares
exceptions pres, ont progress^, et que la masse est rcstee stationnaire.
Je citerai tout d’abord MM. G.-F. Herrenschmidt etlils, de Strasbourg,
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
342
qui avaient expose des croupons de vache pour empeignes et quartiers,
des veaux cirds et blancs, des tiges et avant-pieds, le tout d’un tannage
moelleux sans etre creux, et dont le travail de corroierie et la nourriture
ne laissaient rien a desirer.
M. Ch. Simon, a Barr, avait aussi de tres-beaux veaux et des tiges et
avant-pieds tres-bien fabriques sous tous les rapports.
MM. Cornelius Heyl, ä Worms, Doerr et Reinbart, ä Worms, la Societe
par actions de Worms, celle de Munich, Mayer Michel et Deninger, ä
Mayence, Gustave Müller, a Bensheim (Hesse), Carl Lcesch, a Eidingen
(Bade), d’autres encore, avaient exposd de beaux produits qui ont dte
apprAcies.
La fabrication des chevaux pour chaussures est d’une grande importance
et l’une des specialites des tanneurs et corroyeurs de l’Allemagne du Nord,
qui fabriquent cet article d’une facon remarquable, les culdes surtout, dont
ils tirent un grand parti.
Les culees de chevaux tannees n’ont en France qu’un ecoulement tres-
limite et ne sont generalement employees que pour les semelles de chaus-
sons; en Allemagne, au contraire, elles sont tres-recherchees pour la fabri -
cation des tiges, avant-pieds et empeignes.
Cette fabrication, toule speciale a l’Allemagne,y a pris une tres-grande
importance et un grand developpement, importance justifiee par la supe-
riorite des tiges, avant-pieds et empeignes coupes dans les culees de che -
vaux, qui pour leur beaute et leur souplesse peuvent rivaliser avec nos
belles tiges et avant-pieds en veau de Milhau.
Autiuche. L’Autriche et la Hongrie ont un article qui est une specia-
lile de leur pays: ce sont les vaches noires grainees et quadrillees, qu’ils
fabriquent en tres-grande quantite et avec superiorite. Ces peaux sont
tr&s-nourries et conviennent ä la consommation locale; le grain en est
tres-remarquable; quant ä moi, je n’ai rien vu de mieux.
La fabrication des veaux cires et bruns n’est pas tres-importante en Au-
triche; eile y est touto pour le pays, et je crois meine que leur trop de
nourriture n’en permet pas l’ecoulement au dehors.
Je retrouve au premier rang des fabricants de ces deux articles MM. Scy-
kora (Joseph) et fils, ä Adlerkosselen, en Boheme, dont les vachettes qua-
drill^es etaient d’un grain tres-fin et d’un hon travail.
Beaucoup d’autres articles sont A remarquer dans cette exposition: tiges
et avant-pieds en vache; cheval lisse et quadrille; kips et vaches couleurs
claires pour chaussures, parfaitement corroyes.
MM. Fleschet C'', de Vienne, comptent parmi les plus estimes pour les
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTGHOUC. 343
veaux ei» liuile branis, trop nourris selon moi, mais d’une bonne vente
dans le pays.
En Autriche, une specialite tres-importante encore, ce sont les kips de
Calcutta tannes pour empeignes et corroyes, soit cires lisses, ou noirs a
grains, imprirnes. C’est dans ce pays que j’ai vu cet arlicle le mieux reussi.
L’exposition hongroise presentait aussi une grande quantite de vacbes
et veaux pour empeignes de meme fabrication qu’en Autriche et bien appro-
pries aux besoins du pays. Les produits de MM. Ad. Schmitt et C ic , deBos-
sau; Jos. Marko, a Rosnau; la Societe hongroise de Pesth; la fahrique de
cuirs d’Agram, merilenl d’etre cites au premier rang.
MM. Ad. Schmitt et C lc , de Bossau, avaient expos^ le modele d’une ma -
chine pour le quadrillage des peaux pour empeignes, tres-bien entendue
et qui doit donner de bons resultats.
Russie. La Russie avait une tres-belle et nombreuse exposition de veaux
pour empeignes, de tiges et avant-pieds pour bottes.
MM. Bronsnitsyne (Nicolas), de Saint-Mersbourg; Hübner (Nicolas), de
Saint-Pdtersbourg; Emilanoff (Alexandre), de Saint-Petersbourg; Freilich
(Stanislas), a Redon; Pfeiffer (Stanislas),;i Varsovie; Fominsky (ßasile), ä
Kounghour (gouvernement de Perm), sont ä citer; ils avaient de tres-
beaux öchantillons de veaux et tiges d’une tres-grande finesse et d’une
souplesse extraordinaire.
Cette derniere qualit^ a ete d’autant plus remarquee que veaux et tiges
etaient tres-peu nourris, sans que la fleur en fut cassante. Je crois que la
souplesse des veaux russes doit etre attribuee ä leur bonne nalure, et au
saule qui est le plus souvent employe pour son tannage. Des fabricants se
servent aussi du tannage combine, chene et saule, et ils en obtiennentun
hon resultat.
Un des articles d’exportation les plus importants de ce pays est le cuir
dit de Russie; de grandes quantites en sont expedi4es chaque annee dans
tous les pays.
Peu d’exposants de cette sp«icialil4; mais la fahrique la plus importante,
celle de M. Theodore Sawine, de Saint-Petersbourg, en avait une tres-riche
collection de diverses sortes, rouges, lisses pour reliures et portefeuilles,
noirs et de nuances diverses pour articles de voyage. L’ensemble de cette
labrication est parfait et ne laisse rien ä desirer.
Dänemark. MM. J. ßallin, de Copenhague, L. Seligmann, de Veil, avaient
tous deux des veaux et des vaches pour empeignes, de bonne fabrication,
mais tres-nourris.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
344
M. J. Engelbrecht, de Copenhague, avait des chevaux pour empeignes
d’une bonne fabrication de tannerie et de corroierie.
Suede. M. J. G. Carlberg,de Wendriborg, avait des vaches corroyees
et des debris de ehevaux pour chaussures tres-bien fabriques. Quant aux
aulres articles, ils ne sont pas ä mentionner.
Pays-Bas. M. S. Schagen, a Amsterdam, avait exposd un cheval corroyd
pour chaussures, tres-bien fabrique.
Tdrquie. Je ne puis que citer encorc la Tannerie imperiale et celle de
M. Pericles Vouros, dont les cuirs pour empeignes, les veaux surtout,
d^notent aussi une certaine amdioration dans la fabrication.
Grece. MM. C. Fiala, deBukharest, Kepicch, freresä Dolzin (Boumanie),
sont a citer.
CUIRS VERNIS LISSES ET A GRAINS.
Beaucoup de cuirs vernis de tous genres ä Vienne. Les Allemands s’y
distinguaient par Timportance de leur exposition de veaux vernis pour
cbaussures.
La France n’y etait representee que par cinq exposants qui ont digne-
ment soutenu son ancienne reputation.
L’Amerique n’avait rien envoye.
L’Angleterre n’avait que deux exposants , ce quinous a beaucoup donne.
M. John Dixon et fils, a Londres, ont expost: des croutes vernies lisses
tres-belles.
L’importante maison de MM. J. S. Deed et fils, de Londres, avait une
tres-bclle exposition de vaches vernies ä grains et lisses, sciees, tres-
fortes et parfaitement tannees a l’dcorce de diene. Bonne fabrication de
vernis.
La France, commeje viens de le dire, n’etait represenlee que par peu
d’exposants.
Au premier rang, MM. Houetle et C“', de Paris, qui ont obtenu le
diplöme d’honneur.
Je ne puis mieux exprimer l’opinion unanime de tous mes eoll&gues
sur le compte de ce fabricant qu’en reproduisant les termes niemes du
Bapport officiel :
«Houette et C ie ont expose des peaux de veau vernies lisses pour sou-
345
INDUSTRIE DU GUIR ET DU CAOUTGHOUC.
liers. La qualite est depuis longtemps dejä reconnue comme tellement
superieure, qu’on ne peut que confirmer ici qu’elle n’est surpassee par
aucun autre exposant.»
M. Rene Piliais, a Paris (medaille de merite), avait une nombreuse
exposition de veaux vernis noirs et de couleur pour chaussures, de chevres
et de moutons de couleur pour le meine emploi, ainsi que des vaches
vernies a grains, bons produits, d’un bon tannage et r^ussis de vernis.
Cette fabrique, bien que peu ancienne, figurait cependant a l’Exposition
de 1867 a Paris; depuis, eile s’est beaucoup perfectionn^e, et l’impor-
tance de sa production dans ses differents articles en est la meilleure
preuve.
MM. E. Couillard et Vitet, de Pont-Auderner (medaille de progres), dont
j’ai eu d£ja la satisfaction de faire Möge merite, avaient expose de tres-
beaux cuirs vei’nis pour Sellerie et carrosserie. Leurs vaches vernies a grains
pour capotes de voitures, et minces pour coussins, ainsi que leurs veaux
pour garde-crotte, ont ete tres-apprecies par tous mes collegues, tant pour
la perfection de leur tannage que pour la bonne qualite du vernis. Le
rapport officiel l’affirme en termes tres-elogieux.
MM. Th. Sueur et fds, de Paris (medaille de progres), avaient une
exposition remarquable sous tous les rapports et disposee avec un gout
parfait.
Leurs vaches vernies a grains pour carrosserie et chaussures etaient
d’une grande souplesse et d’un tres-beau grain. Le Jury a surtout admir^ la
fmesse et le glac^ du vernis des pieces lisses, ainsi que lä belle fabrication
de leurs vaches et veaux de couleur.
M. Cb. Soyer, a Paris, membre du Jury (hors concours).
Belgique. Trois exposants de cuirs vernis.
M. E. B. Verboeckoven, a Bruxelles, membre du Jury (hors con -
cours).
Le Jury n’en a pas moins examine avec attention les marehandises ex-
pos^es par M. Verboeckoven, et en a reconnu la bonne fabrication. Ses
vaches vernies ä grains ont et^ appr^ciees, ainsi que ses veaux de couleur
et ses moutons vernis lisses et a grains.
MM. E. Schovaers, Collet et C M , de Bruxelles, avaient aussi de beaux
produits, bien qu’en g^n^ral d’un tannage un peu ouvert. Leurs vaches
vernies a grains pour carrosserie et chaussure litaient cependant d’un
grain assez regulier. Les cuirs vernis lisses Etaient creux et d’un vernis peu
glace : c’etait l’article le moins bien de leur exposition, Un grand cheval
verni a grain etaif tres-beau et a ete remarque.
346
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
M. F. Delcoing-Lacroix, a Kceckelberg-les-Bruxelles, fabrique specia-
lement les cuirs vernis pour visieres et chapeaux. Ges deux articles sont
bien soign^s.
Allemagne. L’Allemagne, sans conteste, avait l’exposition la plus nom-
breuse en veaux vernis pour chaussures, et je reconnais que les produits
qui nous ont &e presentes par les bonnes fabriques de ce pays etaient
d’une tres-belle fabrication. J’ai constate que des progres y ont <’M rea-
lis^s depuis notre Exposition de 1867.
Les veaux, dont le tannage ä la Hotte etait si inou, si blanc autrefois,
ont plus de main et sont de meilleure couleur. Aujourd’hui, ils se rap-
prochent beaucoup de la fabrication francaise.
Les maisons les plus importantes et les plus remarquables pour la fabri -
cation de cet article sont :
MM. Cornelius Heyl, a Worms; Doerr et Reinhart, a Worms; ces deux
maisons ont obtenu le diplome d’bonneur; Michel Mayer et Deninger, ä
Mayence, membres du Jury et hors concours.
Les quantites de veaux fabriquees par ces maisons sont considerables.
Contrairement ä la France, ou chaque maison s’attache a une spdcia-
lite, les maisons d’Allemagne embrassent plusieurs genres de fabrication.
Les grandes fabriques surtoutfont les veaux cires et vernis, les maroquins,
les vacbes vernies ä grains pour carrosserie et cbaussure.
La Societe par actions de Munich (bester freres, directeurs) est a citer
au premier rang pour la bonne fabrication de tous ses cuirs vernis et le
beau grain de ses vachettes.
Autriche. Les fabriques de cuirs vernis sontpeu nombreuses enAutriche.
Trois exposants seulemenl:
MM. A. H. Suess et fds, de Vienne, hors concours comme delegues de
la Direction generale, ont expose des veaux vernis pour chaussures, etsur-
tout une importante collection de peaux de couleur, dont je m’occuperai
a l’article maroquin.
M. F. Riekh, de Graz, membre du Jury, avait expose des cuirs vernis
pour sellerie et carrosserie, de bonne qualite et tres-recberches en Au -
triche.
Les marchandises exposees par MM. Lipp-Aulon et bis n’avaient rien
de remarquable.
Les expositions des autres pays cn cuirs vernis sont de si peu d’impor-
tance que je ne m’y arretcrai [ias.
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTCHOUC. 347
CUII1S TEINTS.
Cette section est tres-importante; eile comprend toute la maroquinerie,
les peaux de mouton de Couleur, les chevreaux et agneaux noirs pour
chaussures; eile est tres-interessante ä examiner; car les Allemands, dont
la production est consid^rable, se disent aujourd’hui en possession du
commerce d’exportation de ces sp^cialit^s pour tous les pays civilis^s.
J’ai m£me lu dans un de leurs rapports que la France, jadis au pre-
mier rang, etait forc^e de recourir a l’Allemagne, surtout pour les beaux
veaux de couleur et les maroquins clairs; j’ai consulte nos principaux fa-
bricants, et je dois dire que je les ai trouves tres-rassures. A Vienne, du
reste, il m’a et^ facile, ayant en main les produits de MM. Bayvet fr^res,
Floquet et bis, Duchesne, Hapel et bis, et autres, de prouver que la
France n’avait rien perdu de son ancienne reputation, tant pour la per-
fection de sa fabrication que pour l’eclat de ses couleurs.
Depuis, j’ai beaucoup 6tudib la question au point de vue de l’impor-
tance commerciale de notre pays, et j’ai et^ tres-heureux de constater,
aux documents olbciels, que le chiffre de nos exportations pour ces ar-
ticles 4tait en progression constante.
Angleterre. Les fabricants anglais s’etaient presque completemenl
abstenus. Deux exposants seulement:
MM. John S. Deed et bis avaient une nombreuse collection de maro -
quins et moulons teints d’un beau travail et de belle nuance.
MM. W. Ecroyd et bis ont obtenu la medaille de progres pour la supe-
rioritö de leurs peaux de bouc et de chevre, dont les couleurs sont tres-
pures et tres-vives.
Belgiqüe. Les cuirs teints y sont admirablement fabriques; je n’ai rien
vu de mieux que les deux magnibques collections de moutons de diffe -
rentes couleurs, pour garnitures de chapeaux, de MAI. F. A. Schmit et C i!>
et Quitmann et C te , de Bruxelles.
Cette fabrication est une specialite de ces deux grands etablissements.
dont les produits s’exportent dans le monde entier. Toutes les autres mar-
chandises exposees par ces deux maisons etaient remarquables, et c’est
avec justice qu’une medaille de progres a dte accordee ä chacune d’elles.
Les chevres maroquinees pour chaussures, de MAL Lebermutb et C ,e ,
a Bruxelles, ont et^ aussi tres-remarquees.
Italie. Quatre exposants : MM. Arnaudon, Luige, S. Monzio, Turin,
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
348
qui est surloul ä citer pour la bonne fabrication el le beau grain de ses
chevres et de ses moutons pour reliures:MM. Carlo Marsi et C", de Milan,
avec des chevres et cbevrettes maroquinees pour chaussures bien reussies;
ces derniers avaient exposd des chevres cirees et a grains, les seules que
nous ayons vues ä l’Exposition.
Cet article, essaye en France, n’a pas realise les esperances que Ton en
attendait; aussi est-il completement abandonne aujourd’hui.
France. J’ai dejä dit au d4but que la fabrication des cuirs teints,
chevres et moutons, prenait chaque jour plus d’iniportance en France.
La creation de nouvelles fabriques, l’agrandissement des anciennes,
expliquent la grande consommation interieure et le chifTre considei’able
de nos exportations.
C’est au commencement de ce siede que MM. Fauler freres, predeces-
seursde MM. Bayvet freres, introduisirent cette industrie en France, et, la
science aidant, eile y a fait depuis de tres-grands progres, car eile n’a
jamais ete dfipassee par ses nombreux concurrents etrangers, qui, eux
aussi, ne sont pas rest^s stationnaires, ainsi que j’aurai a le constater;
mais la France conserve toujours une grande superiorite pour ses beaux
maroquins, grain du Levant, ses moutons rouges fins, ses maroquins
noirs lustres, ses chevreaux glaces et dores, etc. La preference que tous
ces articles obtiennent sur les marchds anglais et amdicains le prouve
sans conteste.
Dans cette specialite, nous avons eu le regret de constater l’absence de
tres-bons fabricants qui ont eu le plus grand tort de ne pas exposer.
MM. Bayvet freres avaient une tres-bclle exposition de maroquins et
moutons de couleur de toutes sortes, et, en reserve pour le Jury, des
douzaines de peaux semblables aux echantillons exposd dans leur vitrine,
que Tun d’eux a pu präsenter ä son examen, dans les meilleures coudilions
de fraicheur et de beaute. Aussi toute justice leur a-t-elle et^ rendue, et
le Rapport officiel le constate en ces termes :
«Les produits exposes par MM. Bayvet freres temoignent d’une per-
fection dans la fabrication qui n’a ete surpassee par aucun autre expo-
sant. v
Le diplome d’honneur accorde a ces messieurs, et qui a etd vote ä
l’unanimite par mes collegues, a prouve grandement que nous n’avions
pas degdere dans cette fabrication.
L’exposition de MM. Floquet et bis (medaille de progres) etait d’un
coup d’ceil magnibque; les chevres et moutons maroquines de toutes
nuances y ont ete tres-admires; malheureusement, ces messieurs n’avaient
349
INDUSTRIE DU GUIR ET DU GAOUTCHOUG.
rien envoye pour etre presente au Jury, qui aurait voulu toucher pour
mieux apprecier encore.
Je ferai les meines compliments et le meme reproche a MM. Duchesne-
Hapel et fils (mEdaille de progrEs), dont l’exposition (5tait tres-belle,
mais qui n’avaient non plus rien envoye pour etre presente a l’examen du
Jury. Ces deux bons fabricants n’en ont pas moins obtenu la medaille de
progres.
M. J. All ain, de Paris, avait expose des chevres corroyees pour chaus-
sures. Les dispositions de sa vitrine et l’absence de son representant n’onl
pas permis au Jury de les examiner. Je l’ai beaucoup regrette, car, en
France, cet article s’exporte en grande quantitE.
Ces chevres, tannees gEnEralement a Marseille el corroyEes a Lyon,
Paris, Marseille, s’exportent en grandes quantitEs en Espagne, en Italie,
aux Etats-Unis et dans beaucoup d’autres pays.
L’AmErique du Sud emploie de preference l’article connu sous le nom
de chevres grain du Levant et chevres chagrinEes, qui, tres-lustrEes et
sans nourriture, sont employEes pour les chaussures de femme. Ce pays
consomme aussi une grande quantitE de chevres grain naturel, article
specialement fabriquE pour ce pays, et connu en France sous le nom de
chevres grain de New-York ou chevres Larue et Cambon, du nom du pre-
mier fabricant.
J’entre dans ces details, parce que j’aurai a examiner ces meines pro-
duits en Allemagne et en Autriche surtout.
MM. Peigne et Chouipe, de Paris (diplome de rnerite), avaient une
tres-belle exposition de peaux speciales pour reliures, cjui ont et£ tres-
appreciees par le Jury.
Allemagne. L’Allemagne, ainsi que je l’ai ddjä reconnu, n’est pas rest4e
stationnaire, et comme en France, depuis notre Exposition de 1867, la
fabrication des cuirs teints s’y est encore amelioree.
Cette industrie ^tait tres-honorablement repr^sent^e ä Vienne; les mai-
sons les plus considerables, ainsi que celles d’une moins grande impor-
tance, y avaient toutes expose de tres-riches et tres-belles collections de
peaux maroquinees en tous genres.
MM. Michel Mayer et Deninger, dont j’ai deja eu 4 faire l’eloge, avaient
surtout, et en premiere ligne, une tres-belle exposition de maroquins et
peaux maroquin^es de toutes sortes. Je crois que cette fabrication est la
specialite la plus importante de leur grand Etablissement de Mayence, et
je reconnais que c’est avec justice qu’en tres-bons termes le Rapport olli-
ciel constate leur superiorite.
350
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Je ne puis nommer tous les exposants; je citerai cependant MM. Hauss-
mann freres, de Francfort-sur-Mein; Zingraf, a Bonanns, pres Francfort-
sur-Mein; Hering et Georger, a Strasbourg; Carl Simon et fds, ä Kirn. Ce
dernier a une grande importance commerciale et fabrique d’enormes quan-
tites de chevres des Indes et kips (vachettes de Calcutta).
Je n’ai pas etc emerveillti de son travail, et je regarde toujours les pro-
duits de nos principaux fabricants frangais comme tres-superieurs.
Adtriche. La fabrication des chevres et moutons noirs pour chaussures
s’est beaucoup amelioree et developpee en Autriche, oii des quantites
consid^rables de chevres des Indes y sont fabriqudes chaque ann^e.
Tous les membres du Jury ont, comme moi, constate les progres reali—
ses, depuis 1867 surtout, dans la preparation de ces articles speciaux.
Les chevres de M. Hermann Gerhardus se distinguaient par leur
bonne corroierie et leur beau finissage, au milieu des nombreux produits
exposes par les fabricants de Vienne et des environs, produits qui gene-
ralement ont 4t£ tres-apprecies par le Jury.
J’ai pu visiter la fabrique de M. Hermann Gerhardus, et constater que
son Organisation est vraiment tres-remarquable.
Toutes les facons s’y font avec un sein infini et denotent une direction
des plus intelligentes.
Les cuirs teints, chevres et moutons surtout, sont deux articles d’une
grande importance en Autriche.
M. A. H. Süss fils, a Vienne, dontj’ai deja eu a mentionner l’impor-
tance commerciale, est ä citer avant tout pour son exposition de peaux de
chevres et moutons de couleur, de nuances reussies, qui lui ont valu
une mention toute particuliiire au Rapport ofiiciel, mention a laquelle je
zne suis entierement associ4.
J’ai eu de intime la satisfaction de visiter en detail Tetablissement de
M. Süss, oü sont fabriquües sur une grande Schelle les specialit^s les plus
diverses, telles que la maroquinerie, veaux cir^s, etc., ainsi que des
quantites considerables de cuirs forts pour semelles.
L’ensemble doit produire un chiffre tres-important d’affaires.
La Societd pour l’industrie des cuirs, a Prague, ancienne maison
Goldschmidt, avait aussi une exposition tres-remarquable de peaux de
couleur maroquinees pour reliures, meubles et chapellerie; il a 4td cons -
tate que cette importante fabrique avait fait de grands progres dans cette
industrie.
La Hongrie avait aussi une belle exposition de peaux teintes. MM. S.
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTGHOUC. 351
Wersheimer et fils, de Baden-Pesth, J. Wolfner, de Pesth, Tanesos Eme-
rich, de Pesth, sont a citer pour le bon tannage et la bonne teinture de
leurs peaux de chevres, de boucs et moutons du pays ou de Valachie et
Servie.
La Rüssie avait quatre exposants de cuirs teints : M m ” Anne Bakhrous-
chine, a Moscou, Liampe freres, a Varsovie, Freilich Stanislas, a Radom,
P. ßaranovski et C ie , a Saint-Petersbourg.
Bons produits, mais rien de remarquable pour les couleurs.
Le Caucase, par le comite du Daghestan, nous a present^ des peaux
du pays, chevres et moutons, teints jaune et rouge pour chaussures.
Le tout un peu primitif comme couleur, mais de bonne qualite cepen-
dant.
L’Espagne n’avait envoy^ que peu de chose. Elle avait deux exposants
seulement.
Le Bresil pr&sentail une nombreuse collection de peaux de couleur,
le tout prouvant que la fabrication de ce pays est en voie de progression
et d’amelioration.
La Turquie etait represent^e par un trop grand nombre de ses fabri-
cants, car quantitd de produits laissaient beaucoup a d^sirer.
Le Jury a cependant constatd les progres faits par les principaux fabri-
cants dans le tannage et la teinture des moutons et chevres du pays.
Je citerai encore en premiere ligne : la Fabrique imperiale, MM. Peri-
cles Vouros et Emmanuel Manfilios. Tous avaient un bei assortiment de
chevres et moutons maroquin^s.
La matiere premiere, chevres et moutons, est tres-abondante en
Turquie; il s’en exporte de grandes quantites toutes tanni^es.
CUIRS ALUNES (üITS CUIRS DE HONGRIe).
Tr^s-peu d’exposants de cette specialis.
Portugal. MM. Lamas Jos4 et C‘°, de Lisbonne, avaient des ^chan-
tillons de cuirs pour courroies de machines parfaitement hongroy^s et bien
convenables pour leur destination.
France. MM. Couillard et Vitet (m^daille de progres) avaient expos4
quelques cuirs tres-remarquables.
352
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
La fabrication des cuirs de Hongrie est une des spEcialitEs de cette im-
portante maison; personne ne les fabrique mieux.
L’Allemagne avait aussi quelques bons cuirs hongroyEs pour courroies
de machines, mais sans importance.
En Autiuche, MM. Johann Freyer, a Meidling, pres Vienne, avaient des
cuirs hongroyes pour courroies de machines de tres-bonne qualite.
Rien dans les autres pays qui soit digne d’etre mentionne.
PEAUX ALUNEES POUR CHAUSSÜRES (dITS VEAUX MEGIs) ET CHEVREAUX
ET AGNEAUX MEGISSES POUR CHAUSSÜRES.
La fabrication des peaux megissees pour cbaussures s’est beaucoup dE-
veloppee; eile a pris une veritable importance depuis notre derniere
Exposition de 1867.
EnAllemagne, desfabriques speciales se sont crEees, et presque tous
les grands Etablissements de Munich, Worms, Mayence, Dresde, etc., ont
ajoutE cet article ä ceux qu’ils traitaient dEja.
La France a pris sa part du dEveloppement gEnEral de ces articles; La
production du veau megis y est plus importante qu’autrefois, et cependant
il est moins demandE pour l’exportation que les veaux allemands, qui,
sans perdre de leur souplesse, sont plus Epais, plus lourds, qualitEs re-
cherchEes par certains pays, l’Angleterre et l’AmErique du Nord sur-
tout.
Si les veaux frangais laissent a dEsirer comme tannage et souplesse, je
crois que leur teinture est supErieure : eile ne tourne pas au violet comme
cela arrive souvent aux produits allemands.
La France, jugEe un peu sEvErement pour les veaux mEgis, a EtE plus
heureuse pour sa belle fabrication de chevreaux mats, lustrEs et bronzEs
pour cbaussures; le Rapport officiel, apres de grands Eloges, termine en
constatant que, dans cette spEcialitE, la France n’a EtE surpassEe par aucun
autre pays.
Je suis heureux de constater que ce sont les produits de MM. Roblin et
Dumesnil (mEdaille de mErite), de M. Basset (mEdaille de merite) et de
M. H. Dufort (mEdaille de mErite), qui ont motivE la bonne opinion du
Jury si bien exprimEe au Rapport officiel.
L’Allemagne revendique le premier rang dans cetle fabrication ; l’excel-
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTCHOUC. 353
lente nature de ses veaux et leur bonne preparation assurent de grands
debouches d’exportation aux fabricants de ce pays.
Je citerai au premier rang MM. Bronberger et Seiller, dont les veaux
m^gis etaient certaincment les mieux de tous ceux exposes. Leurs mou-
tons mats etaient aussi tres-reussis.
Les memes articles exposes par M. Aug. Rücker, de Munich, etaient
dune grande supdriorite, leurs moutons mats surtout.
Beaucoup d’autres exposants a citer encore: de Worms, MM. Cornelius
Heyl, Doerr et Reinbart, la Sociütü la Wormantia, etc.; MM. Michel Mayer
et Deninger, de Mayence.
Les proced^s de fabrication de toutes ces maisons se rapprochent beau-
coup de ceux employ^s a Munich.
11 n’en est pas de meme de l’anciennc maison Robert Berling, aujour-
d’hui Socidtd des cuirs de Dresde, dont les produits, plus fermes et tres-
brillants, sont, dit-on, specialement prtipares pour l’Angleterre.
Je partage 1 opinion de beaucoup de mes collegues qui preferent la
fabrication des bonnes maisons de Munich.
CUIRS ALUNES POUR GANTERIE.
La fabrication des peaux pour la ganterie est une des branches impor -
tantes de l’industrie des cuirs; eile prend chaque jour un plus grand de-
veloppement pour satisfaire aux exigences du luxe, qui grandissent d’an-
nee en annüe dans tous les pays.
En France, les chevreaux pour gants y sont megisses avec tant de soin
et une si grande superioritü, qu’ils tiennent le premier rang au milieu des
produits etrangers. Ils sont pour notre pays dune exportation tres-impor-
tante, non-seulement en peaux megissees, mais surtout en gants fabri-
ques, articles francais recherches dans le monde entier.
La France n’avait a Vienne que tres-peu d’exposants; plus que personne
j’ai regrette l’absence des bons fabricants de cette sp^cialite.
MM. Trefousse et C ia , a Chaumont (Haute-Marne), ont obtenu une
müdaille de jirogres pour la perfcction de leurs chevreaux megisses: c’est en
ces termes que cette recompense est indiquee au Rapport officiel.
J’attache d’autant plus d’importance acette apprecialion quelle est sur -
tout celle d’un spdcialiste tres-competent, mon collegue M. Ernest Mer-
cier, de Lausanne (Suisse), charge pendant longtemps de la direction de
la megisserie de la grande fabrique de gants de M. Alexandre, de Paris.
Les peaux d’agneaux pour ganterie exposees par M'”° veuve Buscarle
et Malo, de Paris (medaille de merite), ont etü Ires-appreciees.
II.
5*3
354
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
L’Allemagnk avait. une nombreuse exposition de chevreaux et surlout
d’agneaux pour ganterie. Conime mes collegues, j’ai constate que dos pro-
gres avaient ete realisds duns la fabrication de ces deux arlicles.
Les chevreaux exposes par M. Geisthövel, de Hamm-sur-Lippe (Wesl-
plialie), etaient parfaitement megisses, dune grande souplesse, et la fleur
et les flancs bien conserves.
La teinture en general etait moins reussic, mais, en sornme, bons pro-
duits, dignes de toute attention.
J’en dirai autant de l’exposition de l’importante fabrique J. Roeck, de
Munich, dont les agneaux surtout etaient tres-bien fabriques, souples et
d’une grande elaslicite.
M. A. Unnnenhofer, de Villingen (Bade), avait expose des cuirs alunes
d’un tres-bon travail, parfaitement appropries a la fabrication de l’horlo-
gerie de la Foret-Noire, dils cuirs pour soufflets de coucous et boites a
musique.
Italii:. Un seid exposant : MM. Morpurgo et C 1 ', d’Udine. Leurs che -
vreaux laissaient a desirer, mais les agneaux pour ganterie etaient bien
megisses.
Autriche. En Autriche, la fabrication des peaux d’agneaux megissees et
chamoisees est d’une grande importance; olle s’est amelioree et par suite
beaucoup augmentee depuis 1867. Autrefois l’Autricbe ne fabriquait ces
articles que pour sa consommation Interieure; eile en exporte maintenant
de grandes quantitös.
Je ne puis signaler les nombreuses expositions que nous avons exaini-
nees, mais je dois dire que tous fabriquent cet arlicle avec une grande
superiorite.
Le chevreau, en Autricbe, est d’une fabrication bcau.coup moins impor -
tante et moins reussie qu’en France. C’est avec justice que le Rapport offi-
ciel dit i]ue cet article, en Autriche, ne peut se comparer au chevreau
francais, si perfectionnö dans tout son travail.
Rcssie. M. Sorokine Tikhon, de Moscou, avait expose des peaux de
poulain pour gantorie parfaitement megissees, d’une grande souplosse et
d’une finesse de lleur remarquable. Les couleurs memos etaient bien
röussies.
Tous nous avons admire cet arlicle peu connu dans los autres pays, et
lo seid que nous ayons eu ä examiner a Vienne.
Notre colleguo, M. Ernest Mercier, tres-connaisseur dans cette fabrica-
INDUSTRIE DU GUIR ET DU CAOUTCHOUC. 355
tion, lioiis a assure que les gants fabriques avec ces peaux de poulain de-
vaient etre de parfaite qualite et tres-durables.
L’Espagne, la Grece et quelques autres pays n’avaient rien expose qui
ait attire l’attention.
PEAUX CHAMOISEES.
Les produils exposes etaient peu nombreux.
Belgique. MM. Quitmann et C : ", de Bruxelles, avaient joint a lern
riebe collection de chevres et moutons de couleur des peaux chamoisees
pourganterie de bonne qualite, manquant peut-etre un peu de souplesse.
Italie. M. Morbin Domenio, a Vicence : peaux de mouton et d’agneau
chamoisees pour ganterie, d’une tres-bonne l'abrication.
La Fbaxce tient toujours le premicr rang pour le beau travail de ses
peaux chamoisees; malheureusement, je n’ai pu faire admirer que les pro-
duits dun seul exposant, M mc veuve Cdiapot et fds, de Chambery, qui ont
obtenu une medaille de progres pour leurs belles peaux pour gantcrie et
Sellerie.
Allemagne. M. H. Bicrling, de Gera, avait expose des peaux de cerf,
de renne, de chevrcuil, etc., pour culottiers, le tout parfaitement cha -
moise.
Deux autres fabricants nous ont presente un article special expose par
eux seuls: ce sont des peaux tannees dans la graisse pour marteaux de
piano.
Cet article est bien fabrique et d’une certaine importance, au dire de
mes collegues d’AHemagne.
Autkiche. Pour ces arlicles, 1’Autriche avait l’exposition la plus impor -
tante, surtout cn moutons et agneaux chamoises pour gants. Gelte fabri-
calion est tres-bien faite par les maisons de Vienne et de Prague.
Hongrie. M. Mehlsmid (Julien) nous a presente une nombreuse collec -
tion de toutes especes de peaux chamoisees, generalement de bonne fabri-
cation, et quelques arlicles tres-reussis.
Suede. M. J. G. Bulire exposait aussi des peaux de diverses origines :
peaux d’elan, de renne, etc., qui denotaient un bon fabricant.
356
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Japon. Des fabricanls d’Yeddo et de Wackayenna avaient exposd des
peaux de divers animaux, cerfs et autres, chamoisees et teintes, avec des-
sins imprimds, des couleurs les plus variees.
Ces peaux, destinees aux vetements du pays, dtaient d’une fabrication
tres-remarquable; malheureusement, le Jury n’a pu obtenir de renseigne-
ments sur la fabrication de cet article et sur son importance.
CUTR FACTICR.
Jusqu’en i85a, les dechets ou bourriers provenant du drayage des
cuirs tannes dtaient saus valeur. A cette epoque,M. Roullier, de Paris, a,
le premier, trouve le moyen de les utiliser pour la fabrication des ehaus-
sures.
Ces dechets, mdlangds de colle de pate et presses fortement pour leur
donner de la cohdsion, forment de grandes feuilles que Ton est convenu
d’appeler cuir factice, et qu’il serait plus juste de nommer cuir agglomdrd.
L’emploi de ces feuilles est tres-repandu et d’une grande importance;
eiles sont utilisees surtout pour premieres semelles de cbaussures vendues
a hon marclie; elles renq)lacent avantageusement, sous tous les rapports,
les carlons de mauvaise qualite que Ton introduisait autrefois dans ces
meines chaussures.
Jusque dans ces dernieres anndes, la rnaison Roullier et C“ s’occupait a
peu pres seule de cette fabrication et exportait ses produits dans tous les
pays. Mais, depuis 1870, la maison Cornelius Heyl, de Worms, a joint
cette specialite a son importante fabrication de veaux de toutes sortes;
malgrö les condilions desavantageuses du prix de la main-d’oeuvre, le pro-
duit francais soutient sa rdputation de superiorite et se vend encore dans
tous les pays d’Europe, en Allcmagne meine, luttant de qualite et de hon
marchd.
Les articles exposds par M. Cornelius Heyl ne ressemblaient en rien
aux produits de la maison Roullier: c’etait plutöt des morceaux de feutre
factice que des feuilles fermes et tres-convenables pour premieres se -
melles.
La fabrique de cuirs de Copenliaguc (Dänemark) avait expose des
semelles et courroies de machines faites avec un melange de dechets pul-
verisds et imbibds de caoutchouc. Ces morceaux, fortement presses, regoivent
ensuitc un enduit leur donnant la couleur du cuir. Ces articles sont sans
dlasticitd. Sans renseignements, le Jury n’a pu porter de jugement sur ce
procede.
INDUSTRIE DU GUIR ET DU CAOUTCHOUC.
357
PELLETERIE ET FOURRURES.
La France ne comptait a Vienne que Irois exposanls, sur ies soixante-
dix-sept expositions de pelleteries et fourrures des differentes parties du
monde. Mais, gräce a i’importance de i’un d’eux, nous avons pu y soutc-
nir dignement notre bonne reputation. Le diplome d’honneur obtenu par
M. A. Servant a prouve que la France n’a rien perdu de sa preponde-
rance dnns celte specialite, et a affirme une l'ois de plus le bon goutde ses
preparations.
A Vienne et a Paris, je me suis renseigne pres d’hommes speciaux, et,
cntoure de documents sur le commerce general de ces importants articles,
j’ai pu formuler et resumer mon opinion sur l’ensemble des expositions
de pelleteries et fourrures des differents pays.
Les produits de l’elevage, de la chasse et de la peche forment la source
d’un commerce international vaste, dtendu, montant a des cbiffres
enormes, d’autanl plus que chaque pays n’emploie pas son produit, et
gtineralement l’exporte contre un autre qu’il fait venir des pays eloign^s.
Le commerce de la pelleterie (fourrures) est resle stationnaire en
France pendant des siecles; il s’agissait de satisfaire le besoin et le luxe;
les negociants s’approvisionnaient au plus pres chez les peuples leurs voisins.
La France, par son bon gout, a su, mieux que tout autre pays, utiliser
ses propres produits, et les si bien utiliser qu’elle en exporte de grandes
quanlites dans le monde entier.
Beaucoup de ces articles, souvent d’origine commune, y sont si bien
travailltis, prepares ou transformes par les apprets, les teintures et les
lustres, qu’ils s’exportent dans tous les pays et s’y vendent a cöl(5 de pro -
duits similaires recoltes dans ces meines pays : ainsi les lapins.
Le commerce des plumes en France, ou il a pris plus d’extension qu’en
tout autre pays du monde, est devenu tres-interessant depuis quelques
annees, l’emploi de l’article etant general.
A peu d’exceptions pres, toute la plume des pays civilises vient se faire
travailler en France, pour de lä devenir un article important d’exporta-
lion, d’autant plus important qu’il donne souvent dix a quinze fois sa va-
leur primitive en main-d’oeuvre et biinefice.
Apr^s les Expositions de 1869 et 1867 a Londres et a Paris, ou ce
commerce des pelleteries et fourrures (matieres premieres animales) est
venu faire voir a tous son imporlance, son diiveloppement, ses travaux
d’apprets, de teintures, de Iransformations de toutes sortes, l’appel d’unc
Exposition internationale a Vienne, riisumanl la reunion de tous les
358
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
peuples de l’Orient, qui plus que nos pays de l’Occident utilisent la four-
rure, annoncait un grand concours.
En effet, il y avait ä Vienne de nombreux exposants, et on peut dire
que tous les pays du monde y etaient representes.
En suivant 1’organisation de Vienne et rne portant de l’Orient a l’Occi -
dent, je trouve a cette Exposition internationale vingt-neuf pays qui y
ont apporte leur concours par l’enlremise de soixante-dix-sept exposants
de differentes villes des cinq parties du monde.
Le tableau ci-dessous en donne les details :
7
8
9
I o
II
1 9
>3
l/l
15
16
»7
18
>9
20
2 1
22
23
24
2 5
2Ö
27
28
29
NATIONALSTES.
NOMBRE D’EXPOSANTS.
Japon
Chine
Tartaric iibre
Russie d’Asie .
Russie d’Europe
Turquie
Roumelie
Autriche
Hongrie
Tyrol
Bohdme
Allemagne
Baviere
Suede
Norwege
Dänemark
Belgique
Ralie
France
Angleterre
Afrique. Gabon
Afrique. Cap
Amerique du Nord
Saint-Pierre et Miquelon
San-Salvador
Amerique du Sud
Guyane
Nouvelle-Hollande
Nouvelle-Zelande
Total
1
1
1
1
10
1
1
1 o
exposition colleclive.
idem.
idem.
idem.
exposants.
idem.
exposition colleclive.
exposants.
idem.
idem.
idem.
idem.
idem.
idem.
idem.
idem.
idem.
idem.
idem.
idem.
exposition colleclive franfaise.
exposition colleclive anglaise.
exposants.
exposant franfais.
exposition colleclive.
exposants.
exposition colleclive franfaise.
idem.
idem.
77
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTCHOUC.
359
Les quatre Expositions universelles des vingt-deux dernieres annees
n’ont jamais presente pareil concours dans le commerce des pelleteries et
fourrures.
Dans ces dernieres annees, la mode est venue largement augmenter la
consommation de la fourrure, qui de tout temps a servi ä l’habiilement de
l’homme. La France y prendla plus grande part; quantitö d’articles, four -
rures, plumes, etc., y viennent äl’etat brut, se travaillent, se transforment
artistiquement par les adroites ouvrieres de tous les quartiers commercants
de Paris et sont reexport^s dans tous les pays.
Elle a allirme une fois de plus a Vienne qu’elle tire ses matieres pre-
mieres direclement de toutes les parties du rnonde, ce qu’elle avait deja si
largement prouve a l’Exposition de 1867, a Paris; mais que de connais-
sances et de difficultes pour arriver ä juger et apprdcier les peaux des ani-
maux terrestres et de la mer, qui, eile aussi, donne de riches produits :
vaches marines, veaux marins, loups de mer (des lies Lobos, de Saint-
Paul, d’Amsterdam, des possessions arctiques russes), avec lesquels on fa-
brique ces belles peaux tant a la mode en ce moinent.
Toutes ces difficultes confirment ce que mes recherches et mes rensei-
gnements m’avaient fait entrevoir au debut de ce travail, que le commerce
de la pelleterie est un desplus difficiles, et que Ton ne peut y etre Connais -
seur et bon administrateur qu’apres beaucoup d’etudes et une grande pra-
tique.
EXPOSANTS.
Japon. Exposition collective des principaux animaux : loutres de mer,
ours noirs et gris, martres jaunes, antilopes, etc.
II est heureux de voir l’extreme Orient se joindre a nos Expositions.
Chine. Deux expositions collectives, dont celle de Hong-Kong : de-
pouilles brutes d’animaux, le tigre royal ä longpoil de Mongolie, le tigre
de Formose, tous deux tres-rares, etc.
Les Cbinois ont pousse tres-loin l’art de preparer, teindre, travailler
les fourrures, vrai travail de patience qui prouve le bon marche de la
main-d’oeuvre.
Tartahie i.ibre. Taschkent (mer d’Aral), exposilion collective : panlhere
de THimalaya, beau sujet, etc.
C’est la premiere fois que le centre de TAsie se produit au milieu de
nous.
Rüssie. Onze exposants, dont un de TAsie : generalem ent de l)elles
300
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
fourrures chevres; le pays les emploie de preference; de jolies fourrures
et manteaux pour hommes, tres-riches. On remarque tout de suite que le
pays est d une grande richesse en ce produit. Les Russes appretent tres-
bien; les fourrures pour dames, quoique belles et utiles pour le pays, ne
seraient pas du gout de nos Francaises.
Je citerai entre autres exposants :
MM. Odnoouschevsky et MM. Petroff et Alcdvedieff, de Saint-Peters-
bourg, qui tous deux ont presente des manteaux remarquables en chevre
blanche de Chine.
Un exposant de Nigjny-Nowogorod präsente des objets en duvet d’oie
et de cygne, travail admirable et interessant.
Les Samoyedes de la mer Blanche, territoire d’Arkangel, ont envoye
un eider, un ours blanc, un renne, un aigle, un hibou blanc, une
chouette blanche; tous animaux qui vivent dans les neiges.
Turqijie. Constantinople et la Roumelie : quelques ohjets inl^ressants
comine travail.
Autriche. Vienne a presente une des helles expositions en fourrures
confectionn^es; chacun a pu en admirer la beaut^, la richesse, le soin du
travail et le gout. Certainement la premiere comme fabrication de four -
rures, surtout pour dames.
Entre autres expositions, MM. Aug. Schwartz, J. Gröger et J. P. Hirch
et Eidam tenaient la tete des dix exposants.
La Hongrie, le Tyrol et la Boheme etaient repr^sentes par quatorze
exposants.
M. Leopold Heidelberg, de Pesth : exposition bien comprise, helle, soi-
gnee; toule la sauvagerie de son pays.
AL J. Tausig, de Burgsteim (BohAme), a presente un coq de bruyere
et un drap des Balkans (Turquie d’Europe), oiseaux-gihier, exemplaires
tres-curieux, que tous les visiteurs ont du remarquer.
AL F. Rziwnatz et fds, de Prague : une petite exposilion de tapis, pe-
lisses en marmotte galonnees.
11 n’est pas possihle de voir quelque chose de plus joli et de micux
fait; ouvrier exceptionnel.
Allemagne. Dix exposants de dix villes differentes manufacturent la
fourrurc en gros, s’altachant plus au hon marche qu’au gout. Exposition
en vue des ventes journalieres.
INDUSTRIE DU CUIR ET DU CAOUTCHOUC.
361
L’Allemagne emploie surtout des articles bon marche: ainsi eile est lar -
gement tributaire de nos fabriques de lapins lustres.
M. Witzleben, de Leipzig : un grand et bei assortiment, vetements pour
hommes et femmes, tapis.
Son exposition, dispos4e pour la vente, a bien reussi; il a beaucoup
ecoule.
MM. Cubaens, Nitsche, de Francfort-sur-Mein : expositions riches, soi-
gnees, beaux articles pour dames.
Baviere. M. G. Meizbach, seul exposant : articles de confection tres-
remarquables; tres-belle exposition.
Suede et Norwege. Trois exposants.
La Suede, M. Forssell, de Stockholm : exposition d’articles bon man -
che pour la vente, qui a reussi.
La Norwege a expose les produits bruts de tous ses animaux sauvages.
Dänemark. Ginq exposants. La Compagnie danoise : veaux, vaches
toutes sortes; renards blancs, bleus; ours blanc, edredon; produils de la
ebasse et p4che du Groenland, de l’Islande et des mers polaires.
Les autres exposants laissent ä desirer surleurs expositions de 1867.
Belgique. MM. Zuree et C'% a Gand, fabricants de lapins teints, di -
verses nuances et couleurs: quelques arlicles de fourrure de choix, nou-
velle maison.
Italie. M. Bernard, a Turin : articles teints en couleurs claires.
France. Trois exposants. M. A. Servant, fabricant d’articles de pelle-
terie pour l'ourreurs, et negociant en pelleteries, a toujours dignement
represente l’industrie frangaise. Nous l’avons vu ligurer honorablement a
toutes les Expositions : ainsi, en 1 855, ä l’Exposition de Paris, il 6tait
membre du Jury; en j 86a, prize medal ä Londres, et par suite de cette
haute recompcnse il etait nomme Chevalier de la Legion d’honneur; en
1867, ä Paris, il avait de nouveau Thonneur de faire partie du Jury,
et de plus d’6tre secr^taire de la classe 4a.
IJejä a TExposition de Londres, en 1862, de l’aveu des membres du
Jury international, M. A Servant avait la plus remarquable exposition.
( Rapport du Jury international, t. V, classe 2 5.)
On peut certainement en dire autant de son exposition de Vienne,
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
362
qui contenait 65o types de peaux utiliseos jusqu’a ce jour par les four-
reurs de tous les pays des cinq parties du monde.
Son commerce alimente regulierement vingt-trois industrics, par des
matieres generalemenl brutes, salees, s&ches, appretees ou teintes, ma-
tieres qui s’importent des pays de production et sont vendues ä des fabri-
cants de Paris qui produisent ce que l’on appelle les articles de Paris.
L’industrie parisienne, qui defie toute concurrence par son bon gout,
exporte ces articles confectionmis dans le monde entier.
L’exposition de M. A. Servant presentait 1 kk types divers de lapins,
qui, prepares selon les besoins ou le gout de chaque pays, s’exportent dans
toutes les parties du monde, les rendant ainsi tributaires de la France.
La mode de la plume, a Paris, y a amen£ un grand commerce dans
ces dernieres annees. A Vienne, M. A. Servant nous en a prtisentii une
tres-belle collection, et je vois, dans une note que cet exposant a remise
aux membres du Jury, qu’il est force de rechereher directement cet article
en Europe (Russie, Levonl, pole Nord), en Afrique, en Amerique Sud,
en Asie, meine en Chine, ce qui ne lui est possible que grace a ses mai-
sons a l’etranger et A ses nombreux agents.
Le diplöme d’honneur, que je suis si fier d’avoir oblenu pour M. A. Ser -
vant, a etd la reconnaissance de l’importance commerciale de tous ses ela-
blissements, et Taffirmation que le commerce francais des fourrures est en
tete de celui du monde entier.
Les deux autres exposants a signaler sont:
AL Billette, specialile de tapis de fourrures en queues de renard;
AL Gust. Rinede, de Bayonne, appreteur de peaux.
AjiGLETERRE. Deux exposants. Tous deux, tapis de moutons teints et
chevres.
L’Angleterre et ses colonies du Canada et autres ont complelement man-
que a l’Exposition de Vienne, et c’est a regretter, car 1’Anglais, si grand
colonisateur, aurait pu y apporter sa large part.
Afriqde. Le Gabon : exposition collective frangaise; Cap de Bonne-Es-
perance: exposition collective anglaise. Plumes d’autruche sauvage et do-
mestique, cornes de bceuf, de rhinociiros, dents d’elephant; exposition
tres-interessante, plulot collection.
Ameriqde dd Nord. Deux exposants. Quelques jolis objets en vison,
tres-beaux produits et bien faits : en somme, l’Amerique fail defaut a
1’ Exposition.
INDUSTRIE DU GUIR ET DU CAOUTCHOUC.
3153
Saint-Pierre et Miquelon. Exposition interessante, produits et peaux
du pays. Collection plutöt que produits naturels expedies par divers.
Amerique centrale. San-Salvador. Collection peu importante.
Amerique du Sud. Trois exposants. M 11 “ E. Nalte, de Rio-Janeiro, fleu-
riste : oiseaux de eouleur, plumes, lleurs avec plumes; joli travail, mais
trop dispose pour la vente.
Guyane francaise. Belle collection d’oiseaux.
Nouvelle - Hollande. Victoria et Queensland. Exposition collective :
aulruche, l’oiseau lyre, opossum, kanguroo, mouflette tigree, noire et
blanche.
La Nouvelle-Hollande, en 1867, a Paris, avait dejä presente de beaux
specimens de ces produits, un bon coinmencemcnt qui va certainement
auginenter les relations et amener de grosses affaires avec ce pays.
Nouvelle-Zelaxde. Exposition d’oiseaux, especes rares. Ce pays fait son
apparition; esperons le revoir plus largement represente ä la nouvelle
Exposition.
En resume, la France, joignant la Science et l’art a l’industrie. a, des
187.3, ä Vienne, apres ses desastres, prouve sa vitalile et sa perseverance
dans lc travail par l’amelioration de presque tous ses produits.
CAOUTCHOUC ET GUTTA-PE RCH A.
La France, pour cette importante Industrie, ne comptait qu’un bien
petit nombre de representants. (Trois exposants seulement.)
Nous avons remarque avec regret Tabsence de nos fabricants de pre-
mier ordre, notamment celle de MM. Rathier et C lc , qui contribuerent si
puissamment au developpement de cette industrie, et qui, de 1834 ä ce
jour, ont obtenu les premieres recompenses 4 tous nos grands concours
industriels.
Peu de branclies d’industrie se sont ddveloppcies avec autant de rapidite
et de puissance; le caoutchouc, epi, pendant les premieres annees de ce
siede, n’etait encore considdre que coinme un objet de curiosite, est de-
venu, des i83o, d’une fabrication importante. Mais c’est surtout a partir
de 18/19, quand la gutta-percha fut introduite en France, que cette
fabrication a pris un developpement considerable.
364
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Nous avons pu exaiuiner a Vienne les produits les plus varies du
caoutchouc et de la gutta-perclia.
Les plus importants sont :
Pour la cliaussure :
Des doublures adherentes au cuir, articles d’une grande fabrication eu
Autriche et en Allcmagne ; des souliers et des bottes en caoutcliouc.
Pour les vetements :
Des etoffes impermeables de toutes especes.
Des tuyaux, des dalles, du fil, des anneaux et autres objcts uliles a
rinduslrie.
De nombreux instruments de cbirurgie, et une plus grande variete
encore d’outils et d’ustensiles pour une infinite de metiers.
En caoutchouc durci, des peignes, des brosses, et enfin, pour les
beaux arts, des ornements, des bustes, etc.
Amerique. Bien que l’industrie du caoutchouc y soit tres-florissante,
eile (Stait, comme la France, peu representee a Vienne.
Un seul exposant, la maison Boston-Dulder Sboe et C' e , nous a prd-
sentd quelques paires de souliers, une paire de bottes et un fil telegra-
phique recouvert d’une coucbe toute crevassee de gutta-percha, le tout de
qualite bien ordinaire.
Aussi le Rapport ofliciel dit que, pour ses rares specimens, le jury n’a
pu constater aucun progr&s dans cette fabrication.
Angleterre. L’Angleterre n’avait que quatre exposants :
MM. Villiam, Varne et C lc , a Londres. Belle et nombreuse exposition
d’objets divers pour fournitures industrielles. Ce qui a ete remarqud sur-
tout, ce sont les articles varies en caoutchouc rouge vulcanise, tous d’un
travail Ires-soigne.
MAI. Turner, Archibald et C‘ e , a Leicester;
MM. Simon, Alay et C ,e , a Nottingham;
AI. S. B. Taft, de Londres.
Ces trois dernieres maisons ont expose des doublures de souliers tissdes
et collees, de bonne qualite.
France. ALM. A. Hutchinson et C ,B , dont l’usine de Langte (Loiret) a
conservd sa grande importance, ont prouve, comme aux autres exposi-
tions, qu’ils sont toujours au premier rang pour leur fabrication de chaus-
sures de tous genros, en caoutchouc.
INDUSTRIE DU GUIR ET DU CAOUTCHOUC.
.'(65
Leur superiorite dans cette specialitd a ete reconnue el constatee au
Rapport officiel.
M. F. Casassa, a Paris, avait expose des rouleaux enduits de caout-
chouc, qui ont et4 tres-examines et appreci^s par ie jury.
La manufacture generale de caoutchouc (Compagnie du Phenix) a die
jugee bien severcment; eile avait cependant une exposition tres-impor-
lante d’objets en caoutcbouc pour les Sciences et l’industrie.
Rüssie. La Russie n’avait qu’un seul exposant, mais d’une importance
si remarquable, qu’a l’unanimitd lc Jury a demande le diplome d’hon-
neur pour la Compagnie Russe-Americaine de caoutcbouc, a Saint-
Petersbourg.
Cette soci^te, fondee en 1860, est arrivee aujourd’bui a une tres-
grande prosperite. Son chiffre d’affaires est considerable, plus de deux
millions de roubles argent, et l’exportation de ses produits manufactures
y entre pour une tres-forte somme.
L’usine de cette Compagnie est pourvue de tous les appareils employes
dans cette industrie, de plusieurs machines a vapeur d’une grande force,
et occupe un millier d’ouvriers, tant hommes que femmes.
Leur exposition prdsentait les sp^cimens les plus divers de cette grande
industrie; matiere et travail ctaient egalement beaux.
La fabrication des chaussures en caoutcbouc, destinees a recouvrir les
cbaussures ordinaires, est d’une grande importance en Russie; c’est une
specialite de la Compagnie Russe-Americaine, qui fabrique cet article avec
une grande superiorite.
Allemagne. L’industrie du caoutcbouc a pris plus d’extension en Alle—
magne; son exposition etait nombreuse en tous genres, tanten caoutcbouc
durci et elastiques qu’en etoffes caoutchouquees pour doublures.
La premiere maison a citer est M. H. E. Mayer jeuno, a Hambourg,
dont la beautd et la varidte des objets de parure exposes ont ete tres-
apprecides, ainsi que ses travaux plastiques, bustes et groupes, quisont
admirablement reussis.
La fabrication des peignes en caoutcbouc est une des sp^cialites de
cette maison; eile en produit environ neuf cent millc douzaines par an,
qui representent une valeur de cinq cent mille marcs de Hambourg.
La fabrique de Manbeim, dite fabrique americaine de caoutchouc,
avait exposd des objets en caoutchouc durci, peignes, parures, etc., le tont
a bon rnarche, mais de qualite secondaire.
La Compagnie nationale de caoutchouc souplc, MM. A. Hutchinson
306
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
et C' a , de Manheim, dont j’ai deja signale la superiorile pour ieur impor -
tante fabrication de chaussures en tous genres, tant en France qu’en
Allemagne, avait aussi une tres-belle exposition de cctte specialile.
Les freres Lavenstein, de Berlin, une des plus importantes fabriques de
l’Allemagne, pour les doublures collOes et tissees, avaient une exposition
admirable de ces divers articles.
MM. H. Rost et C‘ e , de Harburg, avaient une jolie exposition d’articles
usuels en caoutchouc souple et gutta-percha, tous d’un beau travaii et de
bonne qualite.
MM. Schatleger, Sichere et C ie , de Sablon, pres Metz, avaient exposO
les niemes articles que MM. Rost et €“, qui ont ete tres-apprecies par le
Jury.
Sdisse. MM. Haspielman, a Scbaffouse, et M. Guillaume Reiner, a
Aarau.
Ces deux maisons avaient expose des doublures tissees, de bonne
qualite.
Autriche. L’Autriche n’est pas restee stationnaire dans l’industrie du
caoutchouc et de la gutta-percha; sa fabrication de doublures pour chaus -
sures a surtout, dans ces dernieres annOes, pris beaucoup d’extension.
La bonne qualite de ses produits speciaux et la modicit^ de leur prix
assurent aux fabricants autrichiens l’importante consommation de leur
pays, et leur procurent meine de grands dObouches en Russie, Turquie,
Grece et Italie.
Les fabriques unies de Harburg-Wien (ci-devant Meunier et J. N. Rei-
tbolfer, a Harburg-sur-Elbe) sont des plus importantes; leur chiffrc
d’affaires s’eleve, tant pour leur commerce interieur qu’exlerieur, ;) plus
de 3 millions de florins; leur exposition etait magnifique et fort ad-
miree.
M. Moritz Reitbolfer, l’un des administrateurs, membre de la direction
generale de l’exposition, 4tait jure au groujic VI, et, par ce fait, cette im -
portante maison se trouvait hors concours.
MM. Schneck et Kohnberge, de Vienne.
Tr^s-belle collection de doublures, de parfaite qualite et d’un hon
marche extraordinaire, bon marcbe qui n’est du qu’a la bonne Organi -
sation et aux macbines fabriquees specialement pour ces intelligents in-
dustriels.
Cette maison produit des quantites considerables, 880 mille armes de
doublures collees pour souliers, et 63o mille armes de doublures tissees,
INDUSTRIE DU CU1R ET DU CAOUTCHOUC.
367
lesquelles s’ecoulent en grande partie dans les contr^es voisines, au sud
el a Test.
MM. Joseph ReithofFer Freres, a Vienne, avaient cxpose les niemes ar-
ticles, de tr&s-bonne qualit6 et d’un travail irreprochable.
Cette fabrique est aussi tres-importante et occupe plus de trois cents
ouvriers, dont deux cents apparliennent ä Retablissement p<5nitencier de
Karsten. Son chiffre d’afFaires est de 5oo mille florins, dont pres de moi-
tie pour l’exportation.
M. Louis Stephan, a Vienne, avait expose des objets usuels en caout-
cbouc soujde et gutla-percha, d’un beau travail et d’un fini tres-soign^.
Des lubes en gutta-percha d’une longueur de Aoo pieds sont ä citer tout
specialement.
MM. Guillaume Pagel et C'\ de Vienne, avaient un bei assortiment de
doublures en alpaga pour cbaussures, d’un tres-beau travail.
M. Edouard Alexander, a Vienne, avait aussi une belle exposition de
doublures pour chaussures,
Hongrie. M. Edouard Meister, ä Pesth. Tres-belle exposition de dou -
blures en caoutchouc, bien travaill^es.
TOI LES CIREES,
TOILES-CUIRS ET BACHES IMPERMEABLES.
Jtalie. MM. L. Nicolini et C c de Florence.
Tres-belle exposition de toiles cirees pour tables et parquets, ainsi que
des toiles—cuii's americaines.
Cette fabrication sc distingue par une grande variete dans les dessins et
un beau cboix de couleurs, le tout ä des prix tres-moderes qui assurent a
cette maison de grands deboucbes pour l’exportation.
M. Casimir Sipriot, a Milan; assortiment de toiles de lin. Toutes ces
toiles sont tissees par cette maison.
Buesii.. MM. Lima Silva et C ie , de Rio-de-Janeiro, dont je me suis oc -
cupe deja a la section des cuirs, avaient une grande Collection de toiles
cirees, qui navaient rien de remarquable.
Angleterre. Le Leatber Cloth et C ,e , de Londres, tres-importante maison
qui a maintenu a Vienne sa bonne et ancienne reputation.
Ses toiles-cuirs de toutes couleurs et appretAes de diverses manieres
etaient aussi helles que solidement travaillees.
368
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
MM. W. D. Harry et C‘°, Kamptulikon Floor Cloth Company, deLondres,
avaient expose des tapis de parquet fabriques avec du li^ge räpe et m6-
lang^ de caoutchouc. Cet article est nouveau, on le croit destin^ a prendre
sa place dans la consommation.
Allemagne. M. J. H. Bencke, a Hanovre, avait une belle exposition de
toiles de lin cirees pour tapis de table, et d’etoffes pour garniture de wagon,
d’un tres-bon travail et de heiles nuances et dessins .
M. Alexandre Schulmann, a Leipzig, avait expose les mömes articles ; ses
futaines surtout ^taient d’une bonne fabrication.
M. Jean Auguste, a Barmen : exposition d’^toffes pour visieres de cas-
quettes de bonne qualite.
M. Francois Clouth, ä Cologne : vetements impermeables,ainsi que cou-
vertures et tentes.
M. L. Bainer, a Quedlinburg : specialite d’4tofTes de lin tiss(5, imper -
meables, pour sacs et tabliers.
Autriche-Hongme. Lesfreres Groll, de Vienne : fabrique tres-importantc
qui se distingue par la riehesse et la variete de ses produits.
MM. Grab et fds, de Prague : toiles cirees pour parquets, toiles-cuirs,
tapis de pied, le tout parfaitement travailltS. Les tapis surtout ont ete tres-
remarques pour leur finesse d’impression et leurs helles et vives couleurs.
M. A. Mildner, a Prague : tapis pour parquets, garnitures de wagons et
couvertures naturelles, d’un bon travail et de bon gout.
M. A. Unlerwaldner, a Prague: bäches k marcbandises, de bonne qua-
litd.
MM. Ignace Hirsch et fils, de Pesth : couvertures en toiles caoutehou-
quees pour les cbemins de fer.
Des certificats de plusieurs administrations altestaient la bonne qualite
de ses produits.
SmssE. MM. Fleckenstein et Sehmid, de AV ädensweil (lac de Zürich),
bonne exposition de toiles goudronnees pour couvertures.
MATERIEL ET PROGEDES
EMPLOYES DANS LA FA15E1CATION DES CUIRS.
Les exposants de la section D etaient bien peu nombreux, un autri-
chien et trois franfais.
INDUSTRIE DU CU1R ET DU CAOUTCHOUC. ;}(»<>
Lette Industrie est cependant tres-importante aujourd’hui; eile a sur-
)°nl pris en France im grand developpement depuis une trentaine d’an-
neos.
Les dilficultes de la main-d’oeuvre, los salaires tendant ä augmenter
chaque jour, et le besoin de produire beaucoup pour repondre ä l’exten-
sion generale des affaires, ont decide les fabricants de euirs a encourager
plusieurs mecaniciens et fabricants d’outils, tels que MM. Delpecb,
J. Berendorf et L. ßreval, pour les grosses machines, Serizier G. Lutz,
et Poirier, pour la taillanderie et l’outillage rnanuel, a persdverer dans
leurs recherches et ameliorations.
Les recherches ont ete couronnees de succes, et aujourd’hui, ce qui
serait une grande surprise pour nos devanciers dans l’industrie des euirs,
le plus grand nombre de nos usines marchent mecaniquement.
Le succes a ete dautant plus complet pour ces fabricants mtelligenls
<pie presque toutes les machines monüfes et perfectionnees en France
fonclionnenl aujourd’hui dans les grandes fabriques de euirs du monde
entier.
Gette preference est bien justifiee par la qualite de nos machines auxi-
liaires, le fini et la commodite de notre outdlagc rnanuel.
L exposition de MM. II. Paneck et fils, de Vienne, etait nombreuse, leur
outillage bien complet.
Leur marteau battreles euirs forts est irnite de celui de M. J. Beren -
dorf, a Paris; l’imitation n’est pas heureuse.
Les trois exposants franfais ont tres-honorablement figure a l’Exposilion
de Vienne; leurs produits ont »ffe tres-appreci(is du Jury et des fabriranls
de euirs Prangers.
M. J. Berendorf, de Paris, est ä citer le premier.
Sa vieille repufalion justifie bien les quelques lignes que lui eonsaere
le Rapport officiel:
«La qualite des machines fournies par eette rnaison est generalement
reconnue bonne.»
Son exposition dans la galerie des machines etait tres-importante; l’at-
tention se portait tout de suite sur son marteau ä battre les euirs forts, une
des premieres machines inventees pour la lannerie, et qui a apporte une si
grande amMioration dans la fabrication de eette specialis, qu’aujourd’hui
ee marteau est utilise aussi bien en France que dans presque toutes les
fabriques etrangeres.
Son moulin ä noix, ses hachoirs grands et petits modeles, sa machine
a rebrousser, son tonneau a fouler, etc., toutes ces machines etaient bien
soignees, et attiraient l’attention des hommes spfSciaux.
2 h
II.
370
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
L’absence de M. ßreval, un de nos bons constructeurs de Paris, a ete
tres-regrettable; sa machine a essorer la tannee, qui rend de si grands
Services a la tannerie et lui procure de helles economies, aurait ete tres-
remarquee et tres-appreciee.
M. Georges Lutz, de Paris, qui fabrique tout specialement pour notre
industrie les outils en acier, fer et bois, avait dans la salle des cuirs une
exposition nombreuse et variee.
La bonne rjualite des outils de ce fabricant est appreciee depuis long-
temps en France; il en est de merne a l’etranger, car ses produits s’ex-
portent dans le monde entier.
MM.Poirier oncle etneveu, de Paris, avaient une tres-bonne exposition
des niemes articles; les debouches de celte maison sont aussi tres-nombreux
a l’etranger.
En somme, l’outillage manuel frangais applique ä l’industrie des cuirs
est certainement le plus pratique, leplus leger, le mieux compris; nos fa-
bricants ont su, s’inspirant des besoins des ouvriers, acceptant meme leurs
observations, creer et perfectionner des outils faciles a manier et de peu
de fatigue pour ceux qui sont charges de les manoeuvrer.
C. SOYER.
OB JETS I) ’ 0 B ET D’ ABGENT,
JOAILLERIE, ORFEVRERIE, BIJOUTERIE.
RAPPORT PAR MM. ROUVENAT ET FONTENAY,
MEMBRES Dü JURY INTERNATIONAL.
DU HOLE DE CHAQUE CONTREE DANS LA PRODUCTION GENERALE.
Aucune des expositions precedentes n’avait offeri aux yeux du public un
cboix aussi considerable et aussi varie de joaillerie, de bijouterie et d’or-
fevrerie de provenances diverses, que l’Exposition de Vienne. 11 y a donc
un vil' interet ä exarniner avec attention los produits de cette industrie.
On peut classer les pays producteurs en trois categories :
Ceux qui, fidelesä leurstraditions et vivant sur leur passe, reproduisent
dternellement et avec intelligence les niemes types, ceuvres de leurs an-
cetres, types empreints d’un caractere tout local, enfants d’une Imagina -
tion neuve, souvent gracieuse ou severe, toujours originale;
Ceux qui, travailles par une ardeur qui les porte a creer, poussent en
avant et inventent en s’aidant quelquefois, et souvent avec bonheur, de
l’etudc des styles;
Ceux enfin qui, ne voyant cpie le cbte mercantile de leur industrie, ont
neanmoins besoin de renouveler leurs dessins [tour entretenir leurs affaires,
rnais qui trouvent plus commodc de se servir de modeles tout faits que de
prendre la peine d’en creer eux-memes, et copient les uns et les autres avec
plus ou moins de bonheur.
Les premiers, ayant ä leur tele lltalie, sonl: le Dänemark, la Russie,
la Norwege, l’Espagne, le Portugal et les Indes orientales.
Les derniers se recrutent en Angleterre, en Belgiquc, en Suisse; toute
l Allemagne leur fournit un riebe conlingent.
37 k
EXPOSITION UNIVERSELLE UE VIENNE.
La France, pour la joaillcrie, Porfevrerie et la bijouterie, et FAutriche,
pour la joaillerie, composent la serie intermediaire.
Cette esquisse ä grands traits du role quejoue chaque contree dans Pin-
dustrie que nous etudions est, liien entendu, faile independamment de
certaines individualitfis sortant 5a et lä du cadre de leur entourage, mais
u’offrant pas une importance numerique susceptible d’infirmer une appre-
ciation generale. II faut neanmoins tenir compte des modifications que
tendent ä apporter a cet etat de choses la facilite et la rapidilfi des moyens
de communication qui exercent graduellement la meine inlluence sur tous
les objets de parure, d’usage et d’habillement, bien que, nous le cons-
tatons avec plaisir, la plupart des bijoux natiouaux aient jusqu’a ce jour
conserve leur type particulier. Mais la consommation en est toute locale,
et les industriels qu’elle alimente n’ont pas les deboucbes que fournit l’ex-
portation. On peut donc craindre que, dans un temps plus ou moins rap-
proch4, ils ne puissent r^sister ä Pinvasion des produits fabriques dans
PEurope centrale.
Nous envisageons cette echeance avec apprehension, car, si le mouve-
ment commercial doit gagner quelque cbose, Part perdra certainement
beaucoup lorsqu’on substituera a des bijoux imparfaits, il est vrai, mais
savoureux et originaux dans leur expression, des produits de pacolille en
or bas, sans caractere et sans accent.
Quoi qu’il en soit, FExpositionde Vienne, nousl’avons dit, fournit encore
des specimens du caractere original et traditionnel de chaque pays, en
quantite süffisante pour offrir a Petude un attrait incontestable.
La classification de 1 873 a compris dansla meme section tous les objets
d’or et d’argent, joaillerie, orfevrerie, bijouterie. Nous etudierons donc ces
trois industries sans les separer et a mesure qu’elles se presenteront.
EXAMEN DES PRODUITS 1 .
LES PRODUITS NATIONAUX ET TYPIQUES.
Ln des [)lus glorieux privileges du beau, c’est de ne pas vieillir. Toule
ceuvre marquee au sceau de son empreinte divine traverse les siecles en
conservant Peclatde son eternelle jeunesse, et Iorsqu’apres avoirete enfouic
1 Les exposants qui iaisaienl parlie du Jury
ont ete mis hors concours. Nous n’aurons donc
pas a apprecier leurs produils, mais nous ju-
uuoiis u'ilc de rappeier ici leurs noms. Ce
sonl.: MM. Matzenauer et Aegidi, de Vienne;
M. C. Backes, de Hanau, el MM. Rouvenal et
Fontenay, de Paris.
OBJETS D’OR ET D’ARGENT
375
Jans l’oubli eile est rendue a la lumiere, eile apparait aussi fraiche que
si eile venait de voir le jour pour la premiere fois. C’est ce qu’a si bien
compris l’artiste em-erite italien, en reproduisant, pour les rendre a notre
admiralion, les plus beaux fypes des bijoux romains et etrusques. Nous avons
nomine M. Castellani.
11 est difficile de rien dire sur ces conceptions pleines de cbarme qui n’ait
ete mille fois repdte, et Ton ne sait, en les voyant, ce qu’il en faut le plus
admirer, ou de l’iniagination ou du gout. Les proportions en sont toujours
parfaites, les reliefs savamment equilibres, les oppositions bien calculees,
et le souflle qui les a fait vivre les anime et nous penetre encore, gräce a
la fidelite intelligente avec laquelle eiles sont reproduites.
Un grand nombre de fabricants exposent des produits du meine style,
mais d’une execution nioins parfaile; et, pour que la represcntalion de la
bijouterie italienne soit complete dans toutcs ses varieles, les fabriques de
filigranes d’argent, d’argent dore et d’or de Rorne, de Genes, de Flo-
rence, etc., ont envoye de beaux ouvrages, tres-remarquables, a la lois, et
par la legerele de l’execution et par la modicite du prix. Dans ce choix de
bijouterie courante et de pieces nioins ordinaires, telles que vases, boites,
coffrets a bijoux, bonbonnieres, etc., nous avons constate que le filigrane de
Florence l’emportait toujours sur les autres par sa finesse.
Des mosaiques de Florence et de Rome, du corail en grande quantite,
rose, rouge et blaue, monte, non iiionte et a l’etat brut, des camees
graves sur coquilles, completaient cet ensemble. Mentionnons pour me -
moire quelques tentatives de joailleric d’un goüt douteux et d’une execu -
tion un peu rudimentaire.
L’art de forfevrerie et de la bijouterie ne s’eleve pas en Espagne; il se
meurt, s’il faut en juger par les quelques pieces d’orf^vrerie courante a
fusage du pays, et la bijouterie en filigrane grossier, qui nous sont oflertes.
Mais ce qui merite ici le plus bei Möge, ce sont ces pieces de grandes
dimensions, boucliers, vases, coupes en fer incrustees et damasquinees
d’or et d’argent, avec un gout et une finesse de travail remarquables. Ces
objets, d’un beau caractere, sont empreints d’une fournure, on serait teilte
de dire chevaleresque. Nous ne savons si ce sont des creations ou des re-
, productions, mais l’effet en est tel, qu’ils semblent appartenir ä la belle
epoque des roismaures. Nous avons surtout remarque deux brule-parfums
dont le fier profil et les decoupures elegantes, rebaussees par 1 eclat d ara-
besques d’or et d’argent, mduisaient tous les arnateurs en tentation. Ces
pieces sont l’a'uvre de M. Zuloaga.
Disons que, pour compleler celle feto des yeux, une labrupie de 1 olede
EXPOSITIOiN UNIVERSELLE DE VIENNE.
;i76
avait envoye un magnifique bouclier en repousse, avec personnages orne-
mentes d’inscrustalions d’or et d’argent, ainsi (ju'un cboix de belles armes
d’un bon style.
Le Portugal n’offre en bijouterie que des ouvrages en gros filigranes
assez bien faits. Les forrnes en sonl lourdes et d’une monolonie dont la
pers stance doit avoir pour objet de repondre a des besoins locaux.
II serait a desirer que les ouvriers portugais, tout en conservant ces
premiers types, qui sonl d’e.xcellents points de depart, leur donnassent les
developpements qu’ils comportent.
Nous avons pu juger en outre, par l’examen de pbotographies qui
etaient exposees, que le roi possedait une fort belle collection de bijoux
anciens et d’orfevrerie fabriquee jadis dans le pays, et dont nous avons
regreite qu’on se soit contente d’envoyer les images.
De i’examen des produits exposes par le Dänemark, il resulte celte
Impression, que ce peuple est un de ceux qui ont le plus conserve leurs
iisages et leurs gouts nationaux primitifs, qu’ils s’en contentent et qu’ils
paraissent n’etre tentes de rien faire pour en changer.
Le bijou est tan tot un filigrane ä joursur fond poli. tantöt un filigrane
en reliel sur fond mat. La fabrication en est bonne.
L’orfevrerie, d’un caractere original propre au pays, revelant une sorte
de naivete qui n’est pas sans eleganee, est en general legere et bien traitee.
Lorsquelle se tient dans les forrnes simples, l’aspect en est tres-net, la
tournure excellente; mais, aussitot qu’elle veut aborder les sujets, eile de-
vient d’une inferiorite notoire.
La Norwege n’a envoye qu’un seul representant. Nous ne jiouvons donc
avoir qu’une idee bien incomplete de l’etat de l’industrie dans ce pays.
La fabrication que nous avons sous les yeux est en filigrane d’argent. Elle
a cela de commun avec celle du Dänemark, que le filigrane se detache
presque toujours sur des plaques unies; mais ce qui lui donne un carac -
tere parliculier, c’est une multitude de petits pendants en plane d’argent
poli de forrnes variees, le plus souvent decoupds en croix de Malte ou en
disques, qui, perces par le baut, sont suspendus a de petits anneaux et se
balancent au-dessous de la piece principale, dont le filigrane reste en ur -
gent mat. Cette vitrine offrait, en outre, quelques pieces d’orfevrerie polies
et gravees a l’usage du pays et de bonne fabrication.
La labrique russe ne parait pas s'ölre manifestee conimc on etait en
OBJETS D’OR ET D’AKGENT.
:S77
droit de s’y attendre. Les representants en sont tres-peu norabreux, sur-
tout dans la joaillerie. Malgre ces abstentions regrettables, on peut cons-
tater que cette exposition est tres-remarquable en orfevrerie comnie en
bijouterie. Elle se distingue par de grands progres dans la main-d’ceuvre,
et beaucoup de gout dans le dessin et dans l’execution.
Nous avons admire ces nielles merveilleux, dans la fabrication desquels
eile sait exceller. Des seaux ä glace bien compos^s, bien executes, artiste-
inent ciselös; des surtouts et des vases dont le travail fait en repouss^ ne
laisse rien a desirer; partout un grand soin dans les d^tails, une grande
nettete dans le faire. Nous sommes beureux de voir la Russie affirmer, par
sa bonne fabrication, que la belebte aux traditions nationales n’exclut pas
le progres dans l’ex^cution.
Nous adressons les niemes eloges a ses produits en bijouterie. Ils sont
fort bien etablis, comportent une grande variete de dessins et d’einaux.
bien qu’ils ne s’ecarlent jamais de ce caractere propre a la nation et dans
lequel on retrouve tant de traits du genie oriental, tempdres par cette
sorte de naivete un peu rüde qui 1 ui donne une saveur si particuliere.
N’oublions pas de rnentionner ces nombreuses pieces en or et argent
nicllees et ciseiees d’un gout primitif et äpre, destin^es a l’ornementa-
tion de harnais, et qui avaient ete exposeespar le musde des objets anciens
du Kurdistan.
Nous avons vu dans l’exposition faite par l’Empire Ottoman de tres-
beaux objets en liligrane, paniers a fruits, vases, bracelets, zarfs, un
tres-grand plateau de meine fabrication; mais ces pieces n’offrent pas un
caractere qui appartienne en propre a la Turquie.
Allons inaintenant visiter l’Orient. Nous voici dans les Indes. Quelle fa -
brication de premier jet! quelle simplicite de moyens! mais quelle hanno-
nic et quel eclat! Nous voyons d’abord l’innombrable serie de bracelets en
argent niassif, enfants d’une creation ä la fois si elementaire et si inge-
nieuse. Quelle profusion inepuisable d’arrangements dans la disposition
detousces inorceaux d’argent quasi-bruts, pourarriverä obtenir des cflets
voulus, et qu’on voit bien que nous sommes ici dans le pays de l’imagina-
fion! Tout cela sejuxtapose, s’enchevetre, pendillanl, tintinnabulant, et reste
simple, (fest l’expression du premier besoin de coquetterie qui cherche a
se satisfaire, improvisee par une civilisation paresseuse n’ayant a son Ser -
vice d’autrc outil, d’autre j;uide pour alteindre son but, que son gout
naturel et son intelligence irinee du beau.
Plus loin nous rencontrons ces singuliers bijoux (jui-rcssemblenl a des
378
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
marrons armes de leux's dards, etqui, mis en couleur, ont des effets miroi-
tants et veloutes qu’aucun autre travail ne peut rendre.
Pais enfin cette primitive joaillerie fabriquee en or natif, donl tout
I’endroit est garni de pierres prdcieuses insuffisamment taillees, montees a
fonds et serties avec intelligence et gout, quoiqu’un peu lourdement, mais
dont les dessous sont ornes de ces eclatanls et harmonicux emaux dont
les Indiens seuls ontlesecret; et tout cela, Colliers, bracelets, montes a
l’aide de ficelles qui traversent les mailles pour les rdunir, et, rnalgre les
llcelles, et peut-etre a cause des ficelles, produit un effet d’ensemble qui
cbarme les curieux et les amateurs.
Les Indes ont encore expose differents objets en filigrane, coffrets, pla-
teaux d’un joli travail, et quelquespi&ces repoussdes d’un faire primitif.
Nous croyons opportun de rappeier a cette place l’exislence de jolis ou-
vrages tres-soignes et tres-curieux en filigrane fabriques dans les colo-
nies hollandaises, qui, au lieu de faire partie de l’exposition indienne,
figurent dans la section hollandaise.
La Chine expose des bracelets, broches, etc., en filigrane d’une finesse
extraordinaire et d’un travail tres-remarquable, en or et en ai'gent. Elle
nous montre encore une autre espece de bijou destinee plus particulie-
rement ä la coiffure des dames du Celeste Empire. Ce bijou est compose
de pieces cloisonnees reprdsentant un melange de mouches, de fleurs et
de papillons, dont les fonds sont garnis de petites parties de plumes d’oi-
seaux d’un bleu superbe, collees sur la feuille d’or. Les couleurs obtenues
ainsi sont plus attrayantes que celles de l’email, dont eiles n’ont pas l’as-
pect vitreux, et leurs reflets changent selon qu’elles sont frappees par la
lumiere de face ou de profil. II sc fabrique a l’aide de feuilles d’or tres-
minces, la plume n’exigeant aucune rdsistanee. II en resulte cet avantage
qu’il est d’un poids tellement leger, qu’on doit ä peine le sentir quand 011
le porte sur la tete.
Mentionnons pour memoire une Sorte de poisson colossal, aux con-
tours de daupbin, qui etait a l’entree de la section chinoise. Cette piece
ronde bosse, qui n’etait remarquable que par sa grandeur, i m ,5o sur
3 metres, etait tout en or. La gueule du monstre etait agrementee de de-
coupures en drap ecarlate figurant les dents ou la langue. 11 nageait sur
des Hots de mousseline de laine simulant la mer. Le dessin en etait en -
fantin et disproportionne, la fabrication grossiere.
Le Japon avait envoye de tres-jolies plaquettes, pour la plupart de
formes rundes ou carrecs et de la grandeur d’une piece de 5 flaues en
OBJETS D'ÜR ET D ARGEINT.
379
argent, dans le centre desquelles etaient representes, a l’aide de juxtapo-
sitions de metaux divers, des motifs varies, teis que arbres, plantes, ani-
maux oii personnages en relief, le lout cisele avec une perfection de travail
extraordinaire, et dessine avec un esprit qui rendait merveilleusement l’al—
Iure et l’expression propres d chaque sujel.
Jamais, dans aucune exposition prdcddente, l’Orient ne s’^tait aussi
completement livre que dans celle de Vienne; jamais il n’avait fait pa-
raitre une aussi grande vari^te de produits, et cette heureuse fortune, en
nous permettant de compldter notre etude comparative de toutes les bi-
jouteries du monde, y ajoute un grand attrait.
Ici se termine la serie des nations ayant cxpose, cbez lesquelles l’art de
la bijouterie, de la joaillerie et de l’orfevrerie s’est conserve dans une
voie traditionnelle et originale.
11
LES PRODUITS DE CREATION NOUVELLE.
Apres avoir admire, comme ils le meritent, ces traits precieux d’un
autrc äge, religieusement conserves par les peuples que la nature semble
avoir doues d’un tel sentiment de lidelite aux premieres manifestalions de
leur genie propre, qu’on pourrait presque les taxer d’immobihte, exami-
nons maintenant ce qu’ont enfante, avec des aptitudes toules differentes,
d’autres nations entrainees par la fievre de la production, cbangeant de
mode ä chaque instant, et dans l’esprit desquelles la recherche du nou -
veau est passee a Tetat de preoccupation constante, de modus vivendi.
(lommencons par la France.
Voyez dans la section i’rangaise cette etonnante ex[)osition d’orfevrerie.
Tout ce que peut produire l’industrie la plus raffinee dans son execution,
aid^e de toutes les puissances de la science moderne admirablement
appropriees, et s’etavant sur les manifestalions multiples de l’art a toutes
les epoques, est lii reuni. G’est une des faces les plus extraordinaires du
degre de perfection industrielle auquel a pu atteindre l’Occidenl, dans ces
dernieres annees. Ce semble pouvoir en 4tre le dernier mot, et nous sa-
vons que ce ne Test pas. On ne s’arrete pas en aussi belle voie.
Voici d’abord une serie de surtouts, de dejeuners, de Services k tbe, de
garnitures de toilclte, etc., de tous les styles, purement eludies et conscien-
cieusement observes, rloiit la destination commcrciale disparait presque
380
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
sous le earactere artislique dont ils sont revetus : une elegante fontaine ä
rafraichissement, representant une ampbore autour de laquelle s’enroule
une branche de lierre et soutenue par deux figures de femmes, trait<Se en
tons d’argent eteints, avec des Souvenirs d’or efface dans les profondeurs
du modele, de l’effet le plusheureux; des groupes de figures allegoriques
et d’animaux qui pourraient aussi bien etre exposes aux oeuvres de la
sculpture qu’ä l’orfevrerie; un charmant miroir Louis XVI avec figures;
des plateaux et des dessus de table representant des sujets incrust^s et
graves, en ors jaunes, verts et rouges, et en argent, avec des entremele-
mcnts de bronzes de patines differentes dans les fonds.
Nous y avons vu un meuble ä bijoux, style Renaissance, en forme de
cabinet, qui est une merveiilederecberche. 11 offre unspecimende toutesles
ressources quel’art de l’orfevrerie moderne possede pour decorer richement
un meuble pr&ieux, ciselure, incrustations, damasquinure, emailcloisonne,
email translucide et bronze patine; puis un vase monumental enbronze,
haut de i m ,6o, qui malheureusement a ete envoye un peu tardivement.
La decoration de cette piece magistrale est inspir^e par une ode d’Ana-
cr^on. Elle est trait^e en incrustation d’argent, dans une juste mesure qui
satisfait l’ceil sans trop l’attirer. Les anses dor(5es ont un puissant profil,
tres-heureusement mis en rapport avec leur destination, et completent un
fort bei ensemble.
A cote de cette argenterie de table, a cote de ces groupes de sujets
varies, de tout enfin ce que l’orfevrerie peut produire de plus remar-
quable, pres de ces meubles de toutes sortes et de ces pieces en bronze,
nous avons vu, sortant de la meine maison, des vases en ^maux cloisonnes
rivalisant de earactere, d’originalit^ et de perfection avec les plus beaux
cloisonnes japonais. Le ton mat et legerement veloute de l’email est ad-
mirablement reussi, et les couleurs sont fraiches et eclatantes, tres-bien
harmonisees entre eiles. Cesproduits revelentla connaissance d’une serie de
procedes, nous pouvons dire secrcts, qu’il a fallu penetrer et s’approprier
pour obtenir d’aussi beaux resultats.
C’est ä la maison Christolle et C"' que nous devons cette belle exposi-
lion.
On pouvait voir encore, de chaque cotö de la porte qui donnait acces de
la galerie francaise dans le parc, un liori et une lionne moules en ronde
bosse par les procedes galvanoplastiques, sortant des meines ateliers (ces
animaux (itaient ex^cutes dans des proportions colossales en rapport avec
l’emplncemenl qu’ils occupaient), et devant le pavillon de la Commission
francaise, un AIilon de Crotone, reproduclion du marbre du Rüget, obtenue
par le meine procede.
OBJETS D OP, ET D’ARGENT. ;iSI
Non loin de ces beaux produits d’une industrie qui semble exclusive-
ment nationale, tant les progres qu’elle a accomplis eloignent toute
idee de comparaison avec les orfevres des autres nations, brillaient de
leurs feux dtincelants les vitrines des joailliers frangais; mais, des qu’on
approchait, l’attraction qu’avait exeriYe tont d’abord cet anaas de ricbesses
cedait la place ä l’interet qu’inspirent toujours les oeuvres de l’imagination
et du gout. Deux expositions ont merite dYtre classees en premiere ligne,
bien qu’elles different entre eiles par le cachet de personnalite que chacune
revele.
Nous allons commencer notre exanien par l’exposition de la tnaison
Mellerio freres, qui brille glorieusement depuis tant d’ann^es a toutes nos
f£tes industrielles.
Nous remarquons un paon dont la queue couverte de diamants s’etale
splendidement pour former diademe, deux jolis papillons aux ailes en
pierres de couleur, une lyre tres-finement dessinee et precieusement ex^-
cutie, un magnifique collier en emeraudes et brillants, un autre collier
grec d’un bon caractere, un camee topaze bien mont4dans des pierres de
couleur, une chätelaine ciselee en or et des boutons de manchettes en
dessins d’emaux, Souvenir des Indiens approprie ä nos usages. Deux jolis
echantillons de petite orfevrerie conqrletent cette belle exposition. L’une
est un lampadaire fort joliinent cisel^, et l’autre un reliquaire releve par
des imitations d’emaux de Limoges d’une bonne facture.
Le caractere general de cetle exposition est l’ampleur, et une certaine
mani&re un peu sommaire de voir, qui n’exclutpas cependant le soin dans
les details.
L’exposition de M. Boucheron nous frappe par unetendance, onpour-
rait presque dire opposee. II est remarquable qu’avec les meines Elements
et les memes moyens on puisse parcourir, et avec succes Tun et l’autre,
deux voies aussi differentes.
Ici, le souci de l’idde, la preoccupation bien indiquee d’eviter le banal,
la recbercbe priicieuse des details, voilä ce qui nous frappe tout d’abord.
Nous y voyons, tres-ingenieusement reproduits en pierreries et en nuital,
les sujets qui semblent devoir se preter le moins ä cette metamorphose.
C’est une fleur de bouleau sYipanouissant en grappe dans sa gracieuse td-
nuite, c’est une feuille de platane tenant suspendues deux boules legeres
qui se balancent, figurant les fruits de l’arbre. Nous remarquons une parure
composee de boucles en diamants fort beaux, etreignant des velours noirs,
des pendanls d’oreilles rubans en joaillerie d’un gout delicieux. En bijou-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
:js-2
terie, une jolie parure rcpercee style Louis XIII, et puis uno autre com-
posee de clous facetes en or rouge poli, deux chätelaines ciselees d’un
bon caractere et quelques pieces en emaux transparents offrant un attrait
de curiosite.
Les vitrines qui viennent ensuite renferment des pieces qu’il importe
de noler : un joli bouquet d’eglantines d’un travail tres-fin se dernontanl
par parties, un autre bouquet de roses bien fait; ä cote de ces pieces en
brillants, un elegant bracelet turquoises et roses reperce, faisant diademe,
et plusieurs chatelaines en argent oxyde, d’un heureux goüt et d’un bon
caractere; puis des bijoux de style, d’une fabrication speciale, consistant en
beureux melanges de pierres de couleur et demaux, dont le merite etait
du bien plus au charme de la conception et de l’execution qu’ä la valeur
des matieres employees.
Ln artiste industriel avait expos4 des specimens de trois industries dif -
ferentes : de bijouterie d’art, d’orfevrerie et de bronze. C’etaient des vases
orienlaux en jade, emaux et pierres precieuses, des aiguieres en cristal de
röche, dont les montures, d’unebonne cornposition, etaicnt confues dans
le style Louis XIV; une tres-jolie s«5rie de flacons, un coflret d’ebene avec
appliques en bronze et argent cisehi, et plusieurs autres pieces denotant
une connaissance exacle des styles, mise au Service d’un grand de'sir de
bien faire.
La joaillerie courante ^tait convenablement repr4sent(ie par une de nos
bonnes et anciennes fabriques.
Les cbainistes avaient expose une variete infinie de modeles, tous ge-
neralement dignes d’attention, bien fabriques et empreints de bon gout,
et qui nous ont paru etre k des prix qui leur permettraient de soutenir la
concurrence etrangere, et quelquefois avec avanlage.
Mentionnons la presence de bijoux en emaux bressans, remarquables
par la modicite de leurs prix et leur eclat agreable, destines a faire con -
currence aux bijoux de Boheme.
Les artistes graveurs en camees durs ont fait une belle exposition. Si -
gnaions une ronde d’Apollon tres-gracieuse et tres-fine; les Mages, jolie
cornposition, joliematiere; un Combat d’un travail tres-fin et tres-difficile;
le Cbar de l’Aurore, belle execution sur une belle matiere, etc.
Une seule maison de bijouterie en double avait envoye ses produits de
Paris. Celte exposition, divisee en deux parties, montrait d’un cote le
double d’or et de l’autre la bijouterie en or. Nous avons pu constater que
cette derniere arriverait avantageusement, pour les prix de facons, en con -
currence avec les produits allemands. Quant ä la bijouterie de double,
OB.IRTS R’Oti ET D’ARGENT. 383
c’esl toujours cette bonne fabricntion correcte, soignee et variee dans ses
modeles que nous connaissons, et a laquelle rette ancienne fabrique doit
sa reputation.
La bijouterie decorative en cuivre dore et pierres fausses, destinee au
theätre, avait envoye des objets tout ä fait remarquables de style et d’pxd-
cution, et la bijouterie religieuse en dore «5tait bien represent^e.
Terminons en exprimant nos regrets d’avoir vu les fabricants de belle
bijouterie parisienne s’abstenir de paraitre ä ce concours : ils auraient,
nous n’en doutons pas, augmente sensiblement la somme de nos succ&s en
s’y rendant. La bijouterie courante n’a pas non plusrepondu ä l’appel, et
nous considerons cette abstention comme encore plus fächeusc que l’aulre,
car il eut eie d’un tres-grand iliieret d’actualite, de pouvoir comparer entre
eux nos produits nationaux et les produits similaires allemands.
L’impression caus^e par l’exposition autrichienne est des plus favorables.
La joaillerie est excellente, bien traitde et finement sertie; les pierres en
sont bien choisies, les dessins sont tr£s-soignes et le polissage en est
parfait. La bijouterie est courante, mais bien fabriqu^e et d’une jolie mise
en couleur. Nous n’hesitons pas ä dire que nous avons trouve de grands
liens de parente entre les produits d’origine viennoise et ceux d’origine
parisienne.
Nous voyons, dans les ouvrages exposes par M. Köchert, de tres-jolis
nceuds en joaillerie, un collier tres-bien fabrique et d’un goüt excellent,
un charmant diademe bien dessine et bien ex^cutd, deux oiseaux de pa-
radis tres-fins, une d&icieuse plaque Renaissance. Chacune des pieces qui
sont dans cette vitrine merite d’etre examinee avec attention. Tout nous a
paru fait avec beaucoup de goulet d’un genre tres-4tudie et tres-recherch^.
Gitons encore une plaque representant deux cygnes dont les corps se ter-
minaient en gracieuses volutes, d’un dessin agreable et d’une ex^cution
fine et soignee, et un fort beau bracelel en diamants.
Si cette vitrine a dte consideree a juste titre par le Jury comme la plus
digne d’etre signalee a l’attention publique, parmi celles des joailliers
viennois, celle de M. Ratzersdorfer a merite le meme honneur dans un
autre ordre de fabricalion aussi interessant. Nous y avons admird une Col -
lection tres-belle d’imitations de bijoux anciens, des coupes, des colfrets
d’un caractere excellent, des cabinets de cristal de röche offrant un grand
attrnit de curiosite et d’int«5ret, des hanaps d’un beau dessin ornes de de-
EXPOSITION UNIVERSEELE DE VIENNE.
licieuses peinlures sur einai 1 tres-fines, imitant la belle epoque de la Re -
naissance allemande. Tous ces objets joignent au merito d’une bonne
fabricalion, celui d’etre d’une conception heureuse et d’un style bien
^tudid.
Nous avons pu admirer dans d’autres vitrines des pieces de joaillerie
tres-dignes d’attention, des diademes, medaillons ei bracelets de fort bon
gout. Le serti en est toujours excellent; on voit que le temps necessaire
pour parfaire son travail a dtd laissd a l’ouvrier, et que lui-meme, en termi-
nant sa piece, y a porte interet. A’oublions pas de nienlionner, dans les
pieces d’orfevrerie, un surtout en argent oxyde qui attirait tous les regards.
L’artiste avait choisi pour sujet le conte de la Belle au bois dormant. II en
avait reproduit les scenes principales en ciselure, avec un entrain et une
belle humeur legerement sarcastique, dont le charme etaitsoutenu par une
touche spirituelle et sure d’elle-meme.
A cöt4 de la bijouterie d’or, m^daillons, bracelets, etc., tres-correcte-
inent fabriques, nous avons admire des medaillons et des chalnes d’argent
dont le gout et la fagon etaient dignes de louanges, et aussi des objets
d’argent niell^s d’exrellente fabrication, ainsi que des cachets, poinmes de
cravaches, en argent cisele oxyde, tres-bien modelds et bien executes.
La bijouterie en grenals de Boheme y avait envoye de bons ecbantil-
lons, et le filigrane y etait rejiresente par des pieces artistement tra-
vaillees, un bouquet de lleurs, entre autres, fait avec un grand soin.
L’orfevrerie usuelle pour table et l’orfevrerie d’eglise montraient aussi des
produits bien citablis.
On peut dire que l’Autriche a fait une bonne et tres-complete exposition,
et que sa joaillerie surtout ne laisse rien ä desirer comme exdcution, comme
gout et comme legeretA Mais pourquoi, apres avoir atieint ce degre de
perfection, la joaillerie et la bijouterie viennoises ne s’essayent-elles pas
dans des Creations nouvelles? Elles ont tout ce qu’il faul pour y reussir, et
nous regrettons qu’elles ne tentent pas de s’affrancbir d’une sorie de timi-
dite que rien ne justifie.
III
LES PRODD ITS COMMERCIAUX.
La fable nous raconte qu’un roi de Pbrygie avait rey,u le don de ebanger
en or tout ce qu’il touchait. On peut dire de l’Angleterre qu’elle a presque
recui le memo don, et, si ce n’est pas en or qu’elle change tout ce qu’elle
OBJETS Ü’OR ET D’ARGENT.
385
touche, il s’en faut de peu, et c’est tout au moins en argent, car eile sait
de tout faire une matiere commerciale, et c’est toujours par le cote com-
mercial quelle envisage les choses. Les expositions sont tout simplement,
pour eile, un des modes varies quelle emploie pour ecouler ses produits.
Le reste parait la preoccuper mcdiocrement.
Les joailliers anglais de l’Exposition avaient entasse dans leurs bou-
tiques, — car, si tous les autres exposants ont des vitrines, les negociants
anglais, plus intelligents, ont des boutiques, — avaient entassd, disons-
nous, uneprofusion de joaillerie et debijouterie, des parures completes avec
diademes et Colliers en diamants, en emeraudes et diamants, en perles et
diamants, en rubis et diamants, en sapbirs et diamants, en turquoises et
diamants, en opales et diamants, composees rien que d’admirables pierres
bien choisies et nettement montdes, qu’ils nous avaient deja fourni l’oc-
casion d’admirer en d’autres lieux.
Les coussins de leurs montres dtaient coverls d’une teile quantitd de
mddaillons, bracelets, bijoux de toute sorte en or jaune, de ce jaune si
beau qu’on a appele la couleur anglaise, que le satin ne se voyait
plus.
Hatons-nous de dire cependant que nous avons constate, comme tou-
jours, dans les produits anglais, les marques d’une grande adresse ma -
nuelle mise au service d’un gout tres-accentud pour les choses correctes.
11 est impossible de reprendre, dans leurs montures en joaillerie, un dd-
faut d’exdcution. Le serti en est la plupart du temps irrdprocbable, et la
mise ajour d’une netteteet d’un fini parfaits. Les mddaillons ferment bien
et les charnieres de leurs bracelets sont excellentes.
L’orfevrerie anglaise ^tait representee par la maison Elkinglon et C' n ,
dont les produits ont merit^ a juste titre d’etre distingu^s. II y a, dans
cette exposition, une tendance serieuse a parliciper au mouvement artis-
tique qui entraine l’orfevrerie a notre epoque. On doit 6tre tres-satisfait de
voir une tentative industrielle de cette nature se produire chez nos voi-
sins; on ne saurait trop l’encourager. Du reste, cette maison a depuis
longtemps fait ses preuves, et nous ne faisons ici que rendre un nouvel
hommage a ses mdrites.
Nous avons remarque un superbe bouclier en repoussd et plusieurs
surtouts representant des sujets allegoriques avec personnages, d’une belle
composition, tres-joliment dessines et admirablement ciseles. On voitque
cette fabrique n’hesite pas ä attirer chez eile, pour servir de modeles a ses
compatriotes, des arlistes franfais, car on reconnait la touche et la ma-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
;s8(i
nierc de certaines sommites de l’art industriel, dont nous n’avons pas
besoin de lire la signalure pour reconnaitre ies ceuvres.
Lette exposition nous offre aussi de fort beaux plais en 4maux cloi-
sonnes. La encore nous reconnaissons la meme origine. Ces ouvrages ex-
ceptionnels sont trop eloquents pour ne pas nous la dire eux-memes. Mais
nous ne saurions blamer nos voisins d’agir ainsi, et nous devons nous
rappeier que, pour introduire en France le gout des beaux-arts, Fran -
cois I er n’a pas hesite a y attirer les orfevres llorentins. L’art n’a pas de
patrie. Tant mieux si nous jouissons aujourd’hui de l’heureux privilege
de pouvoir aider ä repandre ses bienfaits sur le monde entier. Ce n’est
pas a nous de nous en plaindre.
Le caractere de la bijouterie allemande est essentiellement commercial.
(Test une fabrication dont les produits sont destines presque tous a l’ex-
portation; nous n’aurons donc a lui demander rien de ce que peut enfanter
le gout epure par l’art.
Trente-neuf industriels representaient la fabrique de Hanau. Tous les
bijoux qu’ils exposent sont en or a \k carats ou 58o milliemes. La fabri -
cation est bonne; la couleur, mate en general, est extremement belle; le
serti presque toujours soigne. Mais, contrairement au caractere d’autres
nations, chez lescpielles tous les produits different entre eux par le gout
et par la tournure, oii chacun a son cachet personnel, il semble ici que
tous ces bijoux sortent du meme atelier et de la meme main. Cette uni-
formite est trop frappante pour que nous ne la signalions pas.
Nous dirons presque la meme chose de la fabrique de Pforzheim. Qua-
rante-deux maisons avaient exposii. La fabrication est en general soigmie,
le poli est bon et la couleur excellente. Nos fabricants de produits simi-
laires en France seraient bien surpris, s’ils pouvaient juger par eux-
memes des progres que font chaque jour les bijoutiers allemands, et cela
leur donnerait peut-etre a reflechir. Comme a Hanau, tous les modeles se
ressemblent, et l’or employe est a bas titre.
Mernes observations pour la bijouterie qui vient de la Silesie. Cepen-
dant Breslau avait envoye de l’orfevrerie qui nous a paru de beaucoup
superieure a la bijouterie de meme provenance. Nous y avons vu de fort
jolies choses, a la crealion eta l’execution desquelles ont du concourir de
veritables artistes. 11 y avait des pieces capitales, dignes d’etre remarqu^es,
et nous sommes etonnes que les bijoutiers ne s’inspirent pas davanlage de
l’exemple de leurs camarades les orfevres.
Kepeterons-nous, a propos de l’exposilion faite par Stuttgard, ce que
nous avons deja dit des trois qui precedent, en faisant toutefois une re-
OBJETS D’OR ET D’ARGENT. 387
serve a l’endroit d’une maison de cette ville, dont les produits etaient
dignes d’attention? Nous avons admire, dans cette vitrine, une tres-jolie
broche inspiree du style de la Renaissance, et un glaive dont la poignee
en m^tal et le fourreau en ivoire, d’un caractere severe, etaient d’une bonne
execulion.
Les autres pieces qui y figuraient etaient bien fabriqudes, bien dessi-
nees et de bon goüt.
Avant de quitter l’Allemagne, il nous faut citer encore la belle orle-
vrerie envoy^e par un fabricant de Berlin. Les sujets etaient d’un bon
modele, l’arrangement en 4tait agreable, la ciselure soignee et la fabrica-
tion excellente.
La Suisse avait envoye un choix de chafnes bien faites qui nous ont
paru quelquefois etre d’inspiration frangaise. Quant aux pieces de bijou-
terie, il nous a semble qu’elles comportaient des d^veloppements et des
proportions peut-etre un peu exagerees. Cependant on peut constater une
tendance au progrAs, surtout chez les jeunes fabricants. Ajoutons que cette
industrie etait insuffisamment representee & l’Exposition de Vienne.
La Belgique s’etait abstenue d’exposer de la bijouterie, mais eile avait
envoye d’assez belle orfevrerie d’eglise moderne et des imitations d’orfe-
vrerie du moyen age bien rdussies.
Quant a la Hollande, ä l’exception d’une vitrine appartenant ä un
particulier et renfermant des pieces en filigrane faites dans les Indes hol-
landaises, eile n’avait que quelques pieces d’orfevrerie d’une bonne fabri-
cation courante a l’usage du pays.
CONCLUSION.
DE L’INFLÜEfiCE DES EXPOSITIONS SUR LA PRODCCTIOX.
Nous venons de passer en revue presque tous les bijoux du monde entier.
Si Birmingham, Manchester et la Belgique ne s’Etaient. pas abstenus, si
la belle bijouterie et la bijouterie d’exportation de Paris eussent envoye
leurs produits a Vienne, et si la joliejoaillerie russe y avait et4 representee,
aucun point n’aurait manque a la comparaison.
Malgre les lacunes laisseespar ces abstentions regrettables, nous allons
tirer des elements nombreux que nous avons eus sous les yeux les con-
clusions et les enseignements qui nous semblent en sortir.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
;SH8
Nous nous poserons d’abord cette (|ueslioii :
Queis progres l’Exposition de 1873 a-t-elle mis en lumiere dans l’in-
dustrie de la bijouterie, joaillerie, orfevrerie, en la comparant a l’Expo-
silion de 1867, c’est-a-dire en six annees traversees par une guerre?
Et nous repondrons :
Que nous avonssenti, dans l’exposition des produits en orfevrerie et en
bijouterie franraise, se manifester une tendance qui est de tr^s-bon augure
pour l’avenir de notre industrie, c’estl’etude plus attentive, plus generale
des styles dont eile s’inspire chaque jour davantage, et nous avons pu
ccnstater l’influence de cette etude des beaux modeles, sur les creations
nouvelles que nous avons eu a examiner;
Que la meine influence se fait sentir dans l’orfevrerie de nos voisins
d’outre-Mandhe, et que les Anglais ont bien compris les heureux resultats
qu’elle pouvait donner, lorsqu’ils ont fonde leur beau musee de Kensington;
Que les produits en fer damasquine espagnols signalent encorela meine
tendance, car ils sont empreints d’un bon caractere;
Que la joaillerie autrichienne a fait de grands pas; nous l’avons deja dit
et nous le r^petons avec plaisir, on ne peut rever une plus jolie fabrication;
Que les Russes, tout en conservant a leur bijou sonjoli type national,
ont su en perfectionner la fabrication ;
Qu’enfin il faut noter de grands progres de main-d’ceuvre dans la bi -
jouterie courante fabriquee par l’Autriche et par l’Allemagne.
Voila le bilan de ces six ann^es, et nous avouons qu’il nous a surpris.
j\’ous ne croyions pas qu’en un espace de temps aussi restreint on püt
avoir a constater un r^sultat appr4ciable. Car, disons-le, les Expositions
universelles sont, a tort ou ä raison, tellement rapprochees les unes des
autres, qu’il faut que la marche de l’industrie humaine soit bien rapide
pour qu’on puisse en marquer les pas ä d’ausssi courts intervalles. Mais,
batons-nous de le dire, ces fetes industrielles, dont le but principal est de
faire connaitre et apprecier les effets du travail, deviennent causes a leur
tour, et nous leur devons certainement une grande partie des progres qui
s’accomplissent. Les nations, äces grands rendez-vous, sebicondent mutuel-
lement; elles y font en quelque sorte un behänge de leurs qualites, et eba-
cune d’ellespeut, dans la mesure deson temperament, s’assimiler les me-
rites de ses rivales.
II est vrai qu’on pourrait redouter de voir, a ces contacts, l’originalite
disparaitre, s’ils se faisaient sans intelligence. Mais, comme ils servent a
faire ressortir, ä mettre en grande dvidence, justement les choses belles
qu’il faut le plus admirer et les qualites qu’il importe de conserver et de
perp^tuer, nous ne supposons pas que ce sont celles-lii qui vont s’amoindrir.
OBJETS D’Ott ET D’ARG ENT.
389
il l'audrait que la France servit de modele pour le goiit, Je dessin et
rinvention, l’Autriche pour l’el^gance, la legerete et le fini, l’Anglelerre
pour la correction et la solidite.
11 l'audrait que les contrees qui ont eu le bonheur de conserverleur ca-
ractere national se gardassent bien de le negliger, mais qu’elles appor-
tassent’, au contraire, ä la fabrication de leurs bijoux tous les perfection-
nements dont leurs emules leur fournissent l’exemple, et vinsent augmenter
par la l’interet qu’elles inspirent deja.
II faudrait que la production du centre de l’Europe prit un peu plus
souci du soin de la forme, et que, par la contemplation de types cboisis,
eile apprlt a dislinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais. Cette connais-
sance, si eile l’acquerait, amenerait une heureuse transformation dont
tout le monde profiterait, car il n’en coüte pas plus pour fabriquer un
bijou sur un bon dessin que sur un mauvais.
Teiles sont les indications generales que nous croyons devoir donner
aux producteurs, dans l’interet de l’industrie que nous etudions.
11
DE L’INFLUENCE DE LA CONSOMMATION SUR LA PRODUCTION.
Nous sera-t-il permis maintenant de rechercher quelle influence exercc
la consommation sur la production. Nous ne parlerons pas des objets de
consommation courante, dans lesquels le consommateur recliercbe ceux qui
font le plus d’effet k meilleur march6, sans souci aucun du dessin et du
style, dont il n’aaucune connaissance. Il est d’ailleurs grandement maintenu
dans cette voie par le commerce et par la fabrique qui en tirent profit. Il
y aici complicite absolue entre la consommation et la production, et nous
ne voyons pas que l’^ducation artistique, qui seule pourrait faire naltre
d’autres besoins dans l’esprit des masses, soit a la veille de repandre sur
elles ses bienfaits.
Mais nous voulons parier des pieces de belle fabrication et de baut prix
destin^es a la parure des classes de la societe qu’on pourrait appeler diri •
geantes, en raison de Tinfluence que leur fortune et leur position les met
a merne d’exercer.
La mode des collections a captive outre rnesure Tattention des amateurs
riches. Il est resulle de cette admiration par trop exclusive des bijoux an-
ciens une sorte d’indifference ä Tendroit de la bijouterie moderne, qu’on
classe de parti pris, et sans se donner la peine de l’examiner de trop pres,
dans un ordre tres-inferieur.
On croit que nos ouvriers sont incapables de rion produire d’aussi
390
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
beau, d’aussi fin, d’aussi original que les anciens; on reprocbe a notre
epoque d’etre denuee de caractere et de style.
Nous albrmons qu’on commet lä une grande erreur; nous croyons
qu’on est generalement injuste envers eile.
Nous possedons des ouvriers fort intelligents, dont il serait faciie de
diriger l’habilete dans une voie plus elev^e; nous avons des artistes ca-
pables, portes par la force de leurs aspirations personnelles vers la reali-
sation du beau. Mais, helas! ils n’ont guere de chances d’utiliser leurs
talents qu’en pastichant habilement des pi&ces anciennes, qui s’en vont
augmenter les collections, forces qu’ils sont de sacrifier au gout du jour,
reduits d’ailleurs, parla ndcessite de vivre, a l’impuissance de lütter contre
un pareil courant. Car c’est presque toujours aux depens de son intdret
qu’on cultive l’art dans l’industrie, et l’homme qui acconiplit cet acte de
courage voit souvent ses efforts mdconnus, et reste spectateur de fortunes
que font, sous ses yeux, d’autres moins soucieux que lui du culte de l’arl.
II faudrail que ceux qui se devouent a cette täche ingrate fussent re-
cbercb^s et soutenus par des Mecenes intelligents, comprenant que l’amour
et le sentiment du beau ne sont pas choses passives qu’il suffit d’afficher,
mais qu’elles obligent, comme toute noblesse, celui qui les possede.
Nous ne nous dissimulons pas les p^rils de cette tache; nous savons que
les produits de l’art coutent eher, et qu’il faut que le temps ou la mode
en aient consacre la valeur pour que la foule les admire; nous savons
encore qu’on ferait quelques ecoles. Mais la tentative est digne d’etre ris-
qu£e, eile honorera ceux qui la feront, et nous nions, en tout cas, qu’on
puisse, sans l’avoir faite, juger notre epoque aussi sev^rement.
C’est donc presque une collaboration que nous demandons aux riches
amateurs, qui, exclusivement epris des iddes a la mode, se rendent
cn quclque Sorte complices d’une decadence dont ils croient avoir a se
plaindre et que nous nions. Qu’ils regardent autour d’eux et sans parti
preconcu, ils pourront reconnaitre la verite de nos paroles, en constatant
comme nous la realite des efforts qui se font dans l’industrie. Qu’ils
associent ä ces efforts, en achetant avec un gout eclaire; qu’ils reclier-
chent les belles choses seulement, qu’ils en provoquent la fabrication et
delaissent enfin le produit banal qui brille ä bon marche, ou celui qui
n’est qu’une enseigne de la richesse, et la France leur devra une part des
succiis qu’elle obtiendra dans les lüttes industrielles a venir.
\ PP ENDIGE.
II nous semble (juo les rapports successifs, faits a la suite des Exposition»
universelles, doivent avoir un licn entre eux et Former cn quelque sorte im
precis historique de l’industrie.
Le remarquable travail fait par les deux emincnts jures franpais,
MM. Fossin et Baugrand, sur {'Exposition de 1867, se lerminait par un
chapitre intitule : Vceux et obsereahons.
C’est pour y repondre que nous avons ouvert ce dernier paragraphe.
Les rapporteurs formaient ce voeu, que l’Administration franpaise sup-
primät les enlraves apportees au commerce par la loi qui regit nos ma-
tieres d’or et d’argent, et accordät l’autorisation de fabriquer a tous les
titres, pour Fexportalion seulement, avec des mesures destinees a protdger
le credit de Tor franpais ä l’exterieur et l’interet des consommateurs au
dedans.
Cette question a ete portee devant l’Assembl(5e nationale par voie de
petition; eile est actuellement a l’ordre du jour, et Ion peut supposer
qu’ellc va recevoir une solution conforme aux dtisirs exprimcs.
Une ecole professionnelle de dessin et de sculpture a ete fondee par la
Chambre syndicale de la bijouterie, de la joaillerie et de l’orfevrerie. Cette
ecole, qui repoit chaque soir plus de deux cents eleves, devcloppc, ainsi
([u’ils en exprimaient le desir, le sentiment de la ligne, de la forme et du
modele chez nos Futurs ouvriers bijoutiers.
Des concours professionnels onl et4 dtablis entre les apprentis bijoutiers
et joailliers, et des prix et des diplömes signalerontä l’attention les eleves
qui auront su se distinguer, de maniere ä preparer, ainsi que nous le dit
le rapport de 1867, de bons chefs d’atelier et m^rne d habiles chefs d eta-
blissement.
Conform^ment a leur desir encore, la Chambre syndicale a su em-
ployer toute son influence a faire respecter la proprietd des modeles,
chaque fois qu’elle en a trouve l’occasion.
Enfin une tentative a et6 faite pour organiser une caisse de retraite
pour les ouvriers de notre industrie. Des Statuts ont ete Mabores, qui de-
mandaient ä la fois des efforts et une enteilte commune entre les patrons
et les ouvriers. Ces Statuts, cncore conformes aux desirs exprimcs, asso-
ciaient volontairement les ouvriers aux produits de leurs travaux, et les
rendaient solidaires de la [irosperite de leur industrie, sans entamer en rien
392 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
le montant de leur salaire habituel, ni le droil de propriete des patrons.
Les ouvriers, croyant voir dans cette combinaison une ing^rence des pa -
trons dans leurs interels, ont refuse de s’y associer, et le projet n’a pu
recevoir son application. II serait ä dösirer qu’il fut repris avec plus de
bonheur.
ROUVENAT, FONTENAY.
BRONZE.
RAPPORT DE M. GUSTAVE DREYFUS,
ME MB RE DU JURY INTERNATIONAL.
Les dernieres expositions internationales ont toutes fourni aux fabricants
de bronze de Paris des occasions successives de demontrer l’etat prospere
de leur industrie et la superiorite de leurs produits sur ceux des autres na-
tions. A l’Exposition universelle de Paris en 1867, ce succes s’etait aflirrm$
d’une fatjon si absolue, que M. Barbcdienne, dansson rapport, si complet
d’ailleurs et si plein d’interessants details au point de vue technique comme
au point de vue artistique, n’hesitait pas ä ddclarer qu’il ressortait de
l’ensemble de l’Exposition que l’industrie du bronze n’dtait completement
exercee qu’en France. L’Exposition universelle de Vienne a demontn* toute
la justesse de cette appreciation. Nos fabricants de bronze n’ont pas seu-
lement maintenu leur superiorite : ds se sont trouves a Vienne presque
sans rivaux dans les autres pays, et y ont remporte une victoire complete.
Aussi le Jury international leur a-t-il g^nöreusement accorde un nombre
de r^compenses inusitd jusqu’alors, mais bien justifie par le m^rite de nos
exposants. La section C du groupe VII cornprenait soixante-treize exposants:
ils ont obtenu huit grands diplomes d’honneur, onze medailles de progres,
vingt-huit medailles de m^rite et vingt-trois diplömes de merite, sans
compter quarante-sept nnidailles nominatives pour les collaborateurs de
nos fabricants. En somine, nous avons eu soixante-dix exposants recom-
[icnses sur soixante-treize, ou plutot sur soixante-douze, puisqu’un de nos
exposants s’etait mis bors concours.
Les nScompenses obtenues par les fabricants des autres pays ont ete in-
finiment plus restreintes, aucune fabrique de ces pays n’ayant envoye
des produits de bronze artistique dignes d’entrer en concours avec les
notres.
L’Allejugne do Nord n’avail expose, pour ainsi dire, que des pelils
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
394
bronzes et quelques bronzes d’ameublement. Nous ne voyons a signaler que
l’exposition de la maison Ravene et Sussmann, de Berlin, qui fabriqueavec
soin des petits objets dans le genre viennois.
L’Aütriche a conserv^ sa superiorite pour les petits bronzes dores au
mat qui l’ont fait remarquer aux precedents concours internationaux. Les
maisons Hanüsch, Klein, Rodeck et beaucoup d’autres exposent de ces
garnitures de burcau, flambeaux, etc., d’un travail tres-soigne, mais qui
nepeuvent se comparer, au point de vue artistique, aux objels similaires de
nos fabriques.
L’Angleterre et 1’Amerique n’ont rien envoye, a l’exception de quelques
series de lampes, lustres et appareils a gaz tres-pratiques, mais laissant
loujours a desirer au point de vue de l’execution et du gout.
La Rüssie n’avail qu’un fabricant de quelque importance, un Francais,
Felix Chopin, dont les produits meritent d’etre signales.
LItälie, ou les artistes et les fabricanls ont sous les yeux de si adrni-
rables modeles, avait une exposition bien peu importante dans notre sec-
tion. Nous devons mentionner cependant les produits de quelques nouvelles
fabriques de Vcnise, notamment ceux de Giuseppe Michcli, dont les cande-
labres et autres objets du style de la renaissance italienne ont obtenu un
legitime succes.
Le Japon esl le seul pays dont l’exposition fut veritablement remar-
quable et indiquät un progres surprenant. C’est la premiere fois, on peut
lc dire, que cette nation presente d’une maniere un peu complcte ses
produits ä un de nos concours internationaux. L’exposition des bronzes ja-
ponais etait considerable, et, apres celle de Ia France, c’esl eile qui a obtenu
le succes le plus eclatant. Ce n’etait pas, comme precedemment, une expo-
silion collective, mais bien une Serie d’expositions de fabricants de diffe -
rentes villes du Japon, dont les produits, tous a peu pres analogues comme
modeles, se distinguaient les uns des aulres par des proced^s differents et
interessants a divers titres. Ce sont principalement des vases ou des brule-
parfums, de forrnes souvent baroques, d’un travail toujours remarquable;
quelquefois aussi des cbimeres, des animaux, des figurines. Tous ces
bronzes sont fabriques avec habilete; les uns fondus a cire perdue, les
autres ciseles avec la plus grande finesse, ou incrusles d’or et d’argent,
d autres enfin copies sur des modeles anciens avec une incomparablc exac-
BRONZE.
395
titude. La beaute de la patine de ces bronzes mdrile egalement d’etre si-
gnalee; les fabricants japonais arrivent a varier ä l’infini le ton de leurs
pieces, depuis le jaune pale ä taches d’or jusqu’au noir le plus intense. Nos
fabricants pourraient, avec avantage, etudier leurs procMes a cet egard et
chercher ä se les approprier.
Ensomme, le Jury international a constatd une fois de plus, ä Vienne, la
superioritd absolue des bronzes franfais et le verilable monopole quc la
fabrique de Paris exerce par ses fournitures de bronzes d’art au monde
entier. Au surplus, les progres de cette industrie, les soins que tous nos
fabricants apportent au constant perfectionnement de leurs productions
eclataient aux yeux de tous dans les belles galeries de notre section a
Vienne.
La maison Barbedienne s’etait surpassöe. En dehors de ses riches col-
lections de reproductions d’apr^s les maitres anciens et modernes, ex&utees
toujours avec le ineme soin, et de tous les produits qui ont fait la reputation
de cette maison, eile exposait de magnifiques copies de grandeur naturelle
de la belle statue d’Auguste (du Vatican) et du Prisonnier de Michel-Ange
(du Louvre), de grands vases ornes de bas-reliefs que des frottis d’or
obtenus par un procedd nouveau rendaient d’une extreme delicatesse,
six grandes cbemin^es enrichies de bronzes, d’dmaux, etc., des coupes et
un colfret incrustds d’or et d’argent du gout le plus pur, et tant d’autres
objets dont l’enumeration serait trop longue.
La maison Thiebaelt et fds exposait une serie importante de statues
fondues avec le plus grand soin d’apres les modeles de nos sculpteurs les
plus illustres.
M. Deniere, qui s’dtait mis hors concours, avait une fort belle rdunion
de ses produits que le Jury a regrette de ne pouvoir recompenser.
Toutes nos grandes fabriques de bronze avaient envoyd des produits qui
temoignaient de leurs efforts incessants vers le progres; citons entre autres:
MM. Servant,Marchand, Cornu, Romain, pour les bronzes d’art et de haut
gout; MM. Graux, Perrot, Raingo, Paillard, Houdebine, Lemaire, Royer,
Peyrol, Bagues, etc., pour les objets de decoration et d’ameublement;
MM. Gagneau freres, Scblossmacher et fds, Lacarriere freres, etc., pour
les lampes et appareils d’^clairage; MM. Morisot, Clavier, etc., pour les
cbenels et garnitures de foyers, et tant d’autres dont les noms devraient
dtre cites, car tous avaient des series d’objets interessants, et concouraient
a l’eclat du bol ensemble des bronzes francais.
396
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Le zinc d’art n’a pas eu ä Vienne un moindre succes que le bronze. II
est vrai que cette branche de notre industrie a fait des progres conside-
rables. Les modeles quelle met, a des prix si modestes, ä la disposition des
petites bourses, sont devenus de vEritables objets d’art, gräce aux soins
et aux perfectionnements apportes a leur fabrication. Les maisons Blot et
Drouard, Ranvier et C' e , doivent etre citees principalement.
Pour la fonte de fer, la France a su conserver la premiere place entre
toutes les nations reprEsentEes ä Vienne, gräce aux belles productions de
Retablissement du Val-d’Osne, et surtout de la maison Dcrenne, qui avait
londu la belle Fontaine decorant le centre de la gründe rotonde du palais
de l’Exposition.
]\ous avons egalementä signalerle nouveau succes de la maison Monduit,
Bechet et C“, pour ses travaux en plomberie et cuivrerie d’art, qui font en
un Etablissement special et unique en Europe.
N’oublions pas de mentionner MM. Christotle et C io , dont notre section
a examine des bronzes incrustEs d’or et d’argent, d’un travail tout ä fait
remarquable.
Notre section contenait encore le cuivre larninE, les cuivres et zincs
estampEs ou decoupEs. Dans chacune de ces Industries, la France Etail
tres-dignement reprEsentEe. L’imporlante usine de MM. Laveissiere et fils
se distinguait notamment par une superbe exposition de ses produits en
cuivre et plomb laminEs, etc., et a obtenu le succes le plus legitime.
Cette enumEration sommaire suffit ä dEmontrer combien grands ont ElE
les efforts des exposants de la section C du groupc VII pour reprEsenter la
trance a Vienne avec un Eclat inusitE, combien leur rEussite a EtE com-
plete, et combien ils Etaient dignes des nombreuses rEcompcnses que le Jury
international leur a dEcernEes.
Gustave DREYFUS.
III
ARMES DE TOUTES SORTES,
A L’EXCEPTION DES ARMES DE GUERRE.
R A P P 0 I\ T D E M. GASTINNE-RENETTE,
MEMBRE DU JURY INTERNATIONAL.
INTRODUCTION.
Pour la premiere fois, les armes de guerre se trouvent separecs, a l’Expo-
sition universelle de Vienne, des armes de luxe soumises a l’examen dujury.
Gette distinction nous genera quelque peu, car il nous sera difficile de
ne pas sortir du cadre qui nous est assignd et de ne pas empieter acci-
dentellement sur le domaine de l’art militaire. Qu’il les applique a l’at—
taque de ses semblables ou a sa defense contre eux, qu’il les fasse ser-
vir a ses plaisirs ou aux necessites de sa vie en les employant a la
chasse, J’homme, a toutes les epoques, n’a pas etabli de difference sen -
sible entre les armes qu’il portait.
Depuis la dticouverte de la poudre ä canon, nous voyons en effet les
inventions en armes portatives s’appliquer indifferemment aux armes de
rhasse et aux armes de guerre, et passer d’un usage a l’autrc presque sans
modification.
Disons meme que, des nouvelles armes de guerre dont l’apparition inat-
tendue a brusquement d^plac^ la Suprematie militaire, la plupart ont £t<5
imaginees ou indiqu^es par des armuriers civils ou des inventeurs souvent
(Strangers aux armees.
HISTORIQUE DES ARMES Ä FEU PORTATIVES.
Les propriet^s explosives de la poudre ä canon, utilisdes d’abord par
les Anglais vers i 35o pour l’artillerie, n’ont ete mises a profit que tres-
longtemps apres da ns les armes portatives.
A l’epoque de ces premieres applications, l’irnperterlion de la fabricntion
398
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
de la poudre, jointe aux faibles ressources de la Science mecaniquc, ne per-
mirent qu’apres bien des essais infructueux d’arriver ä construire une arme
facilement transportable, dont les effets fussent seulement comparables ä
ceux de l’arc et de l’arbalete.
L’histoire nous a conserve des recits exageres peut-etre, mais qui te-
moignent neanmoins de la prdcision en meme temps que de la puissance
de projection qu’obtenaient jadis avec ces armes les guerriers et les chas-
seurs. Une legende anglaise, entre autres, rapporte que, en pr^sence du
roi Edouard IV, Robin Hood fendit d’un coup de lieche une baguette de
coudrier placee a une grande distance. Un autre archer, non moins re-
nomm4, Cloudesdale, apres avoir rep^te le meme tour d’adresse, enleva
a cent vingt pas une pomme placee sur la tete de son enfant.
Carew dit, en parlant del’habiletd des archers du Cornouailles : «Pour
le tir aux grandes distances, leurs fleches avaient une aune de long et
leurs buts dtaient a 48o yards; quant a leur force de p^netration, eiles
percaient une armure ordinaire.»
On congoit, d’apr&s ces exemples, avec quelle lenteur se g^neralisa
l’emploi d’armes dont la detonation effrayait le gibier et dont l’usage lais-
sait infiniment a desirer.
L’apparition authentique a la guerre des armes portatives ne remonte
pas au dela des dernieres anndes du xiv e siede. Ou employait alors des
armes d’un poids excessif langant parfois des projectiles de buit ä dix a la
livre et dont la charge s’enflammait au moyen d’une meche qu’on appro-
chait de l’amorce. Cette disposition, bonne uniquement pour tirer sur un
but immobile ou sur une masse d’individus, etait absolument imprati-
cable a la chasse.
L’invention de la platine a rouet a Nuremberg, en i5iy, permit de
faire emploi de l’arquebuse pour tirer un but mobile dans loute direction
verticale ou horizontale, sans avoir a redouter les ratds caus^spar la pluic
ou le vent.
Peu ä peu son usage se r^pandit dans les armdes, et, de 14, fut ap-
plique aux besoins de la chasse.
L’arquebuse ne langait qu’une seule balle, et ne pouvait ainsi servir
qu’a la destruction des grands animaux. Ce fut surtout l’invention du
plomb de chasse en Italie, c’est-a-dire l’id^e de remplacer le projectile
unique par une quantite de petits grains, qui fit adopter le fusil pour la
chasse. Ces grains sont obtenus par ia solidification des gouttelettes du
plomb fondu vers4 d’une grande hauteur dans de l’eau froide. Ils sont
ensuite pass^s dans une s<irie de cribles, qui les assortissent de grossem’
pour le tir des diverses especes de gibier.
ARMES DE TOUTES SORTES. 399
La platine a rouet, imaginee en Allemagne, faisait produire, par le
frottement rapide d’une roue dentee surune pierre, une s4rie d’^tincelles
enflammant l’amorce. Son usage etait peu rapide et peu commode; mian-
moins les armes Etaient des lors arrivees ä un degre de perfection rela -
tive.
L’invention de la rayurc en spirale, egalement due ä un Alleinand,
Gaspard Zellner, avait permis de faire de l’arquebuse une arme de preci-
sion, et dejä les grands seigneurs tenaient a honneur de posseder de riches
arquebuses magnifiquement decorees et sign6es des artisans les plus ce-
lebres.
Les Espagnols et les Allemands etaient fort habiles dans la fabrication
des arquebuses 4 rouet; quelques splendides specimens en restent dans
les musees. La decoration exterieure de ces armes etait egalement fort re-
marquable.
La platine ä miquelet, d’invention espagnole, faisait battre une pierre
de silex contre une plaque de fer doux, et produisait ainsi des etincelles.
remplagant de la sorte la friction du rouet. La plaque de fer, en s’abattant,
ddicouvrait un bassinet contenant l’amorce, sur laquelle tombaient alors
les etincelles. Ge mecanisme supprimait les principaux inconvenients du
rouet; aussi fut-il rapidement employe de preference a celui-ci. Une mo-
dification complementaire de la platine a miquelet cnia la platine fran-
gaise ä pierre, qui a la fin du regne de Louis XIV ötait universellement
repandue.
La vogue qu’avaient eue jusqu’a la fin du xvii 0 siede les armes espa-
gnoles et allemandes s’etend alors egalement vers les armes frangaises.
Les fusils de chasse du temps de Louis XV etaient fails par les armu-
riers de Paris, au point de vue de l’entente du mecanisme et du luxe
d’ornementation, avec une perfection qn’on ne dApasse guere aujourd’bui.
Ils etaient encore a un seul canon; c’est vers 1740 seulement qu’on eut
l’idee, qu’on trouva le moyen pratique de reunir deux canons horizonta -
lement et de faire successivement partir les deux coups par l’action de deux
platines placees de chaque cöt^ de la monture.
Des essais avaient eu lieu anterieurement pour reunir les deux tubes au
moyen de vis ou de goupilles, mais c’est a Le Clere, canonnier frangais,
([ue revient le merite de les avoir le premier soudes ensemble.
L’arquebuserie francaise arrivait alors a sa plus brillante periode. Le roi
Louis XVI, chasseur passionne, encourageail les artistes de son temps, et
les armes a pierre, qu’on croyait alors le dernier mot du progres, acque-
raient cette grace de formes, cette marcbc parfaite que nos modernes
decouvertes ne sauraienl nous empecber de reconnaitre.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
600
Lamanufacture de Versailles, dont le chef signait fierement: Rßoutet,
directeur artiste,» produisit jusqu’en i8i5 de reels chefs-d’ceuvre. Tou-
tefois le luxe exterieur des armes commengait ä diminuer, les garnitures
en or et en argent des fusils Louis XV et Louis XVI Etaient remplacees par
des pieces de fer, plus solides sans doute, mais sur lesquelles l’artiste de-
corateur n’avait plus le champ aussi libre.
Avec la Restauration commenga, sur le continent, la vogue des armes
anglaises. Les Anglais, chez qui le plaisir de la chasse atoujours EtEfort en
honneur, ont EtE de tous temps d’une extreme habiletE dans le maniement
du fusil. Ils avaient dEjd a cette Epoque des armuriers justement celebres,
J. Manton entre autres, dont les armes ä pierre avaient une rapidilE d’in-
flammalion rEellement extraordinaire.
La propriEtE qu’ont certains oxydes mEtalliques de detonner sous le
clioc d’un corps dur avait EtE signalEe depuis quelque temps par les chi-
mistes; mais l’obscurite qui regnait sur la matiere et le danger inherent ä
cette fabrication empecherent de mettre ä probt cette importante dEcou-
verte. Ce ne fut qu’en 180g qu’on songea a faire l’application des poudres
fulminantes aux armes a feu.
L’honneur d’une pareille invention est revendique par plusieurs et dans
des pays differents. II parait neanmoins ä peu pres certain quelle est duc
ä un Anglais, M. Forsytb. Toutefois il ne donnait guere qu’une indication;
il montrait seulement la voie, et la perfection ne fut atteinte que par l’in-
vention de la capsule de cuivre.
Le debat ne fut pas moins vif pour la priorite de cette innovation que
pour la d^couverte meine de la percussion des fulminates. il peut se faire,
en raison des Evenements politiques d’alors, que des recherches poursui-
vies en meme temps en France et en Angleterre aient amenE des inven-
teurs, qui s’ignoraient, a des rEsultats analogues. La priorite parait devoir
cette fois encore appartenir a l’Angleterre.
La suretE et plus encore la rapiditE de l’inflammation des charges s’ac-
crurent considErablement avec la capsule de cuivre. Gräce k ce nouveau
procEdE d’amorgage, les armes se chargeant par la bouche atteignirent un
nouveau degrE de perfection et un maximum d’ell’ets qui ne semblent pas
devoir etre surpassEs.
Les premiers essais importants realisant, dans les armes de chasse, le
principe du chargement par la culasse, furent tentes en France par l’ar-
murier Paulv, dont les fusils Etaient assez ronnus sous le regne de
Charles X.
Lefaucheux, apres avoir perfectionne le Systeme Pauly, crEa lui-meme,
vers i 83 9 . une arme de nouvelle construclion, dont le canon en basculant
ARMES DE TOUTES SORTES. 401
devenait tres-facile a charger. Vers la meme ^poque fut imagine le fusil
Robert, variet£ du fusil Pauly.
La nouvelle arme de Lefaucheux, qui depassa bientot ses rivaux, laissa
beaucoup a desirer jusqu’A la cr^ation d’une cartouche a culot de cuivre,
munie d’une broche percutant sous le cboc du cbien, sur une capsule
int£rieure.
Ce principe de chargement, une fois r^pandu, regut de toutes parts en
France de notables perfectionnements. Les details memes de la construc-
tion des cartouches furent 4tüdies et ameliores avec pers^v^rance. Enfin,
apres bien des essais, bien des experiences, le fusil a bascule put, sans
trop de desavantages, £tre compar6 dans ses elfets au fusil ä baguette.
Le type de la cartouche Lefaucheux avait <ite bientot reconnu comme
necessitant une modification. La saillie exterieure de la broche, cause
d’embarras et de dangers dans les transports, fut supprimee, et l’on amorca
la cartouche au centre.
Le premier fusil conslruit pour eette nouvelle cartouche dato de i8/i3.
II fut imagine encore par un Frangais, M. Delaire; c’est a 1 ui qu’on doit
en realite l’invention des fusils ä percussion centrale et de leurs cartouches.
Le fusil a charger par la culasse continua a se perfectionner en France
et a se repandre sur le continent. Son adoplion cn Angleterre fut singu-
lierement retardee, peut-etre par des prejuges contraires a une invention
etrangere, mais surtout par une certaine inferiorite du tir des armes a
cartouches vis-a-vis des fusils se cbargeant par la bouche. Depuis quinze
ans cependant, le fusil a charger par la culasse, particulierement ä per -
cussion centrale, a pris droit de eite en Angleterre. Les modeles franfais
y ont subi de grandes et stirieuses modifications. Le nombre aussi bien
que la variete des systemes imagines par les armuriers du Royaume-Uni
cl^passe m6me, croyons-nous, celui qu’a cree l’arquebuserie frangaise
dans une periode de temps correspondante.
Appcles a juger les dernieres Creations du jour a l’Exposition interna -
tionale de Vienne, nous avons cru de quelque int^ret de rappeier, par cetto
rapide revue historique, la part qu’ont eue l’Allemagne, l’Anglelerre, la
France et les autres contrees dans les perfectionnements des armes a feu,
notamment du fusil.
Nous avons donc vu l’Angleterre se servir, la premiere, de Fartillerie au
moyen age, et appliquer, la premiere, au commencement du xix c si^cle, le
principe de la percussion des fulminates aux armes a feu;
L’Allemagne inventer les premiers nnicanismes d’inflammation ä rouet
et la rayure des canons de carabines;
L’Espagne trouver la premiere platine a silex et a batterie ;
26
II.
uh
40-2 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
L’Ilalie fabriquer leplomb de chasse;
Enfin la France perfectionner la platine a silex et imaginer presque
toutes les armes de chasse modernes se chargeant par la culasse, ou du
moins en creer les principaux el^ments.
L’Angleterre a r^alis^ le premier et le plus important des progres
qu’aient subis les armes portatives dans ce siede : l’application de la cap -
sule fulminante.
De son cote, la France peut revendiquer sa part des perfectionnements
modernes, car l’arme de chasse se chargeant par la culasse est sortie com-
plete de ses mains. L’Angleterre n’a pu, apres eile, que parfaire l’oeuvre
deja produite, par l’habiletd incontestable de ses fabricants et les judi-
cieuses modifications que reclamait le gout eclaire des sportsmen anglais.
ETAT AGTDEL DE LA FABRICATION DES ARMES
DANS LES MFFERKNTS PAYS.
1 . ARMES DE CHASSE.
Depuis le commencement du siede, les autres nations nous semblent
s’effacer devant la France et l’Angleterre au point de vue de la rapidite
des progres accomplis dans ces deux pays.
L’Allemagne a toujours eu cependant ses faiseurs renommes; mais, a
part l’application a la chasse du Systeme a aiguille prussien , qui eut dans
l’Allemagne du Nord un certain succ&s, les modeles allemands n’ont fait
que suivre, en les imitant plusou moins compldement, les armes anglaises
ou francaises.
Avant les evenements de 1870, la plupart des ouvriers habiles de
l’Allemagne venaient du reste chercher dans les ateliers frangais la conse-
cration de leur talent, et y puiser le gout de l’degance et de l’art de bien
faire.
L’Autriche possede a Vienne, a Prague, a Pesth et en Styrie des ate -
liers importants, et ses produits sont justement estimes dans l’Europe
orientale.
La ville de Lidge, francaise pendant longtemps, fait aujourd hui de la
I5elgi(jue un centre remarquahle et florissant de production. Toutefois le
marche principal de ses fabriques ayant tSte et restant encore la France,
c’est le gout francais qui predomine dans leurs travaux.
Les armes italiennes et espagnoles ont singulierement perdu de leur
i
ARMES L)E TOUTES SORTES.
A03
originalitd depuis le dernier siede. Les produits de Liege et de Birmingham
ont notamment envahi l’Italie au point d’y aneantir ä peil de chose pres
l’industrie nationale.
Quant ä l’Espagne, le travail des armes a feu y est encore en honneur
dans certaines localit^s, mais les produits indigenes ne se recommandent
guere que par un extreme bon marche. L’art de la decoration des armes,
particulierement par la damasquine, est cependant pouss£ tres-loin en
Espagne; le proced^ est surtout de tradition a la manufacture de Tolede.
La fabrication des armes de chasse est donc a peu pres exclusivement
partagee entre l’Angleterre, la France, la Belgique, l’Autriche et l’Alle-
?nagne.
2. ARMES DE Till.
Les armes destinees a tirer ä balle, pistolets et carabines, appartiennent
a notre section comme armes de luxe. (fest ä l’Allemagne du Sud et ä la
Suisse que doit et re accordee depuis une date fort recul«ie la Suprematie
dans ce genre de fabrication au point de vue de la prdcision. L’exercice du
tir, plaisir essentiellement national dans ces contrties, favorisa particulie -
rement les progres des armuriers. Les carabines suisses avaient une reputa-
tion incontestable et meritee; malheureusement ces armes, construites le
plus souvent pour le tir ä la cible, dit de stand, etaient d’un poids telle -
ment exagere et de formes si bizarres, qu’elles etaient peu goutees dans
les pays ou la carabine sert plus fr^quemment k la chasse. Les armes tyro-
liennes deslindes au tir des chamois dtaient plus acceptahles de propor-
tions.
Depuis quelques annees cependant, une grande transformation s’est
faite en Suisse dans le caractere des armes de tir. L’adoption du fusil se
chargeant par la culasse pour l’armde feddrale, les sacrifices enormes
devant lesquels n’a pas recule la Confdddration pour donner au tir de son
Infanterie le maximum de rapidite et de prdcision, ont fait ramener l’arme
des vieux carabiniers a des conditions plus raisonnables de poids et de sim-
plicite de formes. Les carabines de tir fabriquees actuellement en Suisse,
sans perdre leurs anciens avantages de precision, abandonnent un peu,
non sans profit, leur ancien caractere.
Le tir aux grandes distances est egalement mis en grand honneur dans
les corps de volontaires anglais. Les armes de guerre ont particulierement
profite des «Müdes qui s’y raltachent; mais quelques modeles d’une admi-
rable perfection appartiennent beaucoup plus cependant aux armes de
luxe. Une nouvelle combinaison a permis de creer des carabines dites
express rifles, dont la vitesse initiale est vraiment surprenante et dont les
•!f).
/i04 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
projectiles, bien que de faible diametre, sont doues dune teile penetra-
tion, qu’ils peuvent foudroyer les plus grands animaux.
La carabine est fort employee en Autriche et en Hongrie pour le tir des
cerfs et des sangliers. Les armuriers autrichiens font <%alement ces armes
avec une grande perfection.
La France et la Belgique fabriquent aussi pour leurs cbasseurs ou
l’exportation, particuli&rement ä destination de Russie, des carabincs a
double canon d’un usage tres-avantageux pour les voyages loinlains et la
grande cbasse.
Une sp^cialite frangaise est la carabine de venerie, dont on fait usage
pour servir le cerf et le sanglier apres les avoir forces ä courre. Les tradi—
tions de la vieille venerie francaise s’opposent, commc une derogation,
ä cet emploi des armes ä feu; mais la difficulte de remonter aujourd’hui
les equipages et le prix fort (ileve auquel revient une bonne meute ont
oblige, pour sauver de braves animaux, a compter quelquefois sur autre
cliose que le couteau de cbasse.
3. PISTOLETS DE TIR.
Les pistolets sont d’invention italienne, mais le temps est loin ou les
fabriques de la Peninsule (itaient, pour ce genre d’armes, seules en repu-
tation.
Les reitres allemands ont fait, les premiers, usage des pistolets a la
guerre; aujourd’hui le revolver est presque exclusivement employe.
II ne nous reste donc qu a parier du pistolet de tir, dont la fabrication
est restde presque exclusivement francaise ou allemande. Les pistolets
allemands, autrichiens surtout, sont fort bien faits et dune irreprochable
prikision; mais les armes franfaiscs l’emportent sur leurs rivales au point
de vue de l’iilegance des formes et de la facilit<5 du maniement. Certains
specimens präsentes a 1 Exposition rappellent les plus belles (ipoques de la
fabrication de luxe des xvi e et xvm e siecles.
k. ARMES BLANCHES.
Nous avons peu de chose a dire des armes blanches, qui ne sont de notre
ressort qu a 1 etal de couteaux de chasse ou d’armes de luxe. La fabrication
la plus remarquable est sans contredit celle de Solingen, en Prusse. Toute-
fois il est juste de parier des magnifiques lames decorees de Tolede et des
damas merveilleux des Indes, de Perse, de Circassie et surtout de Turquie.
ÜHHHIlHHHMHnHÜHHM
ARMES DE TOUTES SORTES. 405
PRODUITS EXPOSES.
EMPIRE D’ALLEMAGNE, PRUSSE, BAV1ERE, ETC.
L’Allemagne centrale poss£de un assez grand nombre d’habiles arque-
busiers, dont les etablissements sont pourtant en general d’assez me-
diocre importance. Leur faible production est rachetde toutefois par le
sein particulier et 1’attention reelle qu’ils donnent ä la perfection du tir
des armes qui sortent de leurs mains.
L’armurier allemand jouit encore, souvent avec justice, de la consi-
deration qu’on accordait aux meister du moyen age; ses connaissances
sont assez etendues dans les differentes branches de l’induslrie, a cause
de la diversite des travaux qu’il doit executer loin des grandes villes de
fabrique. En general, l’apprenlissage en Allemagne est plus complet que
dans les autres pays; aussi les ouvriers d’outre-Rhin trouvaient-ils autre-
fois bon accueil dans les ateliers franjais ou liegeois, ou ils se perfection-
naient rapidement et rendaient de grands Services.
L’exposilion prussienne en armes de chasse n’est pas aussi brillante
que la prosperite du pays et l’importance des fabriques de Suhl et de
Solingen le feraient supposer. Les fusils presentes se recommandent plutöt
par une bonne et solide construction que par l’elegance, la legerete et la
commodite des mecanismcs adoptes.
La fabrication des armes blanches, au contraire, atteint en Prusse un
degre de perfection auquel nul autre pays ne peut pretendre. Cette indus-
trie est principalement du ressort du seizieme groupe; mais, commc nous
avons a mentionner les fourbisseurs qui montent avec luxe les lames fines
de Solingen, nous avons voulu proclamer l’exceptionnelle superiorite de
ces produits.
EXPOSANTS RECOMPENSES.
N° 3oi. H. Rarella, Berlin.— Medaille de mei'ile.
N° 3o2. G. Teschner et C‘°, Francfort-sur-TOder.— Mention honorable.
N° 3o3. H. Leue et Tihpe, a Berlin. — Armes de systfemes varie's et de bonne fabri -
cation. — Medaille de progres.
3oG. Goldberger, ä Breslau. — Systemes divers de percussion centrale. — Me -
daille de progres.
N° 312. Jon. Strobelberger, a Munich. — Beiles montures d’armes blanches. —
Medaille de mdrite.
N" 313. Krauss, a Munich. — Armes blanches, — Mention honorable.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
/in«
N” 31 5. T. Stiegele. J. R. Munich. — Armes riches et de bon gerat. — Mddaille de
progres.
N° 318. Carl Schönamsgruber, a Nuremberg. — Mention honorable.
N° 320. Fischer et Sohn, ä Lübeck. — Armes de tres-bonne fabrication. — Medaille
de progres.
ANGLETERRE.
L’Angleterre est faiblement representee a l’Exposition de Vienne. L’ab-
sence d’un certain nombre d’armuriers celebres de Londres et de Birming -
ham s’y fait remarquer et regretter. Toulefois, ceux qui sont venus sou-
mettre leurs produits ä l’examen du Jury meritent detre tres-honorablement
mentionnes.
Les armes anglaises se distinguent toujours par une confection irrdpro-
chable, par l’elegante simplicite et le fini du travail. La plupart des fusils
se ebargeant par la culasse exposes sont munis d’un appareil de suretd,
produit par la seule construction des platines. Nous voulons parier de la
platine rebondissante, dont le chien se releve de lui-merne au premier
cran apres la percussion. Gette invention anglaise est adoptee dans presque
tous les autres pays.
EXPOSANTS RECOMPENSKS PAIi LE JURV.
N" 3i2. A. Lancaster, ä Londres. — Fusil ä percussion centrale, travail tres-soigne.
— Medaille de progr&s.
N” 313. Al. Henry, ä Edimbourg. — Armes de tir perfectionndes. — Medaille de
mdrite.
N“ 3i4. J. D. Dodgall. — Mention honorable.
N° 3ao. T. Murcott, ii Londres.— Medaille de merite.
N° 607. Fley freres, a Londres. — Fabrique universellement renommee pour la
bonne confection des carlouches, capsules et munitions de chasse. — Me -
daille de progrds.
N° O62. P. Webley and sons. — Repre'sentent seuls, inais avec honneur, l industrie
de Birmingham.— Medaille de progres.
AUTRICHE-HONGRIE.
L’exposition austrodiongroise esl tres-importanle, a la fois par le nombre
et la variete des armes presentdes.
Certains fabricants de Prague et de Vienne se font remarquer par le
bon gout qui prdside a rornementation de leurs produits en meine temps
que par les soins donnes au travail. Les carabines de chasse et de tir sont
particulierement a citer.
ARMES DE TO UTES SORTES.
407
EXPOSANTS RECOMPENSES PAR LE .TURV.
N” 4/19. Ferlacher, Waffenfabrik-Genossenschaft in Kärnthen. — Annes ä bon
marchd. — Mention honorable.
IN 0 451. Jon. M. Erhärt, a Marburg (Styrie). — Fusils et carabines ä percussion
centrale, bonne fabrication. — Medaille de merite.
N” 45a. Joh. Fückert. — Mention honorable.
N° 453. Güst. Fückert. — Mention honorable.
N° 454. Leopold Gasser, ä Vienne. — Fabrique de revolvers pour le Gouvernement.
— Medaille de progres.
N° 459. Joh. Kaleski. — Trüs-bonne frabrication. — Medaille de merite.
IN” 461. Lebeda et tils, a Prague. — Belle collection d’armes. Fabrication irrdprochable
et du meiileur gout. — Medaille de progres.
N° 463. Stefan Mann, ä Vienne. — Bonne fabrication. — Medaille de merite.
N° 464. Wenzel Masciiek.— Bonne fabrication. — Medaille de merite.
N° 465. Anton Mulacz. — Systeme ingenieux de carabines et de lusils. Bonne fabri -
cation. — Medaille de progres.
N° 466. J. Nowotny, a Prague.— Armes de bon gout et de bonne tabricalion. — Me -
daille de merite.
N° 468. J. Peterlongo, ä Innsbruck. — Medaille de nicTite.
N° 47g. Carl Spiegel, ä Tescben. — Medaille de mdrite.
N° 48o. J. Springer , ä Vienne. — Fabrique importante d armes de cliasse, bon travail,
armes de bon gout. — Me'daille de progres.
N° 485. Umfahrer, a Klagenfurt. — Fabrique de fusils et de canons de fusil. Me -
daille bonorable.
N° 486. La Societe autrichienne pour In fabrication des armes de guerre et de chasse,
dirigee par M. Werndl, expose une belle coilection de carabines du
svstenie adopte par le Gouvernement; mais M. Werndl se trouve rrhors
concours,» comme membre dujury.
N° 4go. Sellier et Belot, a Prague. — Cartouches et amorces, produits justement
rcnommes en Allemagne. — Medaille de progres.
N“ 618. Zboril, au Semmering. — Cartouches. — Medaille de merite.
N° 1 015. Franz Thiell’s, neveu. — Armes blanches tres-älegammenl montees. — Me -
daille de merite.
J. R. Rielzner, ä Neudeck. — Carabines nouveau Systeme. — Mention lioiio-
rable.
EXPOSANTS HONGROIS.
J. Kirner, a Pesth. — Armes de precision, tres-bonne fabrication. — Me -
daille de progres.
408
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Berger, ä Tyrnau.— Medaille de merite.
Hrazdil. ä Szegedin.— Mention honorabie.
Kadletz, a Gran. — Medaille de merite.
BELGIQUE.
II est profondement regettable que les fabricants de Lidge se soient
abstenus de figurer a I’Exposition de Vienne. Peut-4tre ont-ils dte arretes
par des preoccupalions commerciales, FAllemagne et I’Autricbe dtant de-
venues, aux ddpens de leurs propres manufactures, un marchd des plus
avantageux pour les armes beiges.
Les progres accomplis et Croissants cbaquejour de l’industrie liegeoise,
particulierement dans les armes fines, eussent 6te fort interessants ä
constater en les comparant ä ceux de l’AUemagne, de l’Angleterre et de
la France.
EXPOSANT RECOMPENSE.
Une seule rnaison de Liege, dirigee par MM. Bayet freres, figure ä
l’Exposition universelle. Autant pour rdcompenser le merite des dchan-
tillons qu’elle presente que pour reconnaitre l’importance des fabriques
d’armes liegeoises, le Jury lui a decenM une medaille de progres.
ESPAGNE.
Les armuriers espagnols n’ont en armes a feu, ä l’Exposition univer -
selle, que des dchantillons assez peu dignes de remarque.
Quant aux armes Manches, les produits de la manufaclure de Tolede
soutiennent leur antique renommee. Les pieees exposees sont admirables
de decoration et meritent de figurer dans les collections artistiques aupres
des plus heiles productions du genre.
EXPOSANTS RECOMPEXSES.
C. Avecileo, a Tolede. — Armes d’art. — Me'daille de mdrite.
N° li. Ybarzabal.— Armes de chasse ornemente'es. — Mention honorabie.
N° 9. a. Solvevula, a Madrid. — Artiste de'corateur ä la manufacture de Tolede. —
Mddaille de bon gout.
N° a3. Padilla. h Madrid. — Belle arquebuse richement ornementee. — Mention
honorabie. — Medaille de Cooperation ä Üiomsio Martinez , de la manufac -
ture de Tolede.
ETATS-UNIS D’AMERIQUE.
Les Etats-Unis d’Amerique exposent surtout des armes de guerrc. A
ARMES DE TOUTES SORTES. 409
l’exception de quelques modeles de revolvers richement decores, nous
n’aurions pas ä nous en occuper. Disons toutefois que la fabrication me-
canique des revolvers de poche, de ceinture et d’arcon, atteint dans les
manufactures americaines le plus haut degrö de perfection. Cette Organi -
sation du travail pennet, en repetant a l’infini le meine modele, de donner
ä des prix raisonnables des armes fort hien construites.
EXPOSANTS RECOMPENSES.
N° 574. Colt. — Vulgarisation du rdvolver; son Systeme a eu, äl’origine de farme, un
succfe justifid. — Medaille de merito.
N° 575. Smith et Wesson. — Systeme de revolver tres-rdpandu et parfaitement fabriqud
mdcaniquement. Beaux echantillons richement ornes. — Medaille de progres.
FRANCE ET ALGERIE.
Les malheureux dvenements dont la France a ete le thdätre n’ont pas
permis ä l’arquebuSerie francaise de figurer ä Vienne avec autant d’eclat
qu’elle l’eut fait dans de meilleures circonstances.
On voit cependant par les produits exposds que la fabrication pari-
sienne, en parliculier, a conserve ses traditions de luxe et de bon gout et
qu’elle est en progres cons'tants.
Les industriels de la ville de Saint-Etienne, centre le plus important
de la production des armes en France, ont malheureusement suivi
l’exemple de ceux de Liege, en s’abstenant de figurer en nombre a l’Expo-
sition de Vienne.
Les trois maisons stepbanoises qui, mieux avisdes, n’ont pas recule de-
vant les sacrifices necessaires, ont attire tout particulierement l’attention
du Jury et ont mdrite ses dloges par la perfeclion de leurs produits.
L’Algdrie, on le comprend, n’a pas une industrie comparable a celle de
la mere patrie; toutefois les armes arabes ont un caractere d’originalite qu’il
est interessant de remarquer au point de vue de l’art. Elles completent de
la fajon la plus pittoresque les costumes indigenes.
EXPOSANTS RECOMPENSES.
N“ 1 a5. Brun, a Paris. — Collection d’armes variees de bonne fabrication, tres-riches
et de bon goiit. — Mddaillc de progres.
N° 126. Fadre Le Page, a Paris, petit-neveu, successeur du celebre Le Page. —
Armes ä feu et armes blanches d’excellente et luxueuse fabrication. — Me -
daille de progres. — Medaille de Cooperation Aümont, contre-maltre.
!N° 1 27. Galand, ä Paris. — Armes de chasse et revolvers. — Medaille de meritc.
N 128. Gastinne-Renette, a Paris.— Fabricant de canons de fusils et d’armes. Hors
410
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
concours, comme membre du Jury. — Medaille de Cooperation: C. Rode
et J. Filot, contre-niaitres.
N° i 3o. Gevelot, ä Paris.— Fabrique importante et renommee de cartouches et mu-
nitions de cliasse. — Me'dailie de progres.
N° i32. Javelle Magand freres, a Saint-Etienne. — Canons de fusiis de chasse. -—
Medaille de rnerite.
N° 13 h. Le Blanc -Granger, a Paris. — Fabrique spe'eiale d’armures et armes an-
ciennes imitees pour theatre et collections. Reproduction (kiele des modeles
du moyen äge et de la renaissance. — Mddaille de progres.
N° i36. Pondevadx, a Saint-Etienne. — Armes de chasse d’excellente fabrication. —
Medaille de progres. — Medaille de coope'ration a Deigrange , contre-maitre.
N° 137. Roblin, ä Paris. — Systeme d’ouverture de son invention pour le fusil se
chargeant par la culasse. Travail d’un fini irreprochable. — Medaille de
progres.
N“ i38. Rodchard-Siaüve, a Saint-Etienne. — Canons de fusil. — Medaille de me'rite.
ALGER1E.
Mohammed Odled Smail. — Armes arabes garnies d’argent. — Medaille de
meritc.
Mohammed SaId. — Fabrique assez importante d’armes kabyles. — Mention
honorable.
Barrich Nant. — Armes kabyles. — Mention honorable.
Ali Mohamed Nael Saib. — Armes kabyles. — Mention honorable.
INDES ORIENTALES.
Les armes indiennes conservent de nos jours les formes du temps passe;
ce sont les meines proc^d^s de fabrication et de d^coration, les mdmes
details d’ornementation cjui se reproduisent inddfiniment.
L’industrie du pays ne parait donc avoir d’autre but que de meubler
les collections et les mus^es europdens.
Disons, toutefois, que les lautes en damas meme de fabrication contern-
poraine sont generalement d’une finesse et d’une qualite remarquables.
exposants recompenses.
Arnachellum Achary et Salem, ä Madras. — M&laille de mdrite.
Secretary local Committee, a Monghyr. — Medaille de me'rite.
T. C. Neudon Bhawanipore, ii Calcutta. — Mention honorable.
Secretary local Committee, a Punjab. — Mention honorable.
Secretary local Committee, ;i Mysore. — Mention honorable.
ARMES DE TOUTES SORTES.
411
ITALIE.
Nous avons dit un mot de l’etat actuellement assez prdcaire de l’arque-
buserie en Italie. Quelques armuriers toutefois ont attire l’attention du
Jury.
EXPOSANTS RECOMPENS^S.
N° i5(). Comminazi Marco.— Mention honorable.
N° 160. L. BietiAM, ä Brescia. — Mention honorable.
N° 161. U. Riva, a Lecco. — Medaille de mdrite.
N° 163. Micheloni et C ie , ä Milan. — Medaille de merite.
N° 167. Rüberti Atillo, a Mantoue.— Medaille de mdrite.
N° 169. L. Moletta.— Mention honorable.
N° 171. A. Izzo, a Naples. — Me'daille de progrds.
N° 17-j. G. Gerjiani et Morella Francesco, a Naples.— Medaille de merite.
N” 176. T. Toni, a Rome. — Medaille de rneritc. — Medaille de coopdration :
Ulderico Michele, contre-maitre chez A. Izzo, a Naples.
JAPON.
Los armes blanches japonaises sont d’une iabrication remarquable. Les
lames peuventetre, comme forme, comme taillant, comme qualitd, com-
parees aux meilleurs produits europdens. Les montures ont un caractere
particulier au pays, mais qui n’exclut pas la commoditd et lelegance.
RUSSIE.
Les armes ä feu de luxe anglaises, frangaises et allemandes sont a peu
pres seules employdes en Russie.
II n’y a, a proprement parier, d’industrie nationale que pour les armes
de guerre et la fabrication des armes blanches circassiennes. Les ddcora-
tions de ces dernieres ont souvent un cachet d’originalitd artistique tres-
remarquable; la qualite des damas est aussi en reputation depuis des
temps trüs-reculds.
EXPOSAXTS RECOMPENSES.
N° 1. Popoff, Gaucase. — Armes blanches de bonne qualitd, dldgaminent montees.
— Mddaille de mdrite.
N° 4. Ali Mdssa, Ogly (Caucase). — Mention honorable.
N” 10. G. Götschke, Caucase. — Mention honorable.
N° 4o. J. Jachimeck et .1. Sosnowski, a Varsovie. — Armes de cbasse. — Medaille de
merite.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
612
SUISSE.
L’arquebuserie suisse se distingue particulierement dans ia confection
des armes de tir, pour lesquelles eile a eu de tous temps une reputation
incontestee. Par suite de l’organisation militaire de la Confederation et des
regles Stabiles dans les concours de tir, toutes les armes nouvelles se ratta-
chent plus ou moins au modele de guerre et apparliendraient plus parti -
culierement au seizieme groupe.
Nous ne citerons donc que les fabricants qui ont präsente des mecanismes
nouveaux ou expose des armes mixtes qui peuvent etre considdrees comme
des armes de luxe.
EXPOSANTS RECOMPENSES.
N° 433. Klaus Theophile, a Geneve. — Canon de carabine sur affut. — Mention
honorable.
N° 435. Major Schmidt, a Berne. — Fusils de cadets, Systeme Vetterlin. — Mention
honorable.
N° 43G. M. V. Steiger, a Thun. — Carabines de tir. — Mention honorable.
TURQUIE.
La fabrication turque en armes ä feu parait restee stationnaire depuis
bien longtemps, ainsi que le gout du pays. Les armes de confection mo -
derne locale ne sont pas differentes de celles du siede passe : du reste, les
produits anglais, frangais et beiges se trouvent a pcu pres seuls dans le
commerce du pays.
II n’en est pas de meme des armes Manches: les damas turcs conservent
avec raison leur antique reputation et sont souvent fort luxueusement
montes en poignards, yatagans, etc.
Elles ont toujours ce caractere decoratif tout oriental que les manufac-
tures de TOccidcnt ne sauraient hinter.
EXPOSANTS RECOMPENSe's.
N° 64. Halil, ä Constantinople. — Mention honorable.
N° 2i2. Dimitri Vill, a Janina. — Mention honorable.
N* 284. Abdolllah, ä Sima. — Mention honorable.
N° 309. Madeiros, a Brousse. — Armes ä feu et armes Manches, belle decoration. —
Mddaille de mdrite.
N° 310. Moustapha, a Brousse. — Medaille de merite.
GASTINNE-BENETTE.
GROUPE VIII.
BOIS OUVRES.
RAPPORT DE M. CHARLES ROSSIGNEUX,
M EM BR E DU JURY INTERNATIONAL.
La Classification generale adoptde par la Commission autrichienne pour
l’Exposition de 1873 (Atait confue d’apres un plan tout different de celui
qui avait prevalu chez nous en 1867. A la derniere Exposition universelle
de Paris, chaque classe correspondail a une industrie ddtermin^e, chaque
groupe comprenait un certain nombre d’industries intimement unies par
leurs procedes, leurs produits, leurs usages. A Vienne, au contraire, on
avait groupe les objets expostis, non d’apres l’analogie des metiers, mais
d’apres la nature des matieres premieres. Le classement, fondd a Paris sur
les affinit^s reelles et technologiques, etait determine ä Vienne par des
vues de synthese theorique. Chaque groupe devait son unite a la matiere
mise en ceuvre, et non au genre d’industrie qu’il reprdsentait.
Pour ne citer qu’un exemple, tout travail qui s’applique aux rnetaux.
depuis la joaillerie jusqu’a la serrurerie en bätiment, depuis les fourneaux
de cuisine jusqu’aux bijoux et aux chaines de montres, appartenait 4
un m6me groupe qui se trouvait r^unir ainsi les industries les plus di -
verses.
Tel fut aussi le caractere du groupe VIII, consacr^ aux sbois ouvres»,
c’est-^-Hire a toutes les industries qui ont pour base le travail du bois. Pour
Irouver lequivalent du groupe VItl de Vienne dans notre Exposition
de 1867, il faudrait prendre :
Dans le groupe III, les classes i h (meubles de luxe) et 96 (tnbletterie, vannerie);
Dans le groupe V, la classe hi (bois de fente, liege, boissellerie, etc.);
Dans le groupe VI, la classe 58 (materiel et procedes pour la confection du nio-
bilier);
Dans le groupeX, la classe 91 (meubles a bon rnarcbe),
sans compter les emprunts partiels a faire a d'autres classes pour diverses
industries accessoires.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
416
On voit, par cette comparaison, que le groupe VIII de I’Exposition de
Vienne rdunissait, dans une unite toute conventionnelle, plusieurs indus-
tries independantes en realitö les unes des autres. Ce groupe, sous la dö-
nomination de sbois ouvres», prenait l’arbre, de quelque essence qu’il
füt, ä sa sortie de la foret, et le suivait dans les transformations diverses
que lui fait subir le travail de l’homme pour l’approprier ä des usages
infiniment variös. Aussi fallut-il, pour mettre un peu d’ordre dans cette
trop vaste synthese, y introduire des subdivisions correspondant aus
principales branches d’industrie quelle embrasse. Nous donnons plus loin
le tableau des 12 sections que forma le groupe VIII.
Cette difference de plan et d’organisation entre l’Exposition de 1867 et
celle de 1873 n’est ni la seule ni la plus grave que nous ayons a signaler.
Le but poursuivi par l’une et par l’autre exposition n’etait pas le meine, et
c’est a cette divergence dans l’id^e fondamentale qu’il faut attribuer les
diversites de detail qui en decoulörent.
Jusqu’ici, les Expositions universelles, dont celle de 1867, a Paris, est
restöe la plus haute expression, avaient pour but de reunir sur un point
döterminö les produils similaires, naturels et manufacturös de toutes les
parties habitees du globe; de les etudier, de les classer, de les comparer
entre eux; de determiner ainsi la Suprematie artistique, agricole, com-
merciale ou industrielle de chacun des peuples appeles ä concourir dans
ces lüttes internationales, et de l’attester par des röcompenses öclatantes
döcernees aux plus meritants.
Dörogeant a cette coutume pour des raisons qu’il ne nous a pas etö
donne d’apprecier, les organisateurs de l’Exposition universelle de Vienne
n’ont voulu voir dans cette röunion de toutes les forces productives des
nations que l’ensemble meine de ces forces. Ils ont pretendu n’etablir
aucun point de comparaison entre elles, et se sont donne pour mission de ne
reeompenser les individus que pour leur merite personnel.
C’est pour realiser ce programme qu’une s^rie de m^dailles avec des
attributions diverses, minutieusement definies, a <ite cre4e, sans que
fordre dans lequel elles sont indiquees au programme impliquät, en
aucun cas, un degre de superiorite de l’une sur l’autre. Ainsi, le directeur
d’une tres-importanlo manufacture peut tres-bien ne reccvoir qu’un simple
diplöme de merite, tandis qu’un manufacturier de produits similaires,
mais d’une importance beaucoup moindre, peutetre jug4 digne d’une mii-
daille de progr^s, sans que pour cela les articles fabriques par lui soient
superieurs ä ceux de son concurrent. Le diplöme de merite accorde au
premier veut dire que, sans avoir fait faire aucun progres a son induslrie
depuis la derniere exposition ou il a figurö, il est reste egal a lui-meme;
BOIS 0 UV RES. M7
tandisque la medaille de progres, altribuee au second, atteste que depuis
lors il a fait progresser son industrie.
Pour micux assurer l’exerufion de ce programme, les organisateurs de
l’Exposition universelle de Vienne avaient dissemind les exposants par
ordre de nationalite, de maniere que leurs produits similaires ne pussent
etre places sur la intime ligne a cöte les uns des autres, comme dans
l’ingdnieuse comliinaison de l’Exposition de 1867 a Paris.
Ce prdambule etait ndcessaire pour bien indiquer la physionomie des
debats et les indecisions du Jury dans Fapplication de ce nouveau Systeme.
Quant aux interesses, ils refuserent de se laisser convaincre : si bien
que, sous la pression de l’opinion publique, la Commission imperiale de
Vienne dut crecr le Diplome d’honncur, recompense superieure, destinee a
signaler les merites hors ligne et les travaux d’une valeur incontestable et
inoontcstee. Des lors, la lutte etait rouverte; nous verrons tout a l’heure ä
quel point eile fut favorable a la France.
Pour se rendre compte des travaux du Jury dans le groupe qui nous
occupe, il faut se reprdsenter les difficultes de nature diverse, inherentes
a la täche de jure, dans les conditions ou eile devait s’accomplir ä Vienne.
La premi&re, sans contredit, et sinon la plus grave, du moins la plus
apparente, etait la dissemination des produits dans les diffdrenles parties
des batiments et jusque dans les recoins perdus du vaste parc qui les en-
vironnait. Ce mode de distribution des objets n’avait pas seulement l’in-
convenient d’imposer par des allees et venues incessantes un surcroit de
fatigue et des pertes de temps fächeuses; il nuisait, ce qui est plus grave,
ä la nettete des comparaisons, a la justessc comme a la rapidite des im-
pressions; il semblait choisi, enfln, pour rendre difFicile et presque im-
possible l’examen comparatif dans toutes les branches qui exigent des
observations precises, delicates ou minutieuses. Aussi ne fut-ce que par le
zele le plus soutenu, au prix de longues et fatigantes seances dont la durde
n’etait pas moins de huit ä neuf lieures par jour, qu’apres deux mois
de labeurs incessants le Jury put mener a bonne fin cette penible cntre-
prise.
Une autre difficultd resultait de la variete meme des objets reunis
dans le groupe VIII. Ce groupe contenait, d’apres le programme de la
Commission autrichienne douze sections ou subdivisions dont voici les
titres :
A. Charpenterie et menuiserie (parquets, croise'es. portes, elc.);
B. Fabricalion des meubles, e'benisterie;
C. Produits de bois de fente (tonneaux, bardeaux, cercles);
ir.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
l\ 18
D. Rois d'allurnollcs el produits;
E. Placage, tabletterie et marqueterie;
F. Objels tournes, guilloches, gravds, elc., cn bois;
G. Sculpture en bois;
JE Objels en lidge;
I. Vannerie;
J. Peinture, teinlure et clorure des objets en bois;
K. Materiel etprocedes employfe dans l’industrie des bois;
L. Statistique de production.
Ces douze seclioiis etaient fort inegal ement reprAsentees. Laderniere se
bornait a quelques documents, 1’avant-derniere a un Ires-pctit nonibre
d’outils qui ne meritaient pas une dtude speciale. Pour examiner les dix
autres, le Jury se divisa en trois Comites detude qui, travadlant s^pare-
ment, apportaient dans les seances generales le resullat de leurs observa-
tions et soumettaient au Jury dans son enscmble leurs propositions de
nücompenses. Les trente et un membres du Jury, charges de juger les
produits de pres de deux mille exposants, se repartirenl le travail comme
suit;
1" Comite : les sections A, B, E, F, G; c’est-a-dire la charpenterie, ia menui-
serie, Tübenislerie, avec tout ce qui a trait ä la decoration du mobilier, sculp -
ture, marquelerie, gravure, etc.
2" Comite : les sections C, D, H. I, bois de teilte, bois d’allumette, liiige el
vannerie.
3' Comite : la section ,1, peinture, teinture et dorure du bois.
Nous suivrons dans ce rapport la division du programine olficiel, en
indiquant autant que possible Ia part qui revient a cbaque section. Ce
sera le rnoyen de donner une vue d’ensernble de l’Exposition et d’in-
sister davantage sur les parties qui offraient un rnerite ou un interet par-
ticulier.
CHARPENTERIE ET MENUISERIE,
PARQUETS, CROISEES, PORTES, ETC.
L’emploi du bois dans la construction rcmonte a la plus haute anti-
quite, niais il a subi avec le temps des transformations profondes. Au
debut de la civilisation, l’arbre fournissait presque tous les materiaux
essentiels de la inaison. La cbarpente, rudimentaire et massive, exigeait
des troncs entiers qui, simplement degrossis, poses a plat ou debout, el
grossierement lies les uns aux autres, portaient tout le faix de Tedifire.
BOIS 0 UV RES. 419
Plus la construction <'tait vaste, plus les pieces de bois devaient elre
puissantes.
Mais, ä mesure que les forets primitives reculerent devant les progrüs
de l’agriculture, les bois de grande port4c cesserent d’etre des materiaux
eommuns. Peu a peu on les voit devenir plus rares et plus cliers ; il faut
les faire venir de loin, et, precisement ü l’^poque oü se repand le goüt des
grandes constructions eveille par la renaissance, a l’epoque oü l’imitation
des uionuments antiques rend uecessaires des merveilles d’equilibre et de
puissance dans la fabrication des charpentes, les grands bois disparaissent.
L’immortel architecte du chäteau d’Anet, Philibert Delorme, a decrit dans
un ouvrage precieux les procedüs qu’il inventa pour suppleer ä la penurie
des gros bois de charpente : grace a la forme brisee qu’il donne au toit et
a d’autres artifices de construction, grace surtout aux assemblages qu’il
imagina et qui sont encore aujourd’hui d’un constant emploi, non-seulc-
ment dans le bois, mais dans le fer, il put construire les comblesdes plus
vastes chäteaux «sans s’ayder de grandes pannes, sablieres, poutres, che-
vrons, pousteaux et autres sortes pour lesquelles il faut employer de
grands arbres qui sont en ce pais fort rares, v
Il avait resolu le probleme de «faire, coinme il dit, les poutres ne-
cessaires pour les grands Jogis des roys et princes, non de gros bois et
grands arbres comme on faict, ains de trois, quatre ou cinq cents pieces
de petit bois de toute sorte b»
La raret£ des grands bois, qui exigeait des le xvi c siede rette habile
economie des materiaux, n’a fait que s’accroitre depuis; et c’est une des
raisons qui ont fait songer ä eliminer le bois de la construction pour le
remplacer par le fer. Les progres de l’industrie, la possibilite de fabriquer
ndcaniquement l’ossature entiere d’une maison, les avantages conside-
rables que presente cette innovation dans les grands bätiments, restrei-
gnirent de plus en plus le role du bois dans la construction.
La meine oü il reste indispensable, par exemple, pour les parquels,
les huisseries, les revetemenfs, c’est la fabrication par les machines et en
grandes quantites qui aujourd’hui prend partout la preponderance. Les
procedes mecaniques sont les seuls qui, dans la grande production, re-
pondent aux exigences de la vie moderne. Non-seulement ils permettent
de produire davantage, mais ils produisent a des prix qui, tout en etant
plus remunerateurs pour l’ouvrier, sont plus accessibles au consommateur.
A un autre point de vue, l’emploi des machines entraine l’organisation
de vastes ateliers, et ces ateliers, avec les ecoles d’apprentissage qui s’y
Livre XI, pages 3to et 3qti des Nouvplles inventionx pour bien bdtir.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Fr20
annexentbientot, facillteilt l’instruction professionnelle, l’cnseignemeiit en
cormnun sous unc direction eclairee, le recrutement d une eilte cl ouvriers,
et, par la meme, tous les perfectionnements qui ajoutent progressivement
ä la val'eur du travail.
Cetle importanee croissante de ln fabrication en grand, celte Substitu -
tion de la machine a l’outil, est le fait le plus general que mettait en lumiere
l’exposilion de la charpenterie et de la menuiserie h Vienne. C’etait, du
reste, une exposition tres-incomplcte; la plupart des produits usuels de
celte industrie, sauf les parquets, ne sont pas destines a l’exportation; ils
ne se delachent pas aisement de l’ensemble de construction auquel ilsap-
partiennent, des conditions locales, climaleriques et traditionnelles aux-
quellesils doivent s’accommoder. Aussi cette partie du groupeVlll etait-elle
essentiellement remplie par les fabriques autrichiennes. Los beaux ouvrages
de menuiserie executes dans les pavillons du Jury, de l’Empereur et de 1 Im-
peratrice, par M. Paulik, dans diverses parties du palais par un membre
du Jury, M. Dasatiel, les parquets des fabriques Leistier et Barawitzka,
plusieurs systemes de portes et de fenetres, entre autres les portes vitrees
de M. Cüttag, les fenelres de M. Reymann, les jalousies de M. Rüppel,
de M. Schramm, un tres-bel escalier cn bois dont la legerete aerienne
n’excluait pas la solidite et qui atlestait la perfection des procedes de
MM. Thonet, plusieurs autres specimens provenant ou de la capitale ou
des provinces meridionales, Styric, Carinthie, Carniole, donnaient une
haute idee des progres de la menuiserie en Autriche. Si la fabrication des
meubles, comme nous leverronsplus loin, laisse ä desirer, la menuiserie,
par contre, atteste un 6tat de prosperile qui est du, saus aucun doute, a
l’essor qu’a pris dans ces derniers temps ä Vienne l’industrie du baliment.
Dans les pieces de luxe, il y a telles parties que ne desavouerait pas l’ebe-
niste le plus habile.
Cinq medailles de progres et une soixanlaine de medailles et de di-
plömes de merile ont ete la consecration ollicielle des appreciations favo-
rables du Jury.
Cependantce n’estpas a l’Autriche, c’est a ia Suede qu’est ecliu l’unique
diplöme d’honneur ddeerne par le Jury dans cette section.
Personne n’ignore Timportance du commerce des bois ouvrds en Suede
et en Norwege, et ä quel degre de perfection y est porte le travail de la
menuiserie proprement dite, celle qui a rapport au bätiment : panneaux,
chässis, portes, fenetres, moulures, etc. Mais ce qu’on ne savait pasassez,
et ce quo TExposition de Vienne a mis en lumiere d’une fagon eclatante,
c’est l’importance et la rapidite des developpemenls qu’a pris l’industrie du
bois depuis quelques annees dans les |>ays scandinaves.
BOIS 0LiVBES. 421
L’iutroduction d’outillages perfectionnes coincidant avec la diffusion
plus grande de l’enseignement professionnel, l’influence raisonnee du
gout national sur l’art et l’industrie agissant, non plus sur quelques indi-
vidualites isolees, niais sur toute la population ouvriere, tels sont les auxi-
liaires de ce beau mouvement de progres.
Trois exposants se sont surtout fait rernarquer du Jury : ce sont
MM. Bark et Warburg, Dickson et James, Strommann et Larson, tous
Irois de Gotbenbourg. MM. Warburg ont fait faire de grands progres a
l’industrie des bois ouvrcis en Suede. 11s exj>osaient une maison cn bois
destinee ä un rendez-vous de cbasse, dont la charmante architecture avait
utilise tous les procddes connus de l’art du menuisier. Quand nous au-
rons ajoute que l’usine Warburg produit annuellement |>our plus de
45t,200 francs de portes, fenetres, panneaux, etc. etc.; que le grand
höpital en bois de Majourna, pres de Gotbenbourg, est leur ceuvre, ainsi
qu’une caserne destinee ä des logements d’officiers pour le compte de la
Prusse, que la construction seule des chalets, maisons de gardes, de
bains, se cbiffre par une somme de 282,000 francs, on trouvera fort
juslifiee la medaille d’bonneur d6cernee a MM. Bark et Warburg.
Bien (jue l’usine a ouvrer le bois de MM. Dickson, James et G ,c ne
date que de 1870, eile a pris rapidement une si grande extension,
qu’elle n’a pas fabriqud pour moins de 987,000 francs de portes, fene -
tres, planches cn bois courbe par l’emploi de la vapeur et de 1 air sec,
maisons garnies de leurs mobihers, etc. etc., pendant l’annee 1872.
Getto usine peut etre citee comme le modele du gcnre : ecole pour les
enfants des ouvriers, bibliolheque, caisse de secours pour les pauvres et
les malades, logement, chauflage, pasteur, medecin, pbarmacien, tout
est a la charge de la compagnie sous l’intelligente direction de MM. Dick -
son et James qui ont vu leurs efforts recompenses par une medaille de
progres.
MM. Strommann et Larson ont obtenu la medaille de mdrite pour une
maison en bois a l’usage d’un restaurant. Bien que leur usine soit de Crea -
tion recente, ils atteignent un cbiffre d’affaires qui est estime a plus de
q00,000 francs. Les ouvriers de cette usine ont part aux benefices.
II sußira, pour donner une id4e de l’importance de cette fabrication
des bois ouvr^s en Suede, de citer les documents suivants, pris aux
sourees administratives.
L’exportation des bois ouvres de la Suede peut etre estimee ä
2,256,ooo francs. L’Angleterre, le Dänemark et l’Allemagne y figu-
rent pour la somme de 1,795,34o francs, ainsi repartie : Anglcterre,
1.1 6 1,8/10; Dänemark. 366,600; Allemagne, 269,900 francs. Le sur-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
h±l
plus s’ecoule dans l’Amerique du Sud, l’Egypte, la Belgique et la France.
Ajoutons toutefois que ces usines doivent en partie ieur prosperite au bon
marche de la matiere premiere, qui leur est fournie en abondance par les
forets aupres desquelles eiles sont situees, et au bas prix de la main-
d’oeuvre.
Les bois ouvres etaient representes en Norwege par cinq exposants,
parrni lesquels il n’y a lieu de citer que M. Haneborg, de Christiania. II
exposait un pavillon orne du travail le plus precieux, qui lui a valu une
medaille de nierite.
La France n’etait represcntee dans cette seclion que par la eonstruction
du pavillon de la Commission l’rancaise; nous en parlerons ailleurs au
point de vue de la d4coration. Bornons-nous ici a transcrire l’appreciation
du rapporteur officiel de l’Autriche :
«Cette exposition montrait comrnent la dispositiion des portes, des fe-
nßtre.s et des lambris peut s’unir intimernent avec tout l’ensemble de la
decoration des salles. Les objets exposes etaient d’un dessin harmonique
et d’une irreprocbable execulion, sans cependant rien ajouter de nouveau
a ce que nous connaissions deja du baut degre de perfection que possede
la menuiserie du batiment en France
L’Allemagne, beaucoup plus largement represcntee, a obtenu pour ses
fabriques de parquets, dont la principale etait celle de Breslau, et pour
quelques pieces de menuiserie mecanique, une medaille de progres etdix
nnidailles de merite, dont une seule revenait ä la Prasse; c’est dans l’Al—
lemagne du Sud que la parqueterie, originaire de Strasbourg, a pris,
ramme industrie nationale, le plus de developpement.
Les autres Fiats, ou ne figuraient pas dans cette section, ou n’y etaient
representees que par des ceuvres de mediocre importance. II nous suffira
de citer, parmi les produits recompensds, en ltalie, les parquets de la
manufacture Leveva; en Suisse, ceux de la fabrique d’Interlaken; en Bel -
gique, les parquets riches en bois naturels, qui ont valu une medaille de
progres a MM. Tasson et Washer 2 ; enlin, en Hongrie, ceux de la fabrique
Neuschloss, ä Pesth. Ge dernier pays, qui en est encore au debut de sa
carriere industrielle, parait en ce moment meine entreprendre de tirer
parti resolument de ses incomparubles ricbesses forestieres. Les lorels
sculcs de 1’Ftat occupent une (itendue de plus de deux millions trois Cent
1 Rapport sur la menuiserie en batiment
(gr. Vitt, seclion i"),par M. Wiihelm Flat-
licli, dansia colleclion des rapports olliciels snr
rExposilion.
- (Telle medaille a ete supprimee dans la
seconde edilion du catalogue des recompenses,
publiee par la Commission autrichienne, sans
doute en verlu du reglemcnt, qui metiait liors
concours les jmes et les membres de leur la-
mille. M. Tasson lils faisail partie du Jury.
ISO IS OUVISES. 423
soixante-dix mille hectares, ot Ton essaye, pour la premiere fois, de les
soumettre ä un Systeme d’exploitation regulier.
C’est juslice de citer aussi le diplome de merite accorde au modele d’es-
ralier tournant en bois exposd par M. Rodrigues de Cunha de Rio-Janeiro.
(je clief d’oeuvre de menuiserie joint a toutesles regles de l’art une grande
elegance et une solidite a tonte epreuve.
FABRICATION ET DECORATION DES MEUBLES.
EBENISTER1E, MARQUETERIE, OISJETS TOURNES, SCULPTURE.
Pour eviter d’inutiles repetitions et faciliter les vues densemble, nous
reunissons dans une meine elude les quatre sections donl Pobjet commun
elait la fabrication des meubles, et presque exclusivement des meubles de
luxe.
Nous abordons ici un domaine oii notre pays est depnis longtemps en
possession d’une Suprematie incontestee. Aussi avons-nous du lncltre un
soin tout particulier a rechercher si cette Suprematie subsiste, ou si les
remarquables efforts tentes depuis une vinglaine d’annees par les peuples
voisins Pont fait disparaitre.
Si les limites assignees ä ce rapport le permettaient, iKserait du plus
baut interet de remonter vers le passe, de suivre dage en äge le progres
de nos arts et de notre Industrie, et d’en montrer l’influence constante sur
l’histoire meine politique de la France.
Sans nous engagerdans un si vaste sujet, on nous permettra de rappeier
en quelques mots le poinl de depart de ce merveilleux developpement, ne
l’ut-ce que pour servir a mesurer nos progres.
Ce n’est guere qu’au retour des croisades que la France so sentit tour-
mentee par l’insaliable desir de savoir et d’apprendre; vers cette dpoque, le
meine Tbeopbile, recommandant a l’un de ses discijiles l’etude approfondie
de son trait4 sur divers arts, tracait ainsi le lableau saisissant de letat des
Sciences, des arts et de Pinduslrie cbezles differents peuples de POrient et
de POccident:
kTu trouveras la tout ce que possede la Grece sur les es|ieces et les
nielanges des diverses couleurs; tonte la science des Toscanssur lesincrus-
lations et sur la variete du niello; toules les sorles d’ornements que PAra-
bic emploie dans les ouvrages faits au moyen de la malleabilite, de la
Fusion ou de la ciselure; tout Part de la glorieuse Italic dans 1 a[q)lication
de Por et de Pargent a la decoration des differentes especes de vases, ou
au travail‘des pierreries ou de Pivoire; ce que la Prance recherche dans
Pagenceinentdes precieux vitraux; les ouvrages de!icats dor. dargenl, de
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
h-2h
cuivre. de fer, de bois et de pierres, qui honorent l’industrieuse Ger-
manie. »
II ressort clairement de ce document qu’au xi" siede la Germanie etait
la nation industrieuse par excellence; que la France allait a son ecole;
(|u’ellc apprenait d’elle l’art de tailler le bois, de l’ouvrer, et qu’aujour-
d’hui, c’est-a-dire a une distance de sept siecles, c’est I’Allemagne, ce
sont tous les peuples de l’Orient et de I’Occident qui vont ä l’ecole de la
France.
Les lignes suivantes, empr untres an compte rendu de M. Tasson, Fin—
telligent rapporteur du huitierne groupe pour la Belgique, ne sont, pour
ainsi dire, que i’echo de l’opinion du Jury tout entier, et demontrent de la
rnaniere la plus absolue en quelle estime sont tenus par les peuples concur-
rents de la France les travaux de nos ebenistes et de nos sculpteurs :
« Sans rivale partout ou l’industrie touche au domaine de l’art, la France
est loujours en tete de la fabrication des ameublements. Si dans d’autres
pays on arrive a produire des meubles oii se manifeste l’harmonie des
lignes et des details, il est ä peu pres certain que les Frangais s’en sont
meles. C’est ce qui arrive surtout pour les meubles exposes par les pre-
mieres maisons de Londres.
« On ne doit cependant pas leur en faire un grief, car c’est de cetle
rnaniere que l’on arrive insensiblement a inculquer aux artistes et aux ou-
vriers d’un pays le bon gout, celte qualitd si eminemment francaise. »
Chaque nation, du reste, subit, a son insu meine, 1’influence de son
passe et de ses traditions. C’est donc, saus aucun doute, aux enseigne-
ments que nous ont l^gues les artistes si complets du moyen äge, ä la
perfeclion de leurs ceuvres vers la fin du xv c siede et au commencement
du xvi°, que la France doit sa superiorite dans toutes les ceuvres desi-
gnees aujourd’hui sous leterme gdnerique d’art apphque d l’industrie.
Deja ä ces epoques si glorieuses pour la France, la ldputation des tour-
neurs parisiens dait teile, que c’dait rehausser la valeur d’un meuble que
d’attester qu’il etait Yceuvre de la fabrique de Paris.
Mais alors, aussi, tous les arts confondus dans un harmonieux en-
semble se pretaient un mutuel appui, si bien que l’architecte appele ä
diriger leurs efforts imposait les regles auxquelles se soumettait sans con-
lesle tout ce qui tenait un outil, uu pinceau, un burin ou un ebauchoir,
et creait par cela meme le style, marque inddebile qui peut se passer de
signature et de date apparente pour en attester l’origine et la provenance.
Ces reflexions nous ont ete suggerees par l’opinion du Jury, qui n’hesita
pas a attribuer la superiorite des meubles francais a leur soumission aux
regles de l’architecture, aux relations proportionnelles des di Heren tes par-
BOIS OUVRES. 425
lies qui cornposent leur ensemble, a Fagencemenl de ses nioulures, qui,
simples ou decorees, ne se laissent jamais cnvaliir ou deborder par les
sculptures et les ornements qu’elles encadrent de leurs lignes harmonieuses,
si bienque, quelles que soientla richesse etl’abondance de ces ornemenls,
ces meubles n’en conservent pas moins une apparence de simplicite qui
tourne au profit de celte ricbesse tneme. C’est lä Je point saillant, le hon
jroüt, si Fon veut, qui distingue d’une moniere si particuliere le rneuble
francais de tous les autres.
La France avait contre eile, ä FExposition de Vienne, toutes les cir-
constances les plus defavorables. Elle se presentaitau jugementde lEurope
au sortir des plus terribles epreuves qui puissent frapper un peu[de dans
les sources meines de sa vie; une guerre desastreuse et une revolulion
plus formidable encore avaient amene dans Findustrie un temps d’arret
dont il etait dillicile de prevoir la duree. De plus, la distance considerable
du siege de Fexposition, la certitude de n’y trouver qu’un marche restreint
et a peine la remuncration des frais de cette lointaine expedition, la pen-
see que le temps manquait pour soutenir par une quantite süffisante
d’ceuvres nouvelles leur ancienne reputation, tout etait de nature a decou-
rager nos industriels, a reduire le nombre des exposants, a diminuer la
richesse, la valeur et l’eclat de notre exposition. Ajoutons a toutes ces cir-
constances facheuses une difficulte qui les aggravait singulierement: 1 es-
pace restreint qui nous etait assigne et qui non-seulement nuisait a la
bonnc harmonie des mstallations, niais ne sußisait pas inatenellement
pour placer, inenie en les entassant outre mesure, nos produits les [>lus
remarquables.
C’est dans ces conditions que la France exposait et quelle a reussi a
maintenir son rang. La varitUe des produits exposes, la surete, le nouveau
de son gout, Fintelligence de ses applications aux choses de l’art et de
Findustrie la maintenaient quand meme a la tele des nations civilisdes.
Ses malheurs et jusqu’ä ses r^volutions semblaienl l’avoir vivifnie au Heu
de Favoir ^nervee; si bien qu’en la regardant on etait conduit 4 se de-
mander si ce n’etait pas grace ä la mobilite de son esprit, ä Fenergie de
son caractere qu’elle dcvait d’echapper ainsi a la vieillesse et a la decre-
pitude.
Les bois ouvres etaient representes au catalogue dans la section fran-
^aisc, FAIgerie et la Cochinchine, par les produits de cinquante-cinq
exposants, qui se trouvkent reduits a trente-huit lors de Fexamen du Jury.
En eilet, huit exposants ont fait defaut, onze ont ete jugds dans d’autres
groupes et un s’etait mis hors de concours.
Par contre, les noms de trois exposants nianquaient au catalogue, et
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
426
un exposant appartenant a une. autre classc (laseptieme) avail oblenu
qu’un de ses produits fut examine par le Jury du huitieme groupe.
€es trente-huit exposants, presque tous veterans des expositions uni -
verselles anlerieures de Londres et de Paris, ont remporte dans ce Con -
cours trois dipldmes d’honneur, sept medailles de progres, quatorze de
merite, six diplonaes de me rite, quatre medailles de bon gout, auxquels
il convient d’ajouter trois medailles de cooperateurs : en tout trente-sept
recompenses 1 sur trente huit exposants. — Ces chiffres ont bien leur elo-
quence.
Le Jury, en accordant le diplömc d’honneur ä M. Roudillon, a eie
unanime ä reconnaitre la grande superiorite de ses meubles sur tous eeux
de ses concurrents. Tous, sans exception, se recommandaient a son at -
tention par la conception, le bon einploi des materiaux, le style bien ap-
proprie des ornementations et la grande perfection de la main-d’oeuvre.
Une table, surtout, en bois de noyer incruste d’etain, dans le goul du
xvf siede, a reuni tous les suffrages, et la ville de Hambourg en a fait
l’acquisition pour son musee d’art industriel.
MM. Gudret freres, qui sont tout a la fois des artistes de merite et
d’babiles ehernstes, ont aussi reru un diplomc d’honneur, visant surtout
les deux meubles en bois de noyer dont le style ample et simple, les
sculptures et la main-d’oeuvre ne laissaient rien desirer.
Le diplome d’honneur, accorde a M. Fourdinois, sanctionnait plutdt le
merite de ses oeuvres passees. En effet, il exposait de nouveau au juge-
rnent du Jury les meubles qui lui avaienl deja valu les plus hautes recorn-
penses a TExposition universelle de Paris, et il a ete un instant dans la
pensee du Jury de le mettre bors concours. Cette opinion, heureusement,
n’a pas prevalu, le jure frangais ayant fait observer que le merite de
Toeuvre subsistait tout entier, et que celte exposition, bien que retrospec-
tive, n’en conservait pas rnoins sa superiorite.
Il est juste de signaler, a la suite de ces expositions hors ligne, celle
de MM. Colin et Dämon, les dignes successeurs de Krieger. Elle se recom-
mandait a un double point de vue : une lentative heureuse dans le domainc
de l’art applique a l’industrie, a savoir un lit de parade, ä colonnes, en
bois de noyer sculptd, garni de gouttieres, courtines et tentures en lam-
1 La seconde edition du catalogue ofTiciel des
recompenses, pnbliee par la Commission aulri-
chienne, modifio comme suit les chiffres ci-
dessus, qui sont ocux de ia Liste des recom -
penses publiee par le Commissariat franfais
d’apres la premiere edition allemande :
12 Medailles de meritc an lieu de... i/i
5 Dipldnjes de merite au lieu de... . 6
s Medailles de bon (joiit au lieu de.. ti
Total : 32 recompenses au lieu de. . . 37
Ces cinq radialions sont motivees par un
double emploi, les meines objels ayant ete re -
compenses dans le groupe VIII et dans un autre,
le groupe XIX.
BOIS OIJVBES. f r21
pas de soie rouge ; et sa fabrication courante, qui utilise lc travaii de plus
de six cents ouvriers, secondes par un outillage mecanique des plus per-
fectionn^s.
Le chiffre seid des alfaires de cette importante maison, dans lequel
l’exportation entre pour une notable part, excede 6 millions de francs
par an, et justifie la medaille de progres par laqnelle ses edorts ont ete
recompenses.
II y a lieu aussi de ne pas passer sous silence l’exposition de M. Le-
moine.
Ainsi que M. Fourdinois, il a eu le tort, aux yeux du Jury, de remettre
en lumiere les meubles en bois des des incruste de nacre qui avaient
deja ete recompenses aux precedentes Expositions.
Cedant a des conskbSralions de l’ordre le plus eleve, le Jury, en decer-
nant a M. Lemoine la medaille de progres, a pretendu rdcompenser 1 in -
telligent fondateur de la Societe de palronage, de surveillance et d’edu-
cation professionnelle des apprentis de l’ebenistene. Ce qui distmgue cette
education professionnelle de ses similaires, c’est que des contre-maitres
habiles y deinonlrcnt la pratique du melier en face meine de la theorie
enseignee dans l’ecole de dessin specialement affectee aux besoins de lebe-
nisterie.
Ce simple exposd suflit ä demontrer l’excellence de cette methode, qui
promet a l’ebemsterie, dans un avenir prochain, dutiles ouvrieis con-
naissant a fond leur metier.
Enfin le Jury,gutde par ropinionpublique, lut appele a se prononcersur
la valeur artistique d un meuble sorti des atebers d orfevrerie de MM. Clins-
tofle et C ,e .
Ce meuble en bois d’ebene, conc.u dans lc genre de ce qu’on appelait
autrefois un «cabinet», reunissait dans un harmonieux ensemble tout ce
que les arts allies a la chimic pcuvent produire de plus inattendu dans
leurs surprenantes metamorphoses. Le bois, le cuivre, le fer, le bronze,
l’or et l’argent, leurs alliages avec leurs teintes variees obtenues par
la voie humide, les merveilleuses patines galvaniques rouges, noires,
marron, rehaussees [iar le travaii du ciseleur, du graveur, du damasqui-
ncur, du marqueteur, de l’emaillcur en cloisonne et en translucide, etc.,
faisaient de cette oeuvre unique un des plus remarquables specimens des
Sciences et des arts appliques ä l’industrie des temps modernes.
Bien que se rapportant comme style aux meubles du xvi e siede, et pour
que rieii ne manquät au nouveau de 1 ensemble, larchitecle cliarge de la
conception et de la direction de cet important ouvrage avait cree de loules
pieces l’ornemenlation symboliijue qui le decore.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
k'28
Ce quatrain d’un de nos vieux poetes :
Voycy le dien d’Amour, cjui hardy passer ose
Les vagues de Ja mer, flottant sur son carquois;
D’une rame lui sert son petit arc lurquois.
L’amant, pour voiesa dame, entreprend loute cliose.
avait servi de theme a cette composition, dont le centre, occupe par une
plaque d’email, representait le buste charmant de l’Amour environne de
tous les attributs de la Victoire. La encore, toutes les ressources, toutes
les methodes connues de l’emaillage : le mat, le translucide, le paillo-
nage, les rehauts d’or, d’argent et de couleurs, avaient etd mis en usage.
M. Frederic de Courcy, auquel avait ete confiee cette ceuvre difhcile, y a
reussi avec une si rare perfection, que le Jury voulut le recompenser par
une medaille de cooperateur, la seule dont il put disposer.
Le Jury a aussi pense un moment ä decerner un diplöme d’honneur a
MM. Christofle et C ie ; mais, considerant que les procedes employos etaienl
[)lutöt du domaine de l’orfevrerie, il a cru devoir s’abstenir 1 .
La Cochinchine avait envoye a l’Exposition de Vienne des ineubles en
bois d’albergia, plus connu sous le noni vulgaire de bois de trac. ILs ont
valu a leurs exposanls, MM. Spooner, Philastre, Mourin d’Arfeuilies et
Sander, deux medailles et deux diplbmes de inerite.
Il serait a desirer que le bois de trac, qui se recomrnande au choix des
ebenistes par ses fibres serrees, son grain si fin, sa couleur vineuse d’un
beau rouge fonce, fut plus souvent employd dans la fabrication des meubles.
Ceux exposes a Vienne, avec leurs incrustations de nacres irisees et cha-
toyantes, produisaient le meilleur effet, et justifient pleinement le verdict
du Jury.
Nous l’avons dit, la France se trouvait mal a l’aise dans son lit de Pro-
cruste. En vain les installations serrees les unes contre les autres s’etaient-
elles fraternellement prele un mutuel appui. Les cadres etaient remplis,
le moindre recoin avait ete utilise, et les exposants ddcouragds allaient faire
le sacritice du trop-plein de leurs richesses, quandM. du Sommerard, l’in-
fatigable Commissaire general, dont tout le monde connait Fenergique vo-
lontd, la grande competence en matiere d’art et d’industrie, resolut de faire
tourner au probt de la France son propre desavantage. De ce trop-plein
de nos exposilions il sut tirer le plus admirable parti en meublant, de
fond en comble, l’hotel du Commissariat gdneral francais, reconnu, sur
ses instances, terrain d’exposition.
1 Le Jury du seplieme groupe, sanctionnant l’apprecialion de celui du Imilieme, a deccrue d’une
voix unanime le diplöme d’honneur a MM. Crislode el C'°.
BOIS OUVBES. 429
Dire le luxe de cet ameublement, In science qui avait prdside ä son ar-
rangement, le goüt parfait de i’ensemble, n’est pas de notre competence;
c’est ä nos collegues du groupe XIX qu’incombe eette täche interessante;
nous ne pouvons que signaler ici Papport fait par les ehernstes, dont les
meubles n’etaicnt pas un des moindres attraits de rette curieuse collection.
Le pavillon de la Commission frangaise, placti dans le parc, meritc
aussi d etre eite au meine titre que l’hotel du Commissariat general.
Au Prater, comme au parc Hing, l’ameublemeut fourni par les exposants
eut le succes le plus complet. L’Empereur d’Autriche voulut le visiter et
temoigner ainsi l’estime dans laquelle d tient nos arts et notre Industrie.
A cöte de la France se place tont naturellement l’Angleterre, sa rivale
souvent beureuse, grace surtout au concours des artistes et des ouvriers
frangais qu’elle appelle ä son aide.
Ainsi qu’a la France, l’espacelui avait dte parcimonieusement mesure, et
vingt-six exposants seulement y avaient trouvd place, (iommc toujours, la
maison Jackson et Graham tenait le premier rang. La piece la plus sail-
lante de son exposition etait un meuble ä deux corps en bois d’ebene, in-
cruste de lapis et d’ivoire. Un diplome d’honneur a etc la juste recom-
pense donnee a cette piece d un mente hors ligne, taut sous le rapport
du gout que sous celui de la main-d’ceuvre, qui ne saurait etre surpassee.
Citons encore l’ameublement du pavillon de la Commission royale an-
glaise, les spöcimens de meubles d’enfants, genre anglais, sortis des ate-
liers de MM. Cooper et Holt, les meubles en bois exotiques exposds par
MM. Collinson et Lock; saus oublier les marqueteries en bois colores de
MM. Holland et fils, auxquelles a attribuee la medaille de merile.
L’exposition des bois ouvres de l’Italie rappelait, par les ingenieuses
combinaisons de ses ornementations, par la perfection des formes et la grace
des ajustements de ses figures, l’outd merveilleux de ses sculpteurs, lait
aux plus heiles epoques de la renaissance. Chacune de ces ceuvres, et ellcs
etaient nombreuses, evoquait le souvenir des glorieux xiv°, xv et xvi siecles,
dont les chefs-d’ceuvre peuvent etre imites, mais non surpasses. Un volume
entier ne sulfirait pas pour deenre les merveilles entassees dans letroite
galerie affectec a l’exposition italienne. Contentons-nous de citer avec eloge
les noms de MM. Gatti, Panciera-Valentino, Frullini, qui ont etd juges
dignes du diplome d’honneur; et ne laissons pas non plus dans 1 oubb le
nom de Rossi, que Sionnc a surnomme le restaurateur de la sculpture.
Le Jury cependant, lout en protestant de sa grantle admiralion poui
ces ceuvres d’elite, a temoigne sa surprise de voir des artistes d un latent
aussi superieur borner leur ambition a rester de simples copistes ou de
serviles imitateurs du passe.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
430
La merae plainte se retrouve exprinnie avec une courageuse franchise
dans le Rapport officiel presente au Gouvernement de l’ltalie par un des
jures de ce pays pour le groupe VIII, M. le comte Finocchetti. Le rap-
porteur signale avec regret, coinrne caractere de Fexposition italienne,
sauf de trop rares exceptions, la trop grande profusion des ornements;
non-seulement on abuse de la decoralion, mais on accumule des motifs
disparates, empruntes aux styles les jvlus differents, depuis le pompdien
jusqu’au gothique, depuis le byzantin jusqu’au rococo; on les applique a
des meubles qui ne comportent pas rette ornementation etqui ne peuvent
la recevoir qu’en perdant toute soliditd, toute commodite, toute deslina-
tion pratique.
Un autre contraste a frappe egalement le Jury international et le rap-
porteur italien : tandis que Febenisterie de luxe prodigue les merveilles et
pousse a Fexces le ralFmement artistique, Febdnisterie ordinaire en esl
encore aux procddes les plus imparfaits. - La belle et bonne ebenisterie,
d’un travail simple et elegant, celle qui meuble et decore toute maison
bourgeoise, Fameublernent svelte, commode et gracieux cjui se prete aux
besoins journaliers et qui seduit tout cnsemble par le bon marclie et par
Futile nouvcaute de la forme, manquait totalemenl dans la section italienne,
et il fallait Faller chercher dans les expositions anglaise, francaise, alle-
mande et notamment danoise r
Ii n’y a qu’une seule exception a faire, mais eile est importante. Nous
voulons parier d’une industrie speciale qui date du commencement de ce
siede et qui a pris les plus beaux developpements, celle des chaises dites
de Chiavari. La premiere fabrique de ces chaises en bois d’drable et ceri-
sier, d’un modele aujourd’hui bien connu, et qui etait au debut Fingenieuse
imitation du type parisien, fut fondee par Giuseppe Gaetano Descalzi, et
le Jury a etc heureux de couronner, dans quatre representants de la meine
famille et du meme nom, les habiles continuateurs d’un procede arrive au-
jourd’hui a d’admirables perfectionnements. 11 existe actuellement ;i Chia -
vari vingt-quatre fabriques de chaises qui occupent plus de 3oo ouvriers et
produisentde 3o ii 4o,ooo chaisespar an. Le prix moyendes chaises Fines
est de 7 Irancs environ, celui des chaises ordinaires de 2 fr. 20 cent. On
en voyait a Vienne plusieurs modeles qui joignent au me rite de la kige-
rete celui de la modicite du prix. Les plus simples, en effet, ne coutent
pas plus de 1 fr. 60 Cent, la pike.
Si mediocre quelle soit encore, la fabricalion des meubles en Italic a
fait depuis quelques annees de tres-grands progres.
Finocrhetli, Jhtpport mir le groupe I III, j>. (>.
BOIS OUVBES.
Le lableau ci-dessous en donne une preuve frappante
En 1867.
Francs.
Importationde meuldesde tonte espece. . 710.7/11
Exporlation 801,945
43 I
Excedant de I’importation go,5o4
En 1872.
Francs.
1,218,067
2,562,2/10
1,346,173
Le nord de l’Italie et particuiierement le Milanais sont le sidge princi-
pal de l’industrie du bois, et il est a regretter que les fabriques milanaises
ne so soient pas fait largement rcpresenter ä Vienne pour le meuble usuel.
Quelques-uns de leurs produits auraient probablement soutcnu sans peine
la concurrence de Fetranger. (Par exemple, on peut se procurer a Milan
une table ä rallonges tres-solide pour le prix de 35 a 4o francs.) On aura
une idde de Fimportance de la production dans ces fabriques, si Fon cons-
tate que le mouvement commercial de la seule ville de Milan s’eleve a
plus de 6,5oo,ooo francs, dont la moitid represente le prix de la main-
d’ceuvre de 5,397 ouvr i ers -
La Belgique a paru au Jury inferieure a elle-meme. 11 en est resulte
qu’il s’est montrd a son dgard d’une sdverite qui ne me semble pas entie-
rementjustifide.il ya longtemps que les artistes et les ouvriers beiges
sont passes maitres dans Fart de tailler le bois. La chaire a precher des
freres Goyers, de Louvain, style a pari, en est la meilleure preuve. II y a
lieu de citer un bahnt en ebene dans le genre de la renaissance flamande,
a combinaisons fort ingenieuses, d’une bonne execution, sorti des ale-
liers de MM. Snyer et Rane, de Bruxelles, ainsique les sculpturesdu lit.de
M. Briols, qui ne sont pas sans merite. Quant au lit lui-meme, il laisse
beaucoup a ddsirer sous le rapport du style, de Fagencement et du goüt.
En gdndral, ce qui m’a paru le plus manquer aux conceptions des ehe -
rnstes beiges, c’est le cotd architectural, l’dtude approfondie des styles, la
bonne entente des lignes entre elles, et surtout la correction du dessin.
Si la qualite du travail ne parait pas avoir fait de progres en Belgique
depuis quelques anndes, la quantite, au eontraire, s’aecroit dans une tres-
forte proportion. On en peut juger par la comparaison des chiffres que
nous empruntons a la statistique beige :
En 1869.
lmportation des bois de conslruction. . 146,635 mi
Repräsentant une valeur de 13,792,800 r
Exportation des bois onvrds 1,447,000
En 1870.
323,277""
21,113,ooo f
4,732,000
L’AHemagne n’avait rien negligd pour se montrer la digne emule des
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
m
peuples convies a venir se mesurer avec eile sur le torrain des Sciences,
des arts et de l’industrie. Naturellernent, le nombre des exposants etait
considerable; mais les resultats obtenus (Aaient loin de repondre a lein’
bon vouloir. Peu de luxe du reste; des meubles d’unc simplicile primi -
tive, presque tous calques sur le meme patron, et dont le prix m’a paru
superieur ä leur valeur reelle. En voyant ces expositions, j’ai regretle que
le peu d’espace accorde ä la France ne lui ait pas permis d’apporter en
concurrence ses meubles a bon marcbe. Nul doute que la comparaison ne
leur eüt ete favorable, sous le rapport du gout, du prix et de la bonne
execution. En ine rappelant l’Exposition de Paris de 1867, l’AHemagne
rn’a paru stationnaire.
Nous n’avons pas &,e seuls a eprouver cette impression. Le rapport
tres-etudiA et tres-complet d’un des jures autrichiens, M. Bernhard Lud -
wig, qui est lui-meme un des premiers fabricants de meubles de Vienne,
resumc ainsi le compte rendu de l’exposition allcmande. rNous avons
trouve qu’a peu d’exceptions pres l’Ailemagne n’est pas encore arrivee
dans cette Industrie ä l’independancc et a i’originalitd. Dans la plupart
des travaux qu’elle exposait, nous avons retrouv^ des dessins et des mo-
tifs qui rappelaient ou meme qui copiaient les modeles francais. Bien
qu’on ne puisse nier absolument qu’il se soit accompli depuis 1867 un
certain progres dans la fabrication, il faut constater neanmoins qu’aucun
style d^termine ne s’y est encore fait jour. . . Notre conclusion est qu’il
est vivement regreltable de voir des viiles comme Berlin, Breslau, Co-
logne, Mayence, Stuttgard,ne chercher a developpcr chez eiles rindustrie
des meubles qu’en s’appropriant les criiations artisliques d’autrui, ou en
s’adonnant a d’extravagantes bizarreries l .
On s’est generalement etonne de la maigreur et de l’insullisance de l’ex-
position berlinoise. II semblait cjue Berlin se fut, pour ainsi dire, desinle-
resse du concours. Cette ville, ou rindustrie des bois ouvres est si consi-
derable, s’etait contentee de l’aire figurer un tres-petit nombre de ses
produits, que ne rachetait pas d’ailleurs le merite du bien faire.
Nous devons constater cependant qu’une grande emulation s’est mani-
festee entre les viiles de l’empire allemand, et qu’une louable ardeur met
en concurrence avec la capitale Hambourg, Erfurt, Stuttgard, Mayence,
Munich, etc.
Dresde est evidomment la ville par excellence pour la production de
rebenisterie; deux diplömes d’honneur sont venus l’attester. Le premier
de ces diplomes a ete decerne ä M. Turpe, qui exposait des lambris de
Rapport ofliciel dr l’Eiposition, cahier xtiii, p. Ip-
BOIS OUVBtiS.
433
salle a manger, comprenant buffet et dressoir exdcutes avec uue rare per-
fection et une grande simplicite de style. Je n’en saurais dire autant de sa
tentativc d’imitation du genre Boule, 4 laquelle on peut reprocber des
graces un peu lourdes et par trop manierees.
La principale piece de l’exposition de M. Friederich, un meuble cn bois
d’ebene, d^core d’emaux, merite sans contredit d’etre signale comme un
des meilleurs en cegenre, et suffit a motiver 1c diplome d’honneur rpii en
atteste la superiorild.
On devait attendre aussi beaucoupmieuxde Munich, la villedes arls, qui
possede, entre tant de musees merveilleux, un musee d’art retrospeclif,
ou les fabricants auraient pu trouver des inspirations meilleures. Mais, de
l’aveu meme des juges bavarois les plus competents, ni les musees ni les
dcoles d’art industriel n’ont encore exercc une inlluence assez profonde et
assez generale sur le gout populaire. Cette inlluence ne peut tarder ce-
pendant ii se faire sentir, et deja l’exposition de dessins, entre autres les
dessins de meubles de l’Ecole de Nureinberg et de celle de Munich, la
premiere plus particulierement vouee au gothique, la seconde a la re-
naissance, ainsi que quelques specimens envoy^s par l’Ecole speciale de
sculpture sur bois de Werdenfels, promet d’imprimer a l’industrie du
meuble artistique une impulsion tres-heureuse.
Gelle des grandes villes allemandes qui se faisait le plus remarquer ä
l’Exposition par la hardiesse et la rapidite de ses progres, c’est la ville de
Hambourg, qui, par sa position meme et son grand mouvement commer-
cial, semble appelee ii devenir une rivale redoutable et redoutee pour ses
soeurs de l’Allemagne. L’elite de ses negociants, de ses arlistes, de ses
amateurs les plus eclaircs, a la tete desquels il faut citer M. Brinckmann,
le jurd tres-drudit du groupe VIII, s’est rdunie en societd pour crder un
musee et une ecole de dessin, destines a propager les plus saines doc-
trines de l’art applique a l’industrie. L’enseignement professe dans cette
ecole dcpuis 1 86 5 a deja produit d’heureux riisultats et en promet encore
de meilleurs dans l’avenir.
Avec beaucoup moins d’^clat et dans des conditions neccssairement
plus restreintes, le Wurtemberg s’applique moins ä developper c[u’ä popu-
lariser les arts industriels, et en particulier ceux de la menuiserie, de l’ebe-
nisterie et de la sculpture sur bois et sur ivoire. Aucun pays n’a su mieux
que le Wurtemberg faire penetrer jusque dans les villages l’enseignement
professionnel et artistique. L’ecole d’art industriel de Stuttgard, centre de
cet enseignement, exposait, parrni des specimens d’une valeur inegale,
d’assez bons travaux de sculpture sur bois; quelques cours spe'ciaux des -
tines aux apprentis et aux ouvriers ebenisles, et disperses dans des locahlds
EXPOSITION UNIVERSELLE DE V IENNE.
FtU
peu importantes, ßiberach, Sulgau, Rattweil, Rattenburg, etc., offraient
aussi des groupes en bois delicatement executes, mais qui, comme travaux
d’ecole, ont ete laisses ä Fappreciation du Jury de l’enseignement.
L’Autriche, ainsi que rAllemagne, se faisait plutot remarquer par lc
nombre de ses exposants que par la vaieur des produits exposes. Les deux
expositions se valent, pour ainsi dire, et les critiques comme les eloges
adresses ä Tune vont droit a l’adresse de l’autre.
Seide, la ville de Vienne peut soutenir la concurrence des autres pays,
et les deux diplomes d’honneur decernes par le Jury ont ete attribues a
des fabricants de Vienne, M. Heinrich Dübell, pour un mobilier de salle
a manger qui a reuni tous les sufl’rages, et M. Ludwig Bernhard, qui
exposait deux mobiliers fort remarquables ä tous les points de vue, Fun
de salle a manger et l’autre de chambre a coucher.
Oii a fait justement observer au Jury que Febenisterie de luxe de l’Au-
triche produit jusqu’ici ä des prix considerablemenl inferieurs ä ceux de
la France et surtout de FAngleterre.
L’industrie des bois courbes esl aussi particuliere a FAutriche. Les
dernieres Expositions ont assez fait connaitre Fingenieuse invention de
MM. Thonet freres pour qu’il ne soit plus besom de la decrire. L’cxpor-
tation a repandu Fusage de leurs sieges et de leurs meubles dans le
monde entier. Ils n’en font pas moins les plus grands ell'orts pour perfec-
tionner leurs procedes et les etendre. Les quatre usines de MM. Thonet,
etablies en Autriche et en Hongrie, utilisent le travail de 5,2oo ouvriers
des deux sexes. MM. Thonet etant hors concours, leJuryn’apu que leur
adresscr ses felicitations.
L’Autriche s’est occupee depuis quelques anndes avec la plus louable
sollicitude de crem' des centres populaires d’enseignement professionnel
pour le travail du bois. Elle possede d4ja une dizaine decoles de sculj)-
ture sur bois et d’ebenisterie dont les expositions, tres-mediocres au point
de vue du style, ne donnaient pas encore la mesure de ce que pourront
valoir un jour ces etablissements. Mentionnons aussi les cours speciaux
(itablis par M. Ludwig Bernhard dans sa fabrique de Suben (haute Au -
triche). Mais c’est M. L. Bernhard lui-meme qui, dans son rapport sur
cette section du groupe VIII, se plaint de Fabsence d’une direclion cen -
trale et d’un grand etablissement specialement destinö a developper Fin-
dustrie artistique du bois. Cette crdation serait, suivant lui, necessaire pour
ajouter a Fhabilele technique deja acquise par la fabrication autrichienne
la sürete de goüt et Fexcellence de style qui lui font encore defaut. L’beu-
reuse influence exercee deja par le Musee autricbien pour F artet Findustrie,
et fonde depuis quelques annees a peine, montre tout ce qu’on peut
BOIS OUVRES. 435
attendre de ce genre d’etablissements pour aider les progres et pour dirigcr
la marche de l’art Industrie].
La Russie n’etait, pour ainsi dire, representee dans l’industrie des
tneuldes et de l’ebenisterie que par l’ameublement du pavillon imperial,
conslruit par M. Stange, de Saint-Petersbourg.
Cette exposition se recommandait d’autant plus a l’attention du Jury
qu’elle etait congue dans le gout national russe, et que pas un meublo ne
portait la trace d’une Imitation elrangere. C’est a ce litre que de justes
eloges ont ^te adresses a M. Monighetti, l’ingenieux architecte au talent
duquel avait 6t6 confiee la conception de ce remarquable chef-d’oeuvre. II
lui revient une pari dans le diplorne d’honneur decerne a M. Stange.
Apres M. Stange, il n’y a plus lieu de citer dans la section russe, oii
figuraient cependant vingt-deux exposants, que les meubles en bois de
noyer sculpte et en bois de ebene noirci de M. Flamandskoi, les armoires
en poirier noirci de M. Schräder, et enfin les parquets et les meubles en
bois de hetre et de frene courbe de M. Macbonbaum. Les deux premiers
ont regu des medailles de merite, et le troisieme un diplome de merile,
pour l’extension rapide qu’a prise sa manufacture, qui, apres une existence
de six moisau plus, reunissait deja 4oo ouvriers dans ses ateliers, et pro-
duisait un chiffre d’affaires d’une valeur de pres de 800,000 l'rancs.
Le Jury n’a pu s’empecher de temoigner sa vive salisfaclion a la vue du
bon gout et de la rare perfeclion de la main-d’ceuvre des meubles e.vposes
dans la section danoise. Cette perfeclion est teile, qu’on peut ranger les
productions de ce pays a la suite de celles de la France et de l’Anglc-
terre.
Ces meubles se distinguent surtout de ceux des autres pays par l’heu-
reuse application des procedds de travail du menuisier, unis ä ceux de
l’ebeniste proprement dit, et c’est a cette intelligente associalion qu’ils
doivent une soliditd qui ne se rencontre pas toujours dans les ceuvres de
l’ebenisterie pure. Les lignes d’architecture sont d’une grande correction;
seuls, les figures et les ornements, bien que distribuds avec sobriete et
discernement, laissent a ddsirer sous le rapport du style et du dessin,
qui rappellent, jusqu’ä un certain point, ceux usittis par les ebenistes
francais du premier empire. A part cette legere critique, il n’y a que des
eloges a donner aux ebenistes danois, qui ont su mettre a profit les en-
seignements legues par Thorwaldsen et Hetch aux 4coles d’art et de
dessin, oii les ouvriers de l’ebenisterie recoivent gratuitement l’instruc-
tion professionnelle.
L’ebenisterie s’exerce avec succes dans les principales villes du royaume,
mais c’est a Copenbague que Fon rencontre des etablissements ayant une
EXPOSITION UMVEHSELLE DE VIENNE.
436
imporlance reelle. Parmi ces dcrniers, il faut citer ceux de MM. Lund ei
Jensen, qui ont obtenu tous deux des medailles de progres, le premier
pour son ineuble en ebene a panneaux d’ecaille, d^core d’ornements en
galvanoplastie, et le second pour l’ensemble de son exposition , son aineu-
blement complet de chambre a coucher en bois d’erable et d’acajou, ainsi
qu’une bibliotheque en bois de noyer et de tbuya, graves et sculptes.
Le Jury a encore particulierement dislingue un aineublement de salon
en bois de noyer inscruste de marqueterie, en bois d’ebene, de citronnier
et d’ainarante, sorli des ateliers de M. Hansen, aussi de Copenhague,
auquel il a decerne une medaille de merite. Cet ameublement, d’un style
pur, fait le plus grand honneur ü M. Brinkopf, qui l’a conru et dessine. 11
aurait ete ä souhaiter qu’une medaille de cooperaleur fut venue signaler
le talent de cet habile artiste.
Le Portugal merite une mention spfeiale ä l’Exposition de Vienne,
moins pour la valeur des produits exposes que pour les tentatives failes
par le Gouvernement pour faire naitre dans ce pays et y developper le gout
de l’industrie.
Les Portugals, chose digne de remarque, qui sont portes vers les
Sciences, les beaux-arts el le commerce, montrent une repugnance pres-
que invincible pour l’industrie manufacturiere. 11s partagent sans doute
avec les peuples meridionaux cette nonchalance paresseuse qui trouve un
aliment facile dans la fertilite du sol, dont ils tichangent les produits
contreles produits manuCactures des peuples du Nord,rendus plus indus-
trieux par la necessite de se procurer les richesses qu’un sol plus avare
leur refuse.
Comme exposition particuliere, nous ne trouvons ä signaler que les
cure-dents enbois, dont les plus riches affectenl la forme d’une lieche
cmpennee. Pden de plus delicat que l’imitalion des plumes formees par
les spirales qui se detacbent de la partie supdrieure. MM. Avellar et Mi-
randa, de Lisbonne, fabriquent ces cure-dents et les exportent sur une tres-
vaste Schelle. Ils ont pour concurrent M. Sylva, de Coi'mbre. Tous deux
ont recu la medaille de merite.
La seule exposition vraiment digne d’interet est celle des ouvrages en
bois sculptds rappelant par le style les griilages ajoures des mucharabies
arabes. On ne saurait trop admirer la finesse et la delicatesse de ces ]>an-
neaux, de ces consoles et de ces chapiteaux repercds, sculptes et graves.
dans des bois de differentes essences, destines i la decoration de la nou-
nelle chambre de commerce de Porto. Ces objets, qui ont ohtenus une
medaille de merite, sont exposes par l’association commerciale de Porto.
11 n’y a pas un touriste qui n’ait pu voir et acheter quelques-uns de tous
BOIS OUVRES. ;,37
ces menus objets qu encombraient ä Vienne les vitrinesdes exposants de la
Suisse. Tons ont la meine banabte, tous sont faits en vue de Texporta-
iion, et sortent, pour la majeure partie, des magasins de Berne.
Lejugement porte par M. Francis Ghomel, dans son interessant rap-
port au Gonseil cl Flat de Geneve, exprime bien le Sentiment qui vous do-
mine a la vue de ces oeuvres, oii la monotonie et la puerilite le disputent
ä l’absence d’art et de gout:
« • ■ • G’est a peine si l’on ose parier de la Suisse, oii nous restons (sauf
quelques rares exceptions) stalionnaires el attaches aux bibelots de table
et de jardin, aux petits chalets, aux chasseurs de chamois, aux boi'tes
d’allumetles, et ä tous les objets n’ayant qu’un caractere ornemental se-
condaire. On fait d’assez bonnes clioses dans ces genres (quoique gthiera-
lement lourdes), mais pourquoi eette repugnance a attaquer le grand
rneuble? Je crois que Tabus de la repetition des motifs donnes finit par
faire travailler Touvrier machinalement, d’oü il resulte qu’il n’eprouve plus
le besoin de recourir ä un enseignement veritablement artistique et clas-
sique. Malheureusement, il est difficile d’attaquer le meuble sans la eon-
naissance des styles, sans les etudes de la plante d’apres nature, sans les
etudes academiques pour les figures allegoriques, et sans les efforls per-
mancnts de la composition. »
Le Jury a cru devoir cependant attribuer une medaille de progres ä un
fabricant de Berne, pour un assortiment d’ustensiles en bois, destines a la
fabrication du fromage, tandis qu’il n’a donne qu’une medaille de gout u
Tarmoire porte-fusils de M. Mumprecbt, de Berne. C’est l’inverse qui aurait
du avoir lieu si, cornme nous Tavons explique au debut, les medailles
avaient une aulre portee que celle de recompenser le rnerite personnel.
La Hollande n’avait envoy^ que cinq exposants dans la classe 8; la
mediocrite des objets expos&s a decide le Jury a n’accorder aucune re-
compense.
Peu de clioses a direaussides Etats-Unis d’Am&üque, qui nefiguraient
a l’Exposition de Vienne que par quelques sp^cimens de meubles saus
interet seuls. MM. Pape freres et Kugeman, de Cincinnati, ont ete juges
dignes de la medaille de merite pour leurs echantillons de moulures de-
coriies et leurs imitalions de moulures en bois precieux.
Le Gouvernement du Bresil, voulant introduire et encourager Tindustrie
des meubles dans son pays, a fait executer dans les arsenaux maritimes
de Rio-Janeiro, de Fernambouc et de Bahia, des marqueteries, un ameu-
blement complet de chambre a coucher; et par les detenus de la maisort
de correction de Rio-Janeiro, une table de salon en palissandre, dont le
jdatcau, sous pretexte de mosaique, donne des dchantillons des differentes
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
/i38
especes de bois du Bresil. Une medaille de m&’ite, deux diplömes de me-
rite et une medadle de cooperateur donnee a M. Harms, ouvrier d’etat
a l’arsenal de Fernambouc, sont venus recompenser ces louables tenta-
lives.
Nous ne parlerous ici que peur memoire de la Grece et de la Turquie:
ces deux pays n’ont figure a l’Exposition de Vienne, queparde grosseres
contrefafons du passe ou par des meubles imites de la France, plus grossiers
encore. On peut en dire autant de la regence de Tunis : un seul exposant,
M. Aristarchi, ouvrier de la fabrique imperiale de Constantinople, a me-
rite d’attirer l’attention du Jury. II exposait un jeu d’echecs avec son damier
en bois de thuya incruste de nacre et d’^caille, un coffret d’^caille a reflets
sanguins, incruste de nacre, et enfin un tabouret en bois d’erable avec des
marqueteries de nacre. Ces trois objets, d’une execution precieuse et d’un
gout irreprochable au point de vue du dessin et de la d^licatesse des or-
nements, ont valu a leur auteur une medaille de gout.
Un grand interet de curiosite s’attachait surtout aux expositions de i’ex-
treme Orient. On esperait des revelations inattendues dont nos arts et
notre industrie pourraient tirer de grands avantages. Ces esperances ont
ete en partie decues. Rien de nouveau n’a surpris nos regards. Le com -
merce avec ses ecbanges, les depouilles du palais d’Ete rapport^es par les
armees francaises, nous avaient dejä familiarises avec les objets manufac-
tures les plus pr^cieux de la Chine et du Japon. Bientot des relations plus
frequentes avec ces pays si longtemps fermes aux investigations de TEurope
lui livreront les derniers secrets de ces laques, de ces vernis, dont la fabri-
calion reste encore pour nous a l’^tat de probleme. Les Japonais, de leur
cöte, auront plus a gagner a notre contaet que nous au leur, au point de
vue commercial, industriel et manufacturier. Ils en sont encore au travail
isole, individuel. Leurs ouvriers ne sont pas soumis, comme les nötres, aux
regles du travail encommun; ils ne sont pas agglomer&dans des ateliers,
dans de vastes usines, ou, second^s par des machines-outils perfectionnes,
ils puissent produire en abondance les objets de necessite premiere, oeux
de luxe, et les mettre a la portee de tous. Au Japon, les classes privi-
legiees, les riches seuls, peuvent seprocurer ces merveillesde l’ebenisterie,
ou Tor, Targent, le fer, l’ivoire, T^caille, la nacre, le jade, la Serpentine,
la malachite, le cristal de röche, la topaze, l’amethyste, les emaux cloi-
sonnes, etc., le disputent a la valeur des bois rares etouvrag^s qui les en-
cadrent. II n’est pas meine donne non plus a tout le monde de pouvoir
sc procurer ces mille petils riens qui, sous forme de tasses, de boites,
de plateaux, de vases, etc., eblouissent le regard par l’eclat des vernis et
des laques, dont les couleurs rouge,s, verlos, brunes, noircs, tout enso-
■ i
HO iS OUVRES.
'i39
leillees de poussiere d’or, servenldc fonds aux reliefs argentes et doresdes
monstres les plus fantastiques, des fleurs et des plantcs les plus bizarres, des
oiseaux les plus f^eriques, des animaux les plus «Stranges de la terre et de
l’eau. Les seines les plus intimes de la vie de famille, celles plus «5mou-
vantes de la vie publique, gracieusesou terribles, y sont aussi representees,
attestant une fois de plus «pie les peuples sont agites par les meines pas-
sions, que les liommes ont la meme origine, et que l’humanitd est soli-
daire.
Les Japonais sont braves, spirituels, s’estiment superieurs aux peuples
etrangers, que naguere encore ils traitaient de barbares. 11s aiment les
Sciences, les arts et s’y appliquent avec succes. De plus , ils sont doues d’une
heureuse memoire qui leur pennet de s’assimiler facilement ce qui a une
fois frappe leur regard et leur enlendement. 11 y a donc tout lieu de craindre
qu’ils ne deviennent, a un moment determin4, des concurrents redou-
tables pour nos int6rets commerciaux, en fabriquant aussi bienet a meilleur
cornpte les produits similaires de nos metiers et de nos manufactures.
Dteja ils soumettaient ä l’appreciation du Jury des meubles imittls de
ceux de France; mais ces imitations, il faut bien le dire, etaient loin
de repondre aux regles les plus elementaires du goüt; aussi onl-ils ete
l’objet de sdveres critiques de la part du Jury, qui n’a pas approuve cette
promiseuite de formes et d’ornements qui ne sauraient s harmoniser en-
semble, quelles que soient la valeur de la main-d’oeuvre et la precision du
(ravail.
Les produits du Japon, expostis sous la surveillance et la responsabilite
d’une Commission de l’Etat, etaient de deuxsortes, individuels ou collectifs.
Les villes de Yeddo, Tokio, Hiogo avaient fourni les premiers, tandis
que les seconds venaient plus particulierement d’Ossaca et des ddpartements
de Sbidzouoka, Tolsbigi, Touruga, Thsikouma, Shiga, Totori, Aornori,
Atika, Watarai, Wakayama, Toyoku. Deux medailles de ]>rogres, seize me-
dailles de merite, quatre diplomes de rnerite, soit vingt-deux rdcompenses
pour trenle exposants, ont ete attribues a douze individus et a dix exposi-
tions collectives.
Les deux medailles de progres ont ete obtenues par MM. Yamamolo
Yaszubd, du deparlement de Sbidzouoka, pour sa tres-curieuse colleclion
d’outils en bois, et Sakabe Kumadiero, de la ville de Tokio, pour l’en-
semble de son exposition : laques, meubles a l’europeenne , et objets divers
en bois simples et ouvrages.
Le departement d’Aomori s’est surlout lait remarquer par la sujterio-
rite de ses laques, et celui d’Atika pour ses tasses en bois verni qui peuvent
supporter la cbaleur de l’eau bouillanle saus en etre alterees.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
ViO
Les exposants de la Chine n’etaient, ävraidire, que des mtermediaires,
des negocianls venus a Vienne plutot pour raieux ecouler leurs marchan-
discs que pour prendre pari au concours auquel ils avaient eie convies.
Le Jury, ne voulant pas se rcndre solidaire du sentiment de luere qui
avait preside ä ces installations, se decida a ne decerner de recompenses
qu’ä ceux qui revendiqueraient ia paternite des objets exposes. Ii en est
resulte que, malgre le grand nombre des exposants, deux seulement onl
obtenu des medailles de inerite, pour des objets en bois sculpte.
Ces expositions, du reste, ne presentaient guere que des objets connus,
et, sauf quelques meubles en bois de fer incruste d’ivoire, de nacre et de
bois de satin grav^ d’un Iravail precieux, representant des scenes familieres
de la vie chinoise, il n’y avait 4 signaler qu’une tentative de meubles a
Feuropeenne, que les sculptures chinoises, abondantes et refouillees a
l’exces, rendaient d’un usage incommode et d’un goüt plus que douteux.
Les meubles proprement dits etaient rares dans les sections de la Perse
et de linde, et les objets ressortissant au huititime groupe tenaient beau-
coup plus de la tabletterie que de l’ebenisterie.
L’Exposition de 1 855 a Paris nous avait laisse de Finde, enparticulier,
un meilleur souvenir; notre curiosite a donc ete quelquc peu decue en
l'ace de ces memes objets, laques, enlumines de couleurs et d’or, de ces
eternels etuis, pupitres, ecrins, boites a gants, porte-monnaie, vide-
poclie, etc. etc., executes sur des patrons anglais en bois d’ebene, d’alber-
gia, de sandal, dont les incrustations d’&aille, d’ivoire blanc ou colore,
sont encadrees de sertissures de metal et d’entrelacs geometriques qui
fatiguent bien vite le regard.
Un seul exposant, dont le nom atteste une origine frangaise, M. Des-
charnps, de Madras, a ete juge digne d’un diplome de merite, pour un
gueridon et une armoire en bois de satin dont le caractere national s’etait
visiblemenl corrompu au contact du gout europeen.
Ce qui se dit ici de Finde peut aussi bien se dire de la Perse, dont les
tentatives d’imitations europeennes sont loin de meriter les suffrages des
juges eclaires. Aussi le Jury n’a-t-il cru devoir accorder aucune recom-
pense aux exposants de ce pays.
PEINTURE, TEINTUHE ET DORURE DES OBJETS EN BOIS
Cetle section n’etait representee a Vienne que par un nombre restreint
d’exposants ; les Autricliiens seuls avaient donne degrands developpements
a cette partie de leur exposilion; la Prusse et la Baviere y faisaient aussi
quelque figure. La France, sur quatre exposants, en cul trois recompenses;
BOIS OUVRES. Ith 1
toas les autres pays etaient pour ainsi ctire absents ou n’offraicnt, comme
l’llalie par exemple, que des produits mediocres ou plus que mediocres.
La dorure du bois fut longtemps reserveo ä leglise et aux usages reli-
gieux; les boiseries dorees etaient dans la decoration des edifices, comme
les fonds d’or dans la peinture, le caractere distinctif et le privilege des
obiets sacres. Peu a peu, et dans le cours meine du moyen äge, ce luxe
passa des temples auxpalais, des palais aux ehäteaux, et memc enfin aux
riches demeures particulieres. Mais, jusqu’au xvn e siede, la dorure, qui
etait restee un ornement tres-couteux, etait frequemment reinplacee par
ce que l’on nommait 1 ’Stain safrane. Cette dorure factice s obtenait par
l’einploi d’un vernis transparent ([ui devait au safran sa belle teinte jaune.
On recouvrait de ce vernis une mince laine d’etain sur laquelle des artistes
de plus ou moins de talent peignaient ensuite des fleurs, des animaux,
des arabesques et des ornements de toute sorte. Les cuirs de Gorcloue
doivent en partie leur eclat a ce procede; les Italiens y ont cxcelld. On
employa aussi pour ce genre de decoration des feuilles d’argent; les unes
et les autres s’appliquaient sur los parties a decorer de la meine lafon que
les feuilles d’or.
Depuis lors, les progres de l’industrie et le perfectionnement des pro-
cedes mecaniques et chimiques ont rendu de plus en plus general 1 usage
de la dorure. 11 fait partie aujourd’hui de ce luxe accessible ä tous qui
n’est plus considere que comme une des conditions du bien-etre. Nous
n’avons a faire ici ni la description ni l’appreciation comparative des
moyens techniques employes dans cette industrie. Constatons seulement
que l’Exposition de 1873 ne nous a reveld aucun progres Capital sur celle
de 1867, tout en attestant une habilete croissante dans l’execution des
procedes connus. 11 en est de meine pour les dillerents modes de tcinture
et de peinture des bois. On continue teindre facilement en noir le
poirier, l’acajou, le lietre, le merisier; mais on n’a encore obtenu une
veritable imitation de 1’ebene qu’avec le poirier. 11 y avait de beaux speci-
mens de ces bois noirs artificiels dans l’exposition autrichienne, dans
l’exposition russe et dans quelques autres. On y voyait aussi des imitations
de bois d’amaranteet d’acajou tres-bien reussiespar la teinture aidee d’un
vernis coloi’4.
La France a obtenu dans cette section une medaille de progres pour
une societe de peinture decorative et d’impression sur etain qui s est fondec
dans ces derniers temps, et dont le but est d’exploiter l’Oain recouvert de
peinture pour imiter les marbres et les bois precieux. Les feuilles d’etain
roulees comme le papier peint s’appliquent fort aisement sur les muradlcs
et les menuiseries. Elles onl le double avantage de supprimcr le peintre
W2 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
decorateur ä FintErieur dos appartements, et de donner aux couleurs une
transparence qui aide ä Filiusion. Les rEsullats dont on pouvait juger a
Vienne Etaient du meilleur augure.
Trois rEcompenses ont ete decernees aux doreurs frantjais representes
par MM. Picarel, Souty, Brot. Le premier, pour ses dorures d’apparte -
ments, le second, pour ses dorures appliquees aux moulures, aux cadres
et aux meubles, remarquables par la puretE et l’Eclat des mats, des brunis,
ont obtenu une medaille de merite.
Les Allemands executent aussi d’excellentes dorures, mais ici, cornme
dans la section prEcEdente, le Jury a rencontre les traces d’un mauvais
gout pour lequel il a du etre severe. La structure et la forme souvent
vicieuse des ajustements, Femploi mal combine des mats et des brunis,
la lourdeur pretentieuse de la decoration qui afficbait Fopulence saus
exprimer une pensEe d’art, nuisaient a cette exposition dans le jugement
de tous les Connaisseurs. Cependant les grands Etablissements de Kiel, de
Cologne, de Berlin, ceux de Bade et de la Baviere, ont obtenu plusieurs
distinctions, six medailles et trois diplömes. Et parmi ces dix-neuf expo-
sants, il s’en est trouve un dont les produits ont vivement attire Fatten-
tion du Jury. C’est la maison Henri Pallenberg, de Cologne, dont les
consoles, les cadres et les couronnements de fenetres ont Ete jugEs dignes
de 1 unique diplome d’honneur dEcernE dans cette section.
L’imitation des ors de couleur est une industrie ou les Allemands ex-
cellent a tel point, que ces ors ont pris dans le commerce le nom «d’or
allemand». C’est aussi ä FAllemagne qu’est due Finvention de vernis co-
lorEs ä Faide desquels For, Fargent, FEtain, le cuivre et leurs alliages
appliquEs en lames minces sur le bois prEparE pour la dorure, refoivent
les teintes les plus variEes et les plus Eclatantes. Ces mEtaux ainsi colorEs
pourraient produire de tres-bons efFets de dEcoration. Malheureusement,
les essais qui en ont EtE faits jusqu’ici n’ont pas encore donnE des rEsultats
susceptibles d’une application a la fois industrielle et artistique.
Mais les vEritables concurrents des doreurs frangais sont les Beiges, qui
avaient exposE une sErie d’objets beaucoup trop restreinte, süffisante
cependant pour apprEcier la beautE de leurs produits. Les spEcimens de
moulures dorEes pour cadres de M. Manteau, de Bruxelles, ont valn a ce
fabricant une mEdaille de mErite justifiEe a la fois par la bontE du Iravail
et par la modicitE des prix.
L’Autricbe Etait, sans comparaison, le pays le mieux reprEsentE pour
1 industrie de la dorure. 11 faut citer au premier rang les tres-beaux et
tres-habiles ouvrages de la maison Köll)l et Tbrem, de Vienne, en parti-
culier deux parois dEcorees qui auraient sans nul doiite oblenu une baute
BOIS OUVRES.
/li.'i
recompense si M. Kolbl, membre du Jury, n’avait et4 hors coucours.
Dans plusieurs autres expositions, meine parmi celles qui ont etc recom-
pens^es, le gout laissait souvent plus ä desirer que l'habilete dans l’oxecu-
tion technique.
L’imitation de bois et de marbre esl, dans l’industrie qui nous occupe,
une branche qui, cn Autriche, semble prospdrer entre toutes; le cata-
logue des recompenses ne contient pas moins de onze mentions, dontliuit
medailles decernees a des maisons viennoises pour le seid chapitre des
imitations de marbre et de bois pnkieux; citons entre autres celles de
M. Riba et celles de M. Weber.
BOIS DE FENTE, BOIS DAL LE METTES ET PRODUITS.
TONJNEAUX, BARDEAUX, CERCLES, SABOTERIE, ETC.
Dans la section consacree aux produits de bois de fente, la France,
l’Angleterre, la Belgique, l’Italie et plusieurs autres pays s’etaient abs-
tenus. L’Allemagne presque seule y faisait concurrence a 1’Autriche et ä la
Hongrie.
Les objets les plus extraordinaires, sinon les plus remarquables de rette
section, se trouvaient dans la vaste exposition forestiere de la Hongrie. Non
loin d’un pavillon central de forme curieuse, qui representait les eglises en
bois des villages de la Marinade (dans les Garpathes), on avait construit
tout expres un vaste bangar pour abriter deux tonneaux gigantesques. Le
plus petit avait une contenancede i,5oo akos 1 (84g hectolitres); lautre,
en ebene d’Esclavonie et d’une capacitö de a5oo akos (t,4i5 hecto -
litres), avait ete commande d’Augsbourg. Seize ccrcles de fer maintenaient
ses douves, qu’on a mis plusieurs jours a courber au moyen du leu. Le
fond avait douze pieds de diametre; on y avait assez habilement sculpte
une danse de viilage au son du czimbalon traditionnel. Une ouverture
adroitement dissimulee permet de s’introduire dans le tonneau pour le
nettoyer. Ges tonnes colossales etaient, comme on le pense bien, moins
destinees a representer les progres de la tonnellerie qu’a faire admirer la
richesse des forets de la Transylvanie, de la Croatie et de l’Esclavonie.
Les produits allemands montrent le role Croissant de la fabrication me-
canique dans la barillerie, la disparition rapide du bois pour les ustensiles
de menage, la tendance de la petite industrie du bois a se localiser loin
des grands ccntres et surtoul dans lAllemagne du Sud; enfin la diminu-
tion du chiffre relatif de la production allemande dans la saboterie, dans
1 Un ako vaut o\5fi6.
hhh EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
la fabrication des aUumettes, oü la concurrenee des j>ays scandinaves n’est
plus guere soutenue cjue par la Baviere et le pavs de Bade.
L’Espagne a obtenu aussi trois diplömes pour dix produits de bois de
feilte, notamment pour des cercles de tonneau en bois de pin sauvage.
C’est ä l’Italie qu’est echue l’unique medaille de progres de celte scc-
tion; eile a ete decernee a M. Rizzi, pour ses Stores ou jalousies en
minces lames de bois.
Lindustrie des chapeaux de copeaux a aussi pris un assez grand deve-
loppement dans le Milanais.
Signaions encore l’emploi du bois pour remplacer le chiffon dans la fa-
brication du papier. La France n’avait envoye aucun specimen de cette In -
dustrie. L Allemagne, l’Autriche s’y etaienl seules fait representer.
OIJJETS EN LIEGE.
L Industrie toute speciale du liege est necessairement liee au voisinage
des forets de cbene-hege (querem suber). Les plus considerables par leur
etendue conime par la valeur de leurs produits se trouvent en Espagne,
en Portugal et en Algerie. L’Italie et les provinces maritimes de l’Autriche
viennent ensuite.
A l’Exposition de Vienne, l’Espagne, qui eut pu pretendre au premier
rang, etait mediocrement representee; de ses quinze exposants, quatre seu-
lement ont obtenu le diplome, etun seul 1 la medaille de merite. Les beaux
lieges de Catalogne, ceux de ßarcelone et de Saragosse, dont l’exporta-
lion est interdite depuis quelques annees, n’ont pas de rivaux pour les ap-
plications qui exigent un grain serre, parfaitement lln et regulier. Les
Anglais qui s approvisionnent en Espagne et en Portugal consomment et
exportent pour leurs coloniesplus de vingt millions de bouchons par jour.
Leur depense annuelle en liege represente environ ao millions de francs.
L’Italie commence ä exploiter avec un grand succes ses forets de Tos-
cane, de Sardaigne, de Calabre et de Siede; cependant l’importation est
encore notablement superieure ä l’exportation. On travaille le liege avec
une grande liabilctA a Genes, a Milan et ä Naples. Trois exposants sur
sept ont ete distingues par le Jury.
LAutriche exploite les lieges du littoral et de la Dalmatic, et s’eflbrce
d en accroitre la production pour cesser d’etre a cet egard tributaire de
1 Espagne. Diverses fabriques, les unes de Vienne, les autres de Platten,
dans l’Eygebirge, ont obtenu cin<| medailles, un diplome de merite et
1 Deux exposants fiyuraienUlans la premierc eiJilion comrne ayant reca la metlaille de merile.
150IS OUVRES. kUä
une inedaille de progres, a la fois pour la beaute de Ja mallere premiere
et pour la bonne fabrication a bon marclie.
L’Allemagne a aussi depuis peu introduit chez eile l’industrie des bou-
chons de liege. La Thuringe, la Hesse, le duche de Bade, et surtout la
vallee du Weser inferieur, fabriquent quelques centaines de millions de
bouchons, et les r^sidus sont tres-ingenieusement utilises, soit pour les
filets, soit pour des appareils desauvetage et de natation, soit encorepour
des combinaisons chiruiques qui servent ä la production d’un caout-
chouc artificiel, d’un noir d’imprimerie, etc. Enfin la France, quoique
plusieurs de ses departements meridionaux (le Var, les Landes, les Pyre-
nees) fournissenl du liege, n’etait representee a Vienne que par l’Algerie.
Plusieurs concessionnaires de forets de chenes-lieges possedent aujourd’hui
en Algerie, d’importants ateliers de fabrication de bouchons, soit ä la ma -
chine, soit a la main. La societd Besson et C 10 a ajoute aux autres appli-
cations du liege l’emploi de ce corps l<%er, soiqtle, mauvais conducteur
de la chaleur pour la Couverture des machines a vapeur. Ges enveloppes
isolantes de liege sont deja utilisfes sur un certain nombre de chemins de
fcr anglais et allemand. Le jury a encourage par une inedaille de progres
les innovations heureuses de la fabrique Besson, par des medailles de
merite les travaux de diverses fabriques de Philippeville, de Böne et de
Tefeschoum.
L’industrie du liege ne se prete pas encore gdneralement a l’emploi
des macbines pour la production en grand. C’est seulement dans les Etats-
Unis, ä cause de l’extremc cherte de la main-d’ceuvre, et dans l’etablisse-
rnent Gabert, a Philippeville, que le travail ä la machine est applique avec
succes sur une grande erhelle. On le trouve aussi dans quelques fabriques
russes, notamment dans celle de Biga, que le jury a distinguee par une
inedaille de merite.
VAN IN ER IE.
La vannerie est une des rares industries ou le travail continue de se
faire a la maison et non ä l’atelier; c’est une de ces ressources tres-modi-
ques, mais precieuses, dont vivent encore les villages 41oign^s des centres
industriels. A ce double titre eile merite l'interet, aussi bien que par les
Services quelle a toujours rendus au commerce et qu’elle lui rend plus
que jamais aujourd’hui, ne füt-ce que par la fabrication des immenses
quantites d’emballages legers et a jour qu’elle lui fournit.
L’Allemagne etait mieux representee que l’Autriche dans cette section.
Elle y avail envoye dix-neuf exposants,et y a regu deux medailles de pro -
gres, trois de merite et sixdiplomes, dont cinq accordds ä la Baviere, plus
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
44 6
trois medailles de cooperaleur. La vannerie grassiere est surtout ddve-
loppee en Baviere, dans les Fichtelgebirge; la vannerie fine a Berlin et dans
les autres grandes villes. Elle se rattache a la chaiserie, a la sparterie, ä
la fabrication des meubles en canne. Les travaux les plus brillants ve-
naient de Hambourg, de Mayence et de Berlin. Nuremberg et surtout Licb-
tenfels ont des industries speciales assez florissantes. Cette derniere ville
emploie a divers travaux de vannerie quelques milliers d’ouvriers, presque
tous occupes ii domicile avec leur famille.
L’exposition autrichienne comprenait tous les genres, depuis le travail
le plus grassier jusqu’a de vdritables ouvrages d’art. Les corbeilles,
paniers, ouvrages d’osier de la Boheme, de la Carmole et de l’lstrie, se
faisaient remarquer par le hon marche.
La maison Van Oye, de Bruxelles, qui a une de ses usines en France,
a obtenu une mddaille de progres pour la preparation des rotins dont eile
se sert pour fabriquer des tapis, des paillasses, des matelas, des cor -
beilles. La Hollande, la Russie, et surtout le Dänemark pour ses tressages
pour chaises, ont aussi recu quelques distinctions. L’Italie n’ena pas obtenu,
quoiqu’on put trouver d’assez gracieux ouvrages de bois tresse pour diffe-
rents usages dans les expositions de Mantoue, de Modene, de Venise et
de Capri.
Enfin le Japon avait parmi ses petits ouvrages de luxe, exdcutes avec
une merveilleuse precision, un assez grand nombre d’objets tressds, la
plupart en barnbou et en paille. 11s sont trop connus des Europeens pour
que nous ayons a les decrire ici.
Les deux derni&res sections du groupe VIII n’ont pour ainsi dire existe
que dans le programme. Aucune recompense n’a etd ddcernee pour le
materiel et les procedes employes dans l’industrie du bois. Enfin la sta-
tistique de production n’a ete que partiellement et presque accidentelle-
ment fournie pour quelques exposants. Nous avons indique, au cours de
ce rapport, les chiffres generaux les plus significatifs, et nous ne pouvons
qu’exprimer, en terminant, le regret qu’il soit impossible de se livrerace
sujet a une etude comparative. Nous croyons en effet que, si l’on voulait
rapprocher dans une apprdciation raisonnee, non pas les merites indivi—
duels, inais les progres generaux des divers pays, il faudrait avant tout,
pour etre impartial, se rendre exactement compte des condilions imposees
a cbacun d’eux par la nature. N’est-il pas manifeste, par exemple, cpie
les richesses forestieres de la Hongrie, le hon marche dela main-d’muvre
et du bois dans le nord, les essences speciales des forets du midi, les faci—
lites de transport dont jouissent les pays maritimes et leurs colonies, sont
BOIS OUVRES.
autant de circonstances favorables et de causes infaillibles de prosperite,
pour peu que l’industrie nationale soit en mesure d’en tirer parti? Mais,
nous l’avons dejä dit, cette comparaison internationale n’etait pas le but
que s’^taient propose les organisateurs de l’Exposition de Vienne; et les
documents statistiques d’un caractere olFiciel complets et methodiques, qui
auraient fourni les Elements indispensables de cette etude, manquaient
aussi bien dans le groupe VIII que dans plusieurs aulres parties de l’Ex-
position.
Nous sortirionsde notre role de rapporteur en cntreprenant de combler
cette lacune par des recherches qui n’auraient rien de connnun avec l’Ex -
position de Vienne.
A defaut de ces vues d’ensemble sur les progres de l’industrie dans les
diverses parties du inonde civilise, nous pouvons du moins tirer des faits
que nous venons de passer en revue une conclusion plus restreinte, mais
non moins interessante. Nous pouvons dire quelle figure faisait l’industrie
frangaise dans le grand concours de Vienne ä cote des produits incompa-
rablement plus nombreux des pays rivaux.
L’impression qui ressortait clairement de cette comparaison, meine
pour les yeux les plus prevenus, c’est que non-seulement la France n’a
rien perdu de la superiorile de ses arts et de son industrie, mais encore
quelle est en voie de progres; que ses revers ne Tont point abbattue; que,
toujours genereuse et hospitaliüre, ses enseignements sont atous; que ses
ateliers, ses manufactures acceptent avec empressement le concours des
ouvriers Prangers, pour lesquels ils ne gardent aucun secret. Bien plus,
la France ne s’est jamais refus^e ä entrer en concurrence avec les nations
rivales, cliez lesquelles ses artistes les mieux doues, ses ouvriers les plus
habiles avaient porte l’autorite de leur talent, de leur gout et de leur ex-
perience; et l’on peut s’etonner a bon droit qu’elle n’ait pas ete egalee,
sinon surpassde, par ceux-la intimes auxquels eile pretait son concours le
plus desint^resstb
Lors de la derniere Exposition, un juge particulierement comp^tent et
aulorise ecrivait dans son rapport ces paroles graves : kII nous survient
des emules, et la preerninenee de la France dans le domaine du gout
pourrait etre ebranlee prochainement, si nous n’y prenions garde. Les
juges les plus comp^tents remarquent, dans les applications de l’art a l’in-
dustrie cliez nous, quelques symptbmes de decadence.» A notre avis,
apres l’Exposition de Vienne, on peut dire, en toute certitude, que ces
appreliensions de M. Michel Chevalier ne se sont point realisees.
En depit des temps, des lieux et des circonstances, en depit des epreuves
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
448
([ti’elle a traversees, et des efforts cnergiques de ses rivaux, la France
conserve sa Suprematie.
Qu’il nous soit [icrmis de rechercher, en terminant, le secret de
cetle fecondite qu’aucun malheur n’epuise, de cette jeunesse que rien ne
fletrit.
La France doit sans cloute son eclatante superiorite au respect et au
Souvenir des tradilions d’art qui ont fait io gloire de son passe, au gerne
heureux de son caractere, qui lui fait ^viter tout ce qui dansles ornements
n’est qu’une mode passagere, a son instinct, qui lui dit que la mode est
le tyran du goüt, et que le gout ne saurait etre bon s’il n’est conduit par
le sentiment du beau. Elle doit encore cette Suprematie ä la pratique
qu’elle sait tirer presque inslantan^ment de ces tlniories dans lesquelles
l’etude approfondie des Sciences ehimiques et mathemaliques apporte
chaque jour de nouvelles modifications.
L’etude meine de ces Sciences est en quelque Sorte devenue le comple-
ment indispensable de l’education de tout artisan jaloux de coopercr ä
l’execution des dessins des grands maitres, car le melier, devenu supe-
rieur par le secours des machines-outils, voit s’aplanir devant lui toutcs
les difficultes materielles, et permet ä l’art de se manifester dans tout son
eclat.
On a beaucoup discute, dans ces dernieres annees, d’une alliance pos-
siblc del’art avec l’industrie, qui, sous l’appellation caracteristique «d’Art
Industriell, confondrait dans un tout harmonieux l’oeuvre de l’artiste avec
cclle de l’artisan.
C’est lä une grave erreur, selon nous; l’art est un, il est dans tout et
partout, il s’applique a tout et ne saurait s’enfermer dans des formulcs
qui vont droit a l’encontre du but propose. Je n’en veux pour preuve que
la crealion de l’ecole et du musde de Kensington, a Londres, dont les
enseignements devaient resoudre ce probleme et transformer tout un
peuple porte vers les speculations du commerce et de l’industrie en un
peuple rival de la France dans l’application des regles de l’art aux produils
manufactures. La vue des meubles exposes ä Vienne par FAnglcterre est
venue nous confirmer dans cette pensee, qu’il ne saurait rien sorlir
de parfait d’une teile 4cole, et qu’un meuble ne devenait riiellement
un objet d’art qu’aulant qu’un arliste, un maitre des ceuvres, comme s’in-
titulaient modestement les architectes au moyen äge, en avait conpu le
plan, dessin^ les figures, les ornements, et dirige la main-d’cEuvre des-
linee a donner un corps ä sa pensee. Les manifestations de l’art dans l’in-
dustrie n’ont de valeur qu’a cetle condition, quels que soient d’ailleurs
les moycns employes pour les faire naftre, car peu nous importe que
liOIS OUVHES.
449
l’outil soil dirigb par le levier puissant d’une machine ou par la main plus
intelligente, mais moins rapide et moins precise de l’ouvrier.
A notre poinl de vue, tant que la France conservera ä la tete de son
enseignement son «Ecole des Beaux-Arts», qu’elle enverra ses artistes les
plus distingubs et les plus instruits etudier aux sources pures de l antiquite
ces regles immuables du beau et du bien, eile conservera son gbnie, et
ses industries en recevront un eclat d’autant plus grand que cette Ecole
sera placke plus haut dans l’estime publique.
Ne l’oublions pas, l’art, dans ses applications a l’industrie, n’a jamais
brille d’un bclat plus vif en France que lorsque, sous une discipline
severe, les maitres se formaient par l’etude approfondie des oeuvres im-
mortelles de la Grece et de l’Italie. Les merveilles de la Renaissance n’ont-
elles pas a tout jamais prouvd que cette libre et intelligente etude de
l’antique est le plus parfait moyen de feconder le gbnie individuel et
national.
Restons fideles a cette tradition, qui est une de nos gloires, et, sans
meconnaitre les heureux effets de certaines fondations comme les musdes
d’art industriel, les dcoles professionnelles et artistiques, gardons-nous de
confondre le rble de l’ouvrier qui exbcute avec celui de l’artiste qui con-
foit et qui cree.
Nos conclusions sont donc les memes qu’on retrouve ä la fin des rapports
publibs par nos collegues autricbiens, italiens, beiges : comme eux, nous
souhaitons de voir dans l’industrie du bois, comme dans touteautre forme
de l’industrie artistique, l’instruction se rep an (Ire, le sentiment du beau
s’bpurer, la connaissance instinctive des principes esthetiques 1’empörter
sur les caprices de la mode et sur les routines de l’ignorance; comme eux,
nous tiendronspour un bienfait national touteInstitution qui, en donnant
a l’ouvrier un Supplement de culture, donnera par la mbme au gout de la
foule une impulsion meilleure, une plus saine direction; comme eux,
nous voudrions voir se multiplier dans tous les grands centres des ecoles
d’ebenisterie, des cours de dessin a l’usage du menuisier, du charpentier,
de l’bbeniste, du marqueteur, du graveur, etc., des lejons d’histoire de l’art
sbrieusement appropribes aux besoins de chaque industrie. Mais nous
croyons devoir insister plus qu’on ne le fait peut-etre ailleurs sur le carac-
tbre qu’il convient d’assigner a tout cet enseignement de l’art industriel.
Necherchons pas, comme le dit tres-bien le rapporteur autricbien.a faire
de tout ouvrier un architecte, de tout fabricant un artiste. Effacer la dis—
tinction entre le genie qui invente et la main ou la machine qui execute,
ce ne serait pas democratiser l’art, mais le dbgrader. La France doit plus
que tout autre repugner ä cet amoindrissement : eile n’a qua se retrem-
450
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
per clans ses propres traditions pour s’assurer un avenir aussi glorieux <pie
son passe.
Ne nous efforcons donc pas de former des artistes lä ou il ne doit
y avoir que des artisans. Dieu seid cree ces esprits superieurs dont la
mission ici-bas est d’ennoblir les oeuvres les plus vulgaires et de les appro-
prier a nos besoins journaliers, a nos usages, tout en forjant notre admi-
ration.
On trouvera ci-apres le tableau synoptlque des rdcompenses decernees
par le jury du groupe VIII. Le releve des chiffres est fait d’apr&s la seconde
edition du Catalogue officiel publik par la Commission autrichienne L
Quelques r^compenses portent ä la fois sur des objets appartenant a deux
sections du groupe : par exemple, teile maison a pu 4tre distingu^e ä la
fois pour des travaux d’ebenisterie et pour des ouvrages de marqueterie ou
de sculpture. Dans le casde ce genre, nous avons inscrit la miklaille ou le
diplome dans celle des sections a iaquelle appartenait le plus grand
nombre, sinon la totalitd des objets recompens^s.
Paris, h octobre 1874.
ROSSIGNEUX.
1 Le nombre des exposants de chaque sec- ne correspondant pas d’une maniere enli^re-
tion n’a pu efi'e determine d’une mani^re loul ment exacte avec les envois reellement efler-
ä fait rigoureuse, les catalogues des divers pays tues.
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ANNEXE AU RAPPORT DE M. ROSSIGNEUX.
•/
TABLEAU
DES RECOMPENSES.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE
Ute
TABLEAU DES
CIIARPENTERIE ET MENUISERIE.
France
Algerie et colonies
Prasse
Saxe.
Hambourg, Hauovre, Mec-
fao I klemboure, Hesse
ca J ü
5 BaviAre
Wurtemberg
Baden
\ Alsace
Autriche
Hongrie
Augieterre
Colonies anglaises
Belgique
Hollande
Italie
Espagne
Portugal
Suisse
SiiAde
Norwege
Dänemark
Ilussie
Etals-Ums
Bresil
LWP le
Pcrse
GrAce
Turquie
Japon
Chine
Total des recompenses
par seclion
*9
2
2
3
i
ii
33
h
i3
»9
48
i3
FABRICATION DES MEUBLES,
EBEMSTEKIE.
16
II
II
i5
5
II
4
3 9
14
h
4
2
II
II
II
II
14
y s
79
6
4
ii
ii
2
24
9
3
3
4
ii
12
84
454
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
TABLEAU DES
PAYS.
OBJETS TOURNES,
GDILLOCHES, GRAVES.
SCULPURK SUR BOIS.
F i'ance
Algerie et colonies.
Prusse
Saxe
Hambourg, Hanovre, Mec-,
klembourg .
BaviAre
■< I Wurtemberg..
Baden
Alsace
Autriche
Hongrie
Angleterre
Colonies anglaises.
Belgique
Hollande
Ilalie
Espagne
Portugal
Suisse
Suede
Norwege
Dänemark
Russie
Etats-Unis
Bresil
Egypte
Perse
Grece
Turquie
Japon
Chine
Total des recompenses
par section
ii
ii
5
3
ii
ii
5a
3
«
h
n
1 2
1
2
9
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2 3
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II II
II II
II II
II II
ii n
ii n
ii u
ii //
n ii
ii ii
H ii
Cooperateurs.
BOIS OUVRES.
455
RECOMPENSES. (Suite.)
2
7
15
c
16 ,
LIEGE.
lh
US
S-S
VANNERIE, CHA1 SERIE.
Q- O
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PEINTÜRE, TEINTURE,
DQRURE DU BOIS.
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Cooperateurs.
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