les hierarchies et conventions, eile essaie taut, met 
tout en question et abolit, de maniere radicale et 
intransigeante, toute autonomie et toute compe- 
tence, toute responsabilite et toute structure dans 
le seul but d'acceder ä une liberte impetueuse, fie- 
vreuse, anarchique, curieuse et totale qui sera alors 
la seule et unique forme d'existence acceptable. 
Ces deux impulsions se melangent dans l'ceuvre de 
Günter Brus qui reste caracterisee par l'inquietude, 
la dynamique intempestive et combattive et la cu- 
riosite courageuse, experimentale et sans limites ; 
l'intelligence brillante et vive de l'artiste, son emo- 
tivite radicale, excessive, dramatique formant une 
entite explosive et anarchique. 
II sait beaucoup, il connaTt l'homme et il essaie de 
comprendre et de devoiler tous les mecanismes 
psychiques et mentaux. II n'a peur de rien, au 
contraire : avec une Obsession et une curiosite 
presque maladive, il suit les mouvements de la pas- 
sion ambigue et incontrölable et les manipulations 
du mensonge. II veut tout montrer, les forces non- 
maTtrisables, sombres, demoniaques de l'homme, 
tout comme les strategies destructrices, manipula- 
trices et repressives mises en ceuvre par les diffe 
rentes formes du pouvoir. Ses exagerations et ses 
exces dramatiques ouvrent un espace pour les phan- 
tasmes qui pourtant entretiennent toujours une re- 
lation etroite avec les experiences inscrites dans les 
realites socioculturelles, publiques, ideologiques et 
mentales. C'est lä que l'oeuvre de Brus puise son 
aspect ä la fois dramatique et eclaire : le lien radi- 
cal, non desire et sans tabous entre les moments 
personnels, intimes, Caches, pathologiques et les 
structures mentales d'apparence bien rodees, pu 
bliques, socioculturelles, conventionnelles, legiti- 
mees par les traditions et les principes moraux, qui 
devoilent, sous le regard severe et intransigeant de 
l'artiste, leurs dysfonctions et pathologies. 
Günter Brus travaille constamment dans cette dan- 
gereuse zone frontiere entre les methodes maTtri- 
sees, congues par la raison analytique, et le chaos 
complet provoque par des mecanismes obsessifs, 
excessifs, pathologiques et destructeurs qu'il af- 
fronte sans aucune protection pour faire apparaT- 
tre leurs structures cachees, leurs secrets, leurs me 
canismes de fonctionnement afin de les combattre 
et neutraliser. Voilä le moment dramatique et de- 
cisif : oü et comment ces energies psychiques, men 
tales et emotionnelles, ces perspectives lancinantes, 
radicales, obsessives, emotionnelles et intellectuelles 
se transforment-elles, dans quelle directions se de- 
veloppent-elles - pour liberer l'homme de ces hie 
rarchies repressives ou pour le dominer gräce ä des 
mecanismes manipulateurs ? Günter Brus se consa- 
cre ä cette recherche illimitee, amere, obsessive et 
excessive des mecanismes psychiques et sociocul- 
turels Caches et, ce faisant, il veut lui-meme tout 
vivre et tout essayer. Cette volonte obsessive com- 
prend inevitablement des elements autodestruc- 
teurs, l’acte dangereux de prendre sur soi tous les 
röles possibles, de l'auteur d'un crime ä la victime. 
Le cruel, le destructif, le cynique, le pathologique, 
l'hegemonique, le manipulatif, tout est poursuivi, 
de maniere radicale et intransigeante, jusqu'ä l'ab- 
surde, tout est examine jusqu'ä l'exces pour deter- 
miner les caracteristiques sombres, dangereuses, 
obsessives et demoniaques, pour leur donner une 
forme tangible et, en fin de compte, pour les met- 
tre ä nu. Dans ce processus, l'artiste risque de per- 
dre et ses distances et son autonomie, il risque de 
se blesser, de se perdre dans ce jeu dangereux de 
l'auto-identification. C'est pour cela que la peur 
accompagne sa demarche, c'est pour cela que la 
peur et la colere forment un amalgame explosif, pa 
thologique ä la fois anarchique, liberateur, enthou- 
siaste et seduisant. 
L'humanisme radical, non-conventionnel, activiste, 
animateur, intempestif et combattif de Günter Brus 
montre le cruel et le laid, le brutal et le maladif, le 
mesquin et le stupide; il hait la pseudo-morale hy- 
pocrite, les tirades enjolivant stupides et apaisantes, 
les demi-verites intellectuelles scandaleuses, il 
21