LES COSTUMES POPULAIRES
OK LA TÜRQUIB
En 1873.
CONSTANTINOPLE.
Constantinople, corame on le sait, est le vaste entrepöt d’un commerce de transit
oü vicnnent s’acciirauler et s’ajouter aux produits dusolet de 1’industriedes populations
ottoraanes, d’un cöte, par la Mer bloire, les productions des Indes, de la Chine, de la
Perse et de la Pussle ; de l’autre, par la Mediterranee, celles de l’Amerique, de l’An-
gleterre, de la France, et du reste du monde. Les navires niemes quijettent l’anere
dans la Corne d’Or; les magasins qui la bordent ; les Hans innombrables dont la ville
est remplic, sont autant de greniers oü s’entassent par monceaux les bles des provinces
danubiennes et d’Odessa; autant de caves oü sont ranges en longues flies les vins de
France, ceux de Chypre, de Smyrne et de l’Archipel, a cöte des vins de Perse, de Geor-
gie et de Crimee ; de l’ale et du porter, du gin et du whisky anglais.
Des edifices tout entiers, dans Istambol, re^oivent de la base au falte des piles de
chales et de tapis de Perse, .de Smyrne et de Koniah, tandis que lcur sous-sol recele les
drogues et les parfums, l’ivoire, la nacre et febene de l’Afrique et de l’Arabie pele-mele
avec les pierres precieuses de finde et de l’Iran. Dans ses anciennes nies, etroites et
tortueuses, se coudoient a l’abri du soleil, sous des toiles tendues d’une maison a l’autre,
sous des toits mobiles, sous des rideaux de plantes grimpantes, le marchand persan au
bonnet pointu, de feutre orange ou d’astracan noir, a l’aise sous l’ample machiah dont il
s’enveloppe, et le negociant russe du Caucase, coiffe d’une casquette large et plate, vetu
d’une etroite redingote ä jupe plissee, etranglee a la taille par une ceinture d’argent a la
mode circassienne. Dans ses rues nouvelles, rendues plus accessibles au soleil; alignees
et nivelees par un etrange et difficile compromis entre la rigidite de la ligne droite et les
courbes capricieuses d’un terrain partout montueux, le veston benolton fröle le setri
noir de l’employe turc, et le chapeau cylindrique se pavane glorieux a cöte du fez, sur la
töte du sujet ottoman de race grecque, qui regarde avec un etonnement presque indigne
le turban blanc et le voilc de gaze du touriste anglais.