Voici ce que dit Beton, dans son vieux et naif langage, sur les ceremonies d’usage
en son temps pour l’extraction de cette terre, encore aujourd’hui fort recherchee :
“ Les P lus grands personnages et les principaux de l’isle s’assemblent, tant les
“ Turcs que tos Grecs, pretres et caloieres, et vont en cette petite chapelle, nommee
“ Sotira, et en celebrant une messe a la grecque, avec prieres, vont tous ensemble
accompagnez des Turcs, montent sur la colline, qui n’est qu’a deux trajets d’arc de
“ la chapelle et tont beicher la terre par cinquante ou soixante homrnes, jusquesä tant
“ d u ' iLs l’aient decouverte, et qu’ils soyent venus a la veine : et quand ils sont venus
“ J us( l ues a la terre, alors les caloieres en remplissent quelques turbes ou petits sacs
de poil de bestes, lesquels ils baillent aux Turcs qui sont lä presents, savoir au sou-
“ bachi et au vayvode; et quand ils en ont prins autant qu’il leur en faut pour cette
“ fois > alors et des l’heure meme, ils referment et recouvrent la terre par les ouvriers
“ d lli sont encore lä presents. En apres le soubachi envoye la plupart de la terre
“ d 111 ' a este tiree, au Grand Turc ä Constantinople. Le reste il la vend aux mar-
chands . Geux qui assistent quand on la tire de sa veine en peuvent bien
“ prendre chacun quelque petite quantite pour leur usage; mais ils n’en oseroyent
vendre qu’il tust sceu. Les Turcs sont moins scrupuleux que les Grecs et que beau-
“ coup d’autres nations. Ils permettent que les Grecs chretiens facent leurs prieres
“ sur la terre scellee en leur presence, et eux mesmes assistent et aydent aux Grecs.
“ Et s’il est vray ce que nous en ont dit les plus vieux, teile facon de faire d’avoir
u eleu un seid jour en un an, leur fut introduite du temps que les Venitiens domi-
“ noyent ä Lemnos et aux isles de la mer Egee.”
Outre cette terre dont les vertus sont dubitatives, Lemnos possede des cöteaux
eoiiverts de vignes, qui lui ont valu le nom d'A^eXotoa«. On recolte en abondance des
eereales et de la vallonee. Le betail y est nombreux. Les figuiers, les noyers et les
amandiers y prosperent.
Les habitants sont cultivateurs ou bergers. Ils portent un djamadan ou gilet croise r
brode en laine noire ou bleue; leurs vetements de dessus sont le mintan et le chalvar
blaues ; leur coiffure est egalement blanche. Ils sont, comme tous les montagnards
et la plupart des paysans de 1 Empire Ottoman, chausses de tcharik,. par dessus les
quels ils adaptent, au moyen de cordes en laine, des guetres couvrant tont le pied et
montant jusqu’aux genoux , qu’elles piotegent.
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Un pareil costume ne depasse pas le prix moyen de 300 piastres, ou 60 francs.