— 117 —
\
PLANCHE V.
Figure 1: femme yuktik de bigha.
Ainsi que nons l’avons dit deja dans notre description de la planclie precedente, la
femme Yuruk par une exception rare, est vetue ä meilleur marche, quoique tout aussi
confortablement, que son mari. Et pourtant eile a des bijoux, ou du moins quelque
cliose d’approchant, c’est-ä-dire une Sorte de collier-cravate dans la confection duquel
la broderie fine se marie aux pieces de monnaie de billon, enfilees pour servir de fran-
ges. Le bruissement metallique de cette garniture rejouit son oreille.
Tout ce qu’elle porte est, du reste, l’ouvrage de ses mains industrieuses. Sa mo-
deste coiffure, composee de quatre pieces; sa chemise de laine tissee noire, passee sur
une autre chemise de coton blanc, dont les manches et le bas depassent; son tablier
ou eimluh curieusement ouvrage en tapisserie ; tout est confectionne par eile avec le
coton qu’elle achete ä la ville voisine de son campement, la laine de ses moutons et
le poil de ses chameaux. Elle fabrique de meme les habits de son mari, mais eile ne
peut fabriquer ses armes ni ses ustensiles portatifs. (Test sans doute la que git la
difference de prix de son propre habillement (140 piastres— 28 francs) et de celui
de son mari, qui coute a la communaute 34 francs de plus.
L’occupation la plus fructueuse des femmes yuruks est le tissage des tapis, au
moyen d’un metier primitif s’il en fut jamais, compose de ais mal degrossis. Cela leur
suffit cependant pour executer des travaux souvent remarquables par l’elegance du
dessin, l’eclat et la belle harmonie des couleurs, autant que par la force du tissu, dont
la duree est indefinie, comme celle de tous les tapis turcs, C’est le mari qui teint la
laine ; tout le reste du travail est du a la femme.
Un menage yuruk, s’il pouvait etre occupe chaque Jour de l’annee ä la fabrication
des tapis, gagnerait, tout en vaquant aux soins du menage et des troupeaux, a l’edu-
cation des enfants, une moyenne de 4 francs par jour, tous frais defalques, ä repartir
entre les deux cooperateurs. C’est en effet ce qu’ils gagnent reellement ä ce genre de
travail, pendant tout le temps qu’ils y peuvent consacrer, c’est-a-dire aux epoques oü
la tonte des troupeaux, la confection des fromages et autres besognes pressantes n’ab-
sorbent pas tous leurs loisirs.