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Louis XV, il s’introduisit aussi en Turquie a la suite de quelques artistes francais. Alors
une revolution complete bouleversa, fit disparaitre meme l’art ottoman et les industries
qui s’y rattachaient. La mode proscrivit bientot l’usage des revetements en tuiles pein-
tes sur email; et les fabriques de Kutahia furent ruinees par la mode, comme avant
elles celles d'Isnik l’avaient ete par la guerre.
Toutefois, les fours a potiers n’ayant pas ete detruits, ils continuerent ä fonctionner
pour la cuisson de poteries communes, d’ustensiles de menage, et tandis que les tra-
ditions artistiques des peintres sur email se perdaient, les procedes du metier etaient
soigneusement conserves par les ouvriers des esnafs.
Aujourd’hui, qu'une nouvelle mode fait revivre en Occident le goüt des faiences,
et que les faiences de style oriental surtout y sont en vogue, probablement ce goüt va
renaitre egalement en Turquie. On a deja commence ä revetir de carreaux emailles les
parois interieures de certains vestibules, de certains kiosques du Bosphore; mais, chose
tout au moins singuliere, c’est a Marseille, a Paris, ä Londres, qu’on est alle chercher
ce que Ton avait sous la main, ä Kutahia. Peut-etre a-t-on dejä oublie, a Constanti-
nople, que 1 art des terres cuites emaillees est ne en Orient, et qu’il est toujours reste
essentiellement oriental.
Quoiqu’il en soit, si ce n’est par patriotisme, que ce soit du moins par economie, il
est temps de relever les fabriques de Kutahia, qui peuvent actuellement livrer, a Cons-
tantinople, pour soixante paras (30 Centimes) des produits plus beaux que ceux four-
nis par les fabriques de Marseille au prix de 3 francs.
Brousse, plus heureuse que Kutahia, sans doute parce qu’elle est plus opulente et
n’a pas besoin d’aide, se borne ä sourire un peu narquoisement en voyant les riches
ottomans faire venir de Lyon, par egard pour la mode, les somptueuses soieries de leurs
appartements. Elle se console facilement du dedain de ses proches par la faveur tou
jours croissante que lui temoigncnt les etrangers. A coup sür Kutahia, si la pauvrete
de ses fabricants ne lui empechait de faire connaitre leurs produits en Occident, verrait
se repeter a son profit le meme phenomene, et eile ecoulerait en abondance par toute
l’Europe ses jolies faiences.
En outre des poteries de luxe et des soieries, le Vilayet de Houdavendighiar pro-
duit des tapis fort estimes ; des cotons bruts et manufactures; des opiurns; de la scam-
monee ; des vins exquis, entre autres ceux du Mont Olympe ; des laines; de la garan-
ce; des cuirs, peaux, maroquins et fourrures; des eaux minerales, telles que l’eau de
Tchitli, pres Brousse, objet d’une exportation considerable. Les marbres roses et jaunes
de Panderma sont d’une grande beaute.
La population de ce vilayet est composee principalement de musulmans, pour la
plupart de race turque. Ce sont les descendants de la tribu du mouton blanc, d’oü
sont sortis les Turcs Ottomans, a la fois bergers, cultivateurs et soldats, jusqu’au temps
oü Sultan Orhan crea, pour le Service militaire, la milice des janissaires (Yenitcheri),
recrutee, comme on le sait, parmi les etrangers.