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Le costume de ces haham est serieux et grave comme leur personne. Ses par-
ticularites sont: le bonneto, sorte de turban qui leur donnerait quelque ressemblance
avec les membres du corps des ulema, s’il n’affectait une forme legerement ovoide,
qui n’est pas de mode chez les musulmans ; le assa, longue canne ä la Louis XIV, en
bois de cerisier, a grosse pomme et bout d’ivoire; et le cache-nez de cachemire gris ä
franges, qui peut egalement servir de ceinture, ainsi qu’on le voit ici. Ils portent Yen-
tari long, de soie rayee, et par dessus un ample binicli de couleur sombre, ä man
ches ouvertes et pendantes. Leur chalvar de drap descend sur le haut de leur chaus-
sure, composee de niest et paboudj.
Figure 3: bourgeois de manissa.
Manissa est la Magnesie du Sipyle, fondee par une portion de la tribu hellenique
des Magnetes, ä laquelle la Magnesie du Meandre doit son existence. Au commence-
ment du treizieme siede de l’ere chretienne, Magnesie du Sipyle etait la capitale de
l’Empire Byzantin, pendant que les Latins etaient maitres de Constantinople. Plus
tard, en 1313, eile devint le siege du petit etat de Saroukhan, prince turc de la race
de Seldjouk. En 1398 (801 de l’Hegire) les Ottomans s’en emparerent.
Sultan Mourad II, apres son abdication, se retira a Manissa, oü il fit construire
un magnifique palais, en toure de jardins delicieux, qui rivalisaient avec ceux de
Brousse. Les Sultans Ottomans aimaient ä y sejourner. On en voit encore aujourd’hui
les restes, qui malheureusement tombent en ruines.
II se fait un grand mouvement commercial entre Smyrne et Manissa, qui passe
pour le plus riche marche de coton de l’Asie Mineure. Aussi les nombreuses carava-
nes qui parcourent ses environs donnent-elles beaucoup d’animation au magnifique
site du mont Sipyle sur lequel cette ville se detache.
Le bourgeois de Manissa porte un gilet ä la franka; mais la cravate y fait de-
faut. Son mintan est une veritable veste d’ouvrier francais ä son aise. II a des souliers
un peu gros peut-etre, un peu lourds; mais forts; ce sont des constructions qu’un
bottier viennois—de ceux qui ont le goüt solide—signerait volontiere comme architecte.
Enfin, il n’aurait rien d’oriental sans son fez a la mode de Smyrne ; son chalvar
a plis cassants, bouffant en bas par derriere, comme un sac de noix ä moitie plein; sa
ceinture ä ramages et, detail decisif, son mouchoir de mousseline brode d’or, etale
bien proprement en vue du public.