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dessus l’entari; mais d’ordinaire on le laisse flotter. II descend un peu plus bas que
le chalvar.
Le djubbe et l’entari sont de meme etoffe; c’est un de ces tissus eblouissants,
comme on n’en peut fabriquer nulle part qu’en Turquie. Aussi solide que splendide,
ce tissu de couleur de lune et de soleil est forme de fils d’or, d’argent et de soie aux
teintes vives et variees, meles au besoin de coton, de chanvre ou de lin. C’est un ou-
vrage absolument artistique, dans toute l’acception du mot. La tisseuse a choisi fil
par fil ses materiaux, et les a combines dans chaque fleurette, dans chaque branche
de feuillage, de maniere ä produire la plus grande somme possible d’effet pittoresque,
et ä obtenir en meme temps, par un melange savant, une etoffe indestructible. Elle
ne s’est preoccupee ni de regularite, ni d’economie ; mais eile a voulu faire un chef-
d’oeuvre durable, et eile l’a fait.
Par surcroit, ainsi qu’il arrive toujours ä l’artisan consciencieux n’ayant d’autre
but, en travaillant, que de produire de belles et bonnes choses, eile s’est trouvee en
mesure, son ouvrage termine, de le livrer ä un prix relativement tres modique, et
pourtant remunerateur. Ce costume tout entier, depuis la chemise de beurundjuk jus-
qu’aux boucles d’oreille de filigrane, en y comprenant les moindres accessoires, ne
coüte, en effet, que 2,617 piastres, soit 523 francs 40 Centimes.
Sur cette somme minime, si l’on considere qu’il en a lä pour la vie entiere d’une
femme, et que les debris memes en seront encore bons, pas un seul des ouvriers qui ont
eoncouru ä la confection de ce costume n’a eu en partage un salaire insuffisant. On
n’en saurait dire autant des ouvriers qui travaillent en fabrique, pour enrichir de gros
capitalistes, en produisant a l’aide de machines des confections vulgaires, toutes les
memes, n’ayant qu’un eclat faux et ne durant que quelques jours.