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Mais, sons Ies plis epais du saryk qui les ombrage, ses yeux ont un regarcl si
doux et si ferme ä la fois, si naivement energique, qn’un soupqon pareil tombe de soi-
meme aussitöt. L’unique raison de cet etalage, c’est la coutume locale, l’usage du pays.
Le salta du cavalier musulman de Koniah n’est que de coton raye, et son djubbe
court, mais large, a ete taille en vue de lui menager Faisance des mouvements. Com-
me le pieton chretien, il a des bottes pour chaussures. Cependant eiles sont moins hau-
tes, parce que la marche n’est pour lui qu’un etat exceptionnel,et plus serrees a la jambe,
afin qu’il sente bien les flancs du cheval.
Figure 3: habitant d’elmaly.
Elmaly signifie un lieu bien pourvu de pommes. La ville d’Elmaly, si eile est
bien nommee, et rien ne porte ä penser le contraire, est donc entouree de jardins frui-
tiers, oü la pomme domine.
En voyant le costume de Fbabitant d’Elmaly, l’idee qui vient naturellement ä
Fesprit, c’est que l’homme qui le porte est un bon proprietaire rural, sans doute ama-
teur de vergers, pratiquant la greife de ses propres mains, et plutöt fait pour la recolte
ä coups de gaule que pour le labourage ou la moisson.
Ces habits longs, qui n’ont rien de genant pour les soins ä donner a une pomme-
raie, et qui sont tres commodes, surtout, pour se promener le soir dans les allees de
son jardin, seraient insupportables pour travailler aux champs. II faudrait necessai
rement, pour faucher, pour semer, pour conduire la charrue, quitter ce djubb& trai-
nant, qui donne ä l’habitant d’Elmaly une si majestueuse prestance. II faudrait
relever dans la ceinture de soie rayee les pans de 1 entavi en etoffe de fil. Le mou—
choir (tchevre) dont les palmettes d’or se pavanent au grand jour de la publicite,
devrait rentrer dans l’ombre de la poche, et n’en sortir que pour se rendre utile.
Le yemeni, un peu trop coquet pour un simple paysan, qui serre ses plis minces et
reguliere autour du fez, disparaitrait, ou cederait la place a un saryk plus epais,
qui garantirait mieux la tete des intemperies.
Enfin, les tcharik eux-memes, qui ressemblent plus ä des koundoura (souliers)
de citadin qu’aux chaussures champetres ou plutöt alpestres que leur nom indique, ne
seraient pas moins deplaees ; tandis que tout cet ensemble convient parfaitement ä un
habitant d’Elmaly, lieu plante de pommiers par ses soins assidus.