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PLANCHE III.
Figure 1: dekviche meyleyi.
Les derviehes ou religieux musulmans sont, comme les religieux chretiens, des
pauvres volontaires qui renoncent absolument a tous les biens terrestres pour s’absorber
en Dien des ce monde. Dieu les en recompense en faisant affluer chez ces hommes qui
n’ont pas un para dans leur poche des richesses immenses, dons des fideles, qui s’aceu-
mulent et fructifient sous riiabile administration des cliefs d’ordres, de sorte que les
corporations religieuses deviennent autant de puissances, avec lesquelles il faudrait
compter necessairement si leur royaume etait de ce monde. En annihilant leur propre
volonte pour la soumettre aveuglement a celle d’un superieur, gardien severe de la re
gle, les religieux, chretiens ou musulmans, recoivent d’en haut des pouvoirs occultes
qui les creent dominateurs des consciences.
Ces avantages materiels et moraux sont les resultats naturels de la confiance en
Dieu, source de la fraternite, de l’obeissance passive, du detachement absolu de toute
j ouissance egoiste, vertus qui relient tous les membres d’un ordre religieux en un
solide faisceau, qu’on ne saurait rompre tant qu’on ne l’a pas detache.
Depuis tantöt deux mille ans que le fondateur de la religion chretienne a dit ä ses
disciples : Considerez les lis des champs ils ne travaillent ni ne filent, et pourtant
je vousledis enverite, Salomon dans toute sa gloire n’etait pas aussi magnifiquement
vetu que le moindre d’entre eux.-—Allez, distribuez tous vos biens aux pauvres, suivez
moi, et vous obtiendrez un royaume dans le ciel.—II est plus facile a un chameau de
passer par le trou d’une aiguille qu’a un riche d’entrer dans le royaume des cie-ux.—
Marthe, vous vous troublez dans le soin de beaucoup de choses, et cependant une seule'
chose est necessaire ; Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point ötee.—-
Depuis tantöt deux mille ans que chaque siede voit, en Orient comme en Occident,
des hommes convaincus mettre en application cette doctrine de la pauvrete volontaire
et de lavie contemplative, si feconde en resultats materiels, etales au grand jour par
la prosperite des communautes religieuses ; il est etonnant qu’on n’ait pas encore
compris le mot de l’enigme sociale : Une famille humaine unique comme le Dieu qui
l’a creee, vivant a ses pieds sans autre souci que celui de lui complaire en lui rendant
amour pour amour.
Ainsi font les derviehes et les moines, et tous les biens terrestes leur sont donnes par
surcroit, comme un avant-goüt de la felicite eternelle.