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Le costume de chaque Corporation, sans avoir rien d’absolument uniforme, a
pourtant quelque chose de particulier, soit dans le choix des etoffes, soit dans leur Cou
leur, soit dans l’arrangement des diverses pieces qui le composent. On distingue fa-
cilement du premier coup d’oeil les uns des autres les divers metiers.
Celui qui fait ce sujet de la figure 1 est sans aucun doute un tisserand de chdli
(etoffe lustree, de poil de chevre d’Angora). On voit qu'il est a son aise ; c’est d’ail-
leurs le fait de presque tous les ouvriers ottomans, dont presque aucun ne connait,
du moins par experience, ni la ricliesse, ni la misere.
II est coiffe d’un fez qu on voit a peine apparaitre au sommet de la tete, enseveli
qu'il est sous les plis corrects d’un saryk de fin coton blanc. Un yelek de cette forte
etoffe de fil, rayee de rouge, de noir, de blanc et de jaune, qu’on fabrique si bien en
Asie et qu’on imite si mal en Angleterre, ce qui n’empeche pas l’importation assez
grande du produit anglais, vu son tres bas prix, se fait entrevoir par l’ouverture ne-
gligemment boutonnee de Yentari, d’etoffe pareille. Une ceinture de chdli blanc, dont le
prix depasserait certainement ses resssources, s’il ne l’avait fabriquee lui-meme, s’en-
roule sans pretention ; mais sans negligence, autour de ses reins.
Par un geste familier aux gens de la classe moyenne de tous les pays, justement
penetres du sentiment de leur importance relative, il releve derriere son dos, pour se
dandiner plus commodement, les plis de son djubbe de drap de couleur foncee, faisant
ainsi saillir ä decouvert sur les deux cötes de sa poitrine, un elegant salta, invariable
ment d’un beau bleu de ciel ou d’un vert frais et gai, couleur de perruche.
Sa chaussure consiste en raest noirs, plonges dans des paboudj rouges, de la forme
recourbee qu’afifectent egalement, en Turquie, les chaussures bourgeoises et les ba-
teaux caboteurs.
Figure 2: aktisan chretien d’angoea.
Celui-ci, a en juger par les couleurs modestement assorties de son costume, ou se
fait remarquer une sage et discrete entente de 1’harmonie des tons, est evidemment
un teinturier.
Sa coiffure, suivant l’usage le plus commun chez les chretiens de l’Empire ' Otto-
man, se reduit au fez de forme smyrniote et de couleur sombre, ä puskul moyen, ni
trop fourni, ni trop maigre, et depourvu de tout luxe d’etoffe roulee en turban. L’en-
tari de soie, de couleur unie, et bien croise sur la poitrine, est plutöt etroit que large ;