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d'un gris jaunatre, tres court, orne de bordures en passementerie de soie noire, et de
dessins egalement noirs confectionnes dans l’etoffe meme, par un procede difficile ä
decrire, quoique excessivement simple. Son potour d’etoffe toute pareille a celle du
tchepken, est borde de ganses noires sur les coutures et autour des poches; il est serre
sur les jambes jusqu’au milieu des cuisses au moyen d’agrafes, et bouffant a partir
de la jusqu’a la ceinture de soiejaune et rouge, a la mode tunisienne. Les bottes de
maroquin rouge, a fortes semelles, sont ä tiges molles, echancrees sur les cotes. Sa
coiffure est le fez ordinaire, garni d'un long puskul de soie bleue et entoure d’un
mouchoir yemeni peint de feuillages et de fleurs de couleurs eclatantes.
Figure 2: paysan musulman des environs d’ angora.
Le bizarre pardessus de feutre blanc, orne de dessins fantastiques, qui couvre tout
entier le paysan musulman des environs d’Angora, et ne laisse passer que sa tete et
ses pieds, n’est autre chose qu’une amplification du diphtere des anciens bergers gala-
tes, ou du sagum encore porte aujourd’hui sous le prosaique nom de peau de bique, par
les paysans franqais, en Bretagne et dans les Landes. Cette singuliere enveloppe est
nommee kepenek.
Elle a donne Heu a un proverbe turc, rendu ä dessein, sans doute, quelque peu
enigmatique, et ainsi concu : kepenek altenda her yateur. Ces quatre mots sont sus-
ceptibles d’un grand nombre d’interpretations; litteralement, ils signifient: tout cou-
che sous le kepenek; mais on leur en fait dire beaucoup plus long, en les expli-
quant et les commentant. Le plus communement, on admet deux versions egalement
accreditees. D’apres la premiere, il faut entendre par ce proverbe que toutes sortes
de gens coucbent sous le kepenek; qu’on y peut trouver aussi bien un prince qu’un
simple gardeur de chevres; traduction finale : Il ne faut pas juger les hommes sur
l’apparence; ou : l’babit ne fait pas le moine. Selon la seconde, on doit comprendre
ainsi cet oracle narquois de la sagesse populaire turque : Toutes sortes de choses sont
couchees sous le kepenek; on y trouve tout un monde ;• c’est pour le moins une
maison.
La derniere Interpretation possede en sa faveur un grand avantage, celui d’etre
l’expression naive de la verite. En effet, sous le kepenek, non seulement on se couche
soi-meme; mais encore on y met a l’abri de la pluie, du serein, de fhumidite du matin
et du soir, les armes, les ustensiles de menage, les objets usuels petits ou grands; le
kepenek garantit du froid mieux que tout autre vetement; c’est une veritable
maison, aussi portative que la coquille de l’escargot, et mieux close que les cabanes-
villageoises.