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Tout ce qu’on voit du paysan musulman des environs d’Angora, en deliors de
son kepenek, se reduit ä sa tete et au bas de ses jambes. La premiere est coiffee
du fez rouge et du saryk blanc, sur la mousseline duquel courent quelques raies vertes
et rouges. Les jambes sont enveloppees d’un chalwar plutot etroit que large, d’oü sort
le caleqon, assujetti par les cordelettes des tcharyk, en peau de che vre garnie de
son poil.
Ainsi qu’on le voit sur notre planche, quand le paysan galate possede quelque
objet plus ou moins rare et precieux, qu’il lui plait de faire admirer aux passants, pour
s’attirer ainsi leur consideration ä titre d’bomme riche ou d’ami eclaire des arts, il peut
contenter facilement cette vanite. A cet effet, les deux cötes du kepenek sont garnis
d’appendices auxquels il attache purement et simplement l’objet en question. Ici cet
objet est un de ces jolis tchibouk a fourreau plisse, de soie et d’or, avec houppes flo-
conneuses epanouies comme des fleurs, que les bergers asiatiques confectionnent
pour charmer leurs loisirs, et pour se procurer un peu d’argent en les vendant aux
etrangers.
Figure 3: paysanne musulmane des environs d’angora.
Reduite, pour ce qui concerne l’habillement proprement dit, a un honnete neces-
saire, la paysanne musulmane des environs d’Angora met toute la recherche de son
luxe dans ses bijoux. Un large tepelik en argent repousse et grave couvre tout le
haut de son fez; des cliainettes de meme metal y suspendent circulairement un
double 'etage de sequins, accompagnant en cadence les souples mouvements de sa
marche avec un petit bruit metallique, un susun-ement qui n’est pas sans charmes.
D’autres ornements en or, parmi lesquels se fait remarquer un armoudie ou
le sceau magique du Grand Suleiman est grave, comme un gage de bonheur pour sa
proprietaire, que la puissance de ce talisman fera reussir dans toutes ses entreprises,
se balancent encore autour de sa tete. De legeres boucles en filigrane, d’un travail
exquis, pendues au lobe rose de ses oreilles, se detachent sur la nappe sombre et
miroitante de ses clieveux.
Un large gherdanlik (collier) en monnaies d’or et d’argent artistement entre-
melees, tombant de son cou jusque sur sa ceinture de soie tunisienne, couvre ses
epaules. Le col droit de son hyrka raye, ä manches tres courtes, laissant depasser de-
puis la saignee celles du mintan ; ce dernier vetement lui-meme, ent’rouvert sur la
poitrine pour laisser voir la naissance des seins, disparaissent presque entierement
sous les rangs multiplies de cette riche et elegante parure.