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ce que l’ouvrier appelle la derniere main, le fini, non pas le fini an point de vue de
l’art, mais le fini materiel, ce poli qui Hatte l’ceil du bourgeois, ce blaireautage, ce ver-
nis, sans lequel les tableaux des plus grands maitres n’obtiendraient pas l’heur de lui
plaire, est completement dedaigne, meprise par Fartisan ottoman.
Ce n’est pas lui qui, jamais, se donnera la peine d’enfermer de vulgaires pomma-
des dans des flacons ornes d’etiquettes peinturlurees, ou des tablettes de cliocolat ä la
farine dans des papiers decoupes ä jour en dentelles. Son ouvrage, quel qu'il soit, vaut
par lui-meme ; il en est justement fier, et suspend son kama, non ä un baudrier de
cuir verni dont il n’a que faire ; mais tout bonnement au premier lien qui lui tombe
sous la main, laniere ou ficelle. Tant pis pour qui ne Fappreciera pas.
Le kama, comme on le voit, est un sabre de forme droite, a lame large et ä
deux tranchants. Une gouttiere est creusee au milieu pour laisser ecouler le sang.
Cette arme, facile ä manier, fait d’enormes blessures. Kama signifie gardien. Parmi les
autres formes de sabres le plus usitees en Orient, le kilictj ä lame fortement recour-
bee peut etre considere comme l’armc offensive par excellence, Si Ton imprime a un
sabre ainsi conforme un mouvement de translation en avant, il opere avec une grande
energie, en ouvrant la plaie avec son tranchant le plus aigu, et en l’achevant par une
partie moins aceree a la verite, mais employee avec plus de force a mesure que la
main se rapproche de la blessure. L’obliquite du coup est tres favorable a la Separa
tion des fibres musculaires, qui alors ne sont plus soutenues par les couches inferieures,
et le tranchant en opere plus facilement la section. Le kilidj est le sabre adopte pour
l’armee ottomane.
Le hantcher est un poignard recourbe; et le pitchak yataghan, comme son nom
l’indique, un long couteau qui peut bien passer pour un sabre, et qui en remplit avec
honneur toutes les fonctions, au besoin. Toutefois, d’ordinaire, il se borne ä un role
plus modeste ; les voyageurs s’en servent pour depecer la viande, qu’ils aclietent sur
pied la plupart du temps.
On en est encore, en Turquie, äu fusil ä pierre, generalement prefere a tout autre
par les populations. Beaucoup de Ze'ibek, de Turkmen, de Kurdes et de Bedewi vont
jusqu’ä faire du mousquet ä meche et a canon d’un longueur demesuree Fobjet de
leur predilection. Quand ils veulent tirer un coup de fusil, ils prennent dans les de-
pendances de leur silahlik un briquet, de Famadou. un longue meche, verseilt de la
poudre dans leur bassinet et parviennent a y mettre le feu au bout d’un petit quart
d’heure de preparatifs. Cela peut expliquer la confiance du gibier, qui semble consi-
derer les coups de fusil comme un anmsement sans consequence, et ne se derange
pas volontiers pour si peu.
Il est bien entendu que ce qu’on vient de lire ne saurait etre applique en au-
cun cas a l’armee ottomane, toujours munie d’armes a feu du modele adopte en der-
nier lieu dans les Etats europeens qui jouissent de la meilleure reputation militaire.
Mais le musulman de Trebizonde ne veut pas, en ce qui le concerne personnel-