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raitraient prouver qu’une profonde difference de races separait les Armeniens de leurs
voisins grecs. Pourtant, sans attacher trop d’importance a ce que dit l’historien Mo'ise
de Corene d’un roi d’Armenie nomme Haik, fils de Japhet, on ne peut s’empecher de
remarquer que la langue armenienne offre certainement plus de rapports avec les lan-
gues europeennes qu’avec celles de l’Orient.
Un contraste frappant entre le caractere, les aptitudes et la maniere de vivre des
Armeniens et des Kurdes, habitants actuels du vilayet d’Erzeroum, vient egalement
s’imposer ä l’observateur et militer aupres de lui en fä’v eur de la possibilite d’une ori
gine commune des Armeniens et des europeens. Tandis que le doux Armenien, chez
lui et sur tous les points du monde oü l’amour du gain le fait emigrer, generale-
ment se livre au commerce, ä l’industrie, a la litterature et aux Sciences, ou bien, s’il est
sans instruction, ä quelque occupation non moins paisible, teile que le metier de porte-
faix, par exemple; tandis qu’il se montre par tout plein de soumission aux lois; tan
dis qu’il affectionne surtout le sejour des grandes villes, le Kurde, au contraire, quoi-
que sa vie a demi-pastorale semble devoir lui rendre naturelles toutes les vertus des
peuples pasteurs, ne possede gueres qu’une seule de ces vertus: l’hospitalite. II a, du
reste, tous les instincts pillards des hordes vagabondes. De plus, il est essentielle-
ment guerrier; mais sans aucun sentiment de discipline. En revolte continuelle contre
l’autorite, il n’ajamais ete soumis. Aujourd’hui meme, il rangonne periodiquement les
paysans, et etend trop souvent ses depredations jusques dans les villes. La force pu
blique parvient d’ordinaire a le punir ; mais il est rare qu’elle puisse prevenir ses exces.
Autant le Turcoman, qui vit ä cöte de lui, sous la tente et au milieu des troupeaux
comme lui, fait voir de dignite, de probite dans ses rapports avec les autres habitants
du pays, autant il est obeissant envers l’autorite, autant le Kurde est voleur, perfide,
feroce, toujours pret ä opprimer le faible et äse revolter contre toute autorite legitime.
Cependant, le Kurde n’est pas incapable d’elever son intelligence jusqu’au senti
ment le plus vif, a la pratique la plus complete du bien ! C’est de sa race que sont
sortis par fois pour l’Orient des dominateurs non seulement grands ; mais vertueux.
Un heros de venu legendaire en Europe comme en Asie, Selalieddin, qui a ecrase sous
le poids de sa bonte, de sa magnanimite, Richard Coeur-de-Lion, le seid de ses enne-
mis qui tut digne d’entrer en ligne de comparaison avec lui, le genereux, le dement
Selaheddin, etait Kurde.
La plupart des Kurdes se disent musulmans; mais en realite leurs pratiques re-
ligieuses ne sont qu’un tissu de superstitions les plus deplorables. Sans vouloir croire
que les Yezidi adorent le diable, que les Kizil Bach rendent les honneurs du culte ä un
grand chien noir, ni qu’une promiscuite revoltante oü l’on n’a egard ni ä Tage, ni aux
liens de famille, soit la base de leurs mysteres, qui d’ailleurs ne seraient pas des mys-
teres si on les connaissait aussi intimement, on est oblige d’avouer que leur pretention
ostensible ä l’orthodoxie musulmane est aussi peu justifiee par leurs actes que celle de
beaucoup de chretiens, qui se proclament fort devots imitateurs d’un Dieu pour qui leur
vie entiere est un outrage perpetuel.
Quand aux Armeniens, on sait que leur religion est celle de l’ancienne Eglise