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construit un grand djami et plusieurs mesdjid ou oratoires plus petits. Les armeniens
d’Eghin fabriquent des pechkir ou serviettes de cotonnade bleue, tres recherchees
comme linge de bain, et qui servent aussi de volles pour les dames musulmanes de
la localite. Le site d’Eghin, sur un plateau qui domine le cours de l’Euphrate, est
grandiose. Cette ville est ä une egale distance de 165 kilometres de Sivas et de
Diarbekir.
Arabkir est sur la limite nord de l’ancienne province de Melitene. Ses habitants,
ä l’exemple de ceux de leur antique metropole, ont abandonne la ville, et se sont cons
truit des demeures plus agreables au milieu de jardins, au fond d’une riante vallee qui
s’etend entre des pics volcaniques d’une hauteur considerable. La population d’Arabkir
est composee d’un nornbre ä peu pres egal de musulmans et de chretiens. Ces der-
niers ont pour industries principales la fabrication des tissus de coton, la teinturerie et
le commerce de caravane ; beaucoup emigrent a Constantinople.
Kharpout ou plutöt Kharpert, ville fortifiee, ainsi que l’indique le mot pert par
lequel se termine son nom armenien, et qui signifie eitadelle, est a la distance d’en-
viron 80 kilometres a l’ouest de Malatia, et 100 kilometres au nord de Diarbekir. Entre
Kharpout et Malatia, le Tokma sou se jette dans l’Euphrate, qui indique-en cet en-
droit la limite de la grande et de la petite Armenie. Kharpert appartenait a la
premiere.
La tendance generale des habitants sedentaires de la Mesopotamie a abandonner les
villes pour demeurer en plein air, dans les jardins, habitude qu’ils conservent en emi-
grant dans des contrees moins dementes, et qu’ils partagent d’ailleurs avec les habi
tants sedentaires de plusieurs provinces voisines, ne prouve pas seulement en faveur de
la douceur et de la salubrite du climat. C’est aussi peut-etre, aussi bien que les
moeurs et les usages antiques, le caractere actuel des Armeniens et leur langue elle-
meme, qui participe ä la fois des langues orientales et des langues europeennes, bien
qu’elle ait plus d’analogie avec ces dernieres, un indice d’une race intermediaire, des-
tinee a relier, par une douce transition, la eite occidentale avec son bruit, son agi-
tation fievreuse, son travail incessant, son amour du changement, son goüt prononce
pour le progres materiel, et la tente orientale avec son silence poetique, sa placidite
souriante, son amour du repos, son respect pour la tradition et son dedain supreme
pour les doetrincs utilitaires.