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De.combien s’agit-il? dira-t-on d’ailleurs, pourquoi tout ce bruit? II s’agit de 179
piastres (35 francs 80 Centimes ! . . .)
Moyennant cette enorme somme, la musulmane des environs de Tarsous s’est pro-
cure chemise, calegon, chalvar de coton raye, rouge et jaune, ä dessins tres proba-
blement executes de ses propres mains, courant gaiement tout le long du champ de
chaque raie jaune; puis, eile a confectionne, de cette meme etoffe, un entari long ä
manches evasees, fendues ä partir des poignets et depassant un peu les mains ; eile
a peint et cousu autour de son fez de haute forme, ä pushul floconneux eparpille
dans tous les sens, un yemeni sur lequel de larges feuillages s’enlacent autour de
fleurs brillantes et fantastiques, en formant une couronne printaniere, d’oü s’echap-
pent en Cascade ses cheveux bruns;. on a dejä dit que ses oreilles sont garnies de
boucles d’argent, et ses pieds chausses de bas blancs; il reste pour completer la justi-
fication de ses folles depenses, a mettre en ligne de compte une ceinture en chale
de soie et coton, fagon persane, et des paboudj de maroquin jaune ä pointes re-
troussees, ä la poulaine.
Figure 3: habitant de hadjin.
Encore un poseur de probleme economique. On se demande comment il a fait
pour ne pas depenser plus de 87 piastres (17 fr. 40 cent.), et se donner neanmoins
l’utile et l’agreable, rhabillement proprement dit, et l’accessoire important qui garan-
tit sa propriete, le pitchak yataghan, long couteau a lame recourbee, a manche de
corne, ä fourreau de bois revetu de parchemin vert.
Sur la tete de cet habitant de Hadjin, bon forgeron qui outre sa besogne ordi-
naire, sait aussi fagonner et tremper les lames tranchantes des armes blanches, un fez
haut et mou se chiffonne sous le yemeni qui le serre autour des tempes, cachant tout
le front. Son pushul ebouriffe erispe ses houppes bleues sur la plate-forme mouve-
mentee de ce couvre-chef plus confortable qu’elegant.
Un entari de coton blanc ä mille raies roses s’entrouvre negligemment sur sa
poitrine pour montrer le madapolam immacule d’une chemise confectionnee on ne
sait oü, dans l’intention d’imiter la chemise europeenne; les manches de 1 'entari,
ouvertes avec la meme negligence ä partir du milieu du bras, font voir, la en
core, celles de la chemise dite ä la franka. Une ceinture a petits carreaux rouges
sur jaune empeche que les indiscretions de cet entari ne soient poussees trop loin,
car le calegon n’est pas une contrefagon de l’etranger. Il y a donc lieu de le cacher
avec soin.