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Figure 3: arabe nomade de la tribu oitrban.
En voyant ses petits yeux noirs petiller d’un sombre feu sous ses epais sour-
cils fronces, et sa bonche lippue, garnie d’une barbe rüde et herissee, se plisser comme
un mufle de tigre en colere, on pourrait croire que l’Arabe de la tribu Ourban est
un de ces bandits qui guettent, tapis sournoisement derriere quelque monticule de sable
du desert de Syrie, l’imprudent voyageur separe de la caravane, fondent sur lui ä
l’improviste, l’egorgent sans bruit et le depouillent; il n’en est rien.
Au contraire, en depit de sa mine feroce, l’honnete Arabe de la tribu Ourban sert
au voyageur de guide fidele, d’escorte brave et devouee. Son incommensurable mizrak,
avec la haute tige de palmier qui forme son manche, d’une solidite ä toute epreuve,
avec son fer tranchant et acere comme un rasoir, emergeant d’un gros bouquet de
duvet d’autruche, tient sans peine les pillards a longue distance.
Si, dedaigneux de sa petite taille et de la maigreur fluette de ses membres osseux
et basanes, ils osent s’en approcher de trop pres au moyen de quelque ruse primi
tive, consistant ä se coucher sur leur cheval et a passer ainsi sous le bois de sa lance,
il sait les faire repentir de cette audace a l’aide du kilidj qui resonne sur ses flancs
dans son fourreau de bois revetu de maroquin vert, suspendu a son cou par une so
lide laniere de cuir noir.
ßien ne gene d’ailleurs ses mouvements. Son costume, peu complique, n’est au-
cunement embarrassant. Les pieces en sont amples et peu nombreuses. C’est une che-
mise en epaisse etoffe de coton blanc, tombant comme la tunique des anciens sur ses
jambes et ses pieds nus, et serree sur les reins par une etroite ceinture de cuir souple.
Par dessus, il porte Vaba long, en feutre noir et blanc, taille en machiah. Pour se ga-
rantir du soleil, il est coiffe du kefie de soie a bandes orangees sur un fond rouge
sombre, eparpillant autour de lui ses franges de cordelettes terminees par des glands
et des houppes meles de fils d’or. Un akal en corde de poils de chameau roux, tressee
regulierement, de distance en distance, avec des fils d’argent, assure cette coiffure sur
sa tete et en forme le couronnement.