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Ainsi, par exemple, dans l’ile de Chypre, c’est le coton. A Trebizonde, c’est Ia
laine. A Metelin, c’est la soie. A Erzerouni et ä Angora, c’est le poil de chevre.
Comme on le voit, la matiere choisie dans chaque province pour la confection des
gants pent donner la mesure de sa plus grande production textile, ou, si l’on prefere
poser ainsi la question, eile indiqne quel est le produit textile qui coüte le moins dans
la localite manufacturiere.
Tous ces gants sont fabriques par les meines procedes, quels qu’en soient les mate-
riaux et de quelque endroit qu’ils viennent. Invariablement, il sont ä longs poils, exte-
rieurement, et interieurement ils sont legerement feutres. Rien n’est plus rationnel et
mieux approprie ä la destination des gants, qui doivent naturellement et avant tout
tenir chaud aux mains; mais en revanche, on doit l’avouer, rien n’est moins elegant;
il y a loin d’une paire de gants parisiens, jouvin ou autres, ä une paire de gants turcs ;
tout un monde les separe, ils sont le resultat de deux ordres d’idees diametralement
opposes.
Quant aux qualites commerciales proprement dites : le bon marche, la solidite, la
duree, les gants turcs les possedent a un haut degre. Quoiqu’il n’existe pas precisement
ce que l’on appelle de grandes fabriques de gants en Turquie, la production repond
largement aux besoins de la consommation; et si la demande augmentait, eile pourrait
facilement y satisfaire.
En effet, les monasteres, en Chypre, ä Trebizonde, ä Metelin, a Salonique et e nfin
partout, en Turquie, forment autant de moyens centres manufacturiers dont la f orce
productive ne deploie pas toutes ses ressources, car eile est moderee par la pro
duction du travail en famille, avec lequel eile ne saurait lütter sur le terrain du
bon marche.
Un couvent chypriote produit, chaque annee, 40,000 paires de gants de coton ä
16 piastres (3 francs 20 Centimes.) Les couvents de Trebizonde en fabriquent autant,
en laine, au meme prix. A Metelin, un autre etablissement religieux confectionne par
an 30,000 paires de gants de soie ä 17 piastres (3 francs 40 Centimes). La fabrication de
Salonique, laine et coton, ne s’eleve guere, annuellement, qu’a 20,000 paires de gants ä
22 piastres (4 francs 40 Centimes).
En regard viennent se placer les produits du travail en famille, ou la valeur de la
main d’oeuvre est assez difficile ä evaluer; mais, d’apres les chiffres fournis par les ou-
vriers eux-memes, chiffres auxquels ils estiment leur travail, non comme prix de revient
seulement, car ils se montrent tres satisfaits de livrer sur ce pied aux acheteurs autant
de gants qu’ils en demandent, la moyenne d’un prix de vente comprenant des benefices
honnetes est de 10 piastres (2 francs) par paire de gants.
Les familles d’Angora accusent un chiffre de production annuel de 150,000 paires
de gants en poils de chevre, la plupart destines ä l’exportation dans les autres provinces
de l’Empire, et dont le prix varie entre 5 et 10 piastres (1 et 2 francs). La ville d’Er-