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INSTRUMENTS DE PREC1S10N.
nombre d’appareils identiques; les prix tendent ä s’elever, et il en resulte
immediatement une penurie de bras dans les industries similaires ou voisines,
parce qu’un ouvrier, en rdpdtant toujours la meine piece, acquiert bientöt
assez d’habilete pour gagner de fortes journees. Ce genre de travail est
d’ailleurs loin d’etre profitable au progrös de la inain-d’oeuvre, et constitue
une mauvaise öcole pour les ouvriers, a cause de la division du travail
qui s’impose aux chefs de maison comme pouvant seule leur assurer des
bönöfices notables et une bonne execution des produits avec des ouvriers
mediocres.
Une seconde cause, dont les effets ont ete beaucoup plus complexes,
se trouve dans les ddsastres de la guerre elrangere et de la gucrre civile
qui l’a suivie. La production a ete interrompue pendant une grande annee,
et n’a pu reprendre ensuite que peu a peu; or, pendant ce ternps, la con-
sornmation a appris a s’approvisionner a d’autres sources.
En outre, les exigences des ouvriers parisiens ont ete en augmentant,
tandis que leur habilete suivait une marche inverse. A vrai dire, il est
dans fordre naturel des cboses que le prix de la main-d’oeuvre tende a
s’egaliser dans les diverses industries, et, ä cöte de l’elevation considerable
des salaires des ouvriers en batiments, par exemple, il est juste que celui
des mecaniciens ait egalement progresse. Malheureusement, la solidarite
dont les ouvi'iers se font une arme pour arriver a Felövation des salaires
a aussi pour effet de favoriser la mediocrite et le defaut d’assiduite, et
trop d’ouvriers ne profitent de cette elevation de salaires que pour tra-
vailler rnoins souvent.
Il en sera ainsi tant que l’industrie des instruments de precision restera
presque exclusivement une industrie parisienne; nous avons vu qu’en
AHemagne et en Suisse l’industrie similaire se trouvait dissöminee dans un
tres-grand nombre de localilös; la main-d’ceuvre est a meilleur marche
dans ces pays qu’en France, et ö plus forte raison qu’a Paris. Il serail
donc de toute necessite que cette industrie put se decentraliser chez nous.
En rdsume, vers quel but doivent tendre nos efforts? D’abord, tacher
de nous conserver le marche etranger; ensuite, si nous devons le perdre
dans uneproportion plus ou moins grande, faire en sorte que la Science
n’en souffre pas en France. Pour cela, voici, je crois, ce qu’il faudrait pou-
voir faire :
i° Exciter par tous les moyenspossibles nos mecaniciens, opticiens, etc.,
a fröquenter les exposilions ötrangeres, soit speciales, soit universelles,
en leur fournissant les moyens de le faire sans frais. La commande etran-
gere pourra alors se soutenir pendant assez de ternps encore pour que
nos industriels aient le temps de fonder en province des ateliers speciaux.