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MONUMENTS HISTORIQUES.
travail moralise les ouvriers, et la raison en est simple : leur attention est
toujours excit^e par une täche nouvelle; ils sont occup^s, ils s’instruisent,
ils ont le sentiment de satisfaction qu’inspire une di fliculte vaincue. Gom-
parez ce genre de travaux avec les terrassements ou les constructions im
menses du genie civil, oü l’ouvrier se perd dans un labeur ingrat et peu
remuneratoire. Dans un cliantier de restauration, on remarque tout d’abord
l’emulation des ouvriers, qui aspirent chacun a remplir une tache difficile
et ä se distinguer par son intelligence et son adresse. Dans un chantier de
terrassiers, l’intelligence demeure inoccupee et les bras seuls fonctionnent.
Les travaux des monuments historiques et ceux des <5difices diocesains
sont suspendus les dimanches et jours de fete, soit environ soixante jours
par an.
Dans les constructions faites pour le compte de particuliers, ou des
compagnies industrielles, on travaille le dimanche. 11 semble qu’un grand
nombre d’ouvriers dussent preferer les travaux particuliers ä ceux de l’Elat;
il n’en est rien. Bien que ces derniers soient pour l’ordinaire un peu moins
retribues, les ouvriers leur donnent la pr&'6rence, uniquement parce qu’ils
savent qu’on s’y forme, qu’on y devient habile, et que, tous les ans, des
hommes qui avaient 6te engagös cornme simples compagnons sont parve-
nus, en s’y dislinguant, a devenir appareilleurs *.
Ge meine sentiment chez l’ouvrier se trouve reproduit dans les princi-
jiaux rapports de la Commission des monuments historiques, a quelque
dpoque que l’on se reporte. En 1860, au moment ou la guerre d’Italie
venail de se terminer et ou il etait question d’affecter a l’achevcment d’un
certain nombre de monuments publics les ressources que la paix venait de
rendre disponibles, la Commission, en demandant au Gouvernement d’ap-
pliquer au Service des monuments historiques une partie des credits que
la guerre n’avait pas absorbes, se basait sur l’influence heureuse que les tra
vaux de restauration des anciens edifices avait sur le moral de l’ouvrier
francais.
Les travaux des monuments historiques, disait-eile encore dans un
rapport a l’appui d’une demande de credit supplementaire, sont plus
propres que dautres a former de bons ouvriers, et cela par une raison
tres-simple, c’est que, par leur nature, ils sont tr&s-varies. Ils exigent
une application particuliere et l’abandon de la routine. Les grandes cons
tructions d’utilite publique, disait M. Merimee, se font, pour la plupart,
sur des plans reguliers et uniformes; il s’agit de repeter ä l’infini des co-
pies du meme patron. Au contraire, dans les niparations des monuments
1860. Rapport au Ministre d’Etat.