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EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
historiques, la täclie de chaque ouvrier cbange tous les jours, et il rcn-
contre sans cesse des diflicultes qui stimulent son intelligence. Les arclii-
tectes d’ailleurs exigent d’eux une precision qui n’est point si rigoureuse-
ment necessaire dans les travaux civils. Loin d’etre decourages ou rcbutes,
nos ouvners aiment a ötre cmployes a nos restaurations, et sy Interessent,
parce qu’ils s’y instruisent, et surlout parce qu’ils ont continuellement
quelque cliose de nouveau a faire. L’ennui est ce que le Frangais redoute
le plus, la difficultA excite son amour-propre, et il parvient toujours a
la surmonter. Rien de plus eornmun dans nos chantiers que de voir des
ouvriers reclamer comme une faveur les täches difiiciles, bien qud n en
resulte pour eux aucune augmentation de salaire.
Cette variete continuelle dans le travail, ajoutait M. Merimee, l’appli-
cation qu’exige une execution bors de la rouline, produisent un effet salu-
laire sur le inoral de nos ouvriers. Ils sont occupes et leur täclie lcur plait.
On sait que la plupart de nos restaurations ont lieu dans des villes de
mediocre importance; car, dans les grands cenlres de population, les mo-
numents anciens onl disparu sous les constructions nouvelles, ou bien ds
se sont conserves pour un usage public, enlretenus par des subventions
municipales. C’est encore une circonstance qui tourne au profit de nos
ouvriers. Une grande ville leur offrirait des seductions de tout genre; dans
une petite ville, ils n’ont d’autre distraclion que leur travail; les vivres y
sont a bon niarche; ils gagnent et ne depensent pas.
Apres avoir dit ce que gagne l’ouvrier qui va travailler en province, ou
les restaurations des monuments historiques, sans entrainer des depenses
considerables, repandent le niouvement et la vie dans des localites souvcnt
diilaissees, il reste a dire un mot du bien qu’il y fait.
Lorsque nos ateliers se forment, on expedie de Paris ou de la grande
ville la plus voisine quelques ouvriers d’elite, ouvriers de tous les metiers,
car ils sont tous necessaires dans une restauralion d une certaine inipor-
tance. Ces bommes sont charg^s de former d’autres ouvriers pris sur les
lieux; ils leur enseignent la precision a laquelle on les a habitues, et ils
y parviennent sans peine, car ils ont affaire le plus souvent a des ouvriers
dociles, penetres d’avauce de respect pour le maitre venu de loin. A Paris,
l’education d’un ouvrier est souvent dilbcile; c’est l’entrepreneur qui en
est cliarge; l’ouvrier a sa routine et croit en savoir plus que celui qui veul
ln reformer. En province, il en est tout autrement; c’est l’ouvrier qui cnseigne
l’ouvrier. II est bien plus exigeant que l’entrepreneur, mais il inspire une
aveugle confiance. Partout ou des travaux dart ont ete executes, on a pu
remarquer une anielioration tres-sensible dans les procedes des ouvriers
en cette localite, memo parmi ccux qui n’y ont pas ete einployes.