MONUMENTS HISTORIQUES.
327
premiers travaux. Le choeur etait presque acheve lorsque, en iog6, le
pape Urbain Ii, revenant du concile de Clermont ou la premiere croisade
avait etc resolue, en fit la dedicace en presence du eomte de Toulouse,
des archeveques de Tolede, de Pise, de Bordeaux et d’une foule immense
de prelats et de seigneurs. II y rejut le voeu du lieros de la premiere croi
sade, du comte Raymond de Saint-Gilles, et benit les armes et les ban-
nieres des troupes que ce prince menait en Terre Sainte.
L’eclat de cette solennite et la magnificence qui presida a la nouvellc
construclion accrurent encore le prestige et la cölebrite de l’abbaye de
Saint-Saturnin. A partir de cette epoque, eile devient le centre de toutes
les manifestations politiques et religieuses du sud-ouest de la France et le
monument national de ces provinces. Son nom est mele a tous les grands
evenements dont Toulouse est le theätre; les poids publics, les monnaies,
les sceaux, les armoiries de la ville retracent a Tenvi son image. Un vaste
bourg, assiegö sans cesse par une multitude de pelerins, so forme a Tabri
de son enceinte. Les comtes de Toulouse veulent y avoir leur tombeau, et
la noblesse seule obtient comme une faveur le droit d’etre enterröe
dans son cimetiere. Ses possessions s’enrichissent de dotations immenses;
ses cryptes, des reliques les plus pröcieuses. Les papes la visitent et la
comblent de privilöges qui ne le cedaient, dit-on, qu’ä ceux de la basi-
lique de Saint-Pierre de Rorne. En 1119, le pape Calixte II y assemble
un concile et consacre ses autels; un siede plus lard, Clement V vicnt
d’Avignon s’y agenouiller a son tour. C’est ä la protection de saint Sernin
que les princes demandent le succes de toutes leurs entreprises; le peuple,
la delivrance des maux qui l’accablent. A l’exemple doleurpere, Bertrand
et Alpbonse Jourdain, fils de Raymond de Saint-Gilles, et, apres eux,
Alpbonse de Poitiers et Jeanne sa femme, hcritiere du Comte, y prennent
la Croix d’oulre-mer. Pendant la guerre des Albigeois, saint Dominique,
dont Teglise conserve encore la croix et la chasuble, y fait entendre ses
fougueuses predications; les reliques de ses saints, exposiies au fanatisme
de la foule, provoquent de terribles soulevements; ses abb^s sont cboisis
pour nnkliateurs entreles deux partis; Montfort, vainqueur, s’y fait investir
des domaines de la maison de Toulouse, et quand, chasse de la ville, il
rcvient plus tard l’assieger, c’est de la place de Saint-Sernin qu’une pierre
lanc^e par une pierriere que manoeuvraient, dit le poete provencal, ^les
filles et les femmes de ceux de la ville,» lui fracasse la töte au pied des
remparts.
Le zele religieux ou Tintöret politique y conduit egalement presque
tous les rois de France : Louis le Jeune, accouru pour defendre Toulouse
contre les Anglais, y depose son epöe sur le tombeau du saint apotre;