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EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
disparaitre les edifices de cette epoque? Je ne sais; mais, quoi qu’il en soit,
le xi e siede est presque muet aujourd’hui dans ces contrees.
Ce n’estguere que le xii° siede qui commence a donner signe de vie. J’ai Irouve
a Soissons, derriere une ticboppe, dans la rue du Saint-Esprit, deux arcades
plein cintre, merveüleusement sculptdes, unique debris de Tancienne eglise de
l’abbaye de Nolre-Dame, et Tun des plus beaux modeles que j’aie encore ren-
conlre de ce gout oriental, de ce style byzantin pur 1 , qui, apres la prcmiere
1 II faudrait des developpements beaucoup
plus lorigs que ceux qui peuvent trouver place
ici, pour expliquer clairement ce que j’entends
par ces mols : gout oriental, style byzantin pur.
Ailleurs, je tächerai dedemontrer que Fhistoire
de I’architecture en Occident, depuis levCsid-
cle jusqu’ä la fin du xn e , n’est aulrechose que
Fhistoire des importations successives du goül
qui regnait durant celte periode en Grüce el
sur tout le littoral de la Medilerranee, depuis
Constantinople jusqu’ä Alexandrie. Ces impor-
lations, plus ou moins heureuses, plus ou moins
Lien accueillies, selon les temps et les lieux,
offrent un spectacle plein de variete, et d’un
attrait tout dramatique. Partout ou il y a un
üeuve ä remonter, partout oü vous voyez ri-
chesse chez les peuples ou genie chez le sou
verain , vous pouvez etre sür que le goiit exo-
tique läit de rapides progres; partout, au
contraire, oüles CommunicationssontdilFiciles,
et ou, en guise de commerce et de prosperite,
il y a tenübres et misere, l’art de balir reste
soumis aux vieilles habitudes romaines, mo-
difiees par les dispositions grossieres des Bar
bares. De lävientque, dans une memecontree,
le gout oriental parait et disparait tour ä tour,
selon que les circonstances le chassent oul’ap-
pellent; et, par exemple en France, il est ä
peu pres ignore au vi* siede, tandis que,vers
la mäme epoque, il commence ä poindre en
Italie, sous les auspices des exarques de Ra-
venne. Pluslard, au contraire, banni dTtalie
par la barbarie des Lombards, il est accueilli
en France par Charlemagne; il s’y eteint peu
ä peu apres la morl de ce grand bomme, et fait
place, vers le x” siücle, ä un Systeme hälard
et grossier, tandis que, sur la fin du meme
siücle , on le voit lleurir avec eclat, en Alle-
magne, sous l’empire des Olbon. Mais un eve-
nement immense vient metlre un terme äces
oscillalions : l’Europe tout entiere, riche ou
pauvre, eclairee ou barbare, se precipite vers
FOrient; entre les moindres villes, entre les
moindres villages et Constantinople, il s’etablil
tout ä coup un chemin incessamment couvert
de Voyageurs. De ce moment, c’est-ä-dire ä
parlir du xi° siede, le regne du gout oriental
n’est plus local et accidentel, il devienl uni-
versel. Toutefois, dans chaque contree, chez
chaque peuple oü il est accueilli, il se modifie
plus ou moins: ainsi, lesNormands n’enpren-
nent que cerlains caracteres, et rejettent les
autres; il en est de meme dans nos provinces
du midi, dans celles du centre, dans les pays
ai i roses par le Rhin ; partout quelques modifi-
calions de delails, et comrae un cac.het parti-
culier pour chaque localile. Mais, ä cote de ces
monumenls chez lesquels lo style oriental porte
la trace de sa naturalisation dans teile ou teile
partie de l’Occident, vous en trouvez parfois
qui semblent venus directement de Grüce ou
d’Ionie, tant ils conservent pur et intact leur
caractere natif: ces monuments, execules avec
beaucoup de finesse par des architectes byzan-
tins, ou tout au moins par des moines instruits
aux ecoles d’Orient, sont rares et precieux; ils
appartiennent en general au xu“ siücle. Or
c’est le style de ces monuments que j’appelle
style byzantin pur, c’est-ä-dire depouille de
tout alliage romain et barbare.
Quant ä un autre style d’architecture qu’on
est peut-ütre plus accoutume ä entendre appe-
ler oriental, le style ä ogive (improprement dit
gotliique), j’essayerai aussi de demonlrer qu’il
n’est rien moins qu’oriental, et qu’au contraire
il est essentiellement indigene, et n’a eu d’autre
patrie que les contrees d’Occident qui l’ontvu
fleurir. C’est encore un admirable chapitre
dans nos annales que Fhistoire de celte nou-
velle architeclure. Son origine, sa Formation,
ses progres, c’est Forigine, la Formation, les
progr&s de presque toute l’Europe moderne,
du xu” au xvi' siede, depuis Louis Vll jusqu’ä
Louis XII. Elle est nciedes meines circonstances,
eile s’est developpee d’apreslesmemes lois que
tout ce qui est ne, que tout ce qui s’est deve-
loppe alors en Occident : langues, peuples,
elats, institutions; eile preside au reveil du