MONUMENTS IJ1STOIUQUES. — ANNEXES.
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croisade, vint se naturaliser avec plus au moins de bonheur dans tout l’Occi-
dent. Les Grecs, a leurs plus helles epoques, n’ont rien sculpte assurement
d’un gout plus fin, plus spirituel, plus capricieux et a la fois plus regulier que
ces deux arcades. La petite e'glise Saint-Pierre, situee vis-a-vis, quoique moins
fiuement sculptee, est encore un exemple agreable de cette architecture du
xii° siede : il n’en reste debout que le portail et une petite partie de la nef.
Ajoutez a ces deux fragments la cbapelle de Saint-Pierre-a-l’Assaut, egalement
ä Soissons, puis a Laon une assez grande partie de l’e'glise Saint-Martin 1 , le
pelit portail de l’eglise Saint-Maurice a Reims 2 , celui de Teglise de Coucy-le-
moyen äge, comme l’architectureä plein cinlre
assiste a son somraeil. Son principe est dans
l’dmancipation, dans la liberte, dans l’esprit
d’association et de communes, dans des Senti
ments tout indigdnes et tout nationaux; eile
est bourgeoise, et de plus eile est fran$aise, an-
glaise, teutonique, etc. L’autre, au contraire,
est exotique et sacerdotale, eile nait du dogme
et nou du sol, de la foi et non des mceurs; eile
regne par droit de conquete ecclesiastique;
eile n’a d’autre principe, d’autres racines que
l’eglise et les canons. Aussi les architectes, qui
sont-ils? Ici des moines, rien que des moines
ou des gens d’eglise; lä des lalques, desfrancs-
inafons. Je sens tout ce qu’il y a de vague et
d’incomplet dans de telles explications. 11 me
faudra de longs developpeuients, aussi bien
pour tracer l’histoire du style a ogive quepour
suivre les migrations du plein cintre oriental.
.Mais, je lerepete, c’est sur notre sol meme
qu’il faut cherclier les causes sociales et pliy-
siques qui ont donne naissance ä ce grand
et beau systdme de l’ogive. Ce n’est pas que
plusieurs elements de ce Systeme, et peut-etre
l’ogive elle-meme, ne soient des exportations
d’Orient; mais il n’en faut rien conclure pour
la veritable origine du Systeme, car autre chose
est un Systeme, autre chose les materiaux sou-
vent epars et incoherents dont il est construit.
1 Sauf le portail et la premidre fenelre de
lanefaltenante au portail, l’eglise Saiiit-Marlin
est, ä l’exterieur, complelement ä plein cintre.
Les fenetres ont cela de particulier, qu’eiles
sont extremement allongees; eiles ont au inoius
trois fois et demie plus de bauteur que de lar-
geur. Tout le long de la nef, il rdgne sous le
loit une comiche fort remarquable par la sim-
plicile, par la nettete et le nerf de son execu-
tion : eile se compose, en partant du haut, de
deux filets creux tres-minces surmontant un
cordon ä damiers creux et pleins, lequel court
eulre deux filets saillants; puis vienl une plate-
bande unie, qui sert de repos, puis un filel
creux tres-mince, puis enfin des modillons
dont la grosseur est d’environ moitie du reste
de la cormche. Ces modillons sont tous varies
etrepresentent des llours, des nceuds, des ro-
saces et quelques tdtes d’animaux, mais en
petit nombre; ils sont sculples avec une fermete
et une precision singulieres.
Quant aux fendtres, olles sonl tout simple-
ment entourees d’un tore ou boudin de moyenne
grosseur, surmontd de deux filets creux. Ce
cordon est continu d’une fenelre ä Tautre.
Le transept sud porte des traces du style de
transition : c’est un melange de pleins cinlres
et d’ogives presque insensible. On y voit aussi
une rosace ä jour, composee de petits arcs
plein cintre rayonnant vers le centre.
Enßn Tabside se termine carrement et par
un fronton, on y trouve la meme corniche et
les niemes fenetres que sur les murs de la nef.
On l’a percee et i’on y a pratique une grande
fenetre ogive dans des lemps plus modernes.
L’interieur est d’une extreme simpiicite; il
n’y a ni galerie ni colonneltes. Lesarcades qui
separent la nef des collateraux sont ä ogive, et
les fenetres superieures ä plein cintre (ce sont
celles qu’on aperf.oit exlerieurement). Une
grande colonne engagee, tout unie et sans an-
neaux, flanquee de deux petites colonnes an-
nelees, file le long des piliers carres jusqu’aux
combles. Celle disposilion est simple et belle.
Malheureusement l’eglise est entierement reve-
tue d’un epais badigeon blanc et jaune, qui
alourdit et altere toules les proportions.
2 II y a, dans cette petite dglise, des parties
d’une conslruction fort grossiere et probable-
mentbeaucoup plus ancienne que le portail;
ce sont les deux arcades de la nef les plus pro-
clies du chceur. En examinant les murs exte-
rieurs qui correspondent ä des arcades, on
reconnail un clioix et un arrangement de ma-
teriaux tont autre et benucoup plus incorrect