557
MONUMENTS HISTORIQUES. — ANNEXES.
Ge que je vous propose, Monsieur le Ministre, ne sera ni bien difficile ni
bien corlteux : il suffira d’envoyer ä Reims deux ouvriers mouleurs, intelli-
gents et actifs; en quelques semaines, ils auront pris des creux des morceaux
les plus remarquables. Les exemplaires qu’on en tirera seront deposds au mu-
se'e, et, si vous l’autorisez, a l’Ecole des beaux-arts et dans les dcoles de dessin
des departements, dont vous m’avez fait l’honneur de me confier l’inspection.
Gette innovation aurait, je crois, les meilleurs effets; car l’ignorance de ce
style national et Tetude exclusive de l’antique, quelque beau, quelque pur
qu’il soit, sont assurement cause en partie de ce caractere abstrait et monotone
qui, parmi nous, a de'pare souvent les produclions de la statuaire.
C’est un vrai Service a rendre a l’art que de tirer de l’oubli ces morceaux
de sculpture, qui, une fois l’echafaudage enleve, ne pourront plus etre dtudids
de longtemps. Je ne sais meine par quel miracle ils ont dte conserves, car
cette facade a subi, il y a six ans, une mutilation plus barbare que toutes
celles que le protestantisme ou Tirre'ligion lui avaient deja fait souffrir. MM. les
architectes et decorateurs chargds de faire les apprets du sacre de Charles X
firent suspendre aux deux tours des cordes a nceuds, et cinq ou six maijons,
attache's ä ces cordes, furent charges d’abattre ä grands coups de masse loutes
les tdtes de saints qu’ils pourraient atteindre. On craignait que, le canon et les
cris de fete ebranlant i’atmosphere, ces tetes ne vinssent a tomber sur celie
du monarque au moment oü il entrerait dans Te'glise. Gräce ä ce raffinement
de precautions, deux Cents tetes environ vinrent se briser sur le pavd. Les
habitants ramasserent celles qui n’e'taient pas trop de'figurdes. M. le sous-
prefet de Reims m’a promis de faire quelques demarches pour en obtenir la
restitution.
Inddpendamment des statues de Reims, j’ai encore trouvd plusieurs frag-
ments de sculpture d’un vdritable interdt. Je citerai notamment des dalles de
pierre de differentes grandeurs, qu’on rencontre sous ses pieds dans l’eglise
cathedrale de Saint-Omer, pele-mele avec les paves. On y voit representes des
chimeres, des sirenes, des oiseaux fabuleux, des arabesques de toute Sorte et
varies ä l’infini; des elepliants armes en guerre, la tour sur le dos et les ar-
chers dans la tour; des fragments de zodiaque; puis des sujets bibliques, Dieu
creant le monde, le soleil dans une main et la lune dans l’autre; enfin des
cbevaliers, la lance au poing, montes sur leurs coursiers; des pelerins pieds
nus, etc. Rien ne peut donner une plus fidele image de ce melange, de cette
bigarrurede traditions, d’usages, de costumesmi-partie orientaux eteurope'ens
qui s’emparerent de fOccident vers l’epoque des croisades. Ces sculptures sont
de la tin du xn e siede; les lettres dont se composent quelques fragments d’ins-
criptions ont une forme qui ne laisse pas de doute ä cet egard. On vous dit
pourtant dans le pays qu’elles ont appartenu a un ternple paien, et qu’elles
proviennent de Terouane, ancienne ville du voisinage, entierement rasde par
Charles-Quint. De ces deux traditions, laseconde n’a rien d’impossible; mais,
pour la premiere, eile est lout ä fait ridicule. Il suffit, je crois, de lire autour
de quelques-unes de ces pierres cette inscription : Dedit istumlapidem ad hono-