561
MONUMENTS HISTORIQÜES. — ANNEXES.
cloi'tres, on parlait la langue morte; dans les chateaux et les campagnes, an
idiome jeune et plein de vie. Aussi, landis que les peintres de cloitres s’amu-
saient ä fixer minutieusement un peu d’oret de couleur sur des feuilles de velin ,
les peintres artistes, les veritables peintres de Tepoque, les rivaux des arcbi-
tectes, des sculpteurs et des ciseleurs, procedaient plus hardiment et dtalaient
a grands traits l’or, les arabesques et les figures sur les murailles et sur les
voütes des cbäteaux et des eglises.
On ne comprend pas l’art du moyen age; on se fait l’idee la plus mesquine
et la plus fausse de ces grandes creations d’architecture et de sculpture, si,
dans sa pensee, on ne les rttve pas couvertes du haut en bas de couleurs et de
dorures. De toutes les imporlations de l’Orient, il n’en est peut-etre pas qui se
soient repandues avec plus de faveur et plus universellement que le gout et le
besoin des couleurs. On en vint a vouloir que tout futcolord, tout, jusqu’a la
lumiere; et les rayons du soleil ne pendtrerent plus dans les habitations qu’a
travers du rouge, du jaune ou du bleu. L’usage des vitraux peints n’a pas eu
d’autre origine; c’est la consequence naturelle du nouveau Systeme de decora-
tion et de cette passion tout orientale pourla couleur. Ddja, aux vihet vni° siecles,
au commencement du ix e , puis au xi° siede, cette passion avait fait quelques
conquetes, mais partielles et peu durabies. Au retour de la croisade, la couleur
triompha, et, pendant trois siecles, la France en fut amoureuse comme la
Grece l’avait dtd de tout temps.
En elfet, de re'cents voyages, des experiences incontestables, nepermellent
plus de douler aujourd’hui que la Grece antique poussa si loin le godt de la
couleur, qu’elle couvrit de peinture jusqu’ä l’exterieur de ses ddifices 1 ; et pour-
tant, sur la foi de quelques morceaux de marbre deteints, nos savants depuis
trois siecles nous la faisaient rever froide et ddcoloree. On en a fait autant ä
i’dgard du moyen age. II s’est trouve qu’a lafin du xvi e siede, grace au protes-
tantisme, au pddantisme et a bien d’autres causes, notre imagination devenant
4 «Fort de toutes les experiences que nous
possedons, et que nos predecesseurs, l’inge-
nieux Winckelman lui-möme, pouvaient &
peine presurner, nous oserons soutenir, Sans
crainte de nous tromper, qu’il n’y avait pas,
dans toute la Gröce, un seul lemple construit
avec soin et avec quelque luxe qui ne tut plus
ouraoins colorie, c’est-ä-dire peint de maniere
ä contribuer ä l’effet et au riebe aspect du
monument par la couleur harmonieuse des
parties symetriques, surtout des parlies supe-
rieures de la construclion. Ceci s’applique
specialement aux temples construits avec des
pierres grises, monotones et Sans apparence,
telies que les niontagnes de la Grece en four-
nissent le plus souvent. Cependant les temples
bälis du marbre le plus solide, et offrant le
surface la plus lisse, par exemple ceux d’A-
thines, de Sunion, etc., dtaient aussi forte
ment enduits de couleur, du moins dans les
parties hautes, depuis l’architrave jusqu’au
haut de l’entablement, comme chacun peut
s’en convaincre en examinant attentivement le
temple de Thesee, le Parthenon, etc s
(Brönsted, Voyaijes et recherches clntis la Grece,
a” livraison, i83o, p. i45.) — Voyez aussi,
surle meine sujet, la description du lemple
d’Apollon ä Bassae, par M. Stackeiberg (Der
Appollotcmpcl zu Bastae in Arcadien, und die
daselbst ausgpgrabenen Bildwerke; dargestellt
und erläutert durch 0. M. Baron von Stackel-
berg, Rom, 1826); l’ouvrage de MM. Hit
tort et Zanth, et enfin les beaux dessins que
M. Ituyot expose, pour faciliter ses demons-
trations, dans la salle de TAcadcmie des bcaux-
arls 011 il fait son cours.
3f>
v.