MONUMENTS HISTORIQUES. — ANNEXES.
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De Reims je suis alle a Laon. Lai trouve la cathe'drale bien entretenue 1 , et
J’eglise Saint-Martin, qui, quoique moins renommee que ia catbddrale, est
bien aussi interessante, en etat de parfaite Conservation. Mais ie conseil muni-
cipal a decide,je ne sais pourquoi, qu’on demolirait prochainement une grosse
tour dont j’ai parle', et qui faisait, dit-on, partie des anciennes fortifications
du temps de Louis d’Outre-iner. Cette tour est au milieu de ia viile, mais ne
gene pas la circulation; et je ne vois pas de quoi on peut l’accuser, si ce n’est
peut-elre d’interrompre i’alignement. J’espere qu’on reviendra sur ce projet de
demoiition.
C’est encore par amour pour i’alignement qu’a Saint-Quentin on a resoiu
d’abattre la faqade de l’bötel deville. Cette fajade, batie en i5oo environ, est
d’un travaii tres-deiicat; ies proportions sont ele'gantes, et dejoiis details de
scuipture achevent de lui donner beaucoup de prix. On veut la de'molir,
parce qu’elle fait saillie de quelques pieds sur les maisons voisines; et notez
que les maisons voisines, et toutes celles de la longue rue oii se trouve placee
rette facade, sont elles-memes en zigzag et sans la moindre regularite. On ne
gagnerait a priver la viile de ce joli monument que le plaisir d’apercevoir de
cent pas plus loin 1c portail de la cathedrale, chef-d’oeuvre de mauvais goüt et
de lourdeur. Assurement, si MM. les membres du conseil des batiments civils,
qui ont approuve le plan de demoiition, avaient visite les lieux, jamais ils
n’auraient donne' leur assentiment a pareille barbarie. J1 est vrai que la Con
servation de cette facade rendra un peu plus difficile la distribution interieure
de l’hotel de ville, qui doit, pour les besoins du Service, etre agrandi et remis
a neuf; mais je crois avoir prouve a M. le maire qu’avec un peu d’adresse rien
n’etait plus aise que de lui faire des bureaux et un cabinet commodes et bien
1 Le hon etat d’entretien de l’eglise Notre-
Dame de Laon, Signale par M. l’inspecleur
general en i83i, n’elait qu’apparent. ün
exatnen plus complet de la Situation de cet edi-
fice n’aurait pas manque de reveler au savant
archeologue les desordres graves qui mena-
paient dejä de ruiner l’admirable edifice dont
la cliute n’a pu etre prevenue, il y a quel
ques annees, qu’a t’aide de sacrifices conside-
rables.
En effet, bätie ä une epoque oü rarcliilec-
lure gothique ne s’etait pas encore perfection-
nee par l’expe'rience, cette eglise offrait quel
ques vices de construction assez graves, surlout
dans sa farade. Les deux tours qui flanquent
cette fopade ä l’occident reposaient sur des
bases dont la resistance paratt avoir ete mal
calculee des l’origine. Les piliers ä l’enlree de
la nef, et qui forment un des quatre points
d’appui de cliacune des tours, menafaient de
ceder a un deversement accompagne de l’ccra-
semenl des assises inferienres. Les arcs depen-
dant de ces piliers et tes contre-forts des lours
avaient participe ä ce mouvement, qui aurait
inevitablement entraine la destruction de la
fafade sans un elayement provisoire qui fut
ordonne vers i8A5. En meme temps, le Gou
vernement faisait poursuivre les etudes neces-
saires pour conscrver ce precieux edifice, qui
accusait en outre des degradations imporlantes
dans ses autres parties. La täche etait ardue,
et longtemps on put douter de ta possibilite
de reprendrecn sous-ccuvre des piliers cedant
sous le poids d’enormes constructions. Un de-
vis general de la construction complete, etudie
avec le plus grand soin, evaluait la depense a
2,005,926 francs. La reparation de la fafade
entrait dans cette evaluation pour 606,000 fr.
C’est celle qu’on dut entreprendre sans aucun
retard. Aujourd’hui l’edifice est sauve; cette
entreprise perilleuse, conduite avec hardiesse
par un habile architecte, a completement
reussi, et les travaux sont poursnivis avec ac-
livite.