SOIES ET SOIER1ES. 237
factures; nous aflaiblirions Fimpression qu’il convient que Ja nation en
ait. Mais nous ne voulons pas non plus etre complice de Findifference ou
de l’oubli qui s’est fait si souvent a son egard, et il suJBra de quelques
lignes pour dire la grandeur singuliere qu’a cette industrie, a la fois si
modeste et si puissante.
La Science n’a pas de patrie; ses decouvertes naissent soustousles cieux,
eiles ont des ailes et se rep an de nt dans tous les ateliers. La protection
souvent illusoire des brevets ne ralentit pas Fapplication des inventions,
et l’on peut dire que, dans un temps relativement court (les exceptions
sont rares), la mdne matiere, le meine procede a ete porte partout. L’Ex-
position n’en a-t-elle pas fourni une ddnonstration eclatante? Y avait-il
une couleur qui manquät ;i la palette des teinturiers de chaque pays? Y
avait-il une invention dont l’influence ne fiit pas visible dans leur travail?
Naguere, les teinturiers lyonnais — nous ne nous occupons que de Fin-
dustrie de la soie — etaient ä peu pres seuls presents au concours universel;
cette fois, les concurrents abondaient. L’Allemagne, l’Autriche, Fltalie,
se faisaient gloire des progres accomplis. Cette fois, la preuve a ete faite
publiquement d’une habilet«5 qu’il serait injuste de contester ä nos emules.
Mais ou le combat est le plus vif, la victoire a le plus de prix. Vingt-trois
teinturiers lyonnais s’etaient reunis pour montrer la teinturerie lyonnaise
sous ses deux aspects : l’invention et l’applicalion.
A Lvon, l’invention a toujours march6 de pair avec l’application. La
science a ete, autant que l’art, un auxiliaire fidele. Au xvi e siede, dans
un temps ou l’observation tenait lieu de science, Fltalie, ä Fapogee de sa
fortune industrielle, enviait la perfeclion de nos teintures, et cet art etait
exerce alors, ä Lyon, par des ouvriers ind^pendants. A Forigine de la fa-
brique, en 1/169, nous voyons, dans les chartreaux de Fimpöt, figurer a
cöte de nos premiers maitres velutiers maitre Guichard, notre premier
taintuner de soije.
Depuis 1810, plus de vingt decouvertes sont nees ou ont pris leur
valeur ä Lyon, et nous ne saurions compter les perfectionnements qui
ont ajout6 a Fexcellence des teintures.
En möme temps, les teinturiers Iransformaient et agrandissaient leurs
moyens d’aetion, assainissaient les ateliers, formaient un outillage special
et developpaient Femploi des machines. La division du travail s’etait in-
troduite ä une epoque deja ancienne : eile a eu a Lyon la vertu qu’on lui
connait, et a produit une experience et une babilete plus hautes. Pour le
noir et pour les couleurs, Famdioration a et6 incessante. N’est-ce pas a
nos teinturiers, devenus les remplacants de nos dessinateurs dont la mode
rendait lescravons inutiles, qu’est due la crealion de tant de couleurs nou-