EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
126
sur im papier de belle qualite, mais relativement mince, n’avaient rien
qui put sMuire le grand public, peu habitue au commerce des Elzevier, et
plus familier avec les beaux v^lins tres-blancs et tres-satuffis dont Jannet
faisait si peu de cas. D’autre part, le choix des livres dont il pr^parait les
Mitions avec tant de soin, s’il devait lui mMiter l’approbation des Mudits
et des bibliophiles, ne lui permettait pas d’espdrer, au moins tout d’abord,
un public süffisant pour les prix peu elevds de ses volumes. La Biblio-
theque elzevirienne, aujourd’hui continuM par M. Daffis, a donc traverse
bien des vicissitudes, dont eile est sortie victorieuse, mais qui en ont
entrave l’essor rapide.
Cependant le gout du public pour le «vieux neu!» en typographie,
comme en bien d’aulres cboses, avait fait de rapides progres, et les edi-
teurs qui suivirent Jannet dans la voie qu’il avait ouverte devaient trouvcr
le terrain bien prepard. Sans s’attacher a reproduire les volumes severes
des Elzevier, ils ont sacrifie ala mode du jour, en s’efforgant de faire des
livres de luxe, et, avec les types du xvf siede, ils nous paraissent, en
definitive, se rapprocher beaucoup plus des modeles du xviii 6 .
Commercialement, l’entreprise a completement reussi. Malgreleurs prix
eleves, les ouvrages arcbaiques sont epuis^s souvent peu de jours apres
leur mise en vente; les exemplaires numerotes et sur papier de choix,
Chine ou Wbatman, trouvent acquereurs, 4 quelque haut prix qu’on les
cote; en un mot, la librairie archaique moderne regne en souveraine a
cöte du commerce des vieux livres.
Au point de vue typographique, faut-il applaudir a cette rcaction, sur
laquelle nous nous etendons d’une fagon speciale, parce que son veri-
table develop[)ement appartient a la periode qui s4pure les deux dernieres
Expositions universelles? La r^ponse prete, au moins, matiere a discussion.
Le caractere antique presente, au point de vue purement technique,
un avantage marqud Un type a deli6s fins, s’il donne une grande net-
tete au premier tirage, est rapidement use. Ce dcifaut est surtout sensible
avec les tirages a la machine, qui ecrasent plus les caracteres que les tirages
a la presse a bras. Au contraire, le caractere antique, dans lequel toutes
les lignes ont une valeur 4gale, conserve loujours ses proportions et
semble ne pas vieillir; suivant un proverbe d’imprimerie, les lettres an-
tiques sonl « neuves jusqu’au talon». Mais cet avantage est tout pratique,
et ne peut etre, pour le public, naturellement peu dispose a entrer dans ces
questions de metier, le secret de la faveur dont jouit ce caractere. Sa forme
est incontestablement moins pure, moins gracieuse que celle des types
qu’il aspire a remplacer; les reformes, s’il y en avait a faire, n’exigeaient
pas un tel retour au passe.