262 EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
Qu’un ouvrier habile invente un ressort ou un ecrou nouveau, il boule-
versera demainJe travail de mille ateliers; mais, en supposant rjue, dans
l’espace de ternps qui separe une exposition d’une autre, il surgisse dans les
arts un hornme de genie et que la foule se presse derriere son drapeau,
croit-on qu’il ne faudra que cinq ans pour constater que cette foule est
devenue ecole? Ce n’est pas le lendemain du jour oü Ingres exposa sa pre-
mierc esquisse, ou Meissonier parut avec les Joueurs d’kJiccs, que l’in-
fluence de ces maitres put etre appreciee.
Un seid fait, reconnu et inconteste aujourd’hui, apres le spectaclc qu’ont
donne les expositions universelles depuis vingt ans, c’est le nivellement
graduel de toutes les ecoles, c’est le caractere cosmopolite, europeen, que
prend l’art tous lesjours. Nous reviendrons sur cet important sujet apres
avoir parcouru l’Exposition, dresse l’inventaire de cliacun et recueilli chez les
artistes etrangers et chez les nötres tout ce qui nous paraitra devoir ren-
fermer une legon utile ou jeter quelque lumiere sur les tendances de hart
dans les differents pays. Auparavant, nous croyons indispensable de dire
un mot des conditions dans lesquelles nos artistes se presentaient a Vienne.
C’est la premiere fois que la France, hors de chez eile, a pris part a
une Exposition universelle obeissant ä un regiement uniforme, et sans que
les Evenements politiques ou toute autre cause aient amene des modifica-
tions de programme l’obligeant a combattre avec des armes inegales.
Nous rappellerons que l’Angleterre, desirant, en 1862, ouvrira cliacun
un cbamp aussi large que possiblc, avait laisse les pays etrangers maitres
de leurs reglcments propres, et n’avait impose aucune limite d’epoquc pour
les ceuvres d’art. La Commission imperiale commit chez nous une faute en
sc liant les mains par une decision qui fut regrettee plus tard. En eilet,
n’accorder a nos artistes qu’une periode de dix annees, alors que nos voi-
sins se donnaient la latitude d’un siede, c’Etait nous placer a l’avance dans
des conditions trop sensibles d’inferiorite. Quoi qu’il en soit, la France
sorlit avec bonneur de cette grande rencontre. La decision une fois prise,
il fallait que notre section ne renfermät que des ceuvres de choix. Un
membre du jury d’admission, amateur fervent des beaux-arts, M. Eudoxe
Marcille, eut la patience de creer une sorte d’etat des travaux de nos meil-
leui's artistes depuis 1802 , de rechercher en quelles mains les tableaux
avaienl passe; 011 frappa a la porte des amateurs, on eprouva peu de refus.
Ainsi fut formee notre exposition a Londres. Un pelit nombre d’ceuvres
nouvelles y parurent, toutes avaient subi deja plus ou moins lejugement
du public. Pour l’Anglelerrc ce fut la glorification de sa grande ecole; la
surgirent, a cöte des Reynolds, des Gainsborough, des noms presque iu-
connus cn l’rance, comme ceux de Constable, des dein Cromo, elc. Quant