Nous ne pouvons quitter les salles hollandaises sans faire une remarque
sur la maniere singuliöre dont les tableaux y etaient plac&s. Le premier ,
rang touchait la terre : il fallait se baisser pour le voir. Si c’est afin de
leur donner plus de lumiere, le calcul est faux, car leur inclinaison etant
dans le sens inverse de celui consacre par l’habitude, les tableaux ne per-
dent pas un redet, a moins que la poussiere soulevee par les pieds des vi-
siteurs ne les couvre entierement d’unecouche epaisse. J’avais dejäobserve
cette bizarrerie dans plusieurs galeries d’Amsterdam, sans pouvoir me
l’expliquer.
ANGLETERRE.
Les arlistes anglais, il faut le dire, ont repondu assez mollement ä
l’appel. Ont-ils jug^, dans leur sens pratique, qu’il n’y avait pour eux qu’un
faible avantage a rctirer d’un voyage ä Vienne ? Les exhibitions repetees
qui ont eu lieu en Anglelerre les onl-ils exclusivement absorbes? Le fait •,
certain, c’est que les deux salles qui leur etaient reservees ont die peni-
blement et incompletement remplies. Cette abstention est d’autant plus
regrettable que la seulement nous pouvons encore trouver trace d’un art
vraiment national et d’originalitds qui disparaissent partout.
Le peuple anglais tient a ses institutions, ä ses habitudes, a ses usages;
il aimc ce qu’il possede, il est salisfait de ce qu’il a, et en cela il a gran
dement raison. Ses arlistes ont une facon de peindre, de choisir et de
composer leurs sujets que le public a adoptee et qu’il ne leur permet pas
d’abandonner; il couvre d’or la moindre de leurs toiles, et ne souffre pas
qu’elles franchissent le ddtroit. Les artistes se laissent faire; ils conservent
leur originalite et se garderaient bien de la compromettre ense melant au
mouvement du continent; on ne les voit pas, comrne ceux d’autres pays,
frequenter au debutde leur carriere quelque alelier etranger; s’ils voyagent, t
c’est coinme Anglais, non coinme peintres; Florence ou Rome les attire
peu, du moins au point de vue de ce qu’ils pourraient y apprendre; aussi
la peinture classique est—eile encore plus rare en Anglelerre qu’ailleurs,
comme nous allons le voir.
Ce contentement d’elle-meme ne fait pas perdre de vue a cette nation
sage les points oü existe cbez eile une inferiorite quelconque, et ne l’em-
peche pas, pour y remedier, de meltre a probt l’experience ou les progrds
des autres. Ainsi, eile fonde des milliers d’ecoles de dessin qui d^veloppent
le gout de l’art cbez le peuple; eile convoque dans des exposilions sp^ciales
et reunit dans un musee colossal les produits de toutes les nalions, qui
serviront ä l’instruire; d’une part, eile rcconnait la pauvrete de son sens
artistique: de l’autre, eile prise tres-haut ses peintres et ne pennet pas qu’on