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EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.
qui n’a pas la pretention d’etre la nature elle-meme, nc peut etre qu’une
fiction, c’est a dire un mensongc, — nous employons expres le mot, — les
preraphaelistes, en lui donnant la verite absolue pour base, le reduisaient
ä l’irnitation servile de la nature; ils forjaient le peintre a un travail qui
ne devait avoir pour limite que sa patience, et par consequent ils luaient
l’art lout a fait, sans s’en douter.
Croire que la reprdsentation textuelle des details amene forcement
l’image de l’ensemble est une erreur profonde; la photographie a plus
d’une fois prouvd que l’identite n’est pas la ressemblance; dans les grandes
scenes de la nature, si le Crdateur a multiplie les details a rinfini, il a fait
aussi l’ceil liumain, et n’a pas voulu, beureusement pour nous, qu’il fut en
meme temps frappe par la silhouette d’une montagne et par tous les brins
d’herbe qui la couvrent.
L’erreur des preraphaelistes dtait donc manifeste quant au dessin;
pour ce qui est de leur couleur, il suflit d’avoir jete les yeux sur certains
paysages de leurs expositions, d’oix la perspective aerienne dtait bannie
comme une heresie, et devant lesquels le spectateur non prevenu croyait
posilivement a une myslification, pour se rendre compte du precipiceou les
avaient plonges une idee fausse et l’horreur du mensongc.
11 v a toujours dans les rdformes, meme alors qu’elles echouent, une
raison pour qu’elles aient dtd tentees. On trouverait la cause des idees se-
veres de M. Ruskin dans les folies et le devergondage de pinceau auxquels
l’dcole anglaise commengait d selivrer a la suite de Turner. Le preraphae-
lisme aura eu ce bon effet de ramener serieusement en Angleterre la
jeunesse vers l’dtude du dessin, et d’empecher la peinture de tourner par
Systeme ä l’ebauche. Aujourd’hui tous les membres de la petite eglise se
sont disperses a droite et a gauche, comme nos saint-simoniens d’autre-
fois; ils pensent et surtout ils peignent autrement. Un voyage ä travers l’er-
reur a souvent son bon cöte.
Ne nous hätons pas, cependant, de considerer comme complete et
absolue cette metamorphose; si MM. Hunt, Fisk, Hughes, Paton et d autres
adeptes sont absents et echappent ainsi a la critique, M. Linnel, avec son
tableau du Moulin ä vcnt, nous semble persister dans sa maniere. Quant a
M. Millais, donl les oeuvres souvent differentes les unes des autres ont si
peu de parentd qu’il faut avoir recours au livret pour eclaircir son identite,
il ne nous donne celte fois que deux portraits, genre auquel il est voue
pour le moment.
Celui de Mademoiselle Nina Lehman est une peinture distingude, ori
ginale, concue dans une gamme tres-claire et exdcutde avec beauroup
d’habilete. Le public s’extasie devant la facon dont sont rendus les bas de