BEAUX-AKTS.
343
preuve des r^sultats que peuvent atteinclre une volonte opiniätre et l’ensei-
gnerneut de l’Etat. Que l’on doute tanl qu’on voudra de 1’efficacite de ces
nombreuses ecoles de dessin repandues a profusion pour developper le
sentiraent de l’art chez le peuple anglais, peu importe; les chiffres ont
des raisonnements sans r^plique, et lorsqu’on voit, depuis quelques
ann^es, l’exportation des objets classes nrt dUcorntif avoir augmentd chez
nos voisins dans une proportion de 80 pour 100 et davantage, il faut
bien se rendre ä l’evidence.
Ce serait nous 4tendre outre mesure que d’enlrer ici dans les details
donnes par le dernier rapport sur l’oeuvre de Kensington et sur les Crea
tions nouvelles concourant toutes, en Angleterre, au meine but; plus
de 180,000 Cleves payants y suivent aujourd’hui les dcoles de dessin.
Dans les autrespays, niemes prdoccupations, mthnes efforts; en Autriche,
depuis 1870, l’enseignement du dessin est obligatoire dans tous les eta-
blissements d’education de l’Empire. Dans l’Allemagne du Nord, on londe
des acaddmies nouvelles; en Italie, des societ&s, promotrice clelle belle arti;
\loscou poss&de ä prdsent un Musee des beaux-arts appliqu^s a l’industrie.
Nous avons en France un curieux travers qui consiste a d^crier de
pr4ference les institutions que l’etranger nous envie le plus. Que n’a-t-on
pas dit, que n’ecrit-on pa.s tous les jours sur l’inutilite d’une direction des
beaux-arts, sur les inconvenients d’une tuteile de l’Etat dans le domaine
de l’art? Pendant ce temps, nos voisins fondent les etablissements que
nous blämons et redament pour leurs artistes rette protection qui leur
manque.
Nous savons qu’il serait miraculeux que, dans un pays oii Fon entend
parfois demander l’abolition de l’aristocratie dans les arts, — laquelle aris-
tocratie ne jieul etre autre cbose que le talent,— il n’y eut pas pour la
peinture, comme ailleurs, un parti de libres pemeurs prets a nous proposer
le Systeme de l’art libre dans l’Etat libre, el la destruction d’un enseignement
et de traditions auxquels l’art francais doit sa force. II est dvident qu’on
accusera toujours, sous tous les r^gimes, l’administration, tantöt de lavo-
riser les artistes aux depens de l’art, tanlot de nuire a l’art en encoura-
geant certains artistes; il est clair qu’on l’attaquera si eile achete de>
oeuvres de grands maitres, bien plus encore si eile ne les achete pas.
Quelle conclusion en tirer? Faut-il renoncer a une Institution utile, parce
qu’elle prde ä la critique? Fermera-t-on l’Ecole de Rome, qui ne nous
renvoie pas tous les ans des liommes degdiie, ou le Conservatoire, parce
que nos th^ätres lyriques ne possedent pas une Malibran ou un Duprez?
L’Etat n’a pasla prdtention de cr4er, a coup si'ir, des gens de talent; mais
il a le devoir de lout faire pour y arriver.