LES ASPIRATIONS DES OUVRIERS.
151
a son egard. En verite, on ne peut blämer ces restrictions. G’est
dejä beaucoup que d’avoir obtenu des ouvriers une Sorte de re-
connaissance des bienfaits de la mecanique. Le delegue des con-
ducteurs typographes est vraiment un enthousiaste des machines.
Quelques autres delegu6s, ceux des cordonniers, des ouvriers en
voitures, des imprimeurs typographes, tout en admettant et en cö-
lebrant meine les avantages des machines, font des reserves sur
l’application qui en est faite. Le delegue des mecaniciens de preci-
sion semble exprimer avec exactitude le sentiment general de ses
confreres quand il dit: « G’est un besoin imperieux du present d’a
voir des connaissances süffisantes pour que l’ouvrier puisse tourner
ä son profit l’action revolutionnaire des machines-outils dans la
main-d’couvre mdcanique.» La possession de l’outillage industriel par
les societes coopöratives, c’est lä le röve de l’ouvrier de nos jours : il
est certain que la Realisation generale de cet ideal se fera longtemps
attendre. Quant aux temperamens qui doivent accompagner et adou-
cir l’introduction de machines nouvelles, 1 ouvrier a raison de les
rechercher et de les reclamer. Par malheur il est assez difficile de
decouvrir des mesures protectrices qui soient universellement appli
cables. Le delegue des ouvriers en voitures propose que, dans le cas
d’introduction de machines nouvelles, la journee de travail soit re-
duite d’une heure ou d’un temps plus ou moins long, afin que tout le
personnel puisse 6tre conserve. Une semblable pratique, si eile ne
devait pas etre temporaire et exceptionnelle, aurait bien des incon-
veniens : eile ferait une Situation tout ä fait privilegiee aux ouvriers
des corps d’etat oü la mecanique se serait le plus developpee, et les
consommateurs ne profiteraient pas de la baisse des prix; enfin,
comme il est peu probable que toutes les nations s’entendissent
pour une semblable reglementation, eile donnerait des avantages
aux industriels dtrangers qui seraient moins humains ou moins de-
bonnaires. Pour proteger l’ouvrier contre les maux qu’entralne la
brusque introduction de machines dans une industrie, nous ne
voyons gufere qu’une garantie efficace : l’assistance mutuelle for
tement organisee. Si les ouvriers realisaient avec le temps leur pro-
jet de constituer une foule de petites societes accumulant des fonds
de prevoyance et se soutenant reciproquement, ils pourraient sup-
porter, sans trop souffrir, les crises passageres qui seraient la suite
d’un changement instantane de l’outillage industriel.
Remarquons d’ailleurs que ces completes revolutions de la meca
nique sont rares et le deviendront de jour en jour davantage. Il se
passe un grand nombre d’annees avant qu’une machine dont les
avantages sont reconnus ait envahi tous les ateliers et chassö les
methodes anterieures de travail. Voyez le tissage ä la main, qui
n’est pas encore completement detruit, quoique le tissage automa-