LES ASPIRATIONS DES ODVRIERS.
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soit pas libre d’entrer et de sortir ä son gre, de commencer sa
täche ä l’heure qui plait ä chacun. Ils ont ä ce sujet des critiques
qui sont göneralement passionnees. Nous savons que le defaut de
la population francaise n’a jamais ete le culte de la discipline. La
discipline est pourtant une des plus grandes forces sociales; eile
n’a en eile-meine rien d’humiliant, eile est pour la societö ce
qu’est l’ordre pour l’individu. Que dans les röglemens de certains
ateliers il y ait des clauses soit superflues, soit trop rigoureuses,
cela est possibfe. Elles disparaitront avec le temps par l’accord des
ouvriers et des patrons; mais qu’on puisse concevoir une grande
industrie oü chacun prendrait et laisserait son travail ä son gre,
suspendrait subitement le jeu de son nieder ou derangerait son
voisin, c’est lä un rßve fort peu idbal et dont la realisation ne sau-
rait concorder avec le developpement de la production. Cette aver-
sion pour les räglemens d’atelier Irouve une excuse, non pas une
justification, dans la Situation particuliere de la plupart des in-
dustries parisiennes, qui, se pratiquant jadis exclusivement et en-
core aujourd’bui partiellement ä domicile, tendent ä s exercer de-
sormais dans de grands ateliers. 11 y a pour 1 ouvrier, de nouvelles
habitudes ä prendre qui lui repugnent. Convenons dailleuis que,
dans toutes les industries oü la mecanique ne joue pas un giand
röle, le travail ä domicile peut avoir des avantages cousidei ables.
III.
Les esperances des ddlegues ne se bornent pas au remaniement
des reglemens d’atelier, a la suppression des heures supplemen-
taires, aux rapprochemens des epoques de paie; ce ne sont lä que
les conditions d’un modus vivendi qu’ils regardent comme transi-
toire. Est-ce la participation aux bönefices, la creation de caisses
de retraite, qui lety~ apparaissent comme les signes distinctifs d un
rdgime definitif? La plupart d’entre eux accepteraient, comme un
avantage süffisant pour la periode de transition, des institutions de
cette nature; quelques-uns en font meme l’objet d’un vceu formel,
notamment les delegues des imprimeurs typographes, des marque-
teurs et des fondeurs en caractüres, mais avec cette reserve que leurs
esperances pour l’avenir vont beaucoup plus loin. D’autres delbgues
sont plus impatiens et se montrent singuliürement dedaigneux pour
toutes les ameliorations que la Philanthropie ou l’intelligence de
quelques patrons s’est efforcee de realiser. « Nous n’admettons pas,
dit le delegue des ceramistes, que le Systeme de participation dans
les benefices soit la solution du probleme : dans ce Systeme, le
Capital est plus favorise que le travail. L’ouvrier, par un surcroit
d’efforts, en vue d’un benefice illusoire, use plus promptement ses