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ecorche les pieds de ceux qui la suivent, et son extreme etroitesse ne permet pas
qu’on s’y engage autrement qu’en pieton modeste.
Cestcequont parfaitement compris les moines de Tchiko. Aussi leurs bottes so nt-
elles munies de semelles tellement fortes et hautes, garnies de clous si gros et si aHis-
tement tailles en pointes de diamant, que le marcheur le plus intrepide ne saurait
les user, marchat-il cent ans. Elles n’ont qu’un seul defaut, c’est d’etre lourdes, et con-
sequemment de retarder le voyageur qui s’en est chausse. Qu’a cela ne tienne,les moines
de Tchiko ont du temps de reste. Que leur importe d’arriver un peu plus tot ou un peu
plus tard, pourvu qu’ils arriyent sürement. Or, sans aucun doute, ils atteindront un
jour ou l’autre, comme le commun des morteis, le terme fatal du voyage. Grace äleur
prevoyance, ils y parviendront sains et saufs, du moins en ce qui concerne les pieds.
Leur entari de coton fin et brillant, a manches longues, larges et evasees, n’a rien
qui puisse les gener. II en est de merne du djubbe de drap qui le recouvre, et qui n’en
differe que parce qu’il reste ouvert par devant, au lieu d’etre ferme par la ceinture.
Leurs longs cheveux, suivant l’usage adopte chez les pretres du rite orthodoxe, se de-
roulent sur leurs epaules en flots presses et tumultueux. Leur barbe inculte, peignee
seulement aux heures de la meditation, lorsqu’ils y passent leurs doigts reveurs, contri-
bue a les doter d’un aspect general mystique et cenobitique, que vient completer ä
souhait, digne couronnement de cet edifice sacre, un kalpak noir et cönique, symboli-
quement pose sur le siege de leur pensee comme pour definir sa tendance, incessam-
ment dirigee vers les choses d’en haut.