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d’italiens ou d’allemands sachant lire et ecrire le turc.
Toutefois, la n’est pas la question, car Ton ne mesure pas le niveau de l’instruction
generale d’un peuple, a ce qne nous croyons du moins, d’apres sa connaissance des
langues et litteratures etrangeres; mais bien d’apres sa connaissance de sa propre
langue, de sa propre litterature. C’est plus particulierement l’instruction primaire
qui sert ordinairement de base ä de pareilles evaluations.
Or, il n’existe peut-etre pas au monde un autre pays que la Turquie, ou 1 instruc-
tion primaire soit aussi repandue, oü eile soit l’objet dautant de soins, dautant
d’encouragements, d’autant de sacrifices de la part de 1 Etat et des particuliers. II n y
a pas sur toute l’etendue du territoire de l’Empire Ottoman, en Europe, en Asie, en
Afrique, dans la plus petite bourgade, dans le plus infime village, une seule mosquee
et, dans les grandes villes, c’est par centaines qu on compte les mosquees qui n ait
dans ses dependances au moins un ou deux Colleges superieurs, une bibliotheque, une
ecole primaire surtout, enoutre d’etablissements de bienfaisance telsque fontaines,bains
publics, hans pour les voyageurs, hospices et hopitaux.
II faut avouer, pourtant, que dans les ecoles primaires turques, c’est le turc que l’on
enseigne. On n’y apprend pas ä lire et ä ecrire de gauche ä droite; mais bien de droite
a gauche, de Sorte que, pour un europeen, c’est par la fin que l’ecolier turc et son
maitre lui-meme ouvrent leur livre et commencent a lire. Si c’est la qu’est le mal,
si c’est en cela que consiste l’ignorance du peuple turc, eile est flagrante. On pour-
rait neanmoins poser ici un point d’interrogation : Commencer par la fin, n’est-ce pas
un progres ?
Quoiqu’il en soit, aucun moyen n’est neglige pour rendre l’etude, le sejour meme
de l’ecole agreables aux enfants turcs, pour les leur faire desirer, pour stimuler leur envie
d’apprendre, pour öter a leurs parents, s’ils sont pauvres, tout pretexte de les garder
chez eux ou de les laisser vaguer par les rues, comme les gamins occidentaux. Sauf
quelques rares exceptions, il n’y a pas de grandes maisons manufacturieres en Turquie;
les parents ne peuvent donc pas, alleches par l’appät d’un liiere malsain, sacrifier la
vigueur, la moralite, l’intelligence de leurs enfants au demon industriel. L’enfant peut
a la fois etudier et travailler en famille; il a raisonnablement de temps de reste de
part et d’autre, tant pour la maison, tant pour l’ecole.
Des revenus considerables, legues aux mosquees par les Sultans, les meres des
souverains, les Vezirs, les riches particuliers, permettent de distribuer aux enfants, dans
toutes les ecoles primaires, une nourriture gratuite, saine et abondante. Il est meme
quelques ecoles,notamment celle de la mosquee Valide Djedid,ä Scutari du Bosphore, oü
on leur donne a chacun deux habillements complets chaque annee, un pour l’hiver, un
pour l’ete.
Dans les ecoles secondaires ou speciales, dirigees par l’Etat, les eleves sont non
seulement loges, nourris, habilles, etc., mais encore ils regoivent une solde.
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